Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Pierre de Vilno pour débattre des actualités du jour. Ensemble, ils reviennent sur cette bagarre à coups de hache dans le RER E.
Retrouvez "Les débats d'Europe 1 Soir" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu
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00:00Europe 1 Soir. 19h21, Pierre De Villeneuve.
00:03Et je salue les chroniqueurs de la première heure.
00:05Bonsoir Philippe Guibert.
00:06Bonsoir Pierre.
00:07Journaliste, politique et commentateur.
00:11Bonsoir Joseph Macescaron.
00:13Bonsoir Pierre.
00:14Écrivain et essayiste.
00:15Bonsoir à vous Laurent Amberton.
00:17Bonsoir.
00:18Et merci d'être avec nous en direct.
00:20On va parler de ce règlement de compte à Osward Laferrière.
00:23Vous êtes l'auteur de Guerre qui vient de paraître aux éditions Magnus.
00:27Vous êtes également l'auteur de la France orange mécanique
00:30qui a été édité la première fois il y a plus de dix ans,
00:33qui a été réédité tellement le livre est important et on se l'arrache.
00:37Vous avez Laurent Amberton ironisé ce matin sur X
00:40en disant qu'on allait interdire les Opinelles,
00:42que la mairie de Paris va faire une campagne de sensibilisation sur le thème
00:45les couteaux ça reste à la maison.
00:47Cette France orange mécanique elle est pourtant bien là.
00:50Laurent Amberton, la hache, le symbole de la hache
00:53avec aussi le côté sacrificiel que cela comporte.
00:56Qu'est-ce que cela vous inspire non plus comme commentaire mais comme analyse ?
01:00Encore une fois, ça fait effectivement des années que je le dis
01:07mais que des criminologues, que des policiers, que des magistrats le disent
01:10qu'on a affaire à une violence, à une ultra-violence
01:14qui n'a pas de précédent, qui est complètement nouvelle.
01:17Et malheureusement on n'a jamais pris, la justice française
01:21n'a jamais pris la mesure de ce phénomène.
01:23On a des groupes qui sont hiérarchisés,
01:26structurés en fonction de la violence de leurs membres.
01:29Et dans ce monde là, pour être accepté et respecté
01:32on doit montrer qu'on n'a pas peur de planter et de tuer pour rien.
01:36Et donc le réflexe évidemment c'est d'avoir le couteau sur soi,
01:40de le sortir et de s'en servir et pourquoi pas la hache et le calibre
01:43et pour les conséquences on réfléchira plus tard.
01:46Donc on efface vraiment un phénomène qui nous paraît totalement insensé
01:51et on voit aujourd'hui les résultats malheureusement chaque jour.
01:56Et tant que la justice française ne comprendra pas
02:00qu'elle a affaire à quelque chose de nouveau,
02:03malheureusement on en sera réduit à compter les victimes.
02:06Mais est-ce qu'on n'a pas grimpé dans l'échelon de l'ultra-violence
02:10avec, encore une fois permettez-moi d'insister sur cet instrument
02:13qui est la hache. Alors on a effectivement les armes à feu,
02:16on a les couteaux de différentes tailles.
02:19Là il y a des syndicats de police qui ont parlé de katana aussi
02:22qui ont été utilisés, c'est sabre japonais.
02:24Mais la hache dans la fiction c'est Shining, c'est Jack Nicholson
02:28mais il y a le côté sacrificiel aussi dans certaines religions
02:32et puis la hache c'est la mort la plus violente, la plus sanglante, la plus terrible.
02:36Ah oui, on est vraiment revenu à quelque chose de médiéval.
02:40On a aussi des machettes, des armes.
02:44On a des couteaux très spéciaux de 40-50 centimètres.
02:48On est dans un monde parallèle duquel on pensait être sorti
02:54et voilà on se retrouve au milieu d'affrontements comme ça
02:59en plein jour dans des lieux publics.
03:02Là on parle de RER mais on a ça.
03:04La semaine dernière si vous voulez, cette semaine,
03:06on a eu un jeune qui a été abattu devant une discothèque,
03:10on a eu un autre la même nuit qui a été poignardé à mort devant une autre discothèque en Alsace.
03:16On a eu quatre tués par balle.
03:20C'est comme ça tous les soirs, tous les jours.
03:23Et donc il y a une inertie, il y a une sorte de chose débridée qui se met en place.
03:29On n'a plus peur de l'autorité.
03:32On sait que les peines quand on est mineur sont moins importantes
03:37et du coup il n'y a plus de limites.
03:39Oui, alors c'est ça.
03:41Le sentiment d'impunité est énorme
03:44et surtout la justice fait beaucoup moins peur à ces individus qui composent ces bandes
03:50que le pouvoir qui émane de ces bandes.
