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Vendredi 22 novembre 2024, LEX INSIDE reçoit Stéphanie Foulgoc (Associée, Next avocats) , Anne Brunon-Ernst (Professeur des universités à l’université Panthéon-Assas) et Baptiste Robelin (Associé fondateur, Novlaw Avocats)

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00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de L'Ex Inside,
00:26l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique. Du droit, du droit et encore du droit.
00:31Au programme de ce numéro, on va parler de l'utilisation de la voix et de l'image d'une
00:36célébrité. Ce sera dans quelques instants avec Stéphanie Foulgocq, associée de Next Avocat.
00:42On parlera ensuite de l'ouvrage collectif sur la reconnaissance faciale avec la co-directrice
00:48de l'ouvrage, Anne-Brunon Hertz, qui est également professeure à l'Université Panthéon-Assas.
00:54Et enfin, on parlera de la mise à disposition de locaux et de la sous-location avec Baptiste
01:00Roblin, associé chez Novlo Avocat. Voilà pour les titres, L'Ex Inside, c'est parti.
01:16On commence tout de suite ce L'Ex Inside, on va parler de l'utilisation de l'image et de la voix
01:21d'une célébrité décédée avec mon invité Stéphanie Foulgocq, associée chez Next Avocat.
01:27Stéphanie, bonjour. Bonjour Arnaud.
01:30Nous allons voir ensemble l'utilisation de l'image et de la voix d'une célébrité décédée. Elle peut
01:36poser de nombreuses questions juridiques. Tout d'abord, quels sont les principaux enjeux juridiques
01:42liés à l'utilisation de l'image et de la voix d'une célébrité décédée ?
01:47Alors déjà, en préalable, l'intelligence artificielle est une révolution. C'est du
01:56moins on pressent que ça va être une révolution. Tout est assez nouveau et les chantiers juridiques
02:00sont nombreux. Donc les enjeux juridiques, ils sont multiples. Lorsqu'on se parle de la voix
02:06ou de l'image d'une personne, ce sont des attributs de sa personnalité. Quand c'est une célébrité,
02:12cette personne est connue, donc les enjeux sont différents. Il y a des sujets de liberté
02:19d'expression, de droit à la création, mais lorsque l'exploitation se fait à des fins commerciales,
02:25et surtout lorsque la personne est décédée, qui exerce ces droits ? Bien sûr. Alors on voit que
02:31les enjeux sont nombreux. On va aborder maintenant le cadre juridique. Comment le droit actuel encadre
02:37-t-il l'utilisation posthume de l'image et de la voix d'une célébrité ? Alors au risque de vous
02:44décevoir, il ne l'encadre pas. Ça veut dire qu'il y a un vide juridique ? Alors il n'y a jamais de
02:49vide juridique parce que même lorsque la loi ou le droit écrit ne prévoit pas des dispositions
02:55spécifiques par rapport à une situation factuelle, on peut avoir confiance en nos juges. La jurisprudence
03:01crée le droit au gré des situations qui sont soumises aux juges et permet de mettre en balance
03:07les différents droits des uns et des autres. Donc pour une personne décédée, on pourra se baser sur
03:14l'état de la jurisprudence. D'accord. Et qu'est-ce que dit la jurisprudence ? Eh bien on peut se
03:20parler par exemple de l'utilisation d'un extrait d'un film dans lequel Lino Ventura, alors qu'il
03:28était décédé, a été détourné par une agence de publicité au profit d'une marque de voitures et
03:33faisait exprimer à Lino Ventura, l'acteur, une excitation particulière pour aller participer aux
03:38portes ouvertes de cette marque de voitures. Les producteurs du film avaient donné leur accord
03:45pour que cette exploitation de l'extrait du film soit utilisée, mais les ayants droit de l'acteur,
03:49Lino Ventura, eux, ont saisi le juge pour obtenir une indemnisation de cet usage qui avait été fait.
03:55Donc c'est typiquement le genre d'usage que l'intelligence artificielle permet de faire,
04:00d'étourner l'image et la voix d'une célébrité alors qu'elle est décédée. Ils ont obtenu gain
04:05de cause parce que Lino Ventura était un artiste-interprète et que l'interprétation d'un
04:11artiste-interprète est encadrée par le code de la propriété intellectuelle et les héritiers peuvent
04:17exercer les droits de leur aïeul. Mais si Lino Ventura avait été une célébrité qui n'avait
04:24pas été un artiste-interprète, une personne politique ou qui est connue dans la société,
04:30il n'aurait pas eu ce support juridique du droit de la propriété intellectuelle.
