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Vendredi 25 octobre 2024, LEX INSIDE reçoit Laurence Urbani-Schwartz (Associée, Fromont Briens) , Simon Fournier (Associé, Deloitte Société d'Avocats) et Judith Fleuret (Counsel, Advant Altana)

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00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de Lex Inside, votre émission
00:27qui donne du sens à l'actualité juridique. Au programme de ce numéro, on va parler du
00:32contrôle du temps de travail. Ce sera dans quelques instants avec Laurence Urbani-Schwartz,
00:38associée de Fromont-Brienz. On parlera ensuite de l'obligation de non-concurrence des associés
00:44de société avec Simon Fournier, associé de Deloitte, société d'avocats. Et enfin,
00:49on parlera du délit de corruption avec Judith Fleuret, counsel chez Advent Altana. Voilà
00:56pour les titres. C'est parti pour Lex Inside. On commence tout de suite ce Lex Inside et on
01:11va parler contrôle du temps de travail avec mon invité Laurence Urbani-Schwartz, associée au
01:16syndicat Binet Fromont-Brienz. Laurence, bonjour. Bonjour Arnaud. Nous allons aborder un sujet
01:22particulièrement prégnant dans le monde du travail, le contrôle du temps de travail. Et
01:27c'est d'autant plus un sujet d'actualité avec aujourd'hui le télétravail et l'usage numérique
01:33des salariés. Pour commencer, quels sont les types d'horaires devant être contrôlés ? Alors
01:40aujourd'hui, en l'état du droit du travail français, quel que soit le type d'horaire de travail
01:46pratiqué par un salarié, il y a une obligation de contrôle et de décompte du temps de travail par
01:52l'employeur. La seule exception, c'est l'horaire collectif. L'horaire collectif, c'est un ensemble
01:59de salariés qui travaillent au sein d'une même équipe, d'un même département, d'un même
02:05atelier et qui va travailler exactement sur le même schéma, sur le même type d'horaire. Par
02:13exemple, vous allez avoir un 8h-12h en termes d'horaire, 14h-17h. Aussi simple que ça, c'est
02:20l'horaire collectif. Donc l'horaire collectif, il va être affiché sur le lieu de travail. Il a pu être
02:27communiqué à l'inspecteur du travail avant sa mise en œuvre et c'est une pratique qui perdure. Et
02:32donc, c'est ce cadre-là qui permet de s'exonérer pour l'employeur. En revanche, par nature, tous
02:39les autres horaires de travail, tous les autres horaires individualisés, quel que soit le type
02:45d'aménagement de l'horaire de travail, de la durée du travail, va faire l'objet d'un décompte et
02:50d'un contrôle par l'employeur. On a vu justement les horaires types. Quels sont les moyens de
02:56contrôle du temps de travail à disposition de l'employeur ? Alors, en matière de contrôle et
03:03de décompte du temps de travail, l'employeur va devoir décompter la durée du travail de façon
03:11quotidienne. Alors, par tout moyen, c'est-à-dire qu'on a un certain nombre de modalités qui peuvent
03:17être mises en œuvre. En revanche, il faut effectivement pouvoir soit enregistrer le début
03:24et la fin de la période de travail avec évidemment l'intégration, si par exemple c'est une pointeuse
03:30des coupures, la coupure repas ou toutes les pauses, ou alors procéder sur la base d'un relevé
03:36individuel qui peut être fait par le salarié dans le cadre d'un autodéclaratif ou par l'employeur
03:43selon d'autres modalités. Donc c'est soit du déclaratif, soit un système de badges ? Alors,
03:48il y a encore une pluralité plus importante. Ça peut être une badgeuse, ça peut être
03:53effectivement de l'autodéclaratif, ça peut être des plannings prévisionnels qui vont être affichés
03:58et le cas échéant évolutif ou rectifié en cas de modification. Vous avez aussi tout le panel
04:06du décompte informatique aujourd'hui de la durée du travail, donc vous avez effectivement toutes
04:12ces modalités par rapport à un décompte quotidien qui doit être complété par un décompte hebdomadaire
04:18qui vient récapituler effectivement l'horaire réalisé par le salarié dans le cadre de sa
