Elections européennes : les débats commencent
Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Pierre de Vilno pour débattre des actualités du jour.
Retrouvez "Les débats d'Europe 1 Soir" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu
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00:00 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:03 Toujours en compagnie d'Antonin André, rédacteur en chef adjoint du service politique du JDD,
00:08 et Georges Fenech, ancien juge d'instruction, chroniqueur, observateur du monde politique,
00:13 de la marche de l'histoire, de la marche de la vie, puisque ça nous concerne tous.
00:17 Alors il y en a un qu'en ce moment qui vraiment défrait la chronique, c'est Jordan Bardella, 28 ans,
00:22 qui est propulsé dans ces élections européennes où il fait pour l'instant office d'étendard,
00:29 j'allais dire, puisqu'il est à 32% selon les derniers sondages, les autres sont très très loin derrière,
00:34 la liste de Valéry Ayé est à 17%, c'est ça ? 15-17% ?
00:39 On a eu un pic à un moment donné de Raphaël Glucksmann qui finalement revient à 12-13%,
00:44 ce qui veut quand même dire aussi, on en parlera, que les Français sont peut-être encore à la recherche
00:50 d'un SPD à la française, ou en tout cas un retour des partis de gouvernement, comme on les appelle.
00:55 En tout cas ce Jordan Bardella, comment est-ce que vous le voyez, comment est-ce que vous le sentez, Antonin André ?
01:02 C'est indéniablement un homme de grand talent en termes de politique,
01:06 qui a su se faire une place de façon extrêmement rapide,
01:09 qui a compris tous les codes de la communication politique, y compris pour aller chercher des électorats
01:14 qui ne votaient pas, ou peu, je parle en particulier des jeunes, sur TikTok c'est un véritable phénomène,
01:20 et puis il a appris à ne pas, d'une certaine façon, à ne pas prendre toutes les balles,
01:25 et à savoir les contourner de façon assez habile.
01:27 Il ne porte pas le nom de Le Pen, ce qui est aussi un avantage énorme...
01:31 Même s'il a un petit peu fait partie de la famille à un moment...
01:34 Oui, mais il ne porte pas le nom, et mine de rien, ça change quand même beaucoup de choses,
01:37 et puis, il a, d'une certaine façon, et c'est là où je trouve que ça interroge aussi,
01:43 c'est toujours intéressant de voir comment le pouvoir se positionne par rapport à l'Assemblée Nationale,
01:46 il a bénéficié tout de même d'une fleur d'Emmanuel Macron, c'est-à-dire que, rappelez-vous comment cette année a débuté,
01:52 elle a député avec les rencontres de Saint-Denis, où on nous a raconté, notamment à l'Élysée,
01:57 moi mes interlocuteurs parlaient de Jordan, non pas de Jordan Bardella, non, Jordan,
02:02 Jordan est un homme intéressant, Jordan fait des propositions intéressantes,
02:06 expliquant d'autre part que le président avait appelé Jordan, mais que Jordan était sous la douche,
02:12 et que donc le président avait pris le temps de le rappeler, pour s'entretirer directement avec Jordan,
02:15 donc si vous voulez... - Ça lui donne une stature !
02:17 - Et voilà ! Et en installant Jordan Bardella, notamment pour gêner, j'imagine, de façon occasionnelle,
02:25 les oppositions à l'EFI, l'opposition à l'air, et essayer de jouer un peu les oppositions les unes contre les autres,
02:32 Emmanuel Macron a un peu joué avec le feu, avec ce personnage, et aujourd'hui ce personnage est en phase
02:37 avec une partie de l'opinion, et c'est vrai qu'il a des armes que les autres n'ont pas.
02:42 - Et d'ailleurs, à ces rencontres de Saint-Denis, pardonnez-moi Georges, je vous donne la parole dans un instant,
02:46 il a, d'une certaine manière, un peu par défaut, inclus l'ERN dans l'arc, ce qu'on appelle l'arc républicain,
02:52 et puis une semaine après, il l'a aussitôt ressorti, puisqu'à la suivante des réunions de Saint-Denis,
02:58 alors c'était pas une semaine plus tard, c'était plus tard, mais il disait que l'ERN n'avait pas toute sa place,
03:03 c'est le fameux yo-yo macroniste auquel on a l'habitude, Georges Fenech,
03:10 et alors justement, comment est-ce que vous percevez Jordan ?
03:12 - Jordan Bardella, Pierre Soirierich, vous ne tombez pas dans le piège d'Emmanuel Macron ?