04:35Alors un autre point qui me semble intéressant, quels sont les limites entre la protection des
04:41droits de la personnalité et la libre expression dans ce domaine ? Parce qu'effectivement,
04:45vous l'avez dit, l'intelligence artificielle permet de plein de choses. Alors quelles sont
04:51les limites ? Ça va toujours être une mise en balance de droits qui sont... Alors les droits
04:58de la personnalité, la voix, l'image d'une personne, c'est une émanation de la jurisprudence basée sur
05:04le droit à la vie privée. Le code civil protège le droit à la vie privée. Les juges ont considéré
05:09que ça s'étendait aux voix et à l'image des personnes. C'est un droit fondamental. Et par
05:14ailleurs, il y a effectivement cet autre droit fondamental qui est la liberté d'expression,
05:19dont la liberté de création est aussi une émanation. Donc droit à la vie privée contre
05:23liberté d'expression, il faut apprécier. Par exemple, on peut se parler de biopics. Il y a
05:30une dizaine d'années, il y a deux biopics qui ont été faits sur la vie d'Yves Saint-Laurent. L'un
05:34était autorisé par les ayants droit, donc en l'occurrence Pierre Berger qui était le dernier
05:39conjoint, enfin qui était le compagnon d'Yves Saint-Laurent, et l'autre n'était pas autorisé.
05:43Et pour autant, cet autre film, bien que non autorisé, a pu être créé parce que la liberté
05:49d'expression, la liberté de création n'empêchait pas de créer un tel film.
05:54Alors est-ce que l'intelligence artificielle, elle remet un peu en question la jurisprudence
06:00existante que vous avez décrite avec l'utilisation de l'image et de la voix qui est vraiment maintenant,
06:06je dirais, possible dans énormément de cas ?
06:09Ce n'est pas impossible. On ne peut pas le prédire encore parce qu'encore une fois,
06:15il y a toujours un certain nombre d'années entre le moment où un juge est saisi et où il statue.
06:19Mais la différence avec l'intelligence artificielle, c'est que le phénomène est
06:24massif. C'est qu'on peut créer très facilement, très rapidement, énormément de contenus. Il
06:29n'est pas impossible que l'exploitation des attributs de la personnalité d'une personne
06:33décédée et tous les revenus que ça génère, parce que ça va régénérer des revenus à la
06:37fois pour le fournisseur de l'intelligence artificielle, mais aussi pour ceux qui
06:41utilisent et qui créent des sosies, des clones de ces célébrités. Il n'est pas impossible que le
06:46législateur à un moment se dise, il faut que cet argent, ces revenus qui sont générés par
06:51l'image d'une personne et sa voix, reviennent peut-être à ses ayants droit plutôt qu'uniquement
06:57à ses nouveaux exploitants. Alors parfois, ces créations, ça peut être un usage entre guillemets
07:03parodique, juste pour essayer d'avoir un usage comique entre guillemets. Comment distinguer
07:09juridiquement l'usage parodique d'une création de type deepfake de son utilisation frauduleuse ?
07:17Eh bien, ça va être très factuel comme appréciation. Les seules contraintes qui sont
07:24mises à ce jour dans la création de deepfake, alors on parle dans la loi de d'hypertrucage,
07:29sont d'informer le destinataire de l'information, de l'image. On doit être informé lorsqu'un contenu
07:37a été généré par l'intelligence artificielle. Alors, peu de doute à avoir sur l'effet que toutes
07:42les personnes qui voudront avoir un usage frauduleux de ce deepfake ne satisferont pas
07:47cette exigence d'information. Donc la fraude, ça peut être l'escroquerie, la manipulation dans un
07:52contexte d'élection, des fraudes financières. Et donc, c'est ce qui est fait avec l'intelligence
07:58artificielle. Et on reviendra sur des qualifications très classiques d'infraction pénale pour déterminer
08:03s'il y a eu fraude ou pas. Pour finir, est-ce que vous pensez qu'il faut légiférer spécifiquement
08:08sur cette question pour essayer de combler les trous, entre guillemets ? Alors, moi,
08:13personnellement, non. Pourquoi ? Parce que nous, avocats, avons fait face ces dernières années à
08:21énormément de nouvelles réglementations. Il y a un règlement sur l'intelligence artificielle qui
08:25vient d'être adopté, qui fait une centaine de pages. Il faut avoir confiance en nos juges. Il
08:30faut donner les moyens à nos juges de statuer. Mais il ne faut pas se dire qu'une loi, par
08:35anticipation, avant de vraiment prendre la mesure des situations concrètes qui mériteraient d'être
08:40traitées par une loi spécifique, plutôt que par le droit délictuel standard, le droit de la
08:44responsabilité standard, soit nécessaire. Donc, ayons confiance d'abord en la jurisprudence.
