À 3 jours du second tour des élections législatives anticipées, écoutez l'interview de François Ruffin, député sortant de la 1re circonscription de la Somme, candidat pour le Nouveau Front Populaire qu'il a impulsé de ses vœux.
Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 04 juillet 2024.
Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 04 juillet 2024.
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00:00RTL 7h45, excellente journée à vous tous qui nous écoutez, Amandine Bégaud, vous recevez ce matin le député insoumis sortant, François Ruffin.
00:10Bonjour François Ruffin, et merci beaucoup d'être en direct avec nous ce matin, Damien, dans la Somme où la flamme olympique est attendue aujourd'hui.
00:19D'après le journal Le Point, le président du CIO s'est donné jusqu'à mi-juillet pour confirmer, annuler ou reporter les Jeux olympiques.
00:27Le comité d'organisation des Jeux de Paris dément l'information, est-ce que ça vous inquiète François Ruffin ?
00:32Ça dit quand même le désordre dans lequel le président de la République a plongé le pays il y a maintenant trois semaines en improvisant une dissolution.
00:41Je veux dire que mon souci principal n'est pas le maintien ou non des Jeux olympiques.
00:45Mon souci c'est, est-ce qu'on plonge la France vers l'inconnu, vers le gouffre, ou bien est-ce qu'on va réussir à stabiliser le pays ?
00:53Je pense que si jamais il y avait une dissolution à avoir, on pouvait se donner le temps, on pouvait se dire que c'était à l'automne,
00:58de manière à ce que les partis politiques aient le moyen de s'organiser, de monter des projets et ensuite d'aller faire campagne avec du temps.
01:06Et là, on fait tout dans la précipitation.
01:08Dans la précipitation et dans une tension qui est très nette.
01:12Vous avez vu sans doute ces deux agressions hier, hier soir.
01:15Prisca Thévenot, porte-parole du gouvernement, agressée alors qu'elle collait des affiches dans les hauts de scène.
01:19Un peu plus tôt, c'est une candidate erraine, Marie Dauchy, qui avait été prise à partie sur un marché en Savoie.
01:24Huit jours d'ITT, ce n'est pas rien.
01:26Est-ce qu'il n'est pas temps que cette campagne se termine, finalement ?
01:29De toute façon, je condamne toute forme de violence qui n'a pas sa place en politique.
01:34La démocratie c'est du conflit, mais du conflit organisé, verbalisé, institutionnalisé.
01:39Maintenant, oui, ça suscite de la tension.
01:42On avait déjà un pays qui était au bord du burn-out national et là, c'est un risque de crise de nerfs.
01:48Vous la constatez, vous, en campagne, François Ruffin, cette colère, cette violence ?
01:52Un immense ressentiment.
01:54Vous savez la montée du Rassemblement National dans un coin comme le mien.
01:58Je le comprends, je le déplore, mais je le comprends.
02:01Vous avez là, par exemple, les éboueurs dans une ville de ma circonscription qui sont en grève.
02:07Ce sont des gens, pendant la crise Covid, on leur a dit qu'ils étaient essentiels, qu'ils devaient aller travailler.
02:11Le président de la République leur avait promis, vous vous souvenez, reconnaissance et rémunération.
02:15Il leur avait dit que la distinction sociale devait reposer sur l'utilité commune.
02:19On leur avait promis beaucoup de choses.
02:21Derrière, ils ont eu, au forceps, deux années supplémentaires à faire pour partir à la retraite.
02:25Et là, maintenant, on baisse leur salaire.
02:27Ce n'est même pas seulement l'inflation qui rogne leur salaire.
02:29C'est que, comme le budget de la commune a diminué, rationné par l'État, on baisse leur salaire derrière.
02:35Ça produit un immense ressentiment chez les gens.
02:38D'abord, parce que c'est le porte-monnaie qui est resserré.
02:40C'est les débuts de mois qui commencent le 6 et où on est déjà à découvert.
02:43Mais même, c'est un sentiment d'humiliation.
02:45C'est quelque chose qui, sur le plan spirituel, on se dit, comment ils peuvent me faire ça ?
02:49Ce sont toutes ces promesses non tenues qui amènent aujourd'hui à ça.
02:53Dans votre département, la Somme, 5 circonscriptions.
02:56Et le RN est arrivé en tête dans 3 d'entre elles et élu dès le premier tour dans une d'entre elles.
