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Vendredi 22 septembre 2023, SMART BOURSE reçoit Jérémie Boudinet (Head of Investment Grade Credit Portfolio Management, La Française AM)

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00:00 [Musique]
00:10 Le dernier quart d'heure de Smart Bourg, chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13 Le thème ce soir nous amène à nous intéresser au secteur bancaire à travers la dette bancaire,
00:18 de l'intérêt de la dette bancaire dans ces marchés.
00:21 Nous en parlons avec Jérémy Boudinet à mes côtés en plateau,
00:23 le responsable de la gestion Investment Grade à la française AM.
00:26 Bonsoir Jérémy.
00:27 Bonsoir.
00:28 Merci beaucoup d'être là.
00:30 Alors l'actualité effectivement qui démontre l'intérêt qu'on peut avoir pour le secteur bancaire,
00:35 c'est le lancement d'une stratégie dédiée à la dette bancaire, c'est ça ?
00:39 Tout à fait.
00:39 À travers un fonds à échéance 2027.
00:41 On va parler de la stratégie que vous avez mise en place effectivement
00:45 pour aborder ce segment de marché de la dette bancaire.
00:48 Mais j'y vois déjà le signe que pour certains professionnels, analystes, gérants,
00:53 il y a vraiment de la valeur et de la valeur de qualité,
00:57 même j'ai envie de dire dans ce secteur bancaire,
00:59 qui reste quand même un objet à part dans le monde des marchés,
01:03 un secteur à part, que ce soit pour la partie equity,
01:06 mais j'imagine qu'on retrouve à peu près la même chose pour la partie dette bancaire
01:09 par rapport à de la dette d'entreprise plus classique, plus traditionnelle.
01:13 Il y a toujours l'idée que ce secteur a du mal à surmonter sa mauvaise réputation.
01:16 Alors évidemment, l'histoire des dernières années montre que oui,
01:20 il y a des raisons pour que certains établissements
01:23 ou certains acteurs de ce secteur bancaire puissent encore avoir une mauvaise réputation aujourd'hui.
01:29 Néanmoins, je trouve que l'ampleur de l'écart entre l'analyse des fondamentaux
01:35 que me rapportent les analystes spécialistes du secteur
01:38 et la psychologie des investisseurs vis-à-vis de ce secteur bancaire,
01:41 j'ai l'impression que cet écart ne fait que grandir.
01:44 Tout à fait.
01:44 Comment vous expliquez ?
01:45 Est-ce qu'il y a une explication rationnelle qui permet de comprendre
01:50 ce désamour finalement entre les marchés et ce qu'on peut regarder des fondamentaux du secteur ?
01:56 Tout à fait.
01:57 Là-dessus, on a une thèse qui est un petit peu iconoclaste.
02:00 C'est-à-dire que historiquement, les banques sont considérées comme un secteur cyclique.
02:04 Eh bien nous, et notamment pour les porteurs obligataires,
02:07 désormais, nous pensons que les banques ne sont plus cycliques.
02:11 Et ça, c'est quelque chose qui n'est pas du tout naturel.
02:14 Normalement, elles sont vecteurs de transmission de l'économie réelle.
02:20 Néanmoins, ce dont on se rend compte depuis la faillite de Lehman Brothers,
02:25 c'est qu'en réalité, elles n'ont fait qu'être régulées davantage.
02:29 Alors, pour nous, porteurs obligataires, c'est magnifique.
02:32 On a des banques qui sont plus solides,
02:34 qui ont été forcées de se délaisser de leurs actifs non performants,
02:37 qui ont été forcées de se consolider de manière importante.
02:40 Et cela atteint désormais des sommets
02:43 puisque la Banque Centrale Européenne et les autres régulateurs
02:46 contrôlent en réalité la totalité de la politique bilancielle de rentabilité
02:52 et même la politique de distribution de dividendes et de rachat d'actions.
02:56 Donc, on se retrouve dans un secteur qui est administré tel des utilities,
03:02 donc des secteurs de services aux collectivités,
03:04 ou alors des compagnies d'assurance qui sont surcapitalisées, très liquides.
03:10 Et cela est relativement négatif pour les actionnaires
03:15 puisqu'ils ont des retailleurs non equity qui ne sont vraiment pas fameux depuis 2008.
03:20 Néanmoins, et ça a été démontré pendant le Covid,
03:24 les porteurs obligataires ont toujours été protégés.
03:26 Et cela va être, selon nous, encore le cas dans le cycle à venir.
03:31 Cette potentielle récession qui se fait attendre,
03:34 même s'il y a les chiffres macroéconomiques,
03:36 notamment ceux d'aujourd'hui,
03:37 - Renforce cette idée-là, peut-être ? - Viendra.