04:24semaine de travail. Vous pouvez avoir en complément un relevé mensuel lorsqu'il y a
04:30la réalisation d'heures supplémentaires qui viendra s'annexer au bulletin de paye. Donc ça,
04:34c'est pour la, je dirais, la majorité des salariés. En revanche, pour certaines typologies
04:39d'aménagement de la durée du travail telles que le cadre salarié soumis à une convention de
04:46forfaits individuels en jour, dans ce cadre-là, l'employeur a l'obligation de décompter la durée
04:53du travail par le biais d'un relevé qui va être un relevé plutôt annuel, qui va récapituler toutes
04:58les journées, les demi-journées travaillées par son collaborateur. Alors, on a vu les moyens de
05:03contrôle à disposition de l'employeur, attendons-nous maintenant sur les moyens de contrôle à
05:08disposition de l'administration du travail. Quels sont-ils ? Alors, en cas de contrôle précisément,
05:15l'employeur est tenu de mettre à la disposition d'un inspecteur ou d'un contrôleur du travail,
05:21un certain nombre de documents qui sont les documents qu'on a évoqués tout à l'heure,
05:25c'est-à-dire par exemple les plannings, par exemple tous les relevés et les indicateurs de la durée
05:30et des horaires de travail. Donc, il doit les tenir à la disposition de l'administration du travail pour
05:36qu'il puisse y avoir une sorte de relevé, d'une comptabilisation des horaires qui ont été réalisés
05:44par les salariés. Alors, ces horaires, c'est important, c'est des comptes par dont il y a une
05:50durée de conservation et une mise à disposition qui est de un an pour tous les horaires, on va dire,
05:55individualisés. Il y a un vrai point de vigilance à ce sujet parce que la prescription en matière
06:02de salaire est triennale. Donc, on recommande plutôt d'avoir un délai de conservation qui
06:06soit de trois ans. En revanche, pour les salariés, par exemple dans le cas du forfait annuel en jour,
06:11le relevé de journée, de demi-journée travaillée doit être conservé pendant trois ans. Alors,
06:17voyons maintenant les sanctions en cas de contrôle abusif de l'employeur. Quelles sont
06:23les sanctions ? Alors, le contrôle abusif, en fait, je l'appréhende comme un contrôle de la durée du
06:30travail qui n'est pas dans les règles et surtout, aujourd'hui, c'est un point de litige qui contrevient,
06:37on va dire, aux principes de l'ICIT, de la surveillance des salariés. Donc, en fait,
06:44tout ce qui va être abusif, ce sera par exemple des contrôles qui vont être intrusifs. Par exemple,
06:51de compléter la pointeuse, le badgeage par une prise photographique de l'identité du salarié
06:58qui va badger de façon systématique parce qu'effectivement, l'employeur peut vouloir
07:04lutter contre une pratique qui serait de badger pour autrui. Ce type, effectivement, de modalités,
07:11de mécanismes, peut être jugé comme étant clairement abusif. Alors maintenant, si on voit
07:16du côté du salarié, quelles sont les sanctions vis-à-vis d'un salarié qui serait négligent
07:22vis-à-vis des horaires de travail qui arriveraient plus tard ou en dehors des horaires définis ? Alors,
07:27sur ce type, effectivement, de comportement, souvent, il est de deux ordres. Vous avez des
07:33salariés qui vont travailler plus ou qui vont effectivement, comme vous l'indiquez, travailler
07:38moins. La problématique, c'est que l'employeur doit être garant de ce respect, effectivement,
07:44de l'horaire de travail. Donc, si un salarié ne respecte pas ses horaires, que ce soit dans un
07:49sens plus, mais également dans un sens négatif, l'employeur se doit de matérialiser quelque
07:56chose et il peut très clairement s'inscrire aussi sur le terrain disciplinaire. L'autre point qui
08:02aussi est intéressant, c'est le salarié qui, par rapport aux dispositifs de contrôle de la
08:08durée de travail, ne va pas les respecter. Par exemple, qui omet de badger ou qui va aller dans
08:14un mécanisme de falsification de son pointage, là aussi, on est clairement sur le terrain
08:19disciplinaire. Pour terminer, peut-être quelques bonnes pratiques à l'intention des entreprises ?
