"C'est un sentiment que les victimes d'inceste connaissent bien."
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00:009h47, le jeudi, on écoute Christine Angot.
00:05Le lendemain des élections, j'avais honte.
00:09C'est un sentiment que les victimes d'inceste connaissent bien.
00:13La honte pour le père qui n'a pas honte.
00:16Parce qu'il faut bien que quelqu'un ait honte de ça.
00:18J'ai honte pour toi.
00:20J'ai honte qu'on en soit arrivé là.
00:23Qu'on n'ait pas empêché ça.
00:25D'avoir voté deux fois pour un président qui a agi comme ça.
00:29Honte de m'être fait avoir.
00:31Alors que dès le début, il a dit les gens qui ne sont rien, j'aurais dû me méfier.
00:35Honte d'avoir cru qu'il pouvait être une protection.
00:38Honte d'être française même.
00:41Honte qu'on soit un pays comme les autres finalement.
00:44Alors qu'on venait de Rousseau au départ.
00:47De Diderot, de Beaumarchais.
00:49Et qu'on avait écrit la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
00:52Le pays de Jean Renoir.
00:54De son film French Can Can.
00:56Avec la musique d'Offenbach.
00:58Du pont qui lève la jambe en criant.
01:00Qui s'en foutent.
01:01Qui sont fortes.
01:02Qui sont en bande.
01:03Pas chic.
01:04Pas classe.
01:05Pas des femmes au foyer qui préparent le repas.
01:07Et tout ça au moulin rouge.
01:09Décoré par des cocartes bleu-blanc-rouge.
01:12Ces sujets-là, comme Me Too, je sens qu'on ne va plus en parler.
01:16Maintenant qu'on a une femme au pouvoir, ce sera comme s'ils étaient réglés.
01:20Comme si la question ne se posait plus.
01:23Laura Murat, historienne, écrivaine, auteure de Proust, roman familial,
01:29me disait hier au téléphone,
01:31« C'est sidérant de penser que les Français,
01:34qui ont fait la Révolution,
01:36qui a été un séisme mondial,
01:38n'ont rien trouvé de mieux à faire que de porter Napoléon au pouvoir juste derrière. »
01:42Donc il n'a pas fallu 10 ans de laboratoire de la pensée,
01:46de la liberté, de la fraternité,
01:49pour venir se soumettre après à un ordre autoritaire
01:52qui va conquérir l'Europe au prix de millions de morts
01:55et instaurer un régime de censure.
01:57La censure sur Napoléon, c'est énorme.
02:00Elle a ajouté « Évidemment, c'est très grossier, la façon dont je le dis.
02:04Mais le résultat, c'est qu'on a mis ce mec-là, Napoléon,
02:07on lui a donné les clés du royaume,
02:09à peine plus de 10 ans après la décapitation de Louis XVI.
02:1310 ans après avoir fait tomber la tête de l'État. »
02:16Laura Murat parlait sans s'arrêter.
02:18Mais voilà, il faut qu'on se précipite dans les bras du premier despote.
02:22Comme s'il n'y avait pas d'autre solution.
02:24Comme s'émanciper d'un pouvoir autoritaire et hiérarchisé,
02:27c'était irréalisable.
02:29Comme si on ne voulait pas de la démocratie.
02:32Elle a continué.
02:34On ne peut pas se séparer de papa, en fait.
02:36Ce modèle monarchique qui est quand même le modèle français profondément.
02:40Ce modèle vertical.
02:42Avec Dieu, le roi, qui tient son pouvoir de Dieu.
02:45Et sous le roi, pas des citoyens.
02:48Pas des hommes et des femmes.
02:49Mais ces sujets.
02:51Et c'est ce qu'avait voulu la révolution.
02:53Et ce qu'avait voulu la révolution, c'était ce renversement.
02:56La mort de Dieu.
02:57La fin du père.
02:59Et une tentative de pouvoir horizontal.
03:01Avec l'avènement des droits de l'homme et du citoyen.
03:04Dans une gouvernance partagée.
03:06Et c'est ça qu'on ne peut pas faire.
03:08Qu'on ne peut jamais faire.
03:11Et voilà.
03:12Et ça dure à tout casser dix ans.
03:14Et puis ça s'écroule.
03:16J'ai dit comme l'amour.
03:18C'est la même illusion qui s'effondre au bout de quelques années.
03:21Parce que pour son pays aussi, on a de l'amour.
03:24Et là, c'est de l'amour déçu.
03:27Mon pays qui devient comme les autres autour de lui.
03:30Illibéral.
03:32Autoritaire.
03:35Après mai 68,
03:38Lacan, le psychanalyste, va à l'université de Vincennes.
03:43Les étudiants le chahutent.
03:45Il leur dit en face,
03:47ce à quoi vous aspirez comme révolutionnaire,
03:50c'est un maître.
03:52Vous l'aurez.
03:54Voilà.
03:56On l'a.