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Mercredi 11 décembre 2024, LEX INSIDE reçoit Julien Chabanat (Avocat collaborateur senior, K&L; Gates) , Sandra Strittmatter (Associée, Franklin) et Marine François (Manager, Arsene)

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00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de L'Ex Inside,
00:26l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique, du droit, du droit et rien que du droit.
00:32Au programme de ce numéro, on va parler de l'impact de l'élection de Donald Trump sur les politiques douanières.
00:38Ce sera dans quelques instants avec Marine François, manager d'Arsennes.
00:43On parlera ensuite de l'actualité jurisprudentielle en matière de bail commercial avec Julien Chabana,
00:49avocat collaborateur senior chez Kyle Gates.
00:52Et enfin, on parlera de la protection des œuvres des arts appliquées avec Sandra Strittmatter, associée chez Franklin.
01:00Voilà pour les titres, L'Ex Inside, c'est parti !
01:13On commence tout de suite cette émission et on va parler de l'impact de l'élection de Donald Trump
01:18sur les politiques douanières avec mon invité, Marine François, manager chez Arsennes.
01:24Marine François, bonjour.
01:26Bonjour Arnaud.
01:27Alors, l'élection de Donald Trump pose de sérieuses questions
01:31quant aux politiques douanières et aux conséquences des mesures protectionnistes annoncées.
01:37Pour débuter, quelles sont les mesures protectionnistes annoncées par Donald Trump ?
01:42Alors, effectivement, Donald Trump, il a basé toute sa campagne présidentielle sur un slogan,
01:47« Make America Great Again », et sur un nom, un mot, j'allais dire plutôt « tarif ».
01:53Tarif, qu'est-ce que ça veut dire en français ? C'est les droits de douane.
01:56Et donc, on peut constater globalement deux séries de mesures
02:02qu'il a évoquées pendant sa campagne électorale, mais qui ont aussi évolué depuis qu'il a été élu.
02:07D'accord.
02:09La première série de mesures, c'est relative à une règle particulière qui s'appelle la règle des minimis.
02:16Des minimis, en fait, c'est une règle qui s'applique, elle est connue également sous le nom de franchise Obama.
02:21D'accord.
02:22C'est une règle qui s'applique à l'importation sur le territoire douanier des États-Unis
02:27et qui permet d'importer des marchandises en exonération de droits de douane
02:32si tant est que la valeur de votre importation ne dépasse pas 800 dollars.
02:38Donc aujourd'hui, c'est une valeur qui est très élevée.
02:39Pour vous donner un ordre d'idée, dans l'Union européenne, c'est fixé à 150 euros, par exemple.
02:43Oui, en effet.
02:44Et donc aujourd'hui, tous les flux, alors globalement, ça bénéficie aux flux B2C,
02:49mais tous les flux qui arrivent sur le territoire des États-Unis sous cette franchise-là ne payent pas de droits de douane.
02:56D'accord.
02:56Et donc le candidat, ancien candidat, maintenant élu président Donald Trump,
03:01il a annoncé qu'il voulait supprimer cette franchise.
03:05Donc ça, c'est la première série de mesures.
03:07Il l'avait annoncé pendant sa campagne électorale, il n'en a pas reparlé depuis qu'il a été élu.
03:12Ça, c'est le premier point.
03:13Le deuxième point, c'est sur les droits de douane sur des secteurs géographiques particuliers.
03:19Je pense qu'on en a un peu tous entendu parler.
03:20Il y a différentes zones qui sont ciblées.
03:24La première, c'est la Chine.
03:26Donc la Chine, pendant la campagne électorale, il avait annoncé vouloir mettre en place des droits de douane de l'ordre de 60%.
03:34Il est un peu revenu sur cette position depuis qu'il a été élu.
03:37Et maintenant, il annonce donc des surtaxes, c'est-à-dire des droits de douane additionnels
03:41qui viendraient en plus des droits de douane qui existent déjà pour la Chine de l'ordre de 10%.
03:46D'accord.
03:47Donc ça, c'est la première région qui est visée, j'allais dire.
03:50La deuxième région, c'est les pays frontaliers.
03:54On en a entendu parler également, le Mexique et le Canada.
03:57Aujourd'hui, il y a un accord de libre-échange entre ces pays, donc les États-Unis, le Mexique et le Canada.
