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Lundi 21 octobre 2024, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)

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00:00Le dernier quart d'heure de Smartboard chaque soir, c'est le quart d'heure thématique et chaque lundi, c'est un quart d'heure américain qui nous permet de retrouver Pierre-Yves Dugas, notre correspondant américain avec nous en visioconférence.
00:22Pierre-Yves, on entre vraiment dans le sprint final, le money time, on aura l'occasion d'en reparler encore ces prochains lundis avec vous avant le jour J du 5 novembre.
00:32Mais quels sont les grands scénarios qui se déclinent aujourd'hui devant nous pour le résultat de cette élection présidentielle et de l'élection, de la réélection d'un certain nombre de membres de la Chambre des représentants et du Sénat, Pierre-Yves ?
00:47J'ai essayé de vous faire, par ordre croissant d'inquiétude pour les marchés, les différentes permutations possibles de résultats électoraux puisque, ne l'oublions pas, nous avons aux États-Unis, qui va s'achever le soir du mardi 5 novembre, des élections présidentielles mais des élections législatives et l'interconnexion des deux est plus que jamais très importante.
01:16J'ai retenu six possibilités dans ce que j'appelle des scénarios, pour parler français, de cohabitation, qui sont des scénarios qui favoriseraient ce que l'on appelle aux États-Unis le ticket splitting.
01:32Le ticket, c'est historiquement en tout cas la longue bande de papier qui représentait, ce n'est plus toujours le cas suivant les machines à voter maintenant, les multiples bulletins de vote dans lesquels on devait faire des trous.
01:48Les Américains peuvent panacher. Ils peuvent choisir un démocrate comme président et un républicain comme sénateur ou comme député ou un indépendant.
01:59Toutes les permutations sont possibles. Au cours des 20 dernières années, ce ticket splitting s'est plutôt modéré mais on entend dire, on pourra le vérifier le soir du 5 novembre, qu'aujourd'hui, le ticket splitting peut revenir à la mode, ce qui peut arranger les deux candidats à la présidentielle.
02:17Ticket splitting, première possibilité, Kamala Harris est élue présidente mais elle se retrouve face à elle avec un Sénat qui sera probablement républicain et une Chambre qui probablement sera encore républicaine ou de très courte majorité en tout cas dans un camp ou dans l'autre.
02:36C'est pratiquement la continuité dans ce cas-là. C'est en gros ce qui se passe aujourd'hui sauf que pour le moment, le Sénat est encore de justesse contrôlée par les démocrates.
02:46Deuxième possibilité, Kamala Harris se retrouve face à un Sénat républicain et une Chambre qui pourrait être soit démocrate soit républicaine.
02:56Alors là, c'est la vraie continuité. Les marchés devraient pouvoir tolérer cette situation parce qu'elle évite les grands à-coups d'un côté ou de l'autre tant en matière de politique fiscale qu'en matière de politique commerciale.
03:12Et puis, il y a la troisième possibilité d'une victoire de Trump qui se retrouverait face à un Congrès démocrate. Je pense que cette possibilité, si elle est mathématiquement possible, est assez peu probable.
03:26Mais on peut toujours l'envisager si effectivement on a beaucoup de tickets splitting. On sait par exemple qu'en Géorgie, la personnalité des élus locaux lorsqu'ils sont républicains peut être bien perçue par des électeurs indépendants ou modérés.
03:44Mais que la personnalité de Donald Trump, en revanche, continue de polariser beaucoup, ce qui favoriserait la deuxième possibilité que j'évoque.
03:52Ensuite, on entre dans les trois possibilités délicates pour les marchés parce qu'elles entraîneraient un grand changement de politique. De quoi s'agit-il ?
04:04La victoire démocrate totale. Non seulement Kamala Harris remporterait la Maison-Blanche, mais les démocrates conserveraient le Sénat et regagneraient la majorité à la Chambre.