03:18 - Non, non, la diabolisation est en voie de disparition, c'est clair, l'ERN n'est plus le Front National tel qu'on l'a connu avec Jean-Marie Le Pen,
03:29 mais, pour ce qui concerne Jordan Bardella, vous me demandez mon opinion, je suis là pour la donner d'ailleurs,
03:36 incontestablement, il a des qualités personnelles, c'est un très bon débatteur, c'est un très bon tribun,
03:45 c'est un très bon analyste, il a de la répartie, il a effectivement du talent personnel, ça il faut le reconnaître,
03:52 après je ne sais pas encore aujourd'hui si c'est un phénomène, pardonnez-moi l'expression, un phénomène de mode, passager,
04:02 Jordan, Jordan, Jordan, qui a un succès auprès des jeunes, etc. où est-ce qu'il va effectivement,
04:07 est-ce qu'il est en train de construire une vraie stature de fond politique, parce que quand on voit les sondages,
04:12 quelquefois il arrive devant même Marine Le Pen, on est en droit quand même de s'interroger, qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur,
04:18 ce n'est pas bien ce que je dis, de l'emballage, de la présentation, qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur, et ça on va le savoir.
04:24 - Pour rejoindre votre propos, Jordan Bardella c'est un peu une starlette de télé-réalité, mais ce n'est pas encore un Michel Sarnou,
04:31 c'est une bonne idée si vous voulez. Non mais je veux dire, la question c'est ça, c'est-à-dire qu'il y a un côté effectivement Bardella.
04:37 - Et il va y avoir un temps fort, ça va être s'il a lieu le débat avec le Premier ministre, Gabriel Attal,
04:43 là il va bien falloir se découvrir. - Le Premier ministre qui a dit qu'il était finalement plutôt d'accord.
04:47 - Oui, alors qu'il se refusait absolument à débattre avec Jordan Bardella, considérons que ça le mettait à un niveau...
04:53 - Le débat avec Valérie Ayé, il est plié à mon avis, donc il va bien falloir qu'on bouille la chemise.
04:59 - Valérie Ayé sans doute s'est préparée, j'imagine parce qu'elle joue quand même, vous vous rendez compte, la pression qu'elle doit avoir sur les épaules.
05:05 C'est-à-dire que tout le monde attend ce face-à-face là, et Ayé qui est quand même dans une situation extrêmement compliquée,
05:10 si elle n'a pas bien préparé son débat et que les commentaires à l'issue du débat sont encore pires pour elle, c'est chaud.
05:18 - Mais comment est-ce que cette finalement décision nouvelle de vouloir bien débattre avec Jordan Bardella est expliquée, cher Antoine André ?
05:27 - Je pense que le directeur de campagne de la Sorbonne est intervenu de façon extrêmement sévère.
05:33 Il y a eu au début du mois d'avril une réunion à l'Elysée où il y avait le Premier ministre Bruno Le Maire, le ministre de l'Intérieur, un certain nombre de ministres importants,
05:41 Emmanuel Macron a déboulé dans le bureau et a dit "Bon, ça suffit les conneries avec le budget, ça suffit les conneries avec les fonctionnaires, ça suffit les conneries avec l'assurance chômage,
05:50 il y a une seule préoccupation, c'est les élections européennes, c'est la seule chose à faire, je vous nettoie", il a dit "Je vous nettoie tout, je vais tout nettoyer, je vais vous faire place nette
05:58 et maintenant je veux que vous alliez sur le terrain". Depuis le début, Gabriel Attal sent le piège, c'est-à-dire que dès son entrée en fonction, il disait,
06:06 moi je voyageais avec lui, je lui ai dit "Mais vous allez faire la campagne des européennes, on dit que vous êtes nommé pour contrer Bardella".
06:12 Il me dit "Non, on n'attend pas le Premier ministre dans les élections européennes, les français attendent le Premier ministre sur les sujets de politique intérieure et je serai à leur côté".
06:20 Mais on voyait bien qu'il voyait le piège sur lui, mais simplement, au bout d'un moment, il n'a plus le choix, c'est-à-dire que Valéry Hier est tellement basse, vous savez ce qui peut se produire,
06:30 qui serait quand même inédit, ce serait que Valéry Hier soit troisième. C'est arrivé une seule fois...
06:34 - Et vous mettez qui en deux ?
06:36 - Il est arrivé une seule fois dans l'histoire des européennes que le parti de gouvernement arrive troisième. C'était Jean-Christophe Cambadis en 2014 avec François Hollande.