04:04Donald Trump a annoncé qu'il voulait remettre en cause indirectement cet accord de libre-échange
04:09puisqu'il souhaite mettre en place des droits de douane de l'ordre de 25%,
04:14des produits qui seraient originaires de l'un de ces pays.
04:17D'accord.
04:17C'est des annonces, c'est toujours en cours de discussion,
04:20on ne sait pas entre ce qu'il annonce et ce qui sera mis en place, ce qui va vraiment se faire.
04:25Mais on sait qu'il est coutumier de ce type d'annonce, donc on attend de voir concrètement comment ça va se passer.
04:29Voilà, et ça peut être aussi un peu un jeu de pouvoir, voir comment aussi il peut aller négocier d'autres choses
04:34en contrepartie de l'abandon de ses projets.
04:38La dernière mesure qu'il a annoncée aussi sur une zone particulière, c'est les BRICS.
04:43Donc les BRICS, c'est 9 pays, ça regroupe notamment le Brésil, la Chine, l'Inde, la Russie.
04:50Et donc ces pays se sont regroupés pour envisager la mise en place d'une monnaie commune
04:56qui viendrait faire concurrence au dollar.
04:58D'accord.
04:59Et ce week-end, Donald Trump a annoncé que si cette mesure voyait le jour,
05:03il imposerait des droits de douane de l'ordre de 100%
05:06sur toutes les importations des produits originaires de ces pays.
05:10Pour l'heure, on n'a pas eu de mesure particulière d'annoncer vis-à-vis de l'Union européenne.
05:15D'accord.
05:15Alors prenons, arrêtons-nous quelques instants sur l'augmentation des droits de douane sur les produits chinois.
05:22Quelles conséquences ça aurait indirectement sur la France ?
05:27Alors, en fait, il faut revenir au triptyque, j'allais dire, du droit douanier.
05:30Quand on importe une marchandise sur un territoire douanier, quel qu'il soit, donc par exemple aux Etats-Unis,
05:36vous allez avoir une taxation qui va être déterminée sur la base de trois piliers.
05:40Les trois piliers, c'est l'espèce tarifaire, c'est-à-dire la catégorie que vous donnez à votre marchandise.
05:45D'accord.
05:46Par exemple, l'informatique, ce sera catégorisé en 85.
05:49Il y a un nombre à chaque fois.
05:51Donc, vous avez l'espèce tarifaire, vous avez la valeur,
05:54c'est-à-dire la méthode principale, c'est la valeur transactionnelle.
05:58Donc, c'est le prix de vente globalement.
05:59D'accord.
06:00Et le troisième pilier, c'est l'origine.
06:03Aujourd'hui, les mesures qu'il annonce vont plutôt viser l'origine du produit.
06:07C'est-à-dire que pour une société française qui fabrique ses produits dans des pays visés,
06:13dont je vous ai parlé tout à l'heure.
06:16Par exemple, une société française, par exemple dans le textile, qui fabrique ses produits au sein de la Chine,
06:21et donc qui va avoir une origine chinoise, va être directement touchée par les mesures que je viens de vous citer.
06:28Parce qu'en fait, on ne parle pas de la provenance du produit,
06:30c'est-à-dire peu importe que votre produit, il ait été stocké dans un entrepôt en France ou dans l'Union Européenne,
06:35peu importe d'où il est expédié, à partir du moment où il a cette origine chinoise, il sera touché.
06:41Et par exemple, si on prend, donc là, on parlait des produits qui viennent de Chine,
06:45si on prend en plus un produit e-commerce qui vient de Chine,
06:48il se trouve doublement taxé parce que si on supprime la règle des minimis,
06:51il se retrouve taxé alors qu'il ne l'était pas.
06:54Et en plus, il se retrouve taxé doublement parce qu'on aurait la surtaxe.
06:57Donc, c'est des conséquences financières significatives pour les sociétés françaises qui fabriquaient dans ces pays.
07:03Et après, il y a les sociétés françaises, j'allais dire, où eux, ils ont une fabrication locale dans l'Union Européenne,
07:09où pour l'heure, on n'a pas plus d'informations sur la façon dont ils pourraient être taxés.
07:15Mais on anticipe qu'aujourd'hui, il nous a parlé de la Chine, il nous a parlé des pays frontaliers.
