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Transcription
00:00 Monique Wittig était une écrivaine française qui a quitté la France quand elle a compris
00:06 que le MLF, le mouvement de libération des femmes dont elle faisait partie, n'envisageait
00:11 cette libération qu'en référence aux hommes, qu'être femme impliquait être hétérosexuel
00:17 et que la lutte de libération portait en elle-même la soumission.
00:20 Elle décrit l'hétérosexualité comme une injonction liée à la natalité, on ne la
00:26 comprend pas, elle part pour les Etats-Unis avec un sentiment d'échec, d'exclusion
00:30 et de tristesse.
00:31 Mais elle écrit.
00:33 Et elle parle.
00:35 Beauvoir avait dit « on n'est pas femme, on le devient », elle en rajoute.
00:39 Elle dit « les lesbiennes ne sont pas des femmes ». Et « je me souviens que j'ai
00:43 pris une décision consciente à l'âge de 12 ans, j'échapperai à la dépendance
00:47 des femmes, je n'aurai pas une vie de femme qui sert un homme qui n'a pas de vie à
00:50 elle ». Aujourd'hui, on l'étudie dans les universités,
00:55 une thèse lui a été consacrée il y a quelques années, et son écriture est au centre du
00:59 débat qui nous occupe depuis 2000 ans.
01:00 En 1992, elle écrit dans la Pensée Strait, « strait » ça veut dire hétéro, mais
01:06 aussi droite, rapide, rigide, raide, rigide.
01:11 Elle écrit à la première phrase « l'hétérosexualité est le régime politique sous lequel nous
01:17 vivons, fondé sur l'esclavagisation des femmes ». Elle nous met dans un autre problème,
01:24 bien plus vaste que la vaisselle et la charge mentale, et pourtant, elle poursuit « dans
01:30 une situation désespérée comparable à celle des serfs et des esclaves, les femmes
01:34 ont le choix d'être fugitives, d'essayer d'échapper à leur classe, comme font les
01:40 lesbiennes, et/ou de renégocier quotidiennement, terme à terme, le contrat social ». Qui
01:46 ne se reconnaît pas là-dedans ? La négociation pied à pied.
01:49 Comme l'esclavage, qui n'était pas seulement l'affaire du maître et de l'esclave,
01:53 mais un système de production, si l'hétérosexualité est un régime politique, on ne peut que négocier
01:59 de l'intérieur, ou s'évader.
02:01 Comme pour l'inceste, pour parler de quelque chose que je connais bien, qu'on l'ait
02:05 vécu ou pas, il s'exerce à l'intérieur d'un régime de soumission aux personnages
02:09 puissants de la famille, reconnus comme tels par l'ensemble de la société.
02:13 Elle écrit « La seule chose à faire est donc de se considérer comme une fugitive,
02:20 une esclave en fuite, une lesbienne ». Et ajoute « Il n'y a pas d'autre moyen de
02:26 s'évader ». L'actualité littéraire s'occupe actuellement
02:31 d'une autre évasion, et d'une autre Monique, la mère d'Edouard-Louis, dont Monique s'évade.
02:39 Après avoir essayé de négocier, elle s'évade de la situation dans laquelle elle vit depuis
02:44 toujours, avec l'aide de son fils écrivain qui est à l'étranger.
02:48 Première phrase du livre « Elle m'a appelé au milieu de la soirée, elle pleurait ».
02:53 La honte sociale, qui est au cœur des livres d'Edouard-Louis depuis « En finir avec
02:59 Eddie Bellgull », là, est remplacée par la fierté d'aider sa mère à partir,
03:05 à quitter l'homme avec qui elle vit, où habite, il tient à la nuance, il décrit
03:10 l'évasion concrètement, stratégie, argent, meubles qu'on emporte, qu'on laisse, annonces
03:16 immobilières, bouche à oreille, les moyens de l'écrivain qui ne sont pas ceux de sa
03:20 mère.
03:21 Il n'est pas question d'inconscients ni de choses qui échappent à la pensée, on
03:25 est dans la sociologie appliquée à la littérature.
03:27 D'une certaine façon, Monique s'évade est une sorte de travaux pratiques de la pensée
03:32 straight, page 40, presque au milieu du livre.
03:37 « Tu ne vas pas retourner chez cet homme, tu me le promets ».
03:41 À ça non, j'ai ma liberté, je la garde, je te le promets.
03:47 Merci.

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