Vendredi 31 janvier 2025, LEX INSIDE reçoit Angélique Deruenne (Avocate fondatrice, CFD Law) , Olivier Picquerey (Associé, A&O; Shearman) et Clarence Tocchio (Rédactrice en protection des données, Ministère de la Justice)
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de L'Ex Inside,
00:26l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique. Du droit, du droit et rien que du
00:31droit. Au programme de ce numéro, on va parler de la période d'essai en cas de succession de
00:38contrat de CDD suivi de CDI avec Olivier Picret, avocat associé chez A&O Sherman. On parlera
00:47ensuite de la donétisation avec Clarence Tokio, rédactrice experte en protection des données au
00:54sein du ministère de la Justice. Et enfin, on parlera de discrimination fondée sur des
01:00écarts de rémunération avec Angélique Derruen, avocate fondatrice de CFDLO. Voilà pour les
01:07titres, L'Ex Inside, c'est parti ! Qu'en est-il en cas de succession de contrat
01:23CDD-CDI de la période d'essai ? On en parle tout de suite avec mon invité Olivier Picret,
01:29avocat associé chez A&O Sherman. Olivier Picret, bonjour. Bonjour Arnaud. Nous allons faire un
01:35focus sur les règles concernant la période d'essai en cas de succession de contrat de CDD suivi de
01:41CDI. Mais tout d'abord, quelle est la durée légale de la période d'essai pour un CDI ? Alors,
01:48le code du travail prévoit des durées légales précises en fonction de la catégorie professionnelle
01:53des salariés. Donc pour les employés et ouvriers, c'est deux mois. Pour les agents de maîtrise et
01:58les techniciens, c'est trois mois. Et pour les cadres, c'est quatre mois, sachant que ce sont
02:03des durées qui sont impératives, en ce sens où les conventions collectives ne peuvent plus déroger
02:09en fixant des durées qui sont plus longues. Et ça, c'est depuis la loi DDA-DUE de septembre 2023.
02:18En revanche, les conventions collectives qui ont été conclues avant juin 2008 peuvent prévoir des
02:24durées plus courtes. Ensuite, il faut parler également du renouvellement de la période d'essai
02:28qui peut être renouvelé. Et ça, il faut que l'accord de branche le prévoit expressément. Et s'il y a
02:33renouvellement, à ce moment-là, les durées peuvent être doublées au maximum, c'est-à-dire quatre mois
02:37pour les ouvriers et employés, six mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, et huit
02:42mois pour les cadres. Alors, évoquons maintenant les CDD. Qu'en est-il de la période d'essai ?
02:47Pour les CDD, le code du travail prévoit également des durées précises en fonction de la durée du
02:53contrat. Donc, si le CDD fait six mois ou moins, à ce moment-là, c'est un jour de période d'essai par
02:59semaine de contrat dans la limite de deux semaines au total. Si le CDD fait six mois ou plus de six
03:05mois, à ce moment-là, on est à un mois maximum de période d'essai. Et si le CDD n'a pas de terme
03:11précis, à ce moment-là, il faut qu'on regarde la durée minimale du contrat pour déterminer la durée
03:16de la période d'essai. Alors maintenant, on va s'intéresser à la période d'essai quand un CDD est
03:22suivi d'un CDI. Quelles sont les règles ? Alors, là encore, le code du travail prévoit des règles
03:27précises sur le sujet lorsqu'un CDI suit un CDD. Alors, normalement, la durée du CDD doit être
03:35imputée sur la durée de la période d'essai du CDI. C'est ce que prévoit l'article du code du travail,
03:40l'article 1243-11 du code du travail. En revanche, il y a une condition pour ça, il faut que ce soit
03:45la même relation de travail qui soit poursuivie entre le salarié et l'employeur et qu'il n'y ait
03:50pas de discontinuité fonctionnelle, c'est-à-dire qu'il faut que ce soit le même poste, grosso modo.
03:55D'accord, si on change de poste, ce sont de nouvelles règles.