07:22On anticipe que les prochains sur la liste, ce sera très certainement l'Union Européenne.
07:25Bien sûr. Donc, on voit que les entreprises françaises pourraient toucher indirectement.
07:29Est-ce qu'on a une idée des secteurs qui seraient le plus impactés par ces mesures ?
07:34On l'a vu, le e-commerce, forcément, avec ce risque sur la règle des minimis.
07:40Il y a d'autres secteurs à l'époque, dont au premier mandat de Donald Trump,
07:44il avait annoncé certains secteurs qu'il souhaitait voir soumis à droite douane additionnelle, notamment le secteur automobile.
07:51Alors, à l'époque, il n'avait pas eu l'occasion de le mettre en place.
07:55Mais c'est un secteur sur lequel il considère que l'Union Européenne fournit des subventions ou, en tout cas, un avantage anticoncurrentiel.
08:03Et donc, il avait envisagé de soumettre ce secteur-là à droite douane.
08:07Il avait également parlé du secteur agricole parce qu'il considère que les normes européennes sont trop strictes
08:13et que, donc, elles créent une barrière à l'entrée dans l'Union Européenne.
08:16Et donc, en représailles, il mettrait des droits de douane particuliers sur ces secteurs-là.
08:21Après, on n'est pas à l'abri qu'il aille sur d'autres secteurs.
08:23On l'a vu à l'époque dans l'affaire Boeing-Airbus où, dans cette affaire, les États-Unis et l'Union Européenne ont été reconnus
08:31comme ayant subventionné ces industries. Et donc, elles ont été autorisées à mettre des droits de douane additionnels également sur des importations.
08:38Et en fait, les États-Unis, ce qu'ils avaient fait, c'est qu'ils avaient fait une espèce de roulotte, j'allais dire,
08:43où ils avaient imposé certains secteurs les uns après les autres.
08:46Et on avait vu que les cosmétiques avaient été impactés, le vin, le fromage, pas que l'aéronautique.
08:52Donc, on n'est pas à l'abri qu'ils remettent en œuvre ce type de démarche.
08:58Aujourd'hui, quelle est la réaction de l'Union Européenne ?
09:01Est-ce qu'on est plutôt dans l'attentisme ? Et quelle pourrait être la réaction de l'Union Européenne par la suite ?
09:06L'Union Européenne, elle est un peu prise en étau, j'allais dire, dans cette guerre commerciale entre les États-Unis qui sont notre premier client
09:13et la Chine qui est notre premier fournisseur.
09:16Donc, aujourd'hui, il y a plutôt, j'allais dire, un attentisme parce qu'on ne peut pas prévoir ce qu'il va mettre en place in fine une fois qu'il sera élu.
09:25Et surtout, on ne peut pas remettre en cause, comme lui le fait, mais toutes les règles et les accords de libre-échange qu'on a conclus entre l'Union Européenne et différents pays.
09:35Donc, on est pris entre ce libéralisme et tous les accords de libre-échange qu'on a,
09:40et aussi un besoin de sécuriser les secteurs stratégiques de l'Union Européenne et de pouvoir les protéger avec des mesures type, en fait, en représailles,
09:52des droits de douane additionnels pour des secteurs qu'on a vraiment besoin de protéger, comme l'énergie, l'agriculture, etc.
10:00On va conclure là-dessus. Merci, Marine François. Je rappelle que vous êtes manager au sein du Caminé Arsène.
10:06Merci, Arnaud.
10:07Tout de suite, l'émission continue. On va parler de l'actualité jurisprudentielle du bail commercial.
10:23On poursuit cette émission et on va parler de l'actualité jurisprudentielle en matière de bail commercial avec mon invité,
10:30Julien Chabana, avocat collaborateur au sein du Cabinet, K.L. Gates. Julien, bonjour.
10:37Bonjour, Arnaud.
10:37Alors, on va faire un petit tour ensemble de la jurisprudence en matière de bail commercial.
10:42Pour commencer, comment la jurisprudence a-t-elle évolué en matière de loyer binaire et la fixation de la valeur locative ?
10:51Effectivement, il y a eu une évolution très récente cet été, enfin cet été, au printemps, à la fin du printemps, avec un arrêt de la Cour de cassation le 30 mai.