08:24Alors aujourd'hui, comme vous l'avez indiqué en préambule, le télétravail est une pratique qui
08:29est extrêmement répandue encore aujourd'hui. Donc, sur ce sujet, il faut être extrêmement
08:35vigilant parce que même en cas de télétravail, en situation de télétravail, il y a un contrôle et
08:41un décompte de la durée de travail qui subsiste totalement. Donc, là aussi, il faut mettre en
08:45place des systèmes qui soient des systèmes valides, valables, puisque la surveillance
08:50permanente, par exemple, du salarié en situation de télétravail est totalement prohibée. Mais,
08:55il faut mettre en place des systèmes de contrôle tels que le badgeage électronique lorsqu'on est
09:01dans cette situation de travail. Alors aujourd'hui, en un mot, comment la jurisprudence évolue sur
09:07cette question ? Alors, la jurisprudence, elle vient préciser deux choses. Elle vient toujours
09:13préciser les grands principes, c'est-à-dire que le mécanisme de surveillance peut être autorisé
09:21à partir du moment où il va être pertinent et proportionnel à l'objectif poursuivi. C'est
09:27vraiment le créneau qui est effectivement tout le temps contrôlé, tout le temps présent dans ce
09:33type de problématique. Également, la jurisprudence va venir nous dire que sur certains systèmes de
09:40surveillance qui peuvent prêter à discussion, eh bien, il faut que ce soit pour qu'on puisse
09:46l'utiliser en tant qu'employeur, par exemple, alors qu'il peut y avoir une discussion sur la
09:52légalité, que ce soit le seul élément probant pour, eh bien, amener des éléments en termes de
09:59contrôle de la durée du travail. On va conclure là-dessus. Merci d'être venu sur notre plateau.
10:04Merci à vous.
10:05On poursuit ce Lex Inside et on va s'intéresser à l'obligation de non-concurrence des associés
10:21de société avec mon invité Simon Fournier, associé au sein du cabinet de loi de société
10:27d'avocats. Simon Fournier, bonjour. Bonjour Arnaud, je suis ravi d'être avec vous aujourd'hui.
10:32On va commencer tout de suite dans le vif du sujet. Les associés de société sont-ils tenus
10:37par une obligation de non-concurrence envers leur société ? C'est une excellente question Arnaud.
10:44La réponse est non. Il n'y a pas par principe d'obligation de non-concurrence à laquelle
10:50seraient soumis les associés d'une société. Il y a en revanche ce qu'on appelle le principe
10:54de l'affectio societatis qui exprime l'intention des associés de lier leurs intérêts envers
11:01leur société en vue de réaliser un projet spécifique par voie sociétale. En vertu de
11:07cet affectio societatis, les associés sont soumis à ce qu'on appelle un devoir général de loyauté
11:13envers la société au sein de laquelle ils sont associés et en vertu de ce principe,
11:19il leur est interdit de réaliser des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société.
11:24Néanmoins, il ne résulte pas automatiquement de ce principe une obligation générale,
11:30qui viendrait s'imposer aux associés des sociétés d'une SAS ou d'une SARL. De ce fait,
11:35ils restent totalement libres d'exercer une activité totalement concurrente à celle de la
11:40société au sein de laquelle ils sont associés, du moment qu'ils ne se rendent pas coupables d'actes
11:45de non-concurrence. Il existe une légère exception à ce principe général que je viens de vous exposer
11:51en ce qui concerne les sociétés dont la nature même est de mettre en commun une activité
11:56professionnelle. À titre d'exemple, les sociétés civiles professionnelles ou les sociétés d'exercice
12:01libéral au sein de ces deux types d'entités, les associés sont par nature soumis à une
12:05obligation de non-concurrence qui s'explique encore une fois par le fait que l'objet même
12:10de la société est d'exercer en commun une activité professionnelle. Alors comment ça se
12:15passe dans les SA, quid des associés ? C'est une bonne question. Dans les SA,
12:19la situation est un petit peu différente. Il s'agit de typologies de sociétés de grande taille avec
12:26un grand nombre d'associés dans lesquels ce qu'on appelle l'affectio societatis, ce principe
12:30d'intention commune, est beaucoup moins prégnant. De ce fait, la jurisprudence n'a jamais eu à se
12:35prononcer formellement sur une éventuelle clause de non-concurrence qui existerait ou non sur la
12:41charge des associés de SA. Néanmoins, la majorité de la doctrine est relativement unanime sur le fait
12:47que la solution est transposable, à savoir pas d'obligation de non-concurrence, un devoir de
12:52loyauté. D'accord. Alors maintenant, on va aller un peu plus loin. Est-ce qu'il est possible de
12:56faire peser sur les associés de société une obligation de non-concurrence ? Tout à fait.