04:14Alors ça, je ne le sens pas trop, mais c'est tout à fait possible. Cela voudrait dire énormément de changements dans la politique américaine et des ajustements importants dans les portefeuilles,
04:26notamment obligataires, parce qu'il y aura des conséquences sur la fiscalité des entreprises et sur le fonctionnement même de la vie politique à Washington.
04:36Dans cette configuration-là, les démocrates vont chercher à augmenter le nombre de juges à la Cour suprême pour diluer le pouvoir des juges conservateurs.
04:47Ils vont également vouloir revenir sur le règlement intérieur du Sénat qui, avec ce système d'accorder à 60 sénateurs sur 100 le pouvoir de suspendre le débat,
04:58donne un pouvoir très très important et fait des conservateurs des gens forcément très puissants dans le processus législatif.
05:09Et puis, il y a les deux autres possibilités. La victoire républicaine totale, qui entraînerait certainement des conséquences immédiates en matière de taxation,
05:23puisque la reconduction des baisses d'impôts de 2017 serait faite, explosion du déficit, mise en place de négociations commerciales très musclées
05:33sous la menace de sanctions commerciales, voire sanctions commerciales immédiates.
05:39Dernière possibilité, le scénario noir où on ne sait pas qui va gagner.
05:46Je rappellerai qu'en 2020, lorsque le candidat, tiens, démocrate à l'époque, Al Gore, avait décidé de contester les résultats de l'élection
05:56et exiger un décompte partiel et sélectif uniquement dans quelques comtés du sud de la Floride parce qu'il n'était pas satisfait de la performance
06:06des électeurs qui l'estimaient, le fait de devoir les faire confiance, l'indice S&P 500 a plongé de 12% entre ce soir du 7 novembre 2000
06:19et le moment où Al Gore a finalement renoncé à contester l'issue de l'élection. Cette contestation et ce scénario noir pourraient se jouer de deux manières.
06:31Soit on ne sait pas qui a vraiment gagné la présidentielle avec une contestation très vraisemblable si Donald Trump perd de très peu
06:39ou une incertitude sur le Sénat avec des élections et des décomptes qui seraient nécessaires pour savoir qui va emporter la majorité au Sénat.
06:48Merci d'avoir rappelé cet épisode de 2000, effectivement, Al Gore et la Floride. Est-ce que ça avait, entre guillemets, coûté au marché ce moment d'incertitude ?
06:57Et on parle à l'époque d'un candidat Al Gore, j'allais dire un peu moins sous stéroïde qu'un candidat Trump, aujourd'hui, de ce point de vue-là, peut-être, Pierre-Yves.
07:09Si on se met dans l'hypothèse Trump, qui est l'hypothèse qui est remontée quand même d'un cran ces derniers jours et ces dernières semaines,
07:16est-ce que c'est la fin définitive d'une organisation comme l'OMC, par exemple ?
07:22Oui, oui, oui, oui.
07:25On n'en parle déjà plus beaucoup. Je pense que la dernière fois que j'en ai parlé, c'était peut-être au moment du Covid.
07:31Je me souviens encore des dernières bisbilles entre les subventions européennes à Airbus et les subventions américaines à Boeing.
07:38On était encore en train de régler ce différent qui doit couvrir depuis des décennies maintenant.
07:42Mais depuis, c'est vraiment lettre morte.
07:45Les Américains n'y croient plus. Ils ne croient plus au libre-échange, tant du côté des Républicains que des Démocrates.
07:53Je dirais qu'il y a une espèce de coalition, une coalition qui est à la fois de gauche et de droite,
07:59une coalition syndicale qui est contre les grands accords de libre-échange,
08:03une coalition d'écologistes qui ne croient plus que les accords de libre-échange sont bons pour la planète,
08:11et une coalition d'agriculteurs américains qui sont très puissants au Sénat,
08:16parce que le Sénat, il y a 100 sénateurs, deux par État,
08:20et les États ruraux et les États agricoles sont relativement plus puissants au Sénat qu'à la Chambre des représentants.