11:02Mais il faudrait effectivement revenir sur le contexte dans lequel cet arrêt est intervenu.
11:07C'est l'issue, ou plutôt une nouvelle pierre à l'édifice, d'une construction jurisprudentielle qui date de plus de 30 ans désormais.
11:16C'est un premier arrêt de 1993, de la Troisième Chambre civile également.
11:22D'accord.
11:23Un arrêt qui est assez connu les praticiens, qui est l'arrêt Théâtre Saint-Georges,
11:26qui est tout simplement venu dire que, dans le cadre d'un loyer binaire,
11:31donc d'un bail commercial qui stipule un loyer binaire, pour rappel un loyer binaire,
11:34c'est un loyer qui intègre à la fois une partie fixe ou un minimum garantie,
11:39et un second volet avec une clause recette, c'est-à-dire une partie du loyer qui est variable en fonction de la performance du preneur exploitant des locaux.
11:50La question qui se posait devant les juges était la suivante.
11:54À quel point le juge, à quel point les parties peuvent recourir au juge pour la fixation d'un loyer binaire à la valeur locative ?
12:02D'accord.
12:03La Troisième Chambre civile est venue répondre, par cet arrêt fondateur,
12:09que le juge ne pouvait pas fixer à la valeur locative un loyer qui avait été stipulé de façon binaire par les parties.
12:19Pourquoi ?
12:21Tout simplement parce qu'elle a considéré que les parties, par la stipulation d'un loyer binaire,
12:28avaient choisi de s'extraire des dispositions en principe applicables au loyer du bail commercial,
12:37qui permettent au juge effectivement de fixer les conditions du loyer en renouvellement à la valeur locative.
12:43D'accord.
12:44C'est un arrêt qui a été réitéré par la suite, notamment avec l'arrêt Méridien-Montparnasse au début des années 2000.
12:53À partir de ce moment-là, la jurisprudence s'est un peu étoffée.
13:00En précisant les conditions dans lesquelles, puisqu'on était dans une situation où le juge n'avait finalement pas le droit de citer,
13:09finalement les juges sont venus adoucir le mécanisme en remettant le juge dans le jeu, si j'ose dire,
13:20dans la mesure où les parties visaient les dispositions légales et typiques du statut des baux commerciaux,
13:31et également lorsqu'il y avait une stipulation contractuelle express qui permettait aux parties de recourir au juge.
13:39Alors justement, vous évoquez le rôle du juge.
13:43Quel est le rôle du juge dans la fixation des loyers commerciaux binaires dans les récentes décisions ?
13:49Alors dans cette décision du 30 mai, ce qui est particulièrement important,
13:53c'est qu'on voit qu'il y a un effort de la Cour de cassation qui est fait pour à nouveau réintégrer le juge dans le jeu de la discussion.
14:02D'accord.
14:03Puisque jusque-là, le juge devait vérifier s'il y avait une clause express qui permettait l'intervention du juge,
14:15là, à défaut de clause express, puisque c'était le cas en présence, la Cour de cassation est venue dire d'une façon assez claire
14:27que même en l'absence d'une clause express de recours au juge des loyers commerciaux,
14:33il appartient à celui-ci de rechercher cette volonté commune contraire, soit dans le contrat, soit dans des éléments extrinsèques.
14:43D'accord.
14:43On va même au-delà du contrat, on va explorer la volonté commune des parties, donc même des éléments extrinsèques.
14:54Il y a vraiment une possibilité assez large pour le juge d'intervenir à la demande d'une ou l'autre des parties.
15:00D'accord.
15:01C'est un arrêt de cassation de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait pourtant suivi le corpus jurisprudentiel qui était en vigueur jusqu'alors.
15:08Alors, on va aborder un nouveau sujet.
15:11De nouvelles exigences jurisprudentielles ont émergé concernant l'indemnisation du bailleur pour l'état de restitution des locaux.
15:19Quelles sont ces nouvelles exigences ?
15:22Le contexte est également important puisque c'est un classique, si j'ose dire, du bail commercial, le plus souvent en fin de bail.
15:31Le preneur se voit imposer par le bailleur des conditions de restitution qui ont été prévues contractuellement.
15:37Mais c'est le moment de les dénouer.
