10 jours après le début des émeutes, Emmanuel Macron arrive en Nouvelle-Calédonie pour renouer le dialogue dans un climat de guerre civile. Peut-il ramener le calme ? Philippe Dunoyer, député Renaissance de Nouvelle-Calédonie, demande au Président le report du Congrès. Il est l'invité de Amandine Bégot.
Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 22 mai 2024
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00:00 *Générique*
00:04 RTL 7h44, excellente journée à tous ceux qui nous écoutent.
00:06 Amandine Bégaud, vous recevez ce matin Philippe Dunoyer, député Renaissance de Nouvelle-Calédonie.
00:10 - Bonjour Philippe Dunoyer.
00:12 - Bonjour Amandine Bégaud.
00:14 - Merci beaucoup d'être en direct avec nous depuis Nouméa où Emmanuel Macron doit donc arriver d'ici demain matin heure locale.
00:20 Ce sera ce soir ici à Paris. Je rappelle qu'il y a 9h de plus en Nouvelle-Calédonie. Il est donc 16h44 chez vous.
00:26 L'objectif de ce voyage, a dit hier Gabriel Attal, c'est de renouer le dialogue.
00:31 Philippe Dunoyer, quand on voit ce qui se passe sur place depuis 10 jours, est-ce que ce n'est pas trop tard ?
00:35 Est-ce que ce n'est pas tout simplement mission impossible ?
00:38 - Ah non, certainement pas. Je ne peux pas me résoudre à ça.
00:42 Je vous confirme malheureusement que depuis 10 jours, la Calédonie, et notamment l'agglomération, traverse une situation désastreuse.
00:51 D'abord au plan humain, parce qu'il y a quand même 180 000 personnes qui sont prises en otage.
00:55 Il faut aussi dire que les difficultés d'alimentation et difficultés de soins sont chroniques, avec certaines personnes qui en sont même mortes.
01:02 On n'a aucune liberté de circulation, les écoles sont fermées.
01:05 Donc oui, il y a 10 000 émetiers qui sont encore positionnés dans l'agglomération, même si les forces de l'ordre font un travail très compliqué.
01:12 Donc on pourrait se dire, ça y est, il n'y a pas d'issue, mais je ne peux pas me résoudre à ça.
01:17 Et c'est même le contraire. Je pense qu'au contraire, il y a une solution,
01:20 qui est d'ailleurs inspirée du triptyque qui correspond à l'histoire institutionnelle calédonienne,
01:28 où par le dialogue, on doit parvenir à un consensus pour maintenir ou rétablir en ce qui nous concerne la paix.
01:35 Donc ce déplacement, il doit nous permettre d'engager la première étape au travers de l'annonce d'une mission du dialogue,
01:41 afin de renouer les fils des échanges entre les partis politiques.
01:45 Est-ce que ça passe forcément par la suspension de la réforme constitutionnelle ?
01:49 On sait et on le rappelle pour nos éditeurs que c'est ça qui a mis le feu aux poudres.
01:51 Est-ce que quand il va descendre d'avion, le président Macron doit dire "j'appuie sur pause et on discute" ?
01:58 Alors c'est une déclaration ou une décision que moi j'appelle de mes voeux.
02:03 Je ne sais pas s'il faut le faire dès que le président mettra le pied sur le sol,
02:07 mais il faut le faire très vite pour une raison simple, c'est que dans la situation que je viens de vous écrire,
02:13 même s'il reste évidemment un espoir, et c'est la seule voie possible de rétablir le dialogue,
02:18 il va falloir quand même du temps.
02:20 Il faut du temps parce que le fossé s'est creusé entre les responsables,
02:24 parce que le vivre ensemble, comme on l'appelle chez nous,
02:27 a pris un sérieux coup dans l'objectif initial qui était celui de tout le monde.
02:32 Donc une mission c'est bien, mais sans report de la date qui est aujourd'hui prévue pour fin juin,
02:37 on n'aurait pas les deux éléments qui sont les deux éléments nécessaires, pas suffisants,
02:41 mais nécessaires pour reconstruire cet équilibre.
02:45 - Ça veut dire qu'il vient juste pour installer cette mission de dialogue, d'ailleurs dont on sait peu de choses pour l'instant,
02:51 s'il vient juste pour ça, sans dire "je suspends la réforme", ça ne servira à rien ?