08:50Ça fait des années que les droits de la personnalité ont été créés sur un texte du
08:56code civil qui remonte à plusieurs dizaines d'années. Jusque-là, ça a fonctionné. Voyons
09:01si ce texte peut fonctionner à nouveau. Donc, en d'autres termes, on a l'arsenal
09:05juridique à disposition si jamais certains franchissent la ligne en créant des défaits
09:13qui font des atteintes aux droits. Voilà, exactement. Ce qu'il ne faudrait pas, c'est
09:18que l'histoire de l'intelligence artificielle soit l'histoire d'un pillage massif, pillage
09:22d'œuvres protégées par le droit d'auteur, pillage de droits de la personnalité, de célébrités qui
09:28peuvent être leur image, leur voix et qui ont une valeur. Alors, si un nécessaire équilibre
09:34à trouver entre les revenus qui sont générés et ceux qui devraient en bénéficier est requis,
09:39alors là, peut-être que l'intervention du législateur sera nécessaire.
09:42On va conclure là-dessus. Stéphanie Foulgogne, je vous remercie. Je rappelle que vous êtes
09:46associée au sein du cabinet Next Avocat. Tout de suite, on continue Lex Inside. Dans
09:51la deuxième partie, on va parler reconnaissance faciale.
10:04On poursuit ce Lex Inside. On parle reconnaissance faciale avec Anne-Brunon Hertz, co-directrice de
10:12l'ouvrage « Reconnaissance faciale, défis techniques, juridiques et éthiques » publié aux
10:17éditions Panthéon Assas. Anne-Brunon Hertz, bonjour. Bonjour, merci de l'invitation. La reconnaissance
10:24faciale suscite à la fois fascination et méfiance. Nous allons voir ensemble les défis que pose la
10:31reconnaissance faciale, mais tout d'abord, pouvez-vous nous présenter votre ouvrage ? Alors,
10:35l'ouvrage est issu d'une collaboration dans le cadre d'un colloque qui a été fait à l'Université
10:44Panthéon Assas. C'est un ouvrage qui est issu d'un travail de recherche initié par l'équipe
10:52Law and Humanities. L'intérêt de cet ouvrage, c'est qu'il est pluridisciplinaire, c'est-à-dire
10:56qu'il convoque des spécialistes de différents champs disciplinaires comme la science informatique,
11:04le droit, la philosophie, la sémiotique, mais aussi les études américaines et la philosophie,
11:11ce qui nous permet d'avoir une vision plus complète de cette notion très sous-complexe qu'est la
11:18reconnaissance faciale. Alors, on va rentrer dans le vif du sujet. Quelle est la définition de la
11:23reconnaissance faciale et comment ces avatars, comme la surveillance algorithmique, s'en
11:28distinguent ? La reconnaissance faciale peut être définie comme une technologie informatique qui
11:34permet de reconnaître automatiquement une personne à partir de son visage. Il faut distinguer la
11:41reconnaissance faciale d'autres termes qui circulent, tels que vidéo-surveillance augmentée
11:46ou automatisée ou intelligente. Dans ce cas-là, l'objectif est uniquement de détecter des
11:54événements en temps réel dans l'espace public et non de détecter des visages. D'accord, alors là,
12:00on a bien cernesqué la reconnaissance faciale, mais pour bien comprendre les enjeux, on va
12:06s'intéresser à son fonctionnement. Alors, comment ça fonctionne ? Alors, c'est très simple. L'objectif
12:10est double. Il s'agit d'identifier et d'authentifier. Identifier, c'est poser la question qui est la
12:18personne X et authentifier, c'est « êtes-vous bien la personne que vous prétendez être ? ». Il y a
12:24quatre étapes. La première étape, il s'agit d'acquérir une image. La deuxième étape, il s'agit
12:30d'extraire les caractéristiques du visage. La troisième étape, ensuite, il faut encoder cette
12:36image avant, dans une quatrième partie ou une quatrième étape, de la comparer à un stock
12:43d'images dans une base de données. Alors, on va s'intéresser aux problématiques juridiques. Quelles
12:48sont les questions juridiques soulevées dans l'ouvrage ? Alors, il y a deux problèmes, en fait,