03:58Exactement, exactement, ce sont de nouvelles règles. En revanche, si c'est le même poste,
04:01même s'il y a une interruption courte entre les contrats, ce sera considéré comme le même poste
04:06et donc ce sera imputation de la durée du CDD sur la période d'essai du CDI.
04:12Alors, qu'est-ce qui se passe-t-il quand un salarié en CDD est embauché en CDI sur le même poste ?
04:18Est-ce qu'un employeur peut imposer une nouvelle période d'essai ?
04:22Alors, il peut effectivement imposer une période d'essai, mais à ce moment-là, la règle que j'évoquais
04:26précédemment, à savoir l'imputation de la durée du CDD sur la période d'essai, va s'appliquer.
04:32Alors maintenant, on va s'intéresser à des périodes d'essai pour des CDD successives
04:37chez le même employeur, quelles sont les règles ?
04:40Alors là, c'est un petit peu plus flou, parce que la règle que j'évoquais sur l'imputation de la durée du CDD
04:45sur la période d'essai, elle s'applique lorsque c'est un CDI qui succède à un CDD.
04:50Quand il y a plusieurs CDD qui se succèdent, le code du travail n'est pas aussi clair,
04:54ou en tout cas, il ne l'est plus. Avant 2008, il l'était. Là, il est…
04:58Donc il y a un peu de flou juridique.
04:59Il y a un peu de flou, mais il y a des auteurs qui considèrent que la finalité de la période d'essai,
05:04c'est de bien évaluer les compétences du salarié.
05:07Donc si on reste sur un même poste, avec des CDD successifs,
05:10a priori, on devrait appliquer la même règle d'imputation de la durée des CDD précédents
05:16sur la période d'essai. Et la jurisprudence est intervenue sur ce point-là,
05:20avec un arrêt de février 2002, où un salarié avait eu un premier poste pendant 18 mois,
05:25une interruption de 8 mois, puis un nouveau CDD sur le même poste.
05:29Et en l'occurrence, il avait été considéré que comme l'employeur avait déjà testé les compétences du salarié
05:33pendant ce premier CDD de 18 mois, il ne pouvait pas faire de nouvelle période d'essai sur le second CDD.
05:39Donc attention, vigilance et demise.
05:41Absolument.
05:42Dans quel cas une nouvelle période d'essai peut-elle être justifiée après une succession de contrats ?
05:48Alors là c'est très simple, il faut qu'il y ait un changement de poste ou de fonction.
05:53Là c'est très clair, on peut effectivement prévoir une nouvelle période d'essai puisque
05:57l'employeur retrouve le droit d'évaluer les compétences du salarié et son adéquation
06:02entre ses compétences et le nouveau poste.
06:05Donc ça c'est vraiment le critère essentiel à garder à l'esprit.
06:08En revanche, comme je le disais, le fait qu'il y ait un temps plus ou moins long
06:12entre deux contrats ne justifie pas une nouvelle période d'essai,
06:16sauf si c'est un poste différent bien entendu.
06:17Alors autre point, est-ce qu'il y a des limitations à la durée cumulée de période d'essai en cas de contrat successif ?
06:23Absolument, en fait il faut encore une fois, lorsqu'on parle d'un même poste,
06:27il faut respecter les durées maximales de période d'essai qui sont prévues par le Code du Travail.
06:33Alors évoquons maintenant la jurisprudence,
06:35est-ce qu'il y a des tendances de fond de la jurisprudence sur ces contrats successifs ?
06:41Alors la jurisprudence intervient régulièrement sur les questions de période d'essai,
06:45c'est une casuistique qui est très précise et ça va traiter de points assez classiques
06:49qu'on connaît sur la durée de la période d'essai, sur sa validité,
06:53est-ce que oui ou non la période d'essai est bien inscrite au contrat de travail,
06:56quelle est sa durée, renouvellement compris ?
06:58La jurisprudence intervient également pour expliquer ce qu'il se passe lorsqu'il y a suspension du contrat de travail,
07:05est-ce qu'on doit prolonger la durée de la période d'essai et si oui, de combien de temps ?
