Lundi 13 janvier 2025, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Le dernier quart d'heure de Smartboard, chaque lundi, c'est le quart d'heure américain,
00:08l'occasion de faire le point sur l'actualité économique et politique en provenance des
00:12Etats-Unis avec notre correspondant américain, Pierre-Yves Dugas, qui est avec nous en visioconférence.
00:17Bonsoir et bienvenue Pierre-Yves, merci beaucoup d'être fidèle au Poste pour ce rendez-vous.
00:22On est à une semaine de Day One pour Donald Trump à la Maison Blanche.
00:26Dans les dossiers qui vont assez vite arriver pour lui, il y a le dossier US Steel, qui
00:31est le grand dossier politique du moment, puisque, je le rappelle, Joe Biden s'oppose
00:37au rachat de US Steel par Nippon Steel.
00:39La proposition a été faite en bonne et due forme, les deux groupes semblaient d'accord
00:43sur la pertinence de se rapprocher, sauf que politiquement, ça n'est pas faisable.
00:50Oui, et d'ailleurs, il y a quelques heures, le premier ministre japonais s'est entretenu
00:57par visioconférence ou par téléconférence, je n'arrive pas à savoir, avec Joe Biden
01:03pour lui rappeler l'importance stratégique de l'alliance entre Tokyo et Washington
01:09et le respect que souhaitent recevoir les Japonais, qui sont les premiers investisseurs
01:16industriels aux Etats-Unis, parmi les premiers acheteurs de bons du trésor, japonais qui
01:23sont de très très bons alliés en Asie des Etats-Unis contre la Chine et qui ne comprennent
01:29pas qu'ils soient traités ainsi par l'administration Biden qui est sur le départ, d'autant que
01:39la commission interministérielle qui est chargée d'examiner les dossiers d'acquisition
01:44importants de la part d'investisseurs étrangers pour des firmes américaines n'a pas rendu
01:49d'opinion négative sur ce dossier. C'est Joe Biden qui lui-même a décidé de mettre
01:55son veto à cette opération en vue d'honorer une promesse purement électorale, pour ne
01:59pas dire électoraliste, qu'il a faite au syndicat des aciéristes, U.S. Steelworkers,
02:08promesse qu'il a faite du temps où il était encore candidat, qui était de s'opposer
02:13à tout prix à cette offre de rachat de U.S. Steel par Nippon Steel pour près de 15 milliards
02:18de dollars. Il préfère dire non à d'excellents alliés japonais, il préfère tenir sa promesse
02:25alors qu'il quitte la Maison Blanche et qu'il veut que son héritage soit celui du président
02:30qui jusqu'au bout aura été le plus favorable explicitement et implicitement à tout ce que
02:36proposait le mouvement syndical américain. Mais il ouvre tout de même la porte à une
02:44suite dans cette opération car son veto n'est pas exécutoire avant le 18 juin. Et ça, c'est
02:53un élément nouveau qui peut donner à Donald Trump, s'il le souhaite, l'opportunité d'être
03:01un bon allié du Japon. Seulement voilà, Donald Trump lui aussi a fait des promesses
03:07à U.S. Steelworkers, Donald Trump aussi entend soutenir le mouvement syndical et Donald Trump
03:14aurait à revenir sur sa promesse de ne jamais laisser Nippon Steel racheter U.S. Steel,
03:19d'autant qu'on l'a appris il y a quelques minutes. Il est possible qu'une solution alternative
03:25se présente avec la tentative d'une offre conjointe que ferait Cleveland Cliffs et l'autre
03:36aciériste américain, Nucor, pour racheter U.S. Steel. On n'a pas encore les détails de cette
03:44opération, on ne semble pas en mesure d'aller aussi loin que ce qu'a promis Nippon Steel. Nippon
03:50Steel promet non seulement des primes de 5000 dollars, une garantie de l'emploi, une garantie
03:58des niveaux de production également, pour démontrer que leur offre est parfaitement
04:05compatible avec le souci de souveraineté et de protection qu'exige Joe Biden et qu'exigera
04:13probablement demain Donald Trump. Très intéressant parce que dossier,
04:17alors industriel bien sûr, mais aussi très politique et on verra effectivement comment
04:22Donald Trump s'en saisit et jusqu'où il cherchera à se démarquer ou non de la position actuelle du
04:28président américain Joe Biden. Et puis le compteur tourne pour TikTok, TikTok pour TikTok, c'est ça
04:36Pierre-Yves, qui pourrait être banni des applications de téléchargement sur le territoire américain.