03:40 - C'est encore l'Europe ? - Néanmoins, comme vous le soulignez,
03:42 en effet, c'est un secteur qui est très décoté.
03:44 Mais vous dites, ça veut dire, quand je dis les investisseurs,
03:46 non, il y a des investisseurs qui vont dans le secteur bancaire
03:49 et d'ailleurs qui ont plutôt eu raison de le faire,
03:51 au moins depuis quelques mois, voire depuis une paire d'années maintenant.
03:55 Mais il y a l'idée quand même que le monde des marchés regarde encore ce secteur
03:59 avec les yeux de 2008, de la grande crise financière
04:03 et de toute la période qui s'en est suivie.
04:06 Tout à fait.
04:08 Et d'ailleurs, on le ressent en termes de valorisation.
04:11 Aujourd'hui, l'écart de valorisation
04:13 entre des titres de dette bancaire et non bancaire,
04:16 cet écart de valorisation en termes de marge de crédit,
04:19 de spread, de rendement, est au plus haut depuis 2012.
04:22 Et à l'époque, pour le coup, le secteur bancaire était véritablement en crise.
04:26 On avait vraiment des banques, notamment des pays qu'on appelait périphériques,
04:29 des banques qui ne tenaient qu'à un fil,
04:31 celui de la liquidité de la Banque Centrale Européenne.
04:33 Désormais, ce n'est plus le cas.
04:35 Désormais, ces banques-là vont bien mieux.
04:37 Et on pourrait même arguer que bon nombre de banques de ces pays dits périphériques,
04:43 en réalité, se comportent bien mieux,
04:45 à la fois pour leurs actionnaires et pour leurs créanciers,
04:48 que certaines banques de grands pays.
04:50 Et je pense que l'exemple récent de Société Générale peut le démontrer.
04:53 Même si, encore une fois,
04:55 le plan de Société Générale qui a tant déçu les investisseurs côté actions,
04:58 pour nous, c'est du pain béni.
05:00 Oui, je comprends.
05:01 Néanmoins, qu'est-ce que vous retenez des épisodes ?
05:05 La mauvaise réputation, elle vient aussi du fait que,
05:07 effectivement, contrairement à des sociétés non financières,
05:09 une banque, ça peut mourir de liquidité en quelques heures.
05:14 Le passé récent nous le montre encore,
05:17 que ce soit dans le tissu des banques régionales américaines
05:19 ou crédit suisse sur le territoire européen.
05:22 Qu'est-ce que vous retenez de ces événements,
05:24 du stress de marché que ça a provoqué,
05:26 et six mois après, en tant que porteur obligataire,
05:29 puisqu'on regarde ce marché-là, la dette financière, Jérémy,
05:34 quelle conclusion vous en retirez ?
05:36 Alors, en effet, c'est pas anodin.
05:38 On a quatre banques qui sont parties en fumée en l'espace de quelques semaines,
05:42 dont une banque dite systémique à l'échelle mondiale,
05:44 crédit suisse, c'est pas rien.
05:46 C'était des banques qui étaient relativement mal gérées.
05:49 Les leçons que l'on peut en tirer, c'est qu'en effet,
05:52 une banque pourrait être aussi solide qu'elle le souhaite,
05:56 si elle n'a pas la confiance de ses épargnants ou de ses contreparties,
05:59 en 48 heures, elle est morte.
06:01 C'est fini.
06:01 Et ça, ça sera toujours valable.
06:04 Donc en effet...
06:04 Ça explique pourquoi le secteur bancaire est un secteur à part,
06:07 fondamentalement.
06:08 Complètement.
06:08 C'est le seul secteur, presque, où cela peut se produire,
06:11 puisque une banque qui est toujours gérée,
06:14 est bien presque au jour le jour, en termes de liquidité.
06:16 Donc, évidemment, là-dessus, c'est un secteur à part.
06:20 Néanmoins, on a vu que ce n'était pas une crise systémique.
06:23 Et ça, c'est relativement intéressant.
06:26 Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres faillites à venir.
06:28 Je pense notamment aux États-Unis,
06:30 où ils ont quand même un très long chemin devant eux,
06:33 parce qu'ils ont 10 ans de retard en termes de réglementation.
06:37 Ils n'ont pas voulu suivre les efforts des Européens.
06:39 Ils les payent un petit peu.
06:41 Quant à Crédit Suisse, c'était une banque qui était engluée
06:44 dans des problèmes financiers et extra-financiers,
06:47 mais surtout de gouvernance, qui était désastreuse,
06:49 et avec ses clients, tout simplement, qui la fuyaient.