03:55Parce que, encore une fois, dans ce milieu-là, pour exister,
03:59pour ne pas être la victime,
04:01il faut montrer qu'on n'a pas peur d'être violent et de tuer, de passer à l'acte.
04:07Donc on se conforme à cette logique.
04:11Et à côté de ça, la justice, la prison, c'est un petit peu paradisiaque
04:16dans les prisons françaises aujourd'hui.
04:18On sait que c'est un passage obligé.
04:20Les délinquants organisent leur trafic depuis les prisons.
04:23Ils ont des téléphones, ils ont des commodités.
04:25Ils peuvent même commander des prostituées au parloir.
04:28Donc vraiment, la justice est vraiment très en retard sur l'appréhension de ce phénomène.
04:36Philippe Dubert.
04:37Oui, bonsoir.
04:38Quelle est l'explication pour vous principale à cette culture de la violence
04:42qui s'installe dans une partie de notre jeunesse ?
04:45Quelle est l'explication au fait qu'effectivement, depuis une dizaine d'années,
04:49on a une augmentation des homicides, des tentatives d'homicide,
04:52des coups et blessures volontaires avec une violence particulière ?
04:56C'est assez difficile à expliquer.
05:00Moi, c'est vraiment un constat.
05:02Je passe un peu après les sociologues et anthropologues
05:05pour simplement observer que dans chaque quartier, dans chaque lycée,
05:10dans chaque collège périurbain, on a ces phénomènes de bandes
05:13et que pour ceux qui les composent, leur manière d'exister, de s'affirmer
05:19est cette violence complètement, sans aucune limite.
05:25On a des actes qui sont tellement abominables que je ne peux pas vous raconter ici
05:29d'actes de torture qui passent sous les radars parce qu'on ne peut pas parler de tout
05:35et la presse ne recense qu'une partie, que la part immergée de l'iceberg.
05:41Vraiment, c'est très difficile à expliquer.
05:44Pour le coup, la justice devrait plutôt proposer des réponses extrêmement dissuasives
05:53et après, on essaiera de comprendre le phénomène
05:55parce que là, pour le coup, si on continue à ne pas répondre de façon ferme,
06:01on est dans la mise en danger des citoyens qui n'ont rien demandé.
06:06Joseph Macescaron.
06:07Oui, bonsoir Laurent Burton.
06:09Il y a un parlementaire, Karl Olive, qui a proposé, je crois que c'est ce matin,
06:17sur l'antenne d'Europe 1 notamment, la possibilité d'avoir recours à l'armée.
06:24Qu'est-ce que vous en pensez ?
06:26De toute façon, pour faire en sorte que ces individus cessent leurs activités criminelles,
06:36il faut que la sanction soit plus dissuasive
06:42que les attraits de tels actes, de telles déprédations.
06:47Malheureusement, on en est très loin pour l'instant.
06:49Mais après, si on veut réellement prendre à bras-le-corps ce phénomène,
07:00il faudra prendre des mesures qui seront extrêmement décriées, extrêmement difficiles à prendre.
07:07On voit par exemple le Salvador, à quoi on en est réduit.
07:11On est obligé d'enfermer, de mettre en prison tous les types qui portent des tatouages,
07:16parce qu'on imagine qu'ils font tous partie des gangs.
07:18Et malheureusement, faute d'avoir pris les mesures quand il était temps de les prendre,
07:25on va se retrouver à gérer des situations qui sont complètement impossibles.
07:30Avec des mesures, pour le coup, qui dépasseront le cadre normal de ce qu'il est convenu de faire dans une démocratie.
07:40Merci beaucoup Laurent Berton d'avoir été quelques instants avec nous.
07:43La France orange mécanique, à lire et guère votre dernier livre aux éditions Magnus.
07:47Dans un instant, retour à l'actualité avec les débatteurs et le journal Permanent à toutes.
07:52Europe 1 soir.
07:5319h21, Pierre de Villeneuve.
07:56Toujours avec Joseph Macescaron et Philippe Guibert pour passer en revue l'actualité.
08:00On va écouter le ministre de l'économie.
08:02Il était l'invité ce matin de la grande interview Europe 1 CNews.
08:05Et il parlait justement du narcotrafic, du trafic de drogue qui gangrène les petites villes.
08:14Écoutez Antoine Armand au micro de Sonia Mabrouk.
08:16Je suis élu d'une ville qui est Annecy.
08:19Et je constate qu'y compris dans des villes où il n'y avait hier pas d'immense difficulté de sécurité, de trafic de drogue, ça augmente.
08:27Il faut le voir.
