Mercredi 22 mai 2024, SMART BOURSE reçoit Kelly Hebert (Directrice générale France, M&G; Investments)
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00:10 Le dernier quart d'heure de Smart Bourse, chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:13 Le thème ce soir c'est le grand sujet de la démocratisation des actifs privés au sens large et de la dette privée en particulier.
00:20 Nous en parlons avec Kelly Hébert qui est directrice générale France de MNG Investments.
00:24 Bonsoir Kelly.
00:25 Bonsoir Eric.
00:26 Merci beaucoup d'être là. Oui j'essaye de circonscrire le sujet à la dette privée
00:31 parce que la vague de démocratisation dont on parle touche beaucoup d'actifs privés au sens large, private equity etc.
00:37 Mais là le sujet c'est celui de la dette privée spécifiquement.
00:41 Comment on définit cette classe d'actifs ? De quoi est-ce qu'on parle précisément aujourd'hui quand on évoque la dette privée ?
00:48 C'est une bonne question et c'est sûrement important de le définir
00:52 parce que c'est vrai que le private equity a été une classe d'actifs dans l'univers non coté alternatif
00:57 qui était plus connue et sûrement plus abordable puisque ce sont des histoires d'entrepreneurs
01:02 avec des entreprises qui font juste le choix de ne pas aller se coter en bourse.
01:06 Du côté de la dette privée on parle de quoi ? On parle en fait d'emprunts non bancaires.
01:10 Donc très similaire au private equity, des sociétés qui sont non cotées et qui décident d'émettre des financements hors système bancaire.
01:20 En tout cas ce sont des sources de financement alternatives.
01:23 Que représente ce marché aujourd'hui et qu'est-ce qu'on peut dire au delà de la photo ?
01:27 La dynamique de ce marché de dette privée spécifique.
01:30 Encore une fois le développement des actifs privés a été majeur au cours des dernières années.
01:35 Qu'en est-il spécifiquement de la dette privée ?
01:37 La dette privée ne fait que doubler tous les cinq ans si on revient sur les dix dernières années.
01:42 En 2015 la dette privée représente 500 millions.
01:47 Et puis milliards.
01:54 En 2021 c'était déjà 1200 milliards et on pense que d'ici 2027 ça aura encore doublé pour atteindre 2300 milliards.
02:05 Ça c'est global autour du monde.
02:07 Il faut revenir un petit peu à la genèse. Cette explosion ou cette croissance, pour utiliser un terme positif, de la dette privée,
02:18 il faut revenir à une croissance accélérée depuis 2008.
02:23 Une crise financière globale avec les banques qui se retirent d'un segment de financement et de prêts.
02:34 La nature ayant horreur du vide, les sociétés continuent d'avoir besoin de lignes de crédit de financement.
02:42 Des acteurs vont se proposer pour fournir ces financements.
02:47 Notamment les gérants d'actifs, tout comme nous pouvons l'être chez M&G Investment et d'autres.
02:52 C'est vraiment un phénomène qui a beaucoup accéléré.
02:57 Pour revenir sur le private equity, on a eu une décélération du nombre d'IPO, d'introduction en bourse.
03:04 Entre 1980 et 2000, il y a à peu près 6000 introductions en bourse dans le monde.
03:10 Sur les 20 années suivantes, entre 2001 et 2022, il y a moins de 3000, donc deux fois moins d'introduction en bourse.
03:18 Au même moment, vous avez forcément le marché du PE qui lui explose pour atteindre plus de 7000 milliards.
03:24 Tout cela va ensemble.
03:27 Cette dynamique du private equity ces dernières années, la dette privée a accompagné ces entreprises financées hors marché coté,
03:38 qui avaient aussi besoin parfois d'instruments de créance ou de dette pour leur financement.
03:45 Oui, et puis on a eu ces 20 dernières années, beaucoup de secteurs qui sont devenus de plus en plus techniques.
03:50 Je pense que ce soit la biothèque, la pharmacie, la santé, l'IT.
03:54 En fait, c'est pour apprécier le risque représenté par le produit ou les services présentés par ces entreprises,
04:00 il faut avoir des analystes financiers qui sont capables d'apprécier le business model, le brevet,
04:06 les caractéristiques techniques qui sont présentées par l'entreprise.
04:11 Les banques, depuis 2008, ayant retiré des analystes et des expertises,
04:16 n'étaient plus capables d'apprécier le risque présenté par ces secteurs d'activité très techniques.
04:22 Donc, nous, en tant que gérants d'actifs, nous et d'autres,
04:27 on a été capables d'investir pour recruter des experts qui sont capables d'appréhender les différents business models.
04:33 Il y a eu un mouvement de transfert entre l'analyse du risque fait par les banques et l'analyse du risque,
04:40 et la capacité à analyser le risque et à investir chez les asset managers comme vous aujourd'hui.