15:40Or, il est possible qu'un preneur rentre des locaux dans un état qui n'est pas conforme aux prescriptions contractuelles.
15:49C'est des choses qui arrivent, absolument.
15:51On peut penser que la solution est assez lapidaire en principe.
15:57C'est-à-dire que si je suis bailleur, je retrouve des locaux qui ne sont pas dans un état conforme,
16:01il est assez légitime que je demande au preneur des dommages intérêts devant le juge pour être indemnisé.
16:09Alors, qu'est-ce qui se passe, dites-nous ?
16:11Alors, c'est l'arrêt du 27 juin 2024.
16:15Une série d'arrêts, trois arrêts en cas particulier, qui ont fait couler beaucoup d'encre, à juste titre.
16:21La question qui se posait devant le juge, c'est une question finalement de théorie générale des obligations.
16:29La question est la suivante.
16:31Le manquement contractuel du preneur peut-il, à lui seul, permettre au juge d'octroyer des dommages à intérêt au bailleur ?
16:38D'accord.
16:39Sous-entendu, est-ce que le bailleur doit absolument prouver l'existence d'un préjudice ?
16:43Il y avait un débat à ce titre-là.
16:47La Cour de cassation est venue désormais harmoniser sa jurisprudence
16:51en considérant que, faute pour le bailleur de prouver un préjudice,
16:55même si on constate un manquement qui est clair du preneur au contrat,
17:00le bailleur ne peut pas prétendre à l'octroi de dommages intérêts.
17:03D'accord.
17:04Alors, autre sujet intéressant, la jurisprudence concernant la mise en œuvre de la clause résolutoire.
17:11Pouvez-vous revenir sur les subtilités récemment mises en lumière sur cette question de la clause résolutoire ?
17:18Alors, la clause résolutoire, effectivement, est un nid incontentieux en baille commerciale.
17:23C'est un grand classique.
17:25On peut dire que la clause résolutoire, elle tend parfois à devenir une clause de style dans la négociation,
17:31alors même qu'elle est absolument importante,
17:36de garder une certaine rigueur dans la rédaction, dans la conception d'une clause résolutoire.
17:41Pourquoi ?
17:42Il y a tout simplement du fait que, pour la mettre en œuvre, il faut se baser sur la clause en particulier,
17:51puisqu'elle est mise en œuvre dans le cadre d'un texte très spécial du Code de commerce,
17:57c'est le L145-41, lequel, par exemple, prévoit un délai d'un mois pour la mise en œuvre de cette clause résolutoire.
18:07C'est-à-dire que vous avez le plus souvent un preneur qui est en défaut de paiement, c'est le cas le plus classique.
18:12Bien sûr.
18:13Un bailleur va demander le paiement formellement par la voie de lui-ci avec un commandement de payé, par exemple.
18:21Ce commandement de payé fait courir un délai d'un mois,
18:25mais on a vu dans la jurisprudence plus ou moins récente, d'ailleurs,
18:30qu'un délai d'un mois prévu par le texte, ça ne peut pas être confondu avec un délai de 30 jours, par exemple.
18:36Ce qui peut paraître rapide, mais ça peut être une subtilité qui met une procédure par terre.
18:43D'accord.
18:44C'est également une clause qui doit rappeler les manquements qui sont susceptibles d'être sanctionnés.
18:52S'ils ne le sont pas dans la clause ou au travers de la clause,
18:55on ne peut pas mettre en oeuvre la clause résolutoire sur le fondement de ces manquements.
19:01Il reste néanmoins une résolution judiciaire outre la clause résolutoire.
19:06C'est également une clause qui est d'interprétation stricte.
19:10Donc, la rédaction est fondamentale pour cette mise en oeuvre.
19:15On va conclure là-dessus.
19:16Merci, Julien Chabannat, pour ce panorama jurisprudent.
19:20Je rappelle que vous êtes avocat collaborateur senior au sein du cabinet, Kael Gates.
19:24Merci beaucoup.
19:25Tout de suite, l'émission continue.
19:27On va parler protection des œuvres des arts appliqués.
19:41On continue ce Lex Inside.
19:43On va parler de la protection des œuvres des arts appliqués
19:46avec mon invitée Sandra Strittmatter, associée au sein du cabinet.
19:50Franklin, Sandra Strittmatter, bonjour.
19:52Bonjour.