07:09Par exemple, récemment, la Cour de Cassation a été amenée à juger que lorsqu'un salarié est absent du lundi au vendredi,
07:15eh bien ça prolonge la période d'essai non pas de 5 jours mais de 7 jours calendaires,
07:18car le décompte se fait en jours calendaires.
07:21Voilà, donc c'est vraiment, on rentre sur une casuistique sur comment est-ce qu'on va décompter une période d'essai,
07:26quand est-ce qu'elle va s'arrêter, comment est-ce que l'employeur peut y mettre fin,
07:29est-ce qu'il peut y mettre fin pour n'importe quel motif, etc.
07:35Est-ce que vous avez des bonnes pratiques à recommander à nos téléspectateurs en la matière sur les périodes d'essai en cas de contrat successif ?
07:44À part contacter un avocat pour s'assurer que tout est en ordre,
07:47effectivement, il faut vraiment bien s'assurer qu'à chaque fois, c'est le poste, c'est vraiment l'intitulé de poste qui va être important.
07:55À partir du moment où l'intitulé de poste reste le même, il faut être vigilant, à la fois pour l'employeur et pour le salarié,
08:01de manière à éviter qu'il y ait une nouvelle période d'essai qui vienne s'appliquer à un contrat de travail alors que ça ne devrait pas être le cas.
08:08Bien respecter les délais aussi que vous avez mentionnés tout à l'heure.
08:11Absolument.
08:12Et puis faire attention à l'enchaînement de contrats, donc la rédaction et bien préciser les postes pour voir quelles règles s'appliquent.
08:19Tout à fait.
08:20On va conclure là-dessus.
08:22Merci Olivier Piqueret. Je rappelle que vous êtes associé au sein du cabinet A&O Sherman.
08:28Merci Arnaud.
08:29Tout de suite, l'émission se poursuit. On va parler de la donnétisation.
08:33On va parler tout de suite de la donnétisation ou le vol de données.
08:50C'est l'ouvrage de Clarence Tokio, rédactrice au sein du ministère de la Justice en protection des données.
08:58Clarence Tokio, bonjour.
09:00Bonjour Arnaud. Merci pour cette invitation.
09:02Je rappelle tout d'abord l'introduction que vous parlez en votre nom propre et pas au nom du ministère de la Justice.
09:08On va évoquer votre ouvrage, la donnétisation ou le vol de notre identité, qui est édité chez l'Armatan.
09:15Mais tout d'abord, qu'est-ce que la donnétisation et comment ce processus affecte-t-il notre vie quotidienne ?
09:23Tout d'abord, cet ouvrage se veut comme un état des lieux de la situation actuelle
09:28et un appel à la vigilance sur l'utilisation de nos données personnelles.
09:33Beaucoup de personnes de mon entourage me disent constamment qu'ils n'ont rien à cacher.
09:38Et pour leur expliquer qu'ils devraient, j'ai souhaité vulgariser ces enjeux.
09:44Lorsque je me suis lancée dans l'écriture de cet essai, il fallait trouver un titre.
09:49Et on parlait beaucoup de la monétisation des données personnelles.
09:53Pour « information », une « donnée personnelle », c'est toute information se rapportant à une personne physique, identifiée ou identifiable.
10:02Ça va être un nom, un prénom, une adresse, un numéro de matricule ou encore une adresse IP.
10:08Et de ce fait, pour illustrer cet enjeu, j'ai souhaité théoriser la donnétisation.
10:14La donnétisation signifie le fait, pour toute personne ou entité,
10:18de monétiser des données, majoritairement personnelles, pour son propre intérêt ou celui d'un tiers.
10:25C'est donc la base d'un nouveau modèle économique qui tire profit du comportement numérique des utilisateurs
10:33en collectant puis en monétisant toutes les données qu'ils produisent.
10:37Donc aujourd'hui, comment ce processus affecte notre vie quotidienne ?
10:42En ce que tous les services et applications que l'on utilise ne sont pas si innocents qu'ils n'y paraissent.