08:28Et vous savez la phrase de Clemenceau, il faut dire ce que l'on voit d'abord pour ensuite agir correctement.
08:33Alors dire ce que l'on voit, je pense qu'on le fait suffisamment sur Europe 1 et également chez nos cousins de CNews.
08:38On est au-delà de la H.
08:40En plus apparemment ça ne serait pas le narcotrafic, l'histoire de la H.
08:45Apparemment ce sont des rixes entre bandes rivales et ce sont des adolescents.
08:51Ce sont des adolescents.
08:52Joseph ?
08:53Avec un élément que vous avez souligné Pierre et à mon avis à juste titre.
08:59C'est-à-dire que la H c'est quelque chose d'autre.
09:02C'est-à-dire que ce n'est pas le couteau malheureusement qui défraie les chroniques aujourd'hui.
09:07Ce n'est pas le katana, le sabre, etc.
09:09Non, la H ça a quelque chose en effet de sacrificiel.
09:13Ça veut dire qu'on est dans le rituel.
09:17On est dans le rituel et que la violence ce n'est pas la violence pour s'accaparer quelque chose.
09:23Ce qui est évidemment bien sûr condamnable, ça va de soi.
09:25Ce n'est pas une violence pour se venger.
09:28Mais c'est une violence nécessaire à leurs yeux parce que ça fait partie du passage rituel.
09:35D'où la H.
09:36La H dans nos histoires.
09:38Vous voyez la H qui tue le taureau dans les civilisations minoéennes.
09:43Vous pouvez remonter.
09:44Qui tue le mouton lors de la fête de l'Aïd.
09:48La H a un sens.
09:50Il faut vraiment s'en rendre compte et mesurer que là il y a en effet quelque chose malheureusement supplémentaire dans l'horreur qui vient de se passer.
09:59Notre journaliste qui a fait beaucoup de terrain, un grand reporter Nicolas Teneff,
10:05faisait part aussi que dans les années 90 lorsqu'il y avait eu des otages au Daguestan.
10:09Justement, ils avaient été décapités à la H.
10:12Ça avait bien sûr marqué les esprits.
10:14Philippe Guybert.
10:15Oui.
10:16Les risques entre bandes rivales, pour avoir travaillé il y a une trentaine d'années en banlieue parisienne,
10:22entre les bandes de Sergier, les bandes de Conflans-Sainte-Honorine et des alentours,
10:27elles étaient assez régulières.
10:29Ce qui est très inquiétant, c'était déjà inquiétant à l'époque.
10:34Ce qui est très inquiétant c'est le degré de violence effectivement qui augmente.
10:39Le phénomène de bandes, de tribus n'est pas tout à fait nouveau.
10:42Mais qu'ils s'organisent à ce point.
10:44On est d'accord.
10:45Le livre de Michel Maffesoli, Le temps des tribus, qui remonte déjà il y a 30 ans à peu près.
10:49Voilà, c'est ça.
10:50Mais le fait qu'ils s'organisent autour d'une telle violence,
10:54effectivement le côté rituel de passage d'épreuve,
10:57d'épreuve pour montrer qu'on est un homme, c'est ça.
11:00Bien sûr, il a 16 ans en fait.
11:02Et donc ça se passe effectivement à 15, 16, 17 ans,
11:05à quelque chose de très inquiétant.
11:09Et on est confronté à ce phénomène.
11:12Alors, moi je me pose une question.
11:14Est-ce que la diffusion des trafics de drogue dont vous parliez précédemment,
11:18est-ce qu'elle n'ajoute pas la culture de la violence ambiante
11:22dans les quartiers, pour un certain nombre de jeunes ?
11:26Est-ce que la réponse n'est pas dans votre question, Philippe Guybert ?
11:29Est-ce que tout se règle par la violence désormais,
11:31puisque entre gangs de trafics de drogue,
11:34on s'élimine à la Kalachnikov, y compris entre gamins de 15 ans ?
11:38Y compris gamins de 15 ans,
11:40parce qu'on l'a expliqué sur Europe 1 depuis plusieurs semaines,
11:43voire depuis plusieurs mois,
11:44c'est que maintenant sont engagés des jeunes de plus en plus jeunes,
11:49parce que quand ils se font gauler,
11:51pardonnez-moi l'expression triviale,
11:53la peine de prison est plus courte.
11:55Donc après ils ressortent,
11:57et c'est là tout le problème.
11:59Et de là est venu également le débat sur l'excuse de minorités
12:03à propos d'un parquet spécialisé pour le narcotrafic.
12:07Alexis Corbière l'a invité ce matin de la matinale de TF1.