06:52 Donc, la conséquence, c'est qu'en effet,
06:55 évidemment, il vaut.
06:58 Les pertes peuvent être extrêmement importantes
07:00 et très violentes et très soudaines.
07:02 Par contre, en Europe, on a maintenant des banques
07:06 qui sont très solides et surtout beaucoup plus tranquilles,
07:09 parce que le vrai risque, c'est que les déposants s'en aillent.
07:12 - Et aujourd'hui, c'est un risque... - Ce n'est pas ce qu'on a vu ?
07:14 - Ce n'est pas ce qu'on a vu. - Non.
07:16 Et je ne pense pas qu'on le voit.
07:17 Alors, je dirais même qu'il y a un indicateur
07:18 que l'on voit de plus en plus,
07:19 ce sont les comptes à terme, qui reviennent beaucoup à la mode,
07:22 et à juste titre, tout simplement,
07:25 parce qu'il faut rémunérer ces dépôts-là.
07:26 Alors, en France, on a le livret A.
07:28 Mais dans plein d'autres pays,
07:30 les dépôts étaient encore peu, voire pas rémunérés,
07:33 jusqu'à il y a encore quelques mois.
07:34 Donc, évidemment, les banques, pour le moment,
07:37 ne voient pas de fuite de leurs dépôts.
07:39 Je ne pense pas que cela se produise en réalité.
07:42 Tout simplement, parce que le comportement
07:43 des épargnants européens est bien plus conservateur
07:47 que ceux des épargnants américains,
07:48 qui, en un claquement de doigt, eux,
07:50 - vont chercher la concurrence. - Exactement.
07:51 Il y a une viscosité structurelle de l'épargnant en Europe.
07:55 Totalement.
07:56 Qui prémunit les banques de ce phénomène de fuite ?
08:00 Un exemple très simple, c'est que, par exemple,
08:02 les épargnants américains peuvent très facilement
08:04 acheter de la dette gouvernementale américaine,
08:08 court terme, qui rapporte bien mieux
08:10 que leurs comptes de dépôt,
08:12 là où, en Europe, cela se développe à peine.
08:14 Aujourd'hui, on a vu...
08:16 - Il y a des offres qui arrivent. - Justement, à partir de 1 euro.
08:19 Et ça, c'est très bien,
08:20 parce que cela dynamise un petit peu ces marchés-là,
08:22 et ça force les banques à sortir du guet.
08:25 Mais, encore une fois, au détriment de leur rentabilité,
08:27 ce qui n'est pas forcément bon pour leurs actionnaires.
08:29 Qu'est-ce qu'on peut dire de l'univers d'investissement ?
08:32 Et en matière de stratégie,
08:34 avec quel type de dette financière vous êtes à l'aise aujourd'hui,
08:38 en termes de maturité, en termes de niveau de risque ?
08:41 Je vois que vous êtes responsable de la gestion "investment grade".
08:44 Est-ce qu'il n'y a que de l'IG dans ce portefeuille,
08:46 ou est-ce que c'est un univers d'investissement
08:47 qui va au-delà de la seule notation "investment grade" ?
08:51 Alors, l'univers des dettes financières,
08:53 mais ici, pour nous, c'est quasiment exclusivement des banques.
08:56 C'est là, de toute façon, où on est le plus confiant,
08:58 et en plus, c'est là où il y a de la décote.
09:00 Donc, ça tombe bien, ça nous arrange.
09:02 Il est essentiellement "investment grade".
09:04 Les banques en Europe sont relativement bien notées,
09:07 hormis quelques banques de pays dits "périphériques".
09:10 Mais encore, on l'a vu ces derniers jours,
09:13 plusieurs banques qui voient leur notation être rehaussée.
09:17 On a eu, par exemple, une banque portugaise,
09:19 on a eu des banques grecques qui reviennent un petit peu.
09:21 Les agents de notation ont toujours un an ou deux de retard
09:24 sur la réalité des chiffres financiers.
09:27 Néanmoins, ce n'est pas anodin.
09:29 Donc, aujourd'hui, on est sur une stratégie
09:30 qui est environ à 80% "investment grade".
09:33 Par contre, nous avons des rendements qui sont dignes du "high yield".
09:37 Et ça, c'est quelque chose qui est véritablement inédit.
09:41 Donc, là où on va, ce sont essentiellement sur des banques européennes.
09:45 Quand je dis "essentiellement", c'est même à plus de 95% en Europe.
09:49 Tout simplement parce que c'est là où il y a des rendements attractifs.
09:54 Et ce, aussi, pour une raison supplémentaire,
09:57 c'est que les banques sont forcées d'émettre énormément de dettes.