04:44 Vous êtes dans le top 3 des détenteurs de dettes privées en Europe, c'est ça aujourd'hui ?
04:50 Oui, exactement. Sur les actifs privés, on gère quasiment 90 milliards.
04:54 Et sur la dette privée, prenons par exemple le cas des loans, des prêts pour seigneurs,
05:01 c'est 8000 milliards gérés aujourd'hui, et c'est plus de 700 experts.
05:05 Oui, bien sûr. Qu'est-ce qu'on peut dire des caractéristiques de ces actifs, de cette dette privée ?
05:12 En l'occurrence, est-ce que vous travaillez sur des segments particuliers ?
05:17 Est-ce que ça couvre le financement de tout type de secteur aujourd'hui ?
05:20 Ou est-ce qu'on retrouve des secteurs en première ligne qui utilisent la dette privée pour s'y financer ?
05:27 En termes de rendement, qu'est-ce que ça donne également ?
05:31 En termes de risque, également, par rapport à de la dette cotée, notamment de la dette obligataire traditionnelle,
05:37 qu'est-ce qu'on peut dire des caractéristiques de ce segment ?
05:39 C'est des très bons points, parce que c'est évidemment très attractif,
05:43 sinon il n'y aurait pas eu un tel essor et un tel engouement de la part des investisseurs institutionnels,
05:48 et maintenant, les particuliers ou cette démocratisation des actifs.
05:54 Elle vient évidemment parce que les rendements qui sont proposés dans l'univers de la dette privée sont attractifs,
06:03 parce qu'il y a cette prime d'illiquidité.
06:05 Forcément, vous n'avez pas cette notion de cotation en bourse, où vous pouvez à tout moment redonner votre titre,
06:11 donc vous êtes quelque part "obligé" de le porter jusqu'à l'échéance.
06:15 Cette prime d'illiquidité, pour vous donner un petit peu un exemple,
06:19 par exemple, sur les dix dernières années, la dette privée c'est 10% de rendement par an.
06:23 Le yield c'est entre 3 et 4%.
06:25 Donc là, c'est un effet rétroviseur, mais cette prime d'illiquidité va rester vraie dans le futur,
06:32 et donc on peut s'attendre à avoir des rendements qui continueront d'être attractifs sur ce segment-là.
06:37 Après, il faut être vigilant, puisqu'il faut être sélectif.
06:42 Tous les secteurs d'activité peuvent être représentés au sein de la dette privée,
06:46 puisque la seule caractéristique à respecter, c'est d'être non coté.
06:51 Mais encore une fois, nous on va prêter, et je vais vous donner des exemples concrets,
06:56 parce que les investisseurs parfois n'ont pas toujours de notion de de quelle société on parle.
07:02 On investit, nous par exemple, on prête des capitaux à Vela, la marque de shampoing,
07:07 ou peut-être plus connu, Verissure, le leader de la sécurité, des alarmes, Flora, Lebeur...
07:13 - Ah mais c'est du financement direct de l'économie !
07:15 - C'est du financement direct de l'économie.
07:18 Là où il faut être vigilant, c'est qu'on est quand même dans une période de l'économie,
07:21 et vous venez d'en parler, est-ce qu'on est sur un soft lending, non lending ?
07:26 En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'en effet, il faut être vigilant sur les niveaux de défauts,
07:31 qui sont très bas depuis dix ans. Est-ce qu'ils vont monter ?
07:34 Ce n'est pas notre opinion, mais il faut être vigilant sur où vous êtes positionné dans la structure du capital.
07:41 Et nous, c'est vrai qu'on va favoriser une approche plutôt défensive.
07:44 On va aimer les sociétés qui sont plutôt tout en haut, donc dites seniors,
07:48 alors pour lesquelles, par exemple, il y a un collatéral en face.
07:51 - D'accord. Donc on peut quand même avoir des éléments de seniorité, effectivement,
07:55 en tant que porteur de dettes privées. Ça ne nous met pas non plus en dessous de tous les autres créanciers.
08:00 - Au contraire, vous êtes même tout en haut, pour faire la queue, en cas de problème.
08:06 - Oui, bien sûr. - Vous êtes tout en haut de la structure du capital.
08:09 Et ces collatérals, c'est très intéressant de s'intéresser à ce qu'il y a derrière un collatéral.
08:13 Il peut y avoir des machines, un immeuble, des brevets,
08:17 ça permet, en cas de défaut, d'avoir un taux de recouvrement qui est bien supérieur.
08:22 Le high yield, quand une société annonce le défaut, le high yield, le taux de recouvrement, c'est 40%.
08:27 - 40% ? D'accord. - Là, vous récupérez plus de 70%.
08:31 - D'où le bon sourcing, évidemment. C'est toujours la question de la sélectivité du dossier, etc.