12:12Je dis attention, je vois le ministre de l'Intérieur,
12:15Monsieur Retailleau,
12:16qui parle de mexicanisation,
12:17ça c'est de la communication.
12:18La mexicanisation, il faut faire attention aussi
12:21qu'il n'y ait pas de trumpisation de la vie politique.
12:23Pourquoi mexicanisation ?
12:24Il y a déjà eu des criminels en France, il faut les combattre,
12:26il faut remonter les filières,
12:27il faut donner les moyens à la police,
12:28de donner des moyens d'investigation.
12:30Et est-ce qu'il faut une nouvelle loi avant la fin de l'année ?
12:32Pourquoi une nouvelle loi ?
12:34Les lois, à mon avis, permettent de combattre le trafic de drogue.
12:36Par contre, des moyens, des moyens d'investigation,
12:38des policiers sur le terrain.
12:39Et est-ce qu'il faut un parquet national antistupéfiant
12:41pour qu'il n'y ait qu'une seule personne qui pilote ?
12:43Là-dessus, vous pourriez apporter votre voix.
12:45Ça peut être intéressant qu'il y ait des moyens,
12:46et en particulier une justice,
12:47qui permet de travailler au plus fin.
12:48Mais s'il y a un nouveau parquet,
12:49il faut aussi des magistrats en plus, etc.
12:51Là-dessus, il y a débat, Joseph Passescaron,
12:54sur le fait de savoir s'il faut un parquet spécifique ou pas.
12:58Ce qui me frappe, c'est que cette question du narcotrafic
13:04est en train, vraiment, complètement,
13:06cette fois d'entrer dans le débat.
13:07C'est-à-dire qu'il n'en sortira pas.
13:09C'est terminé.
13:10Comme à une époque, l'immigration ne savait pas.
13:13Mais là, cette question du narcotrafic est dans le débat.
13:17Donc, en effet, Carl-Olivier a cité cette possibilité de parquet national.
13:25Et je pense qu'une majorité de parlementaires
13:31pourraient aller dans ce sens.
13:35Alors, sur l'autre volet de sa proposition, en revanche,
13:38c'est-à-dire sur l'intervention de l'armée,
13:41là, je suis moins...
13:43Moins enthousiaste.
13:44Non, ce n'est pas une question d'enthousiasme.
13:45Je pense que ça ne se fera pas.
13:47D'abord, pour que l'armée intervienne,
13:49cher Philippe, il faudrait des munitions à nos militaires.
13:52Et on n'en est pas là.
13:53Donc, je plaisante, bien sûr.
13:55Enfin, à moitié.
13:57Mais, simplement, sur le parquet national,
14:00oui, c'est quelque chose qui peut...
14:02Je voudrais juste revenir sur ce qu'a dit, en un mot,
14:05le ministre de l'économie, qui a dit
14:07oui, dans les petites villes du type Annecy.
14:10D'abord, Annecy, ce n'est pas une petite ville.
14:12C'est quand même une ville importante.
14:15Or, moi, le constat...
14:16Il est élu de là-bas.
14:17Laissons-lui l'appréciation.
14:19Petite ville.
14:20Laissons-lui l'appréciation.
14:21Ce n'est pas une grande métropole.
14:22Non, mais d'accord.
14:23Moi, je connais plein de villes
14:24qui sont des villes de 4 000, 5 000 habitants.
14:27Je ne vais pas les citer.
14:28Je parle en connaissance de cause
14:30ou le trafic de drogue.
14:32Et ça y est.
14:33Ils sont implantés.
14:34Mais ils sont là.
14:35Ça y est.
14:36On ne les délogera pas.
14:38À moins de trouver des solutions importantes.
14:42Oui, pardon, Philippe Guerre.
14:44Un dernier mot sur ce sujet.
14:45Après, on change.
14:46Oui, mais il faut aller plus loin
14:47que le parquet antimafia de la drogue.
14:50Il faut réfléchir vraiment sérieusement
14:53à ce qui a marché en Italie.
14:54La lutte antimafia en Sicile.
14:57C'est celle-là qui a eu du succès.
14:59Il y a eu toute une législation spécifique
15:01qui peut aller avec un parquet antimafia.
15:03D'ailleurs, c'était le cas en Sicile.
15:05Avec une législation qui avait commencé
15:07à préparer Dupont-Moriti avant son départ
15:10sur les repentis,
15:12sur des aménagements de l'état de droit aussi.
15:15Parce qu'il faut peut-être
15:16une législation d'exception
15:17pour battre des mafias.
15:18Donc, la réflexion devrait aller plus loin.
15:21On devrait tous s'en saisir
15:23pour qu'on mène ce combat
15:25et pas simplement dans les maux.