10:48Par exemple, une simple application de lampe-torche va parfois jusqu'à partager votre géolocalisation à des annonceurs.
10:57Donc attention à bien vérifier ces paramètres, c'est un peu ça l'idée de votre ouvrage, sensibiliser tout le monde sur ces questions.
11:05On a tous créé plein de profils sur les plateformes, amassé des données considérables sur ces plateformes.
11:13Donc attention aux données que vous confiez à ces géants du net.
11:17Exactement, vraiment être vigilant dans le partage de données, dans vos inscriptions et dans toutes vos pratiques quotidiennes
11:25sur les réseaux sociaux ou sur toutes les applications numériques.
11:28Alors comment justement ces géants du numérique arrivent à collecter des données aussi sensibles que l'orientation sexuelle,
11:37les préférences politiques ou encore la santé des utilisateurs ?
11:42Aujourd'hui, lorsque nous utilisons ces services en ligne ou ces applications, nous produisons ce que l'on appelle des métadonnées.
11:49Ça va être vos likes, vos temps de connexion, le temps de visionnage d'une vidéo ou alors vos relations.
11:55Et grâce à ces nouvelles données que nous, utilisateurs, produisons, cela va permettre à ces entreprises de développer un profil extrêmement détaillé et fourni
12:06qui va pouvoir fournir vos orientations sexuelles, vos préférences politiques mais aussi vos humeurs et vos envies.
12:14Tout cela grâce à ce que vous visionnez, likez et partagez.
12:20Et l'objectif final par la suite, ça va être de vous enfermer dans une bulle de filtre pour vous proposer un contenu ultra ciblé qui sera adapté à vos centres d'intérêt
12:30ou ce que la société aura déterminé pour vous mais également vous proposer de la publicité ciblée et orienter par la suite vos intérêts.
12:40Vous parliez tout à l'heure de monétisation également, il y a aussi la commercialisation des données qui sont collectées par ces plateformes.
12:47Tout à fait, c'est vrai que c'est un enjeu aujourd'hui pour ces plateformes par les données que vous allez produire en utilisant ces services,
12:55de les revendre à des annonceurs pour tirer profit de cette activité numérique et vous proposer un contenu qui sera adapté à ce que vous avez produit, ce que vous avez aimé et partagé.
13:08On parle de la commercialisation des données, quels sont les autres risques potentiels en confiant nos données à n'importe qui puisque n'importe qui peut accéder à nos profils numériques ?
13:20Alors il faut savoir qu'on peut avoir grossièrement trois types d'acteurs.
13:23On va avoir dans un premier lieu la société à l'origine du service qui va être intéressée par vos données.
13:29Tout cela dans un premier temps pour affiner son algorithme et ses contenus en fonction de ce que vous aimez mais également revendre ses données à des annonceurs.
13:37Dans un deuxième temps, on va pouvoir avoir des hackers qui vont être intéressés par ces données parce que ça a de la valeur.
13:43Ce n'est pas seulement vos noms, prénoms, mais ça va être vraiment le profil que vous allez construire, les données que vous allez fournir et ils vont accéder à ces données frauduleusement par le service.
13:55Donc ça ne va pas forcément être des données que n'importe quelle personne pourrait facilement trouver.
14:00Et troisièmement, on a les données que n'importe quel utilisateur lambda peut trouver facilement sur Internet.
14:08Dans cette situation-là, on va parler de renseignements d'origine en source ouverte, donc ROSO ou OSINT,
14:15qui permet de collecter et de recouper des informations qui sont facilement, malheureusement, accessibles sur Internet.
14:22Et donc, les informations que n'importe qui peut accéder vont avoir de nombreux risques, notamment la possibilité de trouver l'adresse exacte de votre domicile.
14:35Par exemple, lorsque vous publiez vos itinéraires sportifs en ligne, on peut penser au StravaLix, l'usurpation de votre identité ou, malheureusement,
14:45le fait qu'un potentiel futur employeur décide de ne pas vous embaucher en fonction de ce que vous avez publié,
14:51même si aujourd'hui cela est interdit puisque l'employeur est censé ne collecter que des données dans la finalité de l'embauche.