12:54que pose la reconnaissance faciale. Le premier, c'est que la reconnaissance faciale permet d'être
12:59reconnue sans le vouloir et ensuite, elle permet de récupérer des données sur le visage. Et ça,
13:06ça soulève un certain nombre de questions juridiques qui sont de deux ordres. La première,
13:11c'est la question du consentement et la deuxième, c'est la question des droits fondamentaux. Sur la
13:16question du consentement, déjà, ces technologies sont qualifiées de silencieuses parce qu'en fait,
13:24elles permettent d'opérer à distance et indépendamment d'une action quelconque de
13:29l'individu qui est ainsi surveillé. Et quand elles sont déployées dans des lieux accessibles
13:36au public, le problème, c'est que l'individu ne peut pas consentir à leur utilisation et il ne
13:42peut pas non plus s'y soustraire. Et donc, ça, ça pose effectivement la question du consentement qui,
13:48pour rappel, est effectivement un des fondements qui est prévu pour le traitement des données
13:52personnelles dans le RGPD. Ensuite, sur la deuxième question, qui est la question des droits
13:59fondamentaux, la singularité de la reconnaissance faciale, c'est que lorsqu'elle est utilisée dans
14:06l'espace public, elle a un effet dissuasif, c'est-à-dire qu'elle peut avoir un effet dissuasif
14:12dans l'exercice d'un certain nombre de droits fondamentaux qui sont la liberté d'expression,
14:18d'association, d'aller et venir, d'assembler. Et ça, bien sûr, ça contrevient et c'est une
14:24restriction inacceptable à un certain nombre de libertés qui sont protégées au titre d'un certain
14:29nombre de textes, dont la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, pour ne
14:33citer qu'elle. Un autre problème qui en découle aussi, c'est le problème des faux négatifs,
14:39c'est-à-dire qu'une personne n'est pas reconnue, donc exposée à des sanctions qui peuvent porter
14:44atteinte à sa dignité. Et dans ce cas-là, on est dans des cas de discrimination et la question des
14:51biais algorithmiques, qu'ils soient des biais sexistes et ratio, est bien documentée.
14:57On voit que les questions juridiques sont nombreuses. Un autre aspect qui est intéressant,
15:02ce sont les enjeux liés à cette technologie. Quels sont les enjeux de la réglementation de
15:09la reconnaissance faciale ? Les conditions de mise en œuvre de la reconnaissance faciale
15:14s'appuient sur une pratique sociale qui, en France, est renforcée par une obligation légale qui est
15:20celle de se déplacer à visage découvert dans l'espace public. Et cette pratique qui est assez
15:29couramment partagée, finalement, s'oppose à un cadre réglementaire qui varie énormément d'un
15:37pays à l'autre. Alors c'est assez difficile de détailler ces pratiques, ces cadres légaux en
15:45si peu de temps, mais on peut prendre deux exemples. On peut prendre l'exemple de l'Union
15:48Européenne et l'exemple des États-Unis. Alors sur la question de l'Union Européenne,
15:52il est relativement intéressant de voir que l'Union Européenne est en train de mettre en
15:56place un cadre réglementaire sur l'intelligence artificielle qui s'appelle l'AI Act, et qui
16:06interdit l'utilisation de systèmes biométriques à distance, en temps réel, dans des espaces
16:14accessibles au public, à des fins répressives. Mais cette interdiction est assortie d'un certain
16:20nombre d'exceptions, qui sont nombre de trois. Lorsque la recherche est ciblée et spécifique
16:26de victimes. La deuxième, c'est la prévention d'une menace spécifique type terroriste. Et la
16:34troisième, c'est la localisation ou l'identification d'une personne soupçonnée d'avoir commis une
16:38infraction pénale. C'est aux États maintenant de préciser les cas dans lesquels ces exceptions
16:45vont s'appliquer, et ensuite elles seront subordonnées à une autorisation préalable.