13:02Alors là, on bascule sur le principe de la liberté contractuelle, c'est-à-dire qu'on peut
13:07tout à fait, de façon conventionnelle, prévoir une obligation de non-concurrence qui viendrait
13:12s'appliquer à des associés de société. Cela peut être fait de façon très classique dans les statuts,
13:17de façon statutaire, ou bien dans des actes extra-statutaires que peuvent être les pactes
13:23d'associés, les conventions de mandat social lorsqu'on parle de mandataire, les contrats de
13:28travail et évidemment les actes de cession. Alors intéressons-nous maintenant aux dirigeants
13:33sociaux. Qu'en est-il ? La situation est la même. Un dirigeant social qui cumulerait cette fonction
13:39avec la nature d'associé n'est pas en soi soumis à une obligation de non-concurrence. En revanche,
13:44en pratique, il est beaucoup plus usuel de prévoir une obligation de non-concurrence pour un associé
13:50qui cumule cette qualité avec celle de mandataire social, et pour cause, puisqu'il est en charge de
13:55la direction opérationnelle de la société, c'est lui qui va conduire l'activité. Il est donc usuel
14:00de prévoir ce type de clause. La première des conditions est qu'elle soit écrite, évidemment,
14:05donc comme je vous le disais, ou dans un acte extra-statutaire comme cela est très habituel,
14:10ou même dans les statuts. Par ailleurs, il faut ensuite que cette clause respecte un certain
14:14nombre de conditions pour qu'elle puisse être valide. Quelles sont les conditions ? La première
14:19d'entre elles est qu'il faut que cette clause, dans sa rédaction et dans ses dispositions,
14:23respecte totalement la protection de l'intérêt légitime de la société. On fait appel ici à une
14:30notion de proportionnalité extrêmement factuelle. Il va falloir que cette clause puisse être rédigée
14:36de fait à être adaptée à la taille de la société, aux compétences et aux fonctions du débiteur de
14:42son obligation, et par ailleurs, il faudra également qu'elle soit limitée dans le temps et dans l'espace.
14:46D'accord. Et là encore, on est sur une appréciation extrêmement opérationnelle et factuelle. En toute
14:52proportionnalité, les limites de cette limitation chronologique et géographique va dépendre de
15:00l'activité de la société, et la jurisprudence a pu valider des clauses en limitation chronologique
15:05qui allaient de quelques mois à plus de 20 ans, et en termes territoriaux qui allaient de quelques
15:10kilomètres autour d'un lieu d'activité à plusieurs pays. Le but de ces conditions est de s'assurer
15:17qu'il n'y a pas une entrave trop importante, trop disproportionnée à la liberté de travail.
15:21D'accord. Alors vous venez de l'évoquer, on peut limiter une clause de non-concurrence,
15:26une obligation de non-concurrence, dans le temps et dans l'espace, mais concrètement comment fait-on ?
15:31Ça va vraiment résulter d'une appréciation des spécificités de l'activité de la société,
15:39c'est-à-dire qu'une société qui va avoir une activité extrêmement commune avec beaucoup de
15:45concurrents assez immédiats, la jurisprudence aura plutôt tendance à invalider des clauses
15:51qui sont trop restrictives en termes d'étendue. À l'inverse, sur une startup dans la tech avec
15:57un concept extrêmement particulier, il est très habituel de voir des limitations géographiques ou
16:03temporelles très étendues, notamment géographiques, avec plusieurs continents qui peuvent être intégrés.