14:58On voit que les risques sont nombreux, la vigilance est de mise.
15:02Autre sujet intéressant, c'est aussi la faculté de ces plateformes, avec cette accumulation de données, à orienter nos choix. Expliquez-nous.
15:12Tout à fait. Alors, la publicité ciblée, on va dire, c'est que le sommet de l'iceberg puisque, grâce à ce profilage qui est extrêmement précis et détaillé,
15:22la plateforme ou le service en question pourra vous proposer un contenu qui est susceptible d'attirer votre attention.
15:31On parle d'ailleurs de l'économie de l'attention. Et ce contenu sera tellement adapté à vos centres d'intérêt qu'il sera capable de vous influencer.
15:41On peut penser au scandale Cambridge Analytica pour lequel les données de millions d'utilisateurs de Facebook ont été utilisées sans leur consentement
15:51pour manipuler leurs intentions de vote aux élections présidentielles américaines.
15:55Plus récemment encore, on a la cour constitutionnelle roumaine qui a annulé l'intégralité du processus électoral pour l'élection du président en Roumanie
16:06en raison de l'influence de TikTok dans ces élections.
16:10D'accord. Donc, on voit que les conséquences sont nombreuses sur ce sujet.
16:17Alors, comment se protéger de cette exploitation massive des données ?
16:21Peut-être que vous avez des recommandations à formuler à nos téléspectateurs.
16:26Alors, en trois bonnes pratiques, je dirais configurer vos outils pour bien protéger votre vie privée, vérifier avant d'accepter,
16:36vérifier quels annonceurs, quelles personnes peuvent accéder à vos données, à quelles personnes elles sont revendues.
16:42Et enfin, réfléchissez avant de publier.
16:46Pour vous, cette pratique de donétisation, elle va perturber parce que les plateformes sont considérables.
16:53Il y en a des nouvelles qui se créent de temps à autre.
16:56Est-ce que c'est une tendance de fond sur encore de nombreuses années ?
17:00Malheureusement, oui, parce que c'est vraiment le nouveau modèle économique qui se construit sur les données des utilisateurs.
17:07Et les entreprises prennent un grand profit sur tout cela.
17:13Mais il y a vraiment un élément à remettre en cause.
17:19C'est la vigilance de l'utilisateur qui doit prendre conscience de la valeur de ses données personnelles et être davantage vigilant sur ce qu'il va publier
17:28pour pouvoir se protéger au mieux et conserver sa vie privée.
17:33Parce que ces données, ce sont les siennes.
17:36Et avec toute cette activité numérique, ça va lui permettre de pouvoir l'influencer.
17:42Donc, c'est vraiment un appel à la vigilance de l'utilisateur pour qu'il prenne conscience de ces enjeux-là et se protège davantage aujourd'hui.
17:50Dernière chose, je pense aux controverses liées à la plateforme X depuis son rachat d'Elon Musk.
17:57Il y a aussi une utilisation politique parfois de cette plateforme.
18:02Et donc, vos données peuvent aussi être exploitées à des fins politiques.
18:06Exactement. En fait, ce que l'on constate aujourd'hui, c'est qu'on a énormément de faux comptes qui sont créés pour diffuser de l'information.
18:15Et souvent, quand on n'est pas assez vigilant, on ne se rend pas compte forcément de la véracité de l'information qui est communiquée sur ces plateformes.
18:23C'est pourquoi il faut faire vraiment attention avec les personnes que l'on communique et aux données que l'on communique,
18:29parce qu'on peut malheureusement être manipulés et influencés en fonction du contenu que l'on va pouvoir voir sur ces plateformes.
18:38On va conclure là-dessus. Merci, Clarence Tokio, d'être venue sur notre plateau.
18:42Je rappelle que vous êtes rédactrice experte en protection des données au sein du ministère de la Justice.
18:48Merci beaucoup.