19:53On va s'intéresser ensemble à la protection des œuvres des arts appliqués
19:57à l'aune de la jurisprudence du 24 octobre 2024.
20:01Mais avant d'aborder cette jurisprudence, que sont les œuvres des arts appliqués ?
20:06Alors, l'expression œuvres des arts appliqués, elle renvoie aux arts appliqués à l'industrie.
20:12C'est-à-dire que ce sont des œuvres qui ont une finalité particulière
20:15industrielle et plus largement commerciale.
20:18C'est des œuvres qui sont vouées à être fabriquées
20:20en un nombre d'exemplaires assez important pour ensuite être commercialisées.
20:24On les oppose traditionnellement aux œuvres d'art plastique
20:27qui, elles, regroupent, au fait, toutes les œuvres architecturales, picturales et sculpturales
20:33et qui ont pour seule préoccupation l'esthétisme sans aucune démarche commerciale, a priori.
20:39Alors, on va s'intéresser à leur protection.
20:42Comment sont protégées ces œuvres des arts appliqués ?
20:46Alors, les œuvres des arts appliqués peuvent être protégées par plusieurs droits de propriété intellectuelle.
20:50D'abord, le premier auquel on pense, c'est le dessin et modèle.
20:53Ils protègent l'apparence d'un produit, donc plus largement les contours, la forme et également les couleurs.
20:59C'est tout à fait adapté pour les œuvres d'art appliqué qui sont notamment les objets de design.
21:04Pour être protégé, il y a des conditions à remplir.
21:06Il faut notamment que le dessin et modèle soit nouveau et qu'il ait un caractère propre.
21:11En ce qui concerne la nouveauté, un dessin et modèle est nouveau
21:14si aucun dessin ou modèle identique ou quasi identique n'aura été divulgué
21:20avant la date de protection accordée, qui est la date de dépôt.
21:23Il aura un caractère propre s'il ne suscite pas l'impression de déjà-vu dans son ensemble
21:30par rapport à un dessin et modèle qui a déjà été divulgué.
21:33Il est protégé par un dépôt, il peut être français, international ou communautaire.
21:38Il est protégé pour une durée de 5 ans, renouvelable tous les 5 ans et pour une durée maximale de 25 ans.
21:43On peut aussi avoir des droits sur un dessin et modèle non enregistré.
21:47C'est une protection qui est un peu plus limitée, qui s'applique surtout pour les objets ou l'industrie du textile
21:56où on n'a pas besoin d'une protection longue.
21:58Après, on a le droit d'auteur, bien évidemment, qui lui protège les œuvres de l'esprit,
22:03quel qu'en soit le genre, le mérite ou la destination.
22:06Les œuvres d'art appliquées peuvent tout à fait être protégées par le droit d'auteur.
22:10Il n'y a pas de dépôt, c'est-à-dire que là, le droit d'auteur naît avec la création
22:16et il va durer jusqu'à 70 ans après la mort de l'auteur.
22:20Il est des jurisprudences constantes que pour qu'un droit d'auteur naisse, il faut que l'œuvre soit originale,
22:26c'est-à-dire qu'elle reflète l'empreinte de la personnalité de son auteur.
22:31Les œuvres d'art appliquées peuvent être protégées aussi bien par le droit d'auteur que le dessin et le modèle.
22:37C'est ce qu'on appelle le principe de cumul de protection.
22:40En France, il est consacré depuis très longtemps.
22:43Il est également consacré dans la législation communautaire.
22:46La France, c'est comme le pays où le droit d'auteur est né, il ne faut pas oublier.
22:50Elle a toujours accordé la protection par le droit d'auteur à des œuvres d'art appliquées
22:54de façon assez simple, assez facile, contrairement à d'autres pays comme l'Italie ou le Portugal
23:00qui ont toujours exigé jusqu'à présent qu'il y ait également une valeur artistique.
23:04Et donc, c'était très compliqué d'obtenir une protection par le droit d'auteur.
23:08Et justement, on a une décision de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 12 septembre 2019
23:14dans une affaire Cofemel contre Gestar, qui est justement venue donner des précisions
23:19sur le critère d'originalité pour des œuvres des arts appliqués.
23:24Dans cette affaire, c'était des modèles de vêtements, des t-shirts, des jeans, donc des modèles utilitaires.