04:42Alors ce dossier rappelle un tout petit peu celui de Nippon Steel et de US Steel parce que là encore
04:51on a une décision qui a l'air définitive qui est prise au dernier moment par Joe Biden mais qui
04:57pourrait peut-être de facto se trouver repoussée si jamais deux choses se produisent. D'abord la
05:08cour suprême a été saisie par TikTok et la cour suprême doit d'ici quelques heures décider si
05:17cette loi qui a été votée par le congrès américain à forte majorité bipartite en avril et qui a été
05:23signée par, promulguée par Joe Biden, qui interdit à TikTok chinois d'opérer aux Etats-Unis et qui
05:33obligerait la maison mère de TikTok, Biden, à se débarrasser et à vendre TikTok sur les Etats-Unis
05:41à un investisseur américain. Est-ce que cette loi viole le premier amendement de la liberté
05:46d'expression? Il va falloir que la cour suprême tranche là-dessus. Deuxièmement, est-ce qu'il y a
05:52une porte de sortie que la cour suprême peut offrir en donnant davantage de temps à TikTok
05:59pour trouver un acheteur? Si la porte est fermée par la cour suprême, il va être difficile à
06:05Donald Trump de sauver TikTok comme il prétend vouloir le faire maintenant alors qu'il y a
06:12quelques années, il était farouchement partisan de l'interdiction de TikTok aux Etats-Unis.
06:16A peu près la moitié des Américains utilisent TikTok. Quelques 170 millions d'utilisateurs
06:23mensuels. C'est quand même pas rien. Mais fondamentalement, démocrates et républicains
06:32au Congrès, y compris dans ce nouveau Congrès, sont convaincus que TikTok représente un danger
06:37pour la sécurité américaine parce que le gouvernement de Pékin, le gouvernement communiste
06:42chinois peut exiger de TikTok qu'il lui transfère toutes les données privées sur le comportement
06:51des utilisateurs de TikTok, ce qui représente aux yeux des autorités américaines une menace
06:57pour la sécurité et pour la démocratie américaine. Et à propos de menaces sur la sécurité,
07:01qui est un argument souvent invoqué par Donald Trump, ce dossier TikTok, par exemple,
07:06c'est typiquement le genre de dossier où Donald Trump ne serait pas forcément aligné avec sa base
07:12ou d'électeur ou d'élu républicain? Donald Trump a changé d'avis. Il était contre le TikTok
07:19chinois qui opérerait aux États-Unis. Et maintenant, il a changé d'avis pour deux raisons. La
07:27première, c'est qu'il souhaitait que TikTok aux États-Unis soit une alternative. Et il le souhaite
07:34toujours à MetaPlatforms, à Facebook. Mais il y a deux ans, il était très, très fâché contre
07:41Facebook. Il s'est considérablement rabiboché, pour en poser un terme qui n'est pas très joli,
07:48mais c'est à ça que ça ressemble, malheureusement, avec Mark Zuckerberg. Et maintenant, TikTok
07:55alternative nécessaire à MetaPlatforms, c'est un argument qui est moins fort. Mais néanmoins,
07:59Donald Trump aimerait bien qu'il y ait une alternative à MetaPlatforms. Mais surtout,
08:04il voudrait disposer d'un dossier sous le coude qui puisse lui servir de bargaining chip avec
08:11Pékin dans le cadre d'une grande négociation commerciale. Il aimerait pouvoir dire à Pékin,
08:16voilà, en matière commerciale, en matière de droits de douane, j'ai cet argument qui pourrait
08:22faire énormément de tort à Biden, mais je vais me montrer généreux si par ailleurs vous changez
08:30certaines de vos pratiques commerciales. Ça peut être un élément parmi d'autres dans une
08:34négociation commerciale. Et Dieu sait si Donald Trump prétend savoir jouer toutes les cartes
08:41dont il pourrait disposer dans une vaste négociation avec Pékin. Mais comme vous le disiez, il a là
08:45deux beaux dossiers politiques, Nippon Steel d'un côté, Biden, la maison mère de TikTok de l'autre,
08:51pour d'éventuelles négociations avec le Japon ici ou la Chine là demain.
08:58Alors ce qui est intéressant, c'est que dans l'entourage de Donald Trump, y compris des gens
09:04qui ont été sélectionnés et qui sont appelés à être responsables de la sécurité nationale
09:10à la Maison-Blanche, responsables de la Federal Communications Commission, la FCC,
09:17responsables des affaires commerciales, il y a là des adversaires farouches qui sont
09:24on the record contre TikTok aux États-Unis. En revanche, il y en a un qui se distingue et qui est
09:30devenu le meilleur ami et le meilleur conseiller de Donald Trump depuis quelques semaines, c'est
09:35Elon Musk qui lui prétend que non, non, non, on ne peut pas interdire comme ça ce réseau américain,
09:41ça ne serait pas bien. Peut-être parce qu'il se rend compte que si les États-Unis décident
09:48d'interdire un réseau social sur leur territoire parce qu'il est contrôlé par un gouvernement étranger,
09:54au même titre qu'il est interdit à un groupe étranger de contrôler une chaîne de télévision,
09:59par exemple, ou un studio de cinéma, eh bien peut-être que les Européens verraient d'un autre
10:07oeil la manière dont Twitter, qui s'appelle X maintenant, se comporte en Europe.
10:13Merci beaucoup Pierre-Yves pour cet éclairage hebdomadaire sur les sujets clés aux confins de l'économie et de la politique américaine.
10:21Bien sûr, Pierre-Yves Dugas, notre correspondant américain, ce quart d'heure américain est à retrouver bien sûr en replay
10:27chaque jour et chaque semaine sur Bismarck.fr.