18:49Tout de suite, l'émission continue. On va parler discrimination issue d'écarts de rémunération.
19:05On poursuit l'émission. On va parler des discriminations résultant des écarts de rémunération avec mon invitée Angélique Deruenne,
19:13avocate fondatrice de CFDLO Avocat. Angélique Deruene, bonjour.
19:17Bonjour.
19:18Les discriminations résultant d'écarts de rémunération constituent une forme persistante de discrimination dans le monde du travail.
19:26Tout d'abord, dans quelles circonstances une différence de qualification à l'embauche peut-elle justifier un écart de salaire persistant ?
19:35Cette question doit être vue à l'aune du principe général « à travail égal, salaire égal ».
19:42C'est un principe qui est appliqué mondialement, au niveau européen,
19:46et en France depuis 1972 déjà.
19:49Il est appliqué par la Cour de cassation depuis 1996 avec le fameux « à réponsol ».
19:57Alors, ce principe de « travail égal, salaire égal », il est à voir de manière large,
20:02puisqu'il comprend tous les salaires, salaires fixes, variables et autres composantes,
20:06mais aussi des avantages, on va dire, divers.
20:10Ce principe s'est élargi avec, par exemple, les titres restaurant, l'octroi de jour de congé, etc.
20:16Donc, il faut partir du principe de cette comparaison « à travail égal, salaire égal »,
20:21il faut garder ce que je viens de dire en vue,
20:23et il faut considérer que, par exemple, on va appliquer ce principe dans un même établissement.
20:27Une comparaison de deux salariés dans un même établissement, pas dans un établissement différent.
20:32Alors, quand on veut faire cette comparaison,
20:35on doit considérer en fait que les personnes, que les salariés,
20:38ils ont les mêmes compétences ou des compétences similaires,
20:42les mêmes connaissances ou des connaissances similaires,
20:45les mêmes responsabilités ou des responsabilités similaires,
20:48et également la même charge de travail, qu'elle soit physique ou nerveuse.
20:53Ceci dit, ce principe d'égalité, pour répondre à votre question, n'est pas un principe d'égalité absolu.
20:59Pourquoi ?
21:00Il y a donc des exceptions qui ont été introduites par la jurisprudence
21:04selon des critères objectifs et pertinents.
21:07Donc, ce qui est à la fois, ce qui est très large,
21:09et donc, en analysant, on va voir qu'on peut quand même en découler certains principes.
21:14Ça veut dire quoi, objectif ?
21:16Objectif, ça veut dire qu'on doit pouvoir le prouver d'une manière objective
21:21et que ça ne doit pas être discrétionnaire,
21:24lié à une personne, par exemple à la personne du salarié ou selon le bon vouloir de l'employeur.
21:28Ce qui est important aussi, c'est de bien vouloir considérer
21:31que ce critère objectif et pertinent n'a de sens
21:35s'il n'est pas lié et étranger à toute discrimination.
21:39La liste des discriminations, elle est large, elle est longue et elle ne cesse de s'étayer.
21:45Je le dis parce que parfois, sous réserve d'appliquer un critère objectif,
21:51on essaye de faire passer peut-être une discrimination derrière.
21:54Donc, les discriminations, c'est large.
21:56Il y a les mœurs, il y a l'ethnie, il y a la race, l'appartenance religieuse.
22:01Les convictions syndicales, le genre, l'orientation sexuelle.
22:07On a même eu l'année dernière une proposition de loi sur la discrimination capillaire.
22:11Donc, tout ça est très important et c'est à considérer en premier lieu
22:15comme le critère de la première intention, il ne doit pas y avoir de discrimination.
22:20Donc, pour l'expérience professionnelle lors de l'embauche,
22:25on a deux critères qui ressortent en tant que critères objectifs et pertinents.
22:29Ce sont les diplômes et l'expérience professionnelle antérieure.
22:33D'accord.
22:33Pour ces deux critères, il est important que ces critères soient en relation totale
22:40avec le poste convoité.