16:07Alors évoquons un cas spécifique, comment inclure une clause de non-concurrence dans un contrat de
16:14cession de titre ? Là encore, tout va découler de la liberté contractuelle. Ça nous pose un cas
16:22spécifique lorsque l'associé cédant cumule cette qualité avec celle de salarié, ce qui est
16:27assez souvent le cas lorsqu'on parle d'un mandataire social qui va vendre sa société. Dans cette
16:33situation très spécifique, la difficulté va venir du fait qu'on doit cumuler également des
16:37dispositions qui résultent du droit du travail, et donc la clause de non-concurrence qu'on va
16:42vouloir intégrer dans cet acte de cession, elle ne sera valide en s'agissant d'un associé salarié
16:47que si elle respecte une condition supplémentaire qui est celle de la contrepartie financière.
16:51D'accord. En d'autres termes, pour qu'elle soit valable, la clause de non-concurrence à charge
16:56d'un salarié, qu'il soit associé ou non, doit être payée. Ça a posé un vrai problème dans une
17:03pratique assez courante qui était de faire coïncider le paiement d'un prix de cession des
17:08titres avec celui de l'indemnité financière de la clause de non-concurrence. C'était une pratique
17:14éminemment contestable parce que d'une part, en globalisant le paiement de ces deux sommes,
17:19ils ont s'exposé au risque que le débiteur puisse considérer que sa clause de non-concurrence,
17:25l'indemnité compensatrice, ne lui avait pas été payée. Par ailleurs, cela conduisait à une
17:29situation où l'indemnité de la clause de non-concurrence était payée non pas par l'employeur
17:36mais par le futur associé. D'accord. Ce qui n'est pas conforme à les exigences en la matière. Et
17:41enfin, cela posait un certain nombre de problématiques fiscales et sociales puisque le
17:46risque était qu'une partie du prix de cession soit considérée comme du salaire et donc soit
17:51soumise aux aspects fiscaux et sociaux relatifs au traitement et salaire. D'accord. Pour terminer,
17:58rapidement, quelques bonnes pratiques sur l'obligation de non-concurrence des associés
18:04de société. Alors, toujours la rédiger avec beaucoup beaucoup de précautions. C'est une
18:11source de contentieux très importante, notamment dans le cadre de la cession de titres. D'accord.
18:15Bien évidemment, ne pas faire coïncider lorsqu'on rachète les titres à un salarié associé. Ne
18:21pas faire coïncider le paiement du prix de cession des titres et de l'indemnité qui vient
18:25compenser la clause de non-concurrence. Et même les prévoir dans deux types d'actes différents.
18:29D'accord. Voilà. Bon, on va conclure là-dessus. Merci d'être venu sur notre plateau. Merci beaucoup.
18:34Et je tiens à souligner la contribution de mon collaborateur Louis Juttard qui a initié la
18:39rédaction d'une série d'articles sur ce sujet. Je l'en remercie chaleureusement. Très bien.
18:52On continue ce Lex Inside. On va parler du délit de corruption avec Judith Fleuret,
18:59consul chez Advent Altana. Judith Fleuret, bonjour. Bonjour Arnaud. Qu'est-ce que le délit de
19:05corruption ? Alors, le délit de corruption, d'abord, je dois vous indiquer qu'il fait
19:09partie d'un corpus d'infractions qui sont des atteintes à la probité, comme par exemple le
19:14favoritisme ou le trafic d'influence. Alors, si je devais résumer le délit, je dirais que
19:20c'est le fait de subordonner une personne afin d'en tirer un avantage. Alors, plus particulièrement,
19:27le code pénal définit ce délit comme le fait, et je vais le lire, de solliciter, accepter,
19:34de recevoir, sans droit, des offres, promesses, dons, présents ou avantages de quelque nature
19:41que ce soit, en contrepartie de l'accomplissement ou du non-accomplissement d'un acte relevant de
19:48sa fonction. Alors, une définition c'est bien, mais des exemples c'est pas mal aussi. Donc, par
19:55exemple, une personne qui accepte une invitation à un concert en échange d'un renouvellement d'un
20:02marché privé ou d'un marché public, ça peut être de la corruption. Un particulier qui verse de
20:08l'argent à un maire en échange du renouvellement d'un permis de construire, ça peut être de la
20:13corruption. Alors, il faut bien garder à l'esprit le fait que proposer un pacte de corruption ou
20:20l'accepter, c'est pareil. Proposer, accepter, c'est pareil. Et aussi, il faut comprendre que la
20:27corruption, c'est aussi la sphère publique. On imagine un marché public, on imagine des agents
20:32publics, mais en fait, ça n'est pas que ça. Vous avez aussi la sphère privée, vous avez aussi la
20:37corruption dans la sphère privée. Alors, on parle de corruption publique ou de corruption privée.