08:26Et puis, il y a une coalition populiste qui essaye de fédérer tous ces mécontents du libre-échange,
08:32qui fait qu'aujourd'hui, la maison blanche de Joe Biden, ou auparavant celle de Donald Trump,
08:39ne veut plus négocier des grands accords de libre-échange,
08:42ces négociations qui prennent des années et dont on ne sort pas.
08:47Qu'est-ce que ça veut dire ?
08:48Ça veut dire que d'autres types de négociations multilatérales ont, à mon avis, très peu de chances d'aboutir.
08:54Il y a ce fameux compromis réalisé dans le cadre de l'OCDE sur la taxation des multinationales.
09:01À mon avis, jamais, jamais cette usine à gaz ne sera adoptée par le Congrès,
09:07que Donald Trump soit élu ou que Kamala Harris soit élue.
09:10Je ne vois pas comment, à Washington, on pourrait adopter un truc pareil.
09:14Ce qui suppose d'ailleurs qu'en cas d'élection de Donald Trump,
09:19on ait de violents contentieux assez rapidement avec l'Europe sur cette affaire d'abord,
09:24avec la possibilité pour les Européens de commencer à titre préemptif
09:29de capter une part des profits réalisés par les multinationales en Europe
09:36et puis l'affaire de la taxe carbone que les Européens veulent imposer.
09:42Les Américains ne sont absolument pas d'accord.
09:45Un petit point important pour ceux qui sont convaincus à Paris
09:48que Kamala Harris serait la candidate idéale qui sauverait le monde de la catastrophe d'une élection de Trump.
09:55Kamala Harris, lorsqu'elle était sénateur, ça n'a pas duré très longtemps,
09:58mais lorsqu'elle était sénateur de Californie, a voté contre la nouvelle version de l'accord de libre-échange Canada
10:05Mexique-États-Unis, version qui a été renégociée sous Trump
10:11et sur laquelle donc elle s'est prononcée contre,
10:15n'étant pas satisfaite des dispositions protégeant en particulier le droit du travail au Mexique,
10:20ce qui nous donne une idée de cette large coalition anti-libre-échange aujourd'hui.
10:27Donald Trump a eu cette petite phrase la semaine dernière,
10:30il était à l'Economy Club de Chicago, je crois, avec Bloomberg, qui retransmettait l'interview.
10:37Nos alliés ont plus profité de nous que nos ennemis.
10:43C'est ça le monde de Trump aujourd'hui en matière d'organisation, notamment des échanges commerciaux.
10:50L'objectif de la politique de tarifs douaniers, de droits de douane et de surtaxe,
10:57n'est plus simplement de faire peur, n'est plus simplement de protéger des industries américaines.
11:04C'est aussi d'extorquer des concessions sur la protection militaire américaine,
11:10sur le soutien diplomatique des États-Unis dans certaines de ses positions.
11:17On l'a vu avec la Corée, avec le Japon en particulier,
11:20et avec les Européens qui dans une négociation commerciale sont extrêmement démunis
11:25parce qu'ils ne sont pas unis, ils doivent négocier et fédérer leur position,
11:31qui est souvent divergente, ne serait-ce qu'entre l'Allemagne et la France, sur la question du libre-échange.
11:37Et puis les droits de douane sont un moyen, choisi par Donald Trump aussi, pour lever de l'argent.
11:44Il considère que c'est un moyen de compenser les baisses d'impôts,
11:48donc les droits de douane, c'est bon par principe, pas simplement pour négocier.
11:53Bon, derrière Tariffman, il y a le dealmaker Trump, qui est toujours à disposition pour ceux qui le souhaitent.
11:59Merci beaucoup Pierre-Yves, Pierre-Yves Duguay avec nous chaque lundi, le quart d'heure américain.
12:03Ne ratez pas, on va être ensemble évidemment jusqu'au 5 novembre.
12:06Et au-delà, nous retrouvons Pierre-Yves Duguay avec nous le lundi à 17h45 en direct dans Smart Bourse,
12:11en replay sur Bismarck.fr ou encore en podcast sur l'ensemble de vos plateformes préférées.
12:23– Sous-titrage FR –

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