23:29Et les tribunaux portugais avaient saisi la Cour d'une question préjudicielle
23:33concernant les critères de protection de modèles utilitaires.
23:37La Cour a jugé, c'est de jurispondance constante, que le droit d'auteur,
23:41pour qu'il y ait un droit d'auteur, il faut que la création soit originale,
23:44c'est-à-dire qu'on reflète l'empreinte de la personnalité de son auteur
23:48en manifestant des choix libres, libres et créatifs.
23:51Donc, c'est les critères de protection qu'on connaît et rien de plus.
23:55C'est pour ça que cette décision est très importante, parce qu'elle a invalidé toute initiative nationale,
23:59comme on l'espère sur le droit portugais, qui exigeait en plus un critère esthétique.
24:04La Cour de justice va encore plus loin dans ce fameux arrêt que vous avez évoqué
24:09du 24 octobre dernier dans l'affaire Quantum Vitra.
24:13Alors justement, dans cet arrêt, la CGE renforce la protection des œuvres des arts appliqués.
24:19Qu'est-ce que ça change avec cet arrêt au niveau de la protection des œuvres des arts appliqués ?
24:24Je pense que ce qui est important, c'est déjà un peu d'expliquer le contexte.
24:27Au fait, cette affaire concerne l'application de la Convention de Berne dans l'Union européenne.
24:31La Convention de Berne, c'est quoi ? C'est une convention internationale
24:34pour la protection des œuvres littéraires et artistiques.
24:37Elle date de 1886, donc c'est un outil législatif conventionnel très très très ancien
24:42et a été signée par plus de 180 pays.
24:44Elle repose sur plusieurs principes fondamentaux et contient une série de dispositions
24:49pour renforcer la protection par le droit d'auteur.
24:52Un des principes fondamentaux de cette convention, c'est le principe du traitement national.
24:57C'est-à-dire que dans tous les pays signataires de cette convention,
25:00les auteurs étrangers vont bénéficier des mêmes droits que les auteurs nationaux.
25:04Il y a une exception et elle concerne les œuvres des arts appliqués.
25:08D'accord. Et que dit cette exception ?
25:10Cette exception, c'est la fameuse règle de réciprocité matérielle
25:14qui dit que lorsque les œuvres d'art appliquées originairent de pays
25:18dans lesquels elles sont uniquement protégées par les dessins et modèles,
25:21dans ce cas-là, elles ne pourront pas bénéficier dans les autres États signataires
25:26du cumul de protection avec le droit d'auteur.
25:28D'accord.
25:29La raison de cette clause, c'est cette règle de réciprocité,
25:32c'est-à-dire qu'on va appliquer le traitement national,
25:34mais seulement si le pays d'origine l'applique aussi.
25:36D'accord.
25:37Cette différence de traitement a été réglée pour les œuvres
25:41dont le pays d'origine est un État membre de l'Union européenne,
25:45car la Cour de justice a considéré que cette règle de réciprocité matérielle
25:49était totalement contraire au principe de non-discrimination
25:52dans une affaire du 30 juin, du 19 juin, pardon, excusez-moi, 2005,
25:57dans une affaire Todds.
25:58Mais par contre, là où on se posait la question, on s'est dit ok,
26:01pour les objets en provenance de pays de l'Union européenne, c'est réglé.
26:05Mais quid alors des objets…
26:07Des pays tiers ?
26:08Voilà, des pays en dehors de l'Union européenne.
26:09Et c'est là où justement la Cour de justice va apporter une réponse
26:13dans son arrêt du 24 octobre 2024.
26:16Elle concernait en fait la fameuse chaise Dining Sales Sherwood, la DSW.
26:21C'est une très très belle chaise de design qui a été créée
26:24par le célèbre couple de designers américains Charles et Ray Eames.
26:28A l'époque, c'était dans le cadre d'un concours organisé
26:30par le Museum of Modern Art de New York en 1948,
26:33et après elle a été exposée dès les années 50.
26:35Elle est devenue iconique et le fabricant suisse de mobilier Vitra
26:40est devenu titulaire des droits d'auteur sur cette chaise.
26:43Vitra a constaté qu'une société Quantum, qui commercialisait du mobilier
26:47en Belgique et aux Pays-Bas, vendait des chaises sous la dénomination
26:51Chaises Paris, qui copiaient quand même cette chaise DSW.