20:42Et quelle est la différence entre ces deux infractions ? C'est surtout la peine. En fait,
20:48en France, la corruption publique est plus répréhensible. Les peines sont plus importantes.
20:53Dix ans d'emprisonnement, un million d'euros d'amende. Et pour les personnes morales, parce que
20:59ça, c'est des peines de personnes physiques, pour les personnes morales, le code pénal prévoit le
21:04quintuple de l'amende. Donc, cinq millions d'euros d'amende au maximum. Pour la corruption privée,
21:11cinq ans, 500 000 euros d'amende. Donc, cinq fois pour les personnes morales, 2,5 millions d'euros
21:18d'amende potentielle. Et vous avez, et j'en finirai pour cette question, des peines complémentaires.
21:23Par exemple, l'interdiction d'exercer une activité professionnelle. Donc, on a bien vu maintenant ce
21:29qu'est le délit de corruption avec les sanctions. Qu'est-ce que l'infraction instantanée et en quoi
21:36le délit de corruption entre-t-il dans cette catégorie ? Alors, l'infraction instantanée,
21:42comme son nom l'indique, c'est une infraction qui se consomme immédiatement, en un trait de temps. Je
21:49vous donne un exemple. Je vole une pomme. Je vole la pomme. L'infraction est... Ces faits, je les
21:55commets dans un trait de temps. L'infraction est consommée. C'est une infraction instantanée. Je
22:00vais prendre aussi le délit de diffamation. Je vais mettre des propos en ligne concernant... Avec
22:07des propos diffamatoires. Dès que j'appuie sur le bouton entrer, l'infraction est consommée. C'est
22:12une infraction instantanée. Alors, le contraire de l'infraction instantanée, c'est l'infraction
22:17continue. En quoi c'est la différence ? C'est une infraction dont l'exécution s'étend sur une
22:24certaine durée. Donc, nouvel exemple, le recel, par exemple. Vous avez en votre position un vélo
22:29volé. Vous le savez. Vous savez qu'il est volé. Le recel va continuer jusqu'à la fin de la détention.
22:35Pareil pour le travail dissimulé, par exemple, de salarié. Si je ne déclare pas mes salariés,
22:40disons que l'infraction va continuer jusqu'à la fin de la relation de travail. La différence,
22:46c'est une conséquence importante évidemment, c'est la prescription. La prescription d'une
22:52infraction instantanée, c'est tout de suite. Je vole la pomme. L'infraction est consommée. Le délai
22:58de prescription commence à courir au moment où je vole la pomme. En revanche, en matière d'infraction
23:03continue, le fait que l'infraction continue tout au long de cette infraction, le délai de
23:12prescription commence à courir à la fin. Donc, ça va être plus long. Alors, vous m'avez posé la
23:17question en quoi le délit de corruption entre dans cette catégorie. A vrai dire, ça va de soi,
23:22mais ça va mieux en le disant. Le délit de corruption entre dans la catégorie des infractions
23:27instantanées, car ce délit est consommé dès la conclusion du pacte de corruption. Et ça peut
23:33être en un très temps, en une seconde. Un simple oui fonctionne. Donc, l'acceptation du pacte de
23:39corruption peut même se dérouler, comme je viens de le dire, en quelques secondes. C'est donc bien
23:43une infraction instantanée, ce que rappelle très souvent la chambre criminelle de la cour de
23:47cassation. Un autre élément à prendre en compte, c'est le fait que cette infraction peut être
23:52occulte ou dissimulée, c'est à dire qu'elle n'est pas nécessairement découverte quand elle se
23:57commet. Donc là, le délai de prescription peut commencer à courir dans plus longtemps après,
24:03et notamment 12 ans au maximum. Alors, on a vu que le délit de corruption était une infraction
24:08instantanée, mais bien qu'étant une infraction instantanée, il peut être renouvelé. Dans quelle