10:00 Alors, ça paraît très paradoxal,
10:02 les banques sont aussi le seul secteur où,
10:05 pour être considérées comme plus sûres,
10:06 il faut qu'elles s'endettent davantage,
10:08 tout simplement pour protéger les déposants.
10:11 Ça nous arrange. Elles doivent venir émettre davantage.
10:14 Et bien, les conditions...
10:15 - Elles en payent le prix aujourd'hui. - Exactement.
10:17 Et nous, nous venons pour investir là-dessus.
10:19 Et pour répondre à votre question sur les maturités,
10:22 eh bien, l'épente de taux, aujourd'hui, gouvernementaux, sont inversées.
10:27 Il y a relativement peu d'intérêt, en réalité, à aller au-delà de 3, 4, 5 ans.
10:32 - Oui, je comprends. - Au-delà de 5 ans, ça n'a aucun intérêt.
10:34 On prend juste du risque de taux, de la sensibilité au taux d'intérêt.
10:39 Autant le faire avec d'autres obligations que celle de la dette bancaire.
10:42 Par contre, sur les obligations, que j'irai plus courte,
10:46 donc 2027, 2028, là, on a vraiment de très belles choses.
10:51 C'est ce qu'explique d'ailleurs le lancement de nombreux fonds à échéance depuis ces derniers mois.
10:56 Quel type d'espérance de rendement avec cette stratégie, est-ce qu'on peut attendre, Jérémy ?
11:01 Alors aujourd'hui, le portefeuille fait état d'un rendement actuariel,
11:04 - truc de frais, bien sûr, - de 6,4%.
11:07 D'accord.
11:08 Ce qui est vraiment intéressant, c'est, encore une fois, ce sont des rendements de high yield,
11:13 alors que nous sommes sur un portefeuille qui est noté en moyenne "investment grade".
11:18 Donc, là-dessus, on le voit vraiment, c'est très attractif,
11:23 et notamment en allant chercher des émetteurs, pas seulement les banques les plus connues,
11:28 les dits plus grosses banques européennes, on va aussi aller chercher des petites pépites.
11:32 Je pense par exemple à la première banque slovéne, qui est détenue partiellement par l'État,
11:37 donc relativement peu de risques, avec une part de marché de 30%.
11:40 Eh bien, elle doit émettre avec des coupons de plus de 7%.
11:43 On va aller sur des banques polonaises qui viennent avec des coupons de plus de 9%.
11:48 Donc, sur de la dette senior, qui elle, contrairement aux dettes subordonnées,
11:53 et ça on peut en parler, qui font faillite, on a beaucoup moins de risques.
11:57 Il faut sortir un peu, effectivement, des grands noms et des indices, des benchmark,
12:00 pour aller chercher ces rendements-là.
12:04 C'est l'objet, justement, d'avoir des spécialistes pour gérer ça.
12:07 - Oui, alors 30 secondes, on ne va pas faire l'histoire des hybrides,
12:10 mais ça fait partie de votre univers d'investissement.
12:12 Sans refaire toute l'histoire, Crédit Suisse a été un choc majeur pour ce segment de marché,
12:16 quand on a vu les AT1 de Crédit Suisse mis à zéro dans le rachat par UBS.
12:21 Est-ce que c'est un marché qui respire, qui vit encore, là, 6 mois après ?
12:24 - C'est un marché qui vit encore, mais tout de même, les investisseurs asiatiques
12:30 à qui ces titres-là étaient refourgués, notamment la clientèle de banques de détail,
12:36 ce qui, en Europe, est complètement interdit,
12:38 eux, n'ont pas l'air de vouloir revenir.
12:40 Néanmoins, c'est un marché qui vit, et surtout, tout le monde attend le grand retour d'UBS
12:44 sur le marché primaire.
12:45 6 mois après, il y a un petit côté symbolique, donc tout le monde l'attend.
12:50 Néanmoins, c'est un marché, malgré tout, qui a de bons rendements
12:52 et qui vit encore, quand même, pas trop mal.
12:54 On a de nouvelles émissions, les émetteurs se portent bien,
12:57 et on a des coupons relativement intéressants.
12:59 - Donc, ce n'est pas un marché qui est mort au Nord.
13:01 - Intéressant de voir, effectivement, à quelles conditions UBS pourrait émettre ces nouvelles AT1,
13:07 puisque c'est visiblement une volonté chez UBS, quelques mois après le rachat de Crédit Suisse.
13:12 Merci beaucoup, Jérémy. Merci d'être venu évoquer ce secteur bancaire
13:16 à travers l'investissement dans la dette financière.
13:19 Vous êtes responsable de la gestion Investment Grid à la française Asset Management.
13:23 - Merci beaucoup.
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