06:45 Mais c'est évidemment un événement et un fait politique qui sera extrêmement préjudiciable pour la Macronie si jamais il advenait que Valéry Hier soit sous...
06:55 - Luxman.
06:56 - Luxman. Et Gabriel Attal en serait comptable indéniablement.
06:59 - Et là, à ce moment-là, le Rassemblement National, peut-être d'autres, réclameront peut-être une dissolution de l'Assemblée.
07:10 Ça a déjà été dit par...
07:12 - Bien sûr, d'évoquer, demandé par Delle-Lule.
07:14 - Il y aura un impact sur la politique intérieure.
07:16 Et moi, en vous écoutant, j'étais en train de réfléchir. En 2002, vous vous souvenez, il n'y a pas eu de débat de deuxième tour.
07:23 Chirac avait refusé le débat de deuxième tour. Vous vous rendez compte, l'évolution gâbe véritablement. Je vous dis, ce n'est plus du tout la même chose.
07:34 - Ce n'est pas étonnant d'ailleurs que ce ne soit pas la même chose. Il y a une évolution dans les coutumes, dans les moeurs, dans les traditions. C'est ça aussi.
07:42 Et dans le discours du Rassemblement National, et dans sa façon aujourd'hui de faire de la politique.
07:50 Quand vous voyez qu'il y a un sondage qui les donne même à majorité absolue s'il y avait une dissolution, ça devient un sujet de très grande préoccupation.
07:58 Et pour la Macronie, et également pour les autres oppositions, et je pense notamment à LR.
08:02 - Mais il y a une stratégie derrière tout ça, dont il faut créditer Marine Le Pen.
08:06 C'est-à-dire que Marine Le Pen, à l'inverse de son père qui n'envisageait pas la conquête du pouvoir,
08:12 et qui d'une certaine façon s'adressait à une clientèle peu ou prou du sud de la France, de droite, conservatrice, algérienne française.
08:20 - Il ne voulait pas du pouvoir.
08:21 - Il ne voulait pas du pouvoir. Marine Le Pen, elle a implanté son parti dans Pays Profond.
08:25 Je veux dire que tout le nord, le nord-est de la France sont des terres de gauche, où la gauche a abandonné les ouvriers.
08:30 Quand Marine Le Pen va à Edimbeaumont et qu'elle reprend cette terre aux socialistes qui s'étaient laissés aller dans la Gabgi,
08:37 la pire, avec le maire de l'époque, et qui avait abandonné ses classes populaires, c'est une stratégie de long terme.
08:43 - Elle a su tenir un discours social que son père ne tenait pas.
08:47 - Absolument, mais donc derrière ça, il n'y a pas seulement un effet de mode et un effet d'évolution.
08:52 - Non, c'est très...
08:53 - C'est une stratégie pensée par Marine Le Pen et forcée de reconnaître qu'elle a plutôt été intelligente dans sa façon d'implanter le drame
09:00 du centre-monde national aujourd'hui dans le pays.
09:02 - Et du coup, Bardella hérite de tout ce terreau sans n'avoir pratiquement rien fait.
09:06 - C'est ce qui commence un peu à indisposer, dit-on, je lis ça dans la presse, Marine Le Pen, qui voit quand même...
09:13 - On verra bien.
09:14 - On verra bien. Dans les sondages, il passe quelquefois d'une courte tête devant ou à égalité.
09:19 - Ça ne peut pas être sans...
09:21 - Comment est-ce que les débats se poursuivent sur Europe 1 avec Antoine Allendré et Georges Fenech ?
09:26 Comment est-ce qu'on a parlé de Glucksmann assez rapidement, mais il a été chahuté au 1er mai à Saint-Etienne,
09:32 il a dû être exfiltré du cortège. Aujourd'hui, on sait qu'il y a eu en effet des gens de la France Insoumise qui étaient là,
09:39 qui étaient vraiment là pour l'exfiltrer, l'empêcher de...
09:42 Ça traduit quand même une chose, c'est-à-dire qu'il y a une gauche qui a été montée de toutes pièces par Jean-Luc Mélenchon
09:48 avec cette grande architectue qui a été la NUPES et qui a été un formidable produit marketing lors des législatives 2022,
09:55 qui aujourd'hui est en train de s'effondrer plus ou moins comme un château de cartes,
09:59 et qui là ne veut pas laisser arriver une gauche de gouvernement, comme on l'appelle,
10:06 qui est en l'occurrence incarnée par Glucksmann et qui marche dans les sondages, Antoine Allendré, qui fonctionne.