24:15mesure ? Oui, alors là, c'est toute la subtilité. En fait, c'est une infraction instantanée,
24:19comme le rappelle très souvent la chambre criminelle de la cour de cassation. Instantanée,
24:23immédiat, ça se consomme tout de suite. Mais, petite subtilité, par des actes d'exécution du
24:29pacte, le délit, la prescription peut être repoussée. Je m'explique. Le 7 mai 2024,
24:37la chambre criminelle de la cour de cassation a jugé, mais elle le fait depuis un long moment,
24:41c'est une... D'accord, c'est une jurisprudence constante. Exactement. Elle a jugé que
24:46l'infraction de corruption comme d'autres, d'ailleurs, est renouvelée à chaque nouvel acte
24:51d'exécution. Et en l'espèce, dans cet arrêt, c'était des paiements. C'est-à-dire qu'on a un
24:57seul pacte, on a une seule infraction, mais en revanche, on a une sorte de démembrement de
25:03l'infraction par des paiements qui renouvellent cette infraction jusqu'au dernier paiement. La
25:09motivation des juges, c'est de dire que la volonté coupable est réalisée à chaque acte. D'accord.
25:15Alors c'est une jurisprudence qui est sévère, qui a des conséquences juridiques importantes
25:19pour les potentiels auteurs de corruption. Alors justement, vous évoquez les conséquences de
25:24cet arrêt. Quelles sont-elles ? Alors moi, j'en vois deux. Déjà, la première conséquence juridique,
25:30et on en parle, c'est le point de départ du délai de prescription. À chaque nouvel acte,
25:36le délai de prescription recommence, on va dire. Chaque nouveau paiement recule le point de départ.
25:42Donc si je prends l'exemple d'un pacte de corruption de 2019, un paiement en 2020,
25:47un paiement en 2021, un paiement en 2022, la prescription commence à courir en 2022,
25:53et non en 2019. Et la deuxième conséquence, c'est la loi nouvelle. En fait, cet arrêt rappelle un
26:00principe qui est que la loi pénale plus sévère ne s'applique qu'aux actes commis après l'entrée
26:07en vigueur de cette loi pénale plus sévère. D'accord. C'est ce qu'on appelle le principe
26:10de non rétroactivité. Là, en l'espèce, la Cour de cassation nous dit « des paiements sont
26:16intervenus après la loi nouvelle. Je considère que les paiements ont renouvelé le délit de
26:22corruption, donc la loi nouvelle doit s'appliquer ». Alors c'est une solution sévère qui a
26:28clairement pour objectif de faciliter la poursuite et la répression du délit de corruption.
26:33Pour terminer, peut-être quelques retours sur la jurisprudence hormis cet arrêt de 7 mai,
26:41les tendances en matière de délit de corruption ? Alors, pas tellement la jurisprudence,
26:45mais je dirais qu'aujourd'hui, on a de plus en plus de mécanismes qui sont mis en place en
26:50matière de corruption, et notamment, je pense à la CÉGIP, la Convention judiciaire d'intérêt
26:55public, qui est un mécanisme qui offre aux sociétés seulement, et pas aux personnes
27:00physiques, seulement aux sociétés, pas aux dirigeants, pas aux salariés, une alternative
27:04aux poursuites qui, grâce à la conclusion, ça va se faire grâce à la conclusion d'accords avec
27:09les services qui peuvent poursuivre, comme le parquet. C'est ce qu'on appelle la justice
27:14négociée, et c'est une tendance de fond selon vous ? Exactement, en ce moment c'est une tendance
27:18de fond. On a la CÉGIP, on a aussi la CRPC, le plaidé coupable, pour reprendre les mots plus
27:24simples, qui en effet commence de plus en plus à s'appliquer pour ce type d'infractions. On va
27:29conclure là-dessus. Merci d'être venue sur notre plateau. Merci beaucoup. Merci à toutes et à
27:35tous pour votre fidélité. Restez curieux et informés. À très bientôt sur BeSmart for Change.

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