16:50Sur le cas des États-Unis, alors là on est dans un paradigme totalement différent parce qu'il n'y
16:56a pas de loi fédérale réglementant l'utilisation de la reconnaissance faciale. D'accord, alors comment
17:02ça se passe ? Alors comment ça se passe ? Tout se passe au niveau des États, des comtés ou des
17:07villes. Et on dénombre à ce jour environ une vingtaine de lois qui réglementent l'utilisation
17:15de la reconnaissance faciale. Ce qui fait finalement qu'on a un panel très très large qui va de la
17:20loi de 2008 de l'État de l'Illinois qui limite l'usage des données biométriques et qui les
17:30base sur une nécessité du consentement des individus dont les données sont ainsi collectées.
17:35Et de l'autre côté du spectre, on va avoir l'État de New York qui utilise la reconnaissance faciale.
17:42D'accord, donc on va du tout au tout. Du tout au tout, tout à fait. Alors si on regarde un
17:46peu plus précisément chez les États qui légifèrent sur ces questions-là, on voit qu'il y a un
17:52mouvement de balancier qui est assez intéressant. Donc il y a une première vague d'interdiction
17:57qui fait suite aux émeutes qui suivent la mort de George Floyd en mai 2020. Parce qu'en fait les
18:05manifestations mettent en avant le fait que la police aurait utilisé ces données collectées,
18:12non pas pour prévenir des actes criminels, mais pour contrôler les activités politiques des
18:19manifestants. Le retour en grâce des technologies de reconnaissance faciale se fait un an plus
18:27tard, on est en juin 2021, et là c'est les incidents des émeutes du Capitole qui montrent
18:37que finalement la reconnaissance faciale est particulièrement efficace pour reconnaître les
18:43émeutiers, en se servant bien entendu de la reconnaissance faciale, des images qui sont
18:48collectées via les caméras de vidéosurveillance, les vidéos des journalistes et des policiers,
18:54mais aussi des images collectées sur les réseaux sociaux. Pour terminer, en quelques mots,
19:00quelles sont les alternatives juridiques au cadre que vous venez de décrire ? Alors j'en déclinerais
19:07une. Je pense que d'abord il faut se rendre compte qu'il y a un certain consensus autour
19:13de la réglementation de la reconnaissance faciale. Ce consensus c'est de dire qu'il n'est pas
19:21possible d'interdire absolument. Donc le rôle du législateur finalement il se limite à mettre
19:27en balance les avantages et les risques sociaux de manière à rendre ces technologies acceptables.
19:33L'objectif de l'ouvrage c'est de montrer que peut-être il y a une autre voie qu'on pourrait
19:38peut-être explorer qui est celle de l'anonymat. L'anonymat n'est pas de supprimer ou de cacher
19:44l'ensemble des traits caractéristiques d'une personne mais d'empêcher leur mise en correspondance.
19:51Un exemple. Et on terminera sur cet exemple. Voilà. Lorsque vous avez un échantillon de sang,
19:57cet échantillon de sang est labellisé avec un numéro qui vous identifie mais qui vous
20:04identifie dans une sphère spécifique. Et donc finalement un droit à l'anonymat serait peut-être
20:10une manière de protéger les libertés individuelles. On va conclure là-dessus. Merci d'être venu sur
20:16notre plateau. Et tout de suite la troisième partie. On va parler beaux commerciaux.
20:29On poursuit ce LexInside. On va parler beaux commerciaux, mises à disposition locaux et
20:37sous location avec mon invité Baptiste Robelin, associé fondateur de Novlo. Baptiste Robelin,
20:44bonjour. Bonjour. Nous allons nous intéresser à l'interaction entre la mise à disposition
20:49locaux et la sous location avec le partage de locaux professionnels qu'on connaît bien avec
20:56le co-working. On va se demander si ce partage de locaux professionnels peut être considéré
21:01comme une forme de sous location. Avant toute chose, pouvez-vous nous rappeler ce qu'est une
21:06sous location ? Oui, tout à fait. Alors un contrat de sous location, c'est un contrat au terme duquel
21:12le locataire va mettre à la disposition d'un tiers, qu'on appelle le sous locataire, la chose ou le
21:19local qu'il loue. J'ai coutume de dire que dans une sous location, on a minimum deux contrats,
21:23trois parties, c'est-à-dire un contrat de bail principal, un sous contrat, le contrat de sous
21:27location, un bailleur, un locataire, un sous locataire. Alors en matière de beaux commerciaux,
21:32il faut savoir que la sous location est particulièrement restrictive. Il y a un
21:38régime qui prévoit que d'une part, le locataire ne peut pas soulouer sans avoir obtenu l'accord du
21:44bailleur et d'autre part, on a un régime correctif qui permet au bailleur, le cas échéant, de
21:48solliciter une augmentation de loyer s'il s'avère que le loyer du sous contrat de la sous location
21:55est supérieur au montant du loyer du bail principal. L'idée, c'est que le législateur veut éviter de
22:00permettre au locataire, s'il voulait, de se faire un profit sur le dos du bailleur et puis c'est
22:05aussi de permettre au bailleur d'avoir une forme de droit de regard sur ce qui se passe sur son
22:09local, savoir qui l'occupe de manière effective. Alors ces dernières années, la mise à disposition
22:14de locaux s'est développée, ces systèmes de coworking, de partage d'espaces professionnels.