10:13 Oui, Glucksmann a cette cohérence et ce discours qui rassure une partie de la gauche qui n'allait plus aux urnes,
10:19 qui même n'allait plus aux urnes. Il y en a une partie qui est partie chez Macron, les sociodémocrates,
10:23 et il y a une partie qui ne votait plus parce que Mélenchon était une offre abominable pour eux.
10:28 Et Glucksmann a réussi à réveiller un peu cet électorat-là. Donc ça frémit. De réserve néanmoins.
10:35 Attention quand même, les sondages tels qu'ils sont aujourd'hui, les sondeurs, vous ne le diront pas comme ça,
10:40 mais ils se font aussi un peu plaisir à faire monter, à corriger à la hausse, à corriger à la baisse.
10:44 Donc il nous faut aussi un épouvantail dans cette campagne, et Glucksmann le fait bien, il est très bon.
10:50 Et par ailleurs, il faut attendre aussi si c'est vrai les dernières semaines,
10:54 parce que le vote se cristallise quand même dans les deux, trois dernières semaines,
10:57 et c'est très compliqué aujourd'hui de dire si Glucksmann réussira vraiment son pari.
11:01 Mais c'est un des phénomènes intéressants de cette campagne.
11:03 En tout cas, c'est la révélation de cette campagne. On peut dire que c'est la révélation Glucksmann de cette campagne.
11:07 Et ce qui lui est arrivé à Saint-Etienne, à mon avis, en termes d'image, ça ne peut que lui bénéficier.
11:12 Les gens n'aiment pas du tout quand on exerce de la violence.
11:15 D'ailleurs, il a reçu le soutien de toute la classe politique.
11:18 - Mélenchon, dans son tweet, a dit "ça va permettre à M. Glucksmann de se mettre non pas en martyr, mais en victime".
11:27 - Et puis il bénéficie d'une forme d'alignement des planètes,
11:31 parce que les dérapages actuels de lfi font que les socialistes s'en écartent.
11:37 Le fait que la Macronie est, soit disant, une politique trop libérale,
11:42 en fait, il retrouve un peu les fondamentaux des socialistes.
11:46 Il fait une bonne campagne, incontestablement, et il peut créer cette surprise.
11:50 - Il y a une incarnation aussi, parce que jusqu'à présent dans le PS, c'était Hollande, un peu Cas9, un côté "Hongval-Lilis".
11:56 - C'est le nouveau visage de ces élections, du paysage politique français.
12:01 - Qu'est-ce qu'on en pense au PS, d'ailleurs, de Glucksmann ?
12:04 - Alors, on l'a suivi à Nantes pour le JLD, c'était très intéressant,
12:09 parce que vous aviez des anciens socialistes, des vieux socialistes, qui retrouvaient des couleurs,
12:12 et puis qui étaient contents d'être là.
12:14 Et il y a un autre phénomène, figurez-vous qu'il y avait des scouts à Nantes.
12:17 Parce qu'il y a une partie de ce qu'on appelle les "chrétiens de gauche",
12:20 qui était un mouvement assez fort quand même à gauche, une méronnorité quand même très agissante,
12:24 retrouvent dans Glucksmann une espèce de valeur de gauche qui lui convient.
12:28 Et donc il y avait des scouts qui couraient partout.
12:30 Et alors, ce qui est intéressant, c'est que le PS, les militants socialistes sont ravis.
12:35 Olivier Faure, je peux vous dire que lui, si Glucksmann pouvait éviter de faire un score trop élevé,
12:40 ça l'arrangerait bien !
12:42 Vous savez comment c'est, il y a toujours, surtout chez les socialistes,
12:45 les calculs et les arrières-pensées ne sont jamais très loin.
12:48 - Bon, ben écoutez, voilà. Merci Bessieux, merci Georges Fenech,
12:51 merci à vous Antonin, André.
12:53 - Un plaisir et longue vie à Pierre de Villeneuve, l'actu continue à 19h.
12:58 - Il est sympa. Merci beaucoup mon cher Antonin, André.
13:01 Dans un instant, à 20h, le journal de Mail à Sany.
13:04 Et à 20h30, n'oubliez pas Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'agriculture,
13:07 qui a sans doute entendu ce qu'a dit tout à l'heure Véronique Leflocq,
13:11 qui va bien sûr lui répondre tout de suite sur Rapport.
13:13 *Musique*