02:55 C'est ce que vous nous dites.
02:57 - Vous savez, je suis un peu plus prudent quand même, parce que c'est tellement complexe que je ne peux pas vous dire que c'est tout ou rien,
03:06 mais moi je demande, ainsi que l'ensemble de la pièce politique nationale, comme vous le savez,
03:10 qu'effectivement ces deux décisions soient prises, parce que c'est à ce prix-là, avec ces deux déclarations, ces deux décisions,
03:19 qu'on va se donner du temps, le temps nécessaire en tout cas à l'élaboration d'une sortie par le haut,
03:25 et au rétablissement de la paix sur le territoire. Sinon, là pour le coup, c'est le pire qui est certain.
03:29 - Sauf que certains disent malgré tout, reporter cette réforme, c'est donner raison à la violence aux émeutiers,
03:35 et je pense notamment à un de vos collègues députés, Renaissance lui aussi, Nicolas Metzdorf, qui le dit très clairement,
03:41 ce congrès de Versailles ne doit pas être suspendu, ni annulé, ceux qui le demandent donnent raison aux casseurs, aux pilleurs, aux émeutiers.
03:47 On voit bien que même au sein de votre majorité, c'est compliqué, tout le monde n'est pas d'accord.
03:53 Alors quand on entend ça, on se dit, ça semble impossible de mettre tout le monde autour d'une table.
03:58 - D'abord, la première chose, je vous le redis, c'est que je pense que vous êtes plus fine observatrice que moi,
04:03 à l'échelon national, avoir tout le spectre politique de l'extrême gauche à l'extrême droite qui dit la même chose,
04:08 c'est-à-dire une mission du dialogue et le report de la date du congrès, ça n'arrive pas tous les jours.
04:12 Il y a Elbron-Pivet qui dit la même chose, je vous dis la même chose, la maire de Nouméa dit la même chose,
04:19 il y a plusieurs voix, de part et d'autre, qui demandent la même chose.
04:23 Et enfin, je vais vous répondre directement, je ne suis pas là pour donner raison ou tort à qui que ce soit,
04:28 ce qui compte c'est est-ce qu'on veut la guerre ou est-ce qu'on veut la paix ?
04:30 Et on a connu la guerre pendant 5 ans, entre 1984 et 1988, avec 70 morts, on en est sortis,
04:37 et depuis 35 ans on vivait en paix avec notamment la poignée de main entre Jean-Marie Thibaut et Jacques Lafleur.
04:41 Moi je choisis clairement l'option de la paix, elle est encore possible,
04:46 il faut en passer simplement par une décision qui consiste juste à reporter une date du congrès de Versailles,
04:51 je pense que ça vaut largement le coup.
04:53 Vous disiez 180 000 personnes prises en otage aujourd'hui, en otage par qui ?
04:58 C'est un nombre qu'on nous indique, entre 8 000 et 10 000 émeutiers,
05:04 plutôt des personnes jeunes, qui ont dans les premiers jours dévasté,
05:11 aujourd'hui on en est à 400 entreprises, magasins, commerces, industries,
05:15 qui ont été rayées de la carte avec probablement au moins 1 milliard d'euros de dégâts,
05:20 donc ces 180 000 personnes qui habitent l'agglomération, elles sont prisonnières,
05:25 parce que comme je vous le disais, d'abord le soir il faut qu'elles assurent la sécurité autour d'elles,
05:30 parce qu'elles ont peur, ensuite elles ne peuvent pas circuler librement,
05:33 alors qui sont-ils, d'où viennent-ils ? Ce sont des jeunes.
05:37 On a l'impression qu'aucune des forces politiques n'a de prise de main sur eux ?
05:42 Oui, toutes les formations politiques, indépendantistes et non-indépendantistes,
05:47 ont condamné dès le début les exactions et les dégradations,
05:51 parce que ça n'avait pas été évidemment donné comme mot d'ordre à l'opposition au texte dont nous parlions tout à l'heure.
05:58 Mais le fait est quand même que c'est une situation qu'on n'avait jamais vécue,
06:02 qu'on ne vit pas souvent sur le sable national du Merci,
06:05 et qui nous plonge dans l'état d'urgence depuis plusieurs jours.