03:01Oui, je pense que... J'ai la certitude que ce qui s'est fait ces 7 dernières années,
03:06en particulier depuis 2 ans avec la succession de crises,
03:09et où il n'y a pas eu de réponse, je dirais, par la tendresse apportée par le Président de la République,
03:14mais au contraire par la brutalité.
03:16Quand il a décidé, par exemple, de faire la réforme des retraites
03:19contre 8 salariés sur 10, contre tous les syndicats unis et contre une majorité à l'Assemblée,
03:25ça a participé d'un immense, immense, immense ressentiment qu'on paye aujourd'hui dans les urnes.
03:30Mais la tendresse, François Ruffin, on n'est pas dans un monde de bisounours.
03:33Pardon, mais on a besoin de tendresse, vraiment ?
03:36C'est ça qui nous manque aujourd'hui ?
03:37Oui, je pense qu'il y a à avoir une reconnaissance matérielle.
03:40Donc la reconnaissance matérielle, c'est de l'argent.
03:43Simplement que les Français, tous les appartenants de notre pays puissent vivre de leur travail,
03:47bien en vivre et pas seulement en survivre.
03:49Et qu'il y ait une place pour soi, il y ait une place pour ses enfants.
03:52Et oui, il y a le sentiment d'être respecté par les gens qui sont au-dessus de nous,
03:57par notre hiérarchie et jusque au sommet de la hiérarchie, le Président de la République.
04:02Et quand il y a eu des promesses pendant la crise Covid,
04:04il faudra se rappeler que notre pays tout entier repose aujourd'hui sur ses femmes et ses hommes,
04:09que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal.
04:11Et que derrière, à l'inverse, ça a été la double peine,
04:14puisque c'était un, deux ans de plus avec la retraite,
04:16et on vient rogner sur vos salaires,
04:18et vous vivez mal et vous avez du mal à remplir votre frigidaire.
04:21Ça suscite une immense colère,
04:23et je pense qu'il faut y répondre d'abord en permettant aux gens de bien vivre,
04:26bien vivre de leurs salaires,
04:27et ensuite en ayant une forme de tendresse, de respect,
04:30de remerciement, de dignité pour le travail qui est effectué par tous les gens.
04:35Vous savez, aujourd'hui, le pays ne tient pas par en haut,
04:37mais il tient clairement par en bas.
04:39Si l'hôpital tient, c'est par les soignants,
04:41si l'école tient, c'est par les enseignants,
04:43si les déchèteries tiennent, c'est par les éboueurs,
04:45c'est par des gens qui ont encore à cœur de faire le mieux possible leur travail.
04:49François Ruffin, si l'on en croit notre dernier sondage Harris Interactive,
04:52premier sondage d'ailleurs depuis le dépôt des candidatures,
04:55l'ERN n'aurait pas la majorité absolue dimanche,
04:58de 290 à 220 sièges selon les estimations,
05:00je rappelle que la majorité est à 289,
05:03ça veut dire quoi ?
05:04Que le front républicain fonctionne ?
05:06Que tous ces désistements qu'on a vus ces derniers jours sont efficaces ?
05:09Écoutez, il s'agissait d'avoir au moins cette non-défaite
05:13qui est qu'il n'y ait pas de majorité absolue pour le Rassemblement National dans l'Assemblée.
05:18Maintenant, c'est clair que ça ne résout pas tout,
05:21que ça ne tranche pas le chemin qui doit être fait au pays.
05:24Moi, je veux dire une chose,
05:25c'est que, quels que soient les dirigeants demain,
05:28il faudra faire l'inverse de ce qu'a fait Emmanuel Macron depuis deux ans,
05:31qui, bien qu'en n'ayant pas de majorité ni dans l'Assemblée,
05:35et encore moins dans le pays,
05:36a gouverné en disant, il y avait la réforme des retraites dans mon projet,
05:40donc je vais vous la faire puisque c'est là-dessus que vous avez voté.
05:42Non, il faudra gouverner sans brutalité,
05:44en tenant compte des avis différents,
05:46et voilà, je le redis avec une forme de tendresse,
05:49et avec beaucoup de dialogue.
05:51Mais ça veut dire quoi ?
05:52Que cette grande coalition que certains appellent de leur vœu
05:55DLR au communiste,
05:57Gabriel Attal lui a parlé d'une assemblée plurielle,
05:59ça veut dire que vous seriez prêt à y participer, François Ruffin,
06:02à cette grande coalition, ce grand rassemblement ?
06:06Non, que les choses soient claires,
06:07je ne participerai pas à un gouvernement qui serait un gloubi-boulga
06:11de cohabitation, coalition, sous dénomination d'Emmanuel Macron.
