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00:00 - C'est le moment Christine Angot, on vous écoute.
00:03 - Je ne sais pas s'il y a encore des choses à dire sur le couple, mais en tout cas c'est
00:09 Justine Trier qui les dit.
00:11 Dans « Anatomie d'une chute », Palme d'or 2023, sorti il y a quelques semaines.
00:17 Le fort et le faible dans le couple, le fait qu'il y en ait forcément un, l'équilibre
00:24 des forces entre les deux, celui qui est apparemment fort, celui qui l'est en réalité, la force
00:31 qui n'est pas la brutalité, celui qui crie, celui qui n'en a pas besoin, celui dont l'autorité
00:37 est naturelle, dans le film c'est le personnage féminin, Sandra, elle se retrouve au tribunal
00:43 accusée d'avoir tué son mari.
00:45 Elle, celle qui gagne le plus d'argent, qui est le plus célèbre, qui s'accomplit dans
00:52 son travail, qui réussit.
00:54 En face, celui qui a du mal, celui qui a renoncé à s'épanouir pour faire de la place à
01:02 l'autre, qui en aurait rêvé lui aussi, celui qui a accepté de rester dans l'ombre, c'est
01:09 toi qui, c'est toi qui voulait, ça t'arrangeait, ça t'a bien arrangé.
01:14 Dans la salle, chaque spectateur qui prend son parti en fonction de ce qu'il pense être
01:20 lui, le fort ou le faible, le personnage auquel il s'identifie, et cela aujourd'hui, pas
01:28 autant des mariages arrangés, de Molière et de l'école des femmes.
01:30 Une scène de dispute, je t'aime, en pleine crise, c'est elle qui le dit, la forte, pour
01:40 rassurer, en sortant l'argument ultime, je t'aime, se montrer faible comme pour prouver
01:46 qu'on a peur de rien, même de parler de ses sentiments, de s'y abaisser, celui qui se
01:51 présente comme vulnérable.
01:52 Dans le film, c'est toujours elle.
01:55 Mais enfin, voyons-toi bien, je t'aime, tu le sais bien.
01:58 Il y a toutes ces choses-là dans le film de Justine Trier, anatomie d'une chute, d'un
02:04 couple, dissection, observation, méthode, médicale, scientifique, c'est raisonné,
02:11 on voit de l'extérieur, on pourrait tout s'analyser, on s'y reconnaît, et on s'y
02:17 connaît.
02:18 L'observation est valable pour tous les couples, mais aussi pour tous les associés, tous les
02:22 duos, Mac Cartnell et Nunch, Stone et Chardin, France-Allemagne, la cinéaste et la ministre.
02:28 Est-ce que le couple peut inclure autre chose, qui serait abstrait, qui ne se mesurait pas
02:36 sur l'échelle de la force et de la faiblesse, l'instrument de mesure du conflit social,
02:40 quelque chose de divin ? La musique, dans le film, est un instrument de lutte, le bruit
02:48 dans la maison, supporter le goût de l'autre, pas celui de sa peau, ce qu'il aime, ce qu'il
02:53 écoute, qui passe à travers les cloisons, le bruit qu'il fait, l'impossibilité à
02:57 se concentrer, qui s'instille, qui prend de la place, la place qu'il prend.
03:00 L'autre film sur le couple, c'est Barbie.
03:06 La poupée.
03:08 La poupée forte.
03:09 La poupée qui n'est pas un enfant.
03:12 La poupée qui a remplacé les poupées.
03:14 La poupée qui n'a pas de vagin.
03:16 La poupée qui s'en fout de tout ça.
03:19 La poupée dont la vie est déjà là, qui n'attend rien, surtout pas l'amour, surtout
03:23 pas de grandir.
03:24 La poupée dont la vie est de s'habiller, de changer de vêtement, de rôle, de ne jamais
03:29 être nue longtemps, de jouer.
03:31 Seule ou avec les autres.
03:34 Ken est là pour le décor.
03:36 Loin, faible, l'homme qui se plaint d'être le jouet numéro deux.
03:41 Elles mettent des talons.
03:43 Elles sont entre filles, le scénario parfait.
03:46 Elles ne s'entraînent à rien.
03:48 Elles n'apprennent pas à s'occuper des enfants.
03:50 Elles jouent.
03:51 Mais elles savent qu'elles jouent.
03:53 C'est la différence avec nous.
03:54 Merci, merci Christine Angot.

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