22:21Cette mise à disposition d'espaces de travail professionnels doit-elle être considérée comme
22:27de la sous location ? Alors évidemment, tout dépend de ce qu'on appelle sous location. Si vous voulez,
22:32dans le langage commun, pour un non juriste, on peut avoir l'impression, si vous demandez à un
22:34coworker quel est le contrat qui est le sien, souvent il va vous dire, c'est de la sous location
22:38finalement, j'occupe le local au sein d'une entreprise qui a tout un immeuble. Pour un
22:43juriste, on sait de longue date que ce sont deux choses différentes et j'allais dire, on n'a pas
22:48attendu le développement du coworking pour faire une distinction entre mise à disposition ou encore
22:53contrat de prestation de service et sous location. En réalité, cette distinction, elle existe de
22:58longue date, on la voit par exemple en matière de contrat d'hôtellerie. Dans l'hôtellerie,
23:02quand vous avez un hôtelier qui accueille des clients, il va leur mettre à disposition une
23:06chambre et on voit bien que ce n'est pas une sous location. Pourquoi ? Parce qu'il y a mise à
23:11disposition d'un espace, la chambre, mais également fourniture de toute une gamme de services associés,
23:15le ménage, internet, la sécurité, etc. Et donc dans ce cadre-là, l'obligation si vous voulez du
23:21prestataire de service, on va appeler prestataire de service, c'est pas malheur, c'est pas simplement
23:24de mettre à disposition un local, mais c'est aussi de fournir cette somme de services associés. Donc
23:31c'est pas la même chose. Et si c'était considéré comme étant la même opération, finalement il
23:37faudrait, si je reprends l'exemple de l'hôtelier qui demande systématiquement l'accord du bailleur
23:40pour accueillir un client, et puis le bailleur aurait toujours la possibilité de demander une
23:43augmentation de loyer au motif que le prix des chambres est supérieur au prix du loyer. Donc ça
23:47reviendrait à permettre au bailleur de cannibaliser d'une certaine manière le fonds de commerce de
23:51son exploitant. Donc de longue date, la jurisprudence nous dit, dès lors que l'objet principal du bail
23:57c'est la mise à disposition de locaux, alors c'est exclusif de la qualification de sous-location.
24:02D'accord. Alors on va revenir justement sur ce que dit précisément la jurisprudence. Pouvez-vous
24:07nous dire les tendances jurisprudentielles en la matière sur le coworking et cette
24:13qualification de sous-location ? Tout à fait. Alors remarque préliminaire d'abord, ce contentieux
24:19autour de la qualification de la distinction entre mise à disposition de locaux et sous-location est
24:23né comme bien souvent d'une maladresse rédactionnelle dans un bail puisque, comme je l'avais dit, si le
24:28bail prévoit une mise à disposition de locaux alors c'est forcément exclusif de la qualification de
24:33sous-location. Bien sûr. On a un arrêt récent de la cour de cassation, 27 juin 2024, qui est venu nous
24:38rappeler comment est-ce qu'on allait passer de la qualification de l'un à l'autre. En 2024,
24:43la cour de cassation nous dit en fait à partir du moment où le prix qui est payé par l'occupant,
24:47le sous-locataire si vous voulez, rémunère non pas simplement une mise à disposition d'espace
24:52mais également toute une gamme de services associés, ménage interne, etc. Alors ce n'est
24:57pas de la sous-location, c'est bien de la mise à disposition d'un local, un contrat de prestation
25:03de services si vous voulez. On avait une jurisprudence antérieure en 2002 qui nous
25:08disait que les deux critères qu'il fallait regarder c'était la question de la précarité
25:11du contrat et également en sus de la précarité la question du transfert de la garde. En fait,
25:18ce que nous dit la cour de cassation avant, c'est finalement si la garde est transférée
25:22à l'occupant, on est bien dans un contrat de sous-location et inversement s'il est là de
25:27manière précaire, temporaire et qu'il a besoin de demander toujours une forme d'autorisation
25:32d'accès au locataire, à ce moment-là c'est un contrat de mise à disposition. Ça c'était un
25:37arrêt de 2002. Et là les critères, quels sont-ils ? Est-ce que ça a bougé un peu ? A priori en 2024,
25:43on comprend que le nouveau critère ce serait justement l'idée que le prix qui est payé par
25:50l'occupant doit rémunérer des services associés et pas simplement une mise à disposition d'espace.