06:07 Vous n'avez pas peur que le déplacement du chef de l'État n'attise encore un peu plus les tensions,
06:12 justement face à ces émeutiers, 8 000, 10 000, c'est pas rien 8 000, 10 000 personnes ?
06:16 Ah non, c'est énorme, c'est énorme sur un territoire qui fait plus de 1 000 km², mais enfin, c'est énorme.
06:22 Je pense que ça a venu symboliquement, et c'est certainement ce à quoi il faut s'attendre,
06:28 maintenant que la mission du dialogue est déjà annoncée,
06:31 va s'accompagner d'une autre annonce.
06:33 Et encore une fois, notamment en s'agissant du Congrès de Versailles,
06:36 ces deux annonces-là, même s'il y a de la crispation autour,
06:39 elles vont permettre aux leaders, notamment aux leaders indépendantistes,
06:42 je le souhaite en tout cas, à la fois de donner des instructions pour libérer des accès
06:47 et soulager la pression lorsque c'est possible.
06:51 Ceux qui n'écouteront pas, les forces de l'ordre s'occuperont de dégager les autres points.
06:55 Mais enfin, et surtout, reprendre tout de suite le chemin du dialogue,
07:00 qui va prendre du temps comme je vous l'indiquais, avec des déclarations faites par le président lui-même,
07:05 qui en sera d'ailleurs aussi le garant à l'issue,
07:08 parce que ce dialogue à un moment devra produire un accord,
07:11 et cet accord devra être présenté à la fois au président de la République et au président de l'institution.
07:16 Non, je pense que ce déplacement, si ces deux déclarations sont faites,
07:21 ce sera un déplacement fondateur.
07:23 - Philippe Dunoyer, vous étiez à Paris la semaine dernière,
07:27 au moment du vote de ce projet de loi constitutionnel.
07:31 C'était votre place d'être dans l'hémicycle,
07:34 et vous êtes rentré il y a quelques jours seulement à Nouméa,
07:37 après le début de ces émeutes.
07:39 Quand vous avez découvert, vu de vos propres yeux ce qui se passait,
07:43 qu'est-ce que vous vous êtes dit, qu'est-ce que vous avez vu,
07:45 qu'est-ce qui vous a le plus frappé d'ailleurs ?
07:47 - C'est très dur de le vivre à distance, puis de le constater,
07:53 et sans surprise, je dirais que j'ai été saisi, pétrifié,
07:58 parce qu'on ne peut pas, tant qu'on ne l'a pas vu,
08:01 mesurer l'ampleur des dégâts, d'abord,
08:04 que représentent ces 400 entreprises,
08:06 sans oublier les bâtiments publics qui ont été détruits,
08:09 mais c'est surtout la peur dans laquelle vivent les Calédoniens.
08:12 J'ai ma famille ici, et elle n'est pas la seule.
08:15 Je vous le disais, les 180 000 personnes sont inquiètes tous les jours,
08:19 ou vivent dans l'angoisse, et ça, c'est une situation
08:21 que je ne pensais pas revivre, puisque j'avais malheureusement
08:25 déjà vécu la période des événements, comme on dit, entre 1984 et 1988,
08:28 et c'était impossible pour moi de penser qu'on risquait
08:31 de revivre la même situation.
08:33 Écoutez, on y est, je ferai un examen,
08:38 je fais déjà un examen de conscience de tout ça,
08:40 parce que je pense que notre responsabilité est collective,
08:42 et personne n'est à l'extérieur de cette responsabilité,
08:45 mais l'urgence absolue, c'est de prendre tout de suite
08:48 les mesures nécessaires pour rétablir la paix,
08:50 parce que c'est encore possible.
08:52 Il ne faut pas qu'on attende trop longtemps,
08:54 et il ne faut surtout pas qu'on dépasse des étapes
08:56 qui seraient jugées comme ultimes dans la mobilisation des gens sur le terrain.
08:59 - D'un mot, d'un seul, Emmanuel Macron n'a pas le droit à l'erreur ?
09:03 - Non, mais je lui fais confiance,
09:06 à aucune raison, compte tenu de ce qu'il verra lui-même de ses yeux,
09:09 mais bon, il suit ça de très près, évidemment,
09:11 et à aucune raison que ces décisions importantes ne soient pas prises.
09:16 Je lui fais confiance, comme à l'ensemble des formations politiques calédoniennes,
09:20 pour sortir de ce désastre.