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00:00 Édito Culture, Elisabeth Philippe, ce matin, vous revenez sur « Pauvre créature », le film de Yorgos Lantimos, sorti mercredi dernier.
00:09 Adapté du livre d'Alasdair Gray, « Pauvre créature » raconte l'histoire de Bella Baxter, une femme avec un cerveau de nourrisson, née sous les mains d'un savant fou au visage suturé, le docteur Godwin Baxter.
00:20 Atmosphère victorienne, hubrice de la science et créature chimérique dont deux charmants chiens à fessiers doigts.
00:26 On a bien entendu affaire ici à une relecture de Frankenstein, le classique de la littérature horrifique de Mary Shelley.
00:31 Dans le film, Bella Baxter, incarnée par Emma Stone, est tout de même nettement plus avenante que le monstre de Frankenstein.
00:37 Recluse et promise à un mariage avec l'assistante de son créateur, Bella s'échappe avec un bellâtre qui sait lui procurer du plaisir.
00:43 Or, Bella adore le sexe.
00:45 Elle part à la découverte du monde et porte sur la société et ses conventions, ses grands yeux bleus et candides, un regard sans filtre qui s'aiguise peu à peu au gré de ses rencontres.
00:53 Il s'agit donc d'un récit d'émancipation, tout ce qu'il y a de plus classique.
00:57 En dépit de la débauche d'effets visuels auxquels recourt l'antimos, le réalisateur passe du noir et blanc sophistiqué à des couleurs criardes.
01:03 Il use et abuse du fichaille pour distordre l'image.
01:06 Quant à l'esthétique, Steampuck, franchement laide.
01:08 Elle rappelle les pires heures de Caro et Jeunet et finit vraiment par faire mal aux yeux.
01:12 A la fin de la séance, les pauvres créatures s'étaient mes rétines.
01:15 Si le film en tant que tel ne m'a pas passionnée, il m'intéresse malgré tout en tant que révélateur.
01:20 D'une certaine manière, Bella Baxter s'inscrit dans la droite ligne de Barbie.
01:24 Comme l'héroïne en plastique du film de Greta Gerwig, Bella est aussi une poupée qui cherche à sortir de la boîte dans laquelle elle est enfermée.
01:30 Surtout, Bella est une petite fille dans un corps de femme. Voici un extrait de la bande-annonce.
01:34 Je vous présente Bella.
01:38 C'est un sujet d'étude.
01:41 Bonsoir.
01:42 Son cerveau et son corps ne sont pas tout à fait en adéquation.
01:46 Mais elle réalise des progrès à une vitesse qui dépasse l'entendement.
01:50 Son cerveau et son corps ne sont pas tout à fait en adéquation.
01:54 Cette phrase de pauvre créature me fait penser à ce qu'on dit souvent des adolescentes.
01:58 Elles ont un corps de femme mais pas encore la maturité suffisante pour comprendre le désir qui les éveille.
02:02 Sexualisées et passives, ces lolitas, comme on les appelle abusivement, sont aussi des chimères,
02:07 de purs fantasmes dont le cinéma, grand dévoreur de chair fraîche, s'est repu.
02:11 Les réalisateurs sont nombreux à s'être pris pour des pigmalions manipulant de très jeunes actrices comme des poupées.
02:16 Parfois jusqu'à les casser.
02:18 Je pense évidemment à Judith Godrej, devenue à 14 ans la muse et lamente du cinéaste Benoît Jacot, qui avait alors 40 ans.
02:24 La comédienne a raconté sa relation sous emprise dans Icon of French Cinema, la série si juste qu'elle a récemment réalisé.
02:30 Dans une scène, on voit son personnage adolescent sur un tournage.
02:34 Coiffée d'une perruque rose, la jeune actrice se tient droite au milieu du plateau.
02:38 Des mains s'activent sur son corps pour maquiller ses lèvres, faire passer un micro sous sa robe.
02:42 Elle est une poupée qui n'a pas voix au chapitre.
02:45 Mais désormais, Barbie, Bella et Judith Godrej refusent ces rôles de muse muselée,
02:49 auxquels le cinéma a si longtemps cantonné les femmes.
02:52 Aujourd'hui, les poupées disent non.
02:54 Elle est une poupée qui fait non, non, non, non.
03:01 Toute la journée, elle fait non, non, non, non.
03:08 Et merci Elisabeth Philippe.
03:10 A lundi prochain.