08:38 Comment est-ce qu'on adapte ce marché, qui est un marché qui a suscité beaucoup d'engouement,
08:43 beaucoup de la part d'investisseurs institutionnels, avisés, sophistiqués, capables de comprendre
08:48 et capables de s'engager aussi sur cette illiquidité, d'une certaine manière,
08:52 comment est-ce qu'on adapte ces produits, puisqu'on retrouve ça dans des fonds,
08:57 à des clients privés particuliers, aujourd'hui ?
09:02 - Alors, le vrai sujet pour, je pense, que cette démocratisation arrive,
09:07 et je pense qu'elle est vraiment nécessaire, parce que si on réfléchit en termes de construction de portefeuille,
09:11 il y a une vraie diversification à aller chercher en investissant sur une partie du marché qui est déjà non cotée.
09:19 Vous avez moins de volatilité et des rendements qui sont attractifs.
09:23 Donc, en termes de pure construction de portefeuille, je pense que tous les investisseurs
09:27 doivent s'intéresser à cette partie non cotée, dite alternative.
09:31 Sur la dette privée spécifiquement, ce qui va être intéressant,
09:39 c'est notamment, et là je reviens sur un fait conjoncturel, le fait qu'il n'y ait pas de duration.
09:45 Et si on a des sujets de remontée des taux, baisse des taux, finalement, on ne sait plus à l'heure actuelle,
09:52 on pensait qu'il y allait avoir une baisse de taux et finalement...
09:55 - Est-ce qu'il faut être long de duration ou court de duration ?
09:57 Beaucoup s'y sont pris un peu les pieds dans la tapisière.
09:59 - Et donc, du coup, là déjà, vous êtes protégé de ces sujets-là.
10:02 Pour revenir sur votre question sur comment l'offrir au plus grand nombre,
10:08 il faut offrir de la liquidité.
10:10 - D'accord. La clé, c'est ça.
10:12 C'est traiter la question de la liquidité auprès d'un public qui peut dire
10:16 "Oui, je m'engage dans un tunnel de 5, 8, 10 ans, pas de problème",
10:19 mais qui peut à un moment avoir besoin quand même de retirer de l'argent.
10:22 - Exactement. Parce qu'on a tous à un moment besoin de liquidité,
10:27 sauf les familles avec les plus gros patrimoines ou les institutionnels.
10:32 Et c'était les raisons pour lesquelles elles pouvaient se permettre d'être coincées
10:35 parfois pendant 7, 10 ans.
10:38 Mais pour tout autre investisseur, il faut pouvoir à un moment donné accéder,
10:42 parce qu'on a besoin de liquidité, à ces investissements.
10:46 Et donc, nous, on a réfléchi chez MNJ Investment
10:49 comment on pourrait fournir une stratégie qui offre une liquidité mensuelle
10:54 et jusqu'où on peut aller en termes de rendement pour offrir cette liquidité mensuelle.
10:58 - J'entends. - Ce qui est un équilibre qu'il faut trouver.
11:01 Et nous, aujourd'hui, on pense qu'on arrive, et d'ailleurs on a une stratégie, un LTIF,
11:06 qui aujourd'hui propose un rendement entre 9 et 10 % par an,
11:12 avec une liquidité mensuelle.
11:15 - D'accord. Donc il faut accepter, peut-être que le rendement est un peu moins
11:19 que si on était vraiment dans l'illiquidité totale,
11:21 mais on a cette liquidité mensuelle.
11:23 Vous dites que c'est un équilibre, et ça c'est l'équilibre qui convient
11:26 à la clientèle que vous adressez aujourd'hui.
11:28 - Exactement, et c'est très important parce qu'en effet, dans la dette privée,
11:31 on n'a peut-être pas assez de temps pour revenir sur tout ce qu'il y a
11:34 dans l'univers de la dette privée, mais il y a les prêts illiquides,
11:37 qui sont les senior loans, par exemple, et il y a ce qu'on appelle le direct lending,
11:41 ou les junior loans, et ça, ça va être moins liquide.
11:44 Et plus vous allez être moins liquide, plus vous allez avoir de rendement.
11:49 Et donc, nous, pour constituer un portefeuille avec une liquidité mensuelle,
11:54 on a à peu près 70% d'obligations de prêts qui sont seniors,
12:01 avec une liquidité quotidienne, donc un très gros marché secondaire,
12:04 et on a 30% de stratégies de dettes moins liquides,
12:09 qui viennent booster un peu le rendement.
12:11 - El Tif, apprenez, effectivement, c'est la chronique européenne,
12:13 le cadre réglementaire qui régit effectivement les fonds d'investissement
12:18 en actifs privés, c'est ça, Kelly ? - Oui.
12:21 - Voilà. Merci beaucoup, Kelly Hébert, d'être venu nous voir pour faire ce point
12:24 sur le marché de la dette privée, qui, comme les autres classes d'actifs privés,
12:29 s'ouvre aux particuliers, ou en tout cas aux clients privés.
12:31 Kelly Hébert, directrice générale France de M&G Investments.
12:34 (indicatif musical)
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