26:54Elle a donc assigné Quantum en contrefaçon aux droits d'auteur.
26:57Et le tribunal de l'AE a estimé que Quantum n'enfreignait pas
27:01les droits d'auteur.
27:02Pour quelles raisons ?
27:03Tout simplement parce qu'elle appliquait la clause de réciprocité matérielle.
27:07Ces chaises sont uniquement protégées par le design modèle aux Etats-Unis,
27:12qui est le pays d'origine, et pas par le droit d'auteur.
27:14Donc au Benelux, elles ne pourront pas bénéficier de la protection
27:17par le droit d'auteur.
27:18L'affaire est montée jusqu'à la Cour suprême des Pays-Bas,
27:21qui a décidé de poser plusieurs questions préjudiciables.
27:24Que dit la CGE pour avancer ?
27:26La CGE explique que l'objectif de la directive sur le droit d'auteur de 2001
27:29est justement là pour harmoniser le droit d'auteur.
27:33Et donc, elle prend en compte l'intégralité des œuvres
27:36dont la protection est demandée dans l'UE.
27:38Donc elle ne va pas faire de différence de traitement,
27:41on va dire, par rapport aux conditions d'origine du pays
27:44ou de nationalité des auteurs.
27:47Et justement, c'est la raison pour laquelle la Cour de justice
27:50a estimé qu'un État membre de l'UE ne peut pas,
27:53par dérogation aux dispositions du droit de l'UE,
27:56appliquer cette clause de réciprocité matérielle
27:58contenue dans la Convention de Berne
28:00à une œuvre dont le pays d'origine n'est pas l'UE.
28:02Donc ça, c'est vraiment une disposition très importante
28:05et ça montre la volonté de la Cour de justice
28:08de poursuivre l'harmonisation du droit d'auteur dans l'UE
28:10dans la lignée de la règle confirmée.
28:12Ce qui est intéressant aussi, c'est que pourquoi il y a
28:14cette volonté d'harmonisation de la Cour de justice ?
28:16Parce que contrairement à des droits de propriété intellectuelle
28:19enregistrés comme les marques, le dessin et le modèle
28:22ou le brevet, où on peut avoir des titres unitaires
28:25qui sont valables dans toute l'Union européenne,
28:27en droit d'auteur, on n'a pas ça, c'est pas déposé.
28:29Donc, on n'a pas cette harmonisation qui puisse être faite.
28:32Et en France, on était dans quelle situation jusqu'à présent ?
28:35Eh bien, écoutez, en France, les juridictions françaises
28:38ont à présent toujours appliqué la clause de réciprocité matérielle,
28:42notamment dans un arrêt assez récent d'octobre 2020,
28:46qui concernait le même type de mobilier,
28:48c'était une chaise tulipe qui avait été créée par Eero Saarinen.
28:52Pour finir, quelles sont les conséquences pratiques de cette décision ?
28:56C'est une avancée très importante, vraiment, cette décision,
28:59parce que finalement, l'existence de cette clause de réciprocité matérielle,
29:02elle conduisait vraiment à des situations totalement aberrantes
29:05où des icônes de design, comme les icônes dont je vous ai parlé précédemment,
29:09ne pouvaient pas bénéficier de la protection par le droit d'auteur en France,
29:12au simple motif qu'elles étaient originaires des États-Unis.
29:15Elle permettra donc aux titulaires de droit,
29:18sur des œuvres en provenance de pays tiers,
29:20de mieux s'armer contre des contrefaçons qui pululent vraiment
29:23dans le domaine du design.
29:25Et elle permettra aussi, et ça c'est très important,
29:28d'avoir accès à des actions qui sont réservées
29:31aux titulaires de droit de propriété intellectuelle,
29:33comme par exemple les saisies douanières ou les saisies contrefaçons.
29:36C'est donc une immense avancée et cette décision ne peut être qu'applaudie.
29:40On va finir là-dessus. Merci Sandra Strittmatter.
29:43Je rappelle que vous êtes associée au sein du cabinet, Franklin.
29:46Merci.
29:47Merci à toutes et à tous pour votre fidélité.
29:49Je vous retrouve très bientôt sur Bismarck for Change.
29:51Restez curieux et informés.