25:55Et je pense que ce nouveau critère, appelons-le comme ça, est plutôt bienvenu parce que les
26:00critères antérieurs qui étaient utilisés dans la jurisprudence en 2002 ne me paraissaient pas
26:05tout à fait adaptés à ce type de situation. En fait, quand vous avez un coworking, d'abord le
26:10contrat peut ne pas être précaire, on peut avoir des gens qui restent en coworking très longtemps
26:13sur des contrats à durée indéfinie. Et puis cette histoire du transfert de garde aussi est
26:16problématique parce que ce n'est pas parce que vous êtes un coworker, si vous voulez, que vous
26:21ne pouvez pas avoir les clés de votre propre bureau et priver le prestataire de services de
26:25l'accès au bureau quand vous l'occupez. Et j'en veux d'ailleurs pour preuve qu'il y a aujourd'hui
26:29des cabinets d'avocats qui sont dans des espaces de coworking et vous voyez bien que pour des
26:33raisons liées à la confidentialité, par exemple, il ne faut pas permettre au prestataire de services
26:36de rentrer comme il le veut dans le bureau. Et pour autant, ça reste du coworking. Vous voyez,
26:40donc on a quand même un transfert de la garde, mais ça reste du coworking parce qu'il y a
26:44d'autres services associés. C'est pour ça que cet arrêt de 2024 me paraît bienvenu.
26:47Alors, est-ce qu'il faut malgré tout faire adapter le cadre juridique ou finalement ce que nous dit
26:53la jurisprudence, puisque ça semble être le cas, c'est satisfaisant ?
26:57Si vous voulez, quand on regarde le développement massif du coworking ces dernières années,
27:02j'aurais tendance à dire qu'à priori, il n'y a pas besoin d'adapter le cadre législatif puisqu'il
27:06n'y a pas de frein particulier. J'aurais plutôt tendance à me poser la question de la manière
27:11suivante. Si autant de personnes contournent aujourd'hui le dispositif du statut des
27:15beaux commerciaux, c'est peut-être que ce dispositif est mal adapté aux nouvelles formes
27:20d'activité, du moins à cette forme d'activité dans laquelle les prestataires recherchent de
27:23la souplesse. Vous voyez, je pense par exemple à la résiliation triennale. Quand vous êtes
27:27locataire dans un bail commercial, vous pouvez résilier le contrat tous les trois ans et ce n'est
27:32pas forcément adapté pour des gens qui recherchent des locaux de manière extrêmement flexible,
27:36qui peuvent vouloir changer assez rapidement, etc. Inversement, on pourrait encore se poser la
27:40question dans l'autre sens en se disant que du coup, les coworkers évoluent dans une forme de
27:44no man's land far west juridique puisqu'il n'y a pas de cadre et donc on pourrait se demander
27:47s'il ne faut pas légiférer pour encadrer un petit peu, par exemple pour apporter une petite dose de
27:52protection. Je pense notamment à la question du loyer qui est très encadré en matière de
27:56commerciaux et ça ne l'est pas du tout en matière de coworking. On va conclure là-dessus. Merci
28:00d'être venu sur notre plateau. Je rappelle Baptiste Roblin que vous êtes associé fondateur
28:04de Novlo Avocat. Merci. Merci à toutes et à tous pour votre fidélité. Quant à moi,
28:09je vous retrouve très bientôt sur Be Smart For Change. Restez curieux et informés.