Avec Laurent Delmas, journaliste
Retrouvez les éditos culture sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-culture
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00:00 Laurent Delmas, ce matin, Laurent, vous n'avez pas la mémoire qui flanche ?
00:03 Non, et je vous le prouve en vous faisant écouter cette voix.
00:07 J'ai fait tous les essais de Duvivier, de René Clair, de Carnet, j'étais jamais prise.
00:12 Duvivier d'ailleurs a dit une fois devant moi à mon imprésario de l'époque, il a
00:17 dit « bon, elle est tout ce que tu veux, elle a du tempérament, elle a du talent
00:21 et tout ça, mais alors physique zéro ». Et il avait dit ça devant moi, mais comme
00:27 si j'étais un objet. Ça m'avait galvanisé, je n'étais pas tellement accrochée au cinéma
00:31 à ce moment-là, mais rien qu'à cause de cette réflexion, je me suis dit « je ferai
00:37 du cinéma ». Vous avez reconnu la voix de Jeanne Moreau
00:41 dans cet archive télé où elle revenait sur ses débuts d'actrice de cinéma, elle
00:45 l'ancienne du conservatoire et de la comédie française. On ne se lasse pas d'écouter
00:49 cette voix en or, malicieuse et libre dont on retrouve les mots dans le nouveau et superbe
00:54 livre dont je veux vous parler ce matin, Jeanne, par Jeanne Moreau, aux éditions Gallimard,
00:59 assortie d'une remarquable préface de l'actrice Rebecca Marder. Dans ce livre conçu par Jean-Claude
01:05 Bonnet, on trouve et on savoure d'abord et avant tout la parole de Jeanne Moreau. En
01:10 tombant par exemple d'entrée de jeu sur ce genre de perles. Un jour de 1960, à son
01:14 amoureux de l'époque, l'écrivain Roger Ligny, elle écrit « hier soir j'ai bu
01:19 du champagne pour fêter l'absence d'événements ». Voilà, ça commence comme ça. Du style,
01:26 du panache, du mordant et puis du gourmand aussi. Car quelle que soit la forme des documents
01:31 présentés, un abécédaire intime totalement inachevé, une autobiographie morcelée, des
01:36 lettres envoyées et d'autres reçues, les plaisirs de la table sont régulièrement
01:40 convoqués et évoqués. Ainsi l'écrivain américain Jim Harrison lui écrit ceci « Cher
01:45 Jeanne, je suis rentré de la chasse l'autre jour et j'ai pensé à toi en plantant mes
01:49 larges dents dans la première bécasse de l'année, rôtis simplement au feu jusqu'à
01:54 ce que la chair du blanc soit juteuse et rosée ». Quant à Fanny Ardant, elle remercie Moreau
02:00 pour les délicieuses lentilles qu'elle lui a servies.
02:02 Ça donne envie de lire, de manger, mais ce livre ne parle pas que de gastronomie quand
02:07 même. En effet, en effet, Léa Jeanne Moreau, il parle de tout et même de notre plus grosse
02:12 phobie actuelle, mais elle c'était en 1938 dans l'appartement familial. On a eu des
02:18 punaises et il a fallu souffrer les chambres et puis les objets qui nous appartenaient.
02:25 (Spéciale dédicace à Pascal Praud) Plus sérieusement, dans ses pages écrites avec
02:29 vivacité, on croit excuser du peu où elle s'étrue faux, Céry Guevarda, Renoir et
02:34 Duras. La traversée d'un siècle ou presque par une actrice qui reste à jamais, la Catherine
02:39 de Jules et Jim, c'est-à-dire une femme absolument libre, capable d'écrire dans
02:43 un texte sur la mort de son père, "Je ne suis la fille de personne, je ne suis la mère
02:48 de personne". Une merveilleuse amoureuse également, avec ses mots à elle qui en font parfois
02:53 une héroïne truffaldienne dans la vraie vie. Et c'est ce qui rend cette édition absolument
02:57 passionnante et définitivement bouleversante. Il n'y manque évidemment que le timbre de
03:02 sa voix. Alors on se quitte comme ça, avec cette envie-là.
03:05 * Extrait de « Je rêve toujours de me tirer, de me barrer, de me tailler, de foutre le camp » de Jeanne Moreau *
03:25 Mathilde, je suis fan de Jeanne Moreau et je la chante par cœur tous les matins.
03:31 par Jeanne Moreau, publié chez Gallimard.
03:33 Merci Laurent et à mardi prochain.