06:15Et je dis, attention même à ça,
06:17parce que déjà, les politiques suscitent du degoût,
06:20on le voit, si on se lance dans des combines, des manœuvres,
06:23ça sera encore pire.
06:24Donc pour ma part, je resterai en dehors de ces jeux-là,
06:27mais je dis que ceux qui gouverneront
06:29devront le faire avec beaucoup d'attention portée aux gens.
06:32Vous savez, il faut prendre soin des gens aujourd'hui
06:34pour prendre soin de la République.
06:36En dehors de ces jeux-là, de ces gens-là, dites-vous,
06:39ça veut dire quoi ?
06:41Que vous ne travaillerez avec personne d'autre ?
06:43Je travaillerai avec tout le monde, comme je l'ai déjà fait ces sept dernières années.
06:47Vous savez, quand il s'agit d'améliorer les conditions de vie des auxiliaires,
06:51des assistantes maternelles...
06:52Mais pardon François, ça veut dire quoi très concrètement ?
06:54Pas au sein d'un gouvernement, c'est ça, si j'ai bien compris ?
06:56Oui, je ne participerai pas à un gouvernement
06:59qui serait une coalition hétéroclite et improvisée.
07:02Donc voilà, ça c'est très clair de ce côté-là.
07:05Maintenant, ça ne m'interdit pas de dire
07:07comment on doit aujourd'hui éteindre l'incendie dans le pays.
07:11On n'est pas autant des architectes, vous savez,
07:14où on viendrait porter un magnifique projet établi en deux semaines.
07:19Ce n'est pas possible.
07:20En revanche, on doit être des pompiers.
07:22Il y a un incendie à éteindre,
07:23et il y a des mesures à prendre très vite pour éteindre l'incendie
07:26qui viendrait réparer les fractures produites ces dernières années.
07:30Et la France Insoumise, François Ruffin,
07:32vous êtes désormais en dehors, dedans.
07:35Il en est parti tout seul, a dit cette semaine Jean-Luc Mélenchon.
07:39À l'évidence, oui, j'en suis parti.
07:42J'ai refusé l'investiture de la France Insoumise il y a 15 jours,
07:45mais des accords avec Jean-Luc Mélenchon sont connus,
07:47ils sont profonds, sur la démocratie,
07:50sur le bruit et la fureur plutôt que la force tranquille.
07:53Et donc, ma place ne servira pas dans le groupe la France Insoumise
07:58si jamais je suis élu.
07:59Vous ne siégerez pas à leur côté si vous êtes élu ?
08:04Non, je pense que...
08:05C'est fini ?
08:06Il y a beaucoup de gens bien, il n'y a pas de doute chez les Insoumises.
08:09Voilà, tout ça est très bien.
08:11Il y a moyen de faire autre chose avec des amis communistes, écologistes,
08:15générations et ainsi de suite.
08:16Mais ça veut dire quoi ? Un nouveau parti, un nouveau mouvement ?
08:19Pourquoi pas avec Fabien Roussel par exemple ?
08:21On n'y est pas, on n'en est pas là.
08:23On verra, on verra, on verra.
08:24On n'en est pas là du tout, c'est pas ça du tout dont il s'agit.
08:26Là, on parle de ce qui pourrait se passer à l'Assemblée,
08:29donc ne parlons pas de mouvement.
08:31Mais il y a à trouver un chemin qui fasse qu'il y ait des traits d'union
08:35aujourd'hui entre les différentes forces de gauche.
08:37Toute dernière question François Ruffin,
08:39vous avez reçu hier un soutien assez inattendu,
08:41celui du père d'Emmanuel Macron, Jean-Michel Macron.
08:44Il s'est confié au Dauphiné Libéré et il dit ceci,
08:46Ruffin, je l'aime beaucoup, il a un esprit assez ouvert,
08:49même s'il est parfois un peu excessif et provocateur,
08:51il ajoute, j'aurais voté pour lui par défaut si j'étais dans sa circonscription,
08:55car je ne voterais jamais pour le Rassemblement National.
08:58Je rappelle qu'il est lui aussi à Amiens,
09:00ce n'est pas un soutien un peu empoisonné ça François Ruffin ?
09:03Écoutez, ça n'a pas fait grand bruit ici localement,
09:06je ne connais pas le père d'Emmanuel Macron,
09:08mais je regrette qu'il ne soit pas dans la première circonscription de la Somme,
09:11ça m'aurait fait une voix en plus.
09:13En tout cas, vous avez de l'humour. Merci beaucoup.