22:42C'est-à-dire que par exemple, pour les diplômes,
22:44si vous souhaitez embaucher deux vendeuses dans le commerce,
22:49par exemple la vente de détails de vêtements,
22:52qu'une vendeuse a un diplôme BTS commerce et l'autre a un diplôme de master,
22:58par exemple en histoire de l'art, donc a fortiori elle a fait plus d'études,
23:02elle a fait des études plus longues,
23:04ça ne viendra pas justifier en fait l'écart de rémunération à l'embauche.
23:08Il faut vraiment que ce soit en relation avec le profil.
23:10De même pour l'expérience.
23:12Par exemple, si vous avez deux ingénieurs,
23:14vous embauchez deux ingénieurs pour un poste lambda,
23:18mais un des ingénieurs a une spécialisation en informatique,
23:23l'autre ne l'a pas et le poste concerné demande cette spécialisation
23:27ou en tout cas cet accès sur l'informatique.
23:29Là ça marche, donc ça c'est vraiment très important.
23:31Là on comprend que c'est justifié par rapport aux qualifications du salarié.
23:35Exactement, il ne suffit pas d'avoir fait plus d'études
23:38ou d'avoir quelque chose en plus.
23:40Alors on va s'intéresser à un autre point,
23:42comment la cour de cassation va-t-elle interpréter
23:45la justification des écarts de rémunération
23:48qui sont basés sur l'expérience professionnelle antérieure ?
23:52Alors oui, comme je l'ai dit,
23:54on a ce critère de la notion objective et pertinente qui est très large.
23:59Donc c'est bien pour la cour de cassation
24:01parce qu'elle se laisse vraiment beaucoup de largesse,
24:05mais pour nous, avocats, et pour les employeurs,
24:08c'est vraiment, on marche toujours sur des jeux
24:10parce qu'on ne sait jamais ce qui va être possible,
24:13sachant qu'évidemment, alors c'est aussi pour ça que ça se passe ainsi,
24:16c'est qu'il y a autant de cas qui ont autant de réponses
24:19parce que chaque cas est différent.
24:21Et donc l'expérience professionnelle antérieure,
24:24on va l'apprécier sous le critère de l'utilité,
24:28comme je l'ai développé précédemment,
24:29mais ce qui est très important de noter,
24:32c'est que ce critère de l'expérience professionnelle antérieure
24:35va valoir que lors de l'embauche.
24:36C'est-à-dire que dans mon cas des deux informaticiens
24:39que j'ai expliqués précédemment,
24:41il pourrait y avoir une différence de rémunération à l'embauche,
24:44mais ensuite la progression salariale ne permettra pas de différence.
24:48C'est-à-dire que si l'informaticien a plus de 10%,
24:52une grosse augmentation on va dire,
24:54l'autre devra ensuite avoir la même augmentation.
24:57C'est vraiment, ça ne concerne que l'embauche
25:00et ça ne peut pas justifier des progressions salariales ultérieures.
25:05On va s'intéresser aux sanctions.
25:06Quelles sont les sanctions encourues en cas de discrimination avérée ?
25:10Alors ici, je voudrais faire une distinction entre non-application
25:16ou du principe « travail égal, salaire égal » et discrimination.
25:20S'il y a une non-application du principe « travail égal, salaire égal »
25:25parce qu'on constate une salariée,
25:27alors souvent pour ces deux mêmes principes,
25:29c'est plus ou moins la même chose en fait.
25:31C'est un salarié qui va aller au prud'homme,
25:33qui va demander soit une prise d'acte
25:35ou soit une résiliation judiciaire de son contrat de travail
25:39parce qu'un exemple assez bateau,
25:41une salariée est revenue de congé maternité,
25:44elle a constaté des augmentations qu'elle n'a pas eues.
25:47Donc dans ce cas-là, on va au prud'homme.
25:49Donc si c'est une rupture du principe « travail égal, salaire égal »,
25:52ça va être un licenciement sans cause de relais sérieuses
25:54avec l'octroi des indemnités de rupture
25:56et des dommages et intérêts selon le barème Macron.
25:59Et si c'est une discrimination salariale,
26:02alors on se met sur un motif de discrimination.
26:05Dans ce cas en fait, on a les mêmes conséquences
26:07mais on sort du barème Macron
26:09puisqu'on est sur de la discrimination
26:11et on a même un risque de nullité du licenciement.
26:13Donc les éventuels dommages et intérêts
26:17seront beaucoup plus importants
26:19et on peut même avoir une condamnation à rattrapage de salaire
26:22jusqu'à la période demandée ou jusqu'à la date du jugement
26:25puisqu'en plus le salarié est hétéroriquement en droit
26:29de demander sa réintégration.
26:30Et la personne a cinq ans pour demander,
26:35pour faire ses demandes à partir du moment
26:37où elle a connaissance de l'État,
26:39de la discrimination, du non-respect du principe.
26:41Alors on va évoquer un autre sujet.
26:43Il y a aussi les écarts de rémunération
26:45qui concernent les hommes et les femmes,
26:47parfois sur les mêmes postes.
26:49Est-ce que la Directive sur la transparence des rémunérations
26:53va apporter des solutions pour résoudre
26:56ces écarts de rémunération qui perdurent
26:58entre les hommes et les femmes par exemple ?
27:00La Directive sur la transparence salariale
27:02qui a été adoptée en mai 2023,
27:07déjà il faut indiquer qu'elle devrait être transposée en France
27:11en juin 2026.
27:14On est vraiment sur des mêmes principes,
27:18des mêmes sens d'évolution,
27:19mais il y a des changements qui sont apportés par la Directive.
27:22Notamment déjà à l'embauche pour les candidats.
27:25Aujourd'hui en fait, avec la Directive,
27:28il faudra faire état d'un salaire dans l'annonce
27:31ou au plus tard juste avant l'embauche.
27:33Aujourd'hui ce n'est pas le cas,
27:35il y a à peu près plus de 50% des annonces
27:37qui ne mentionnent pas les salaires
27:39et il est avéré et constaté que plus les salaires
27:41sont importants, moins ils sont mentionnés.
27:44Ensuite, et ça, ça va être un gros changement
27:47pour beaucoup d'entreprises en France
27:48et notamment les chasseurs de tête,
27:50c'est-à-dire qu'il ne pourra plus être demandé au candidat
27:54l'historique de sa rémunération antérieure.
27:56Ça c'est un point important.
27:58Pendant la relation de travail,
28:02effectivement les entreprises vont devoir tenir informé
28:06les salariés périodiquement
28:09des rémunérations appliquées,
28:11des méthodes de rémunération avec des critères.
28:14Dans la Directive, il y a le critère des compétences,
28:17des efforts, des responsabilités, des conditions de travail,
28:20critère objectif, on retrouve cette notion d'objectif,
28:23et non sexiste, indique la Directive,
28:25et la progression.
28:27Le salarié pourra demander tous les ans
28:30des précisions sur l'état des rémunérations dans son secteur.
28:35L'employeur devra lui rappeler aussi tous les ans
28:37qu'il a cette possibilité
28:38et il y aura aussi un rôle des représentants du personnel
28:41qui là va être important,
28:42puisqu'en fait, l'employeur s'est soumis
28:46à des conditions de seuil pour les entreprises,
28:48mais devra certainement établir des rapports
28:51sur la rémunération homme-femme et aussi par catégorie.
28:57Et s'il y a un écart salarial qui est important de plus de 5 %,
29:01alors il faudra faire un rapport conjoint
29:03avec les représentants du personnel.
29:05On va conclure là-dessus.
29:06Merci Angélique Desruennes d'être venue sur notre plateau.
29:09Je rappelle que vous êtes avocate fondatrice de CFDLO Avocat.
29:13Merci beaucoup Arnaud.
29:14C'est le moment de se quitter.
29:15Merci de nous avoir suivis.
29:17Restez curieux et informés.
29:19À très bientôt sur Be Smart For Change.