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Avec Christine Angot, romancière et dramaturge.

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Transcription
00:00 Comment est-on passé du discours qui se tenait dans les médias il y a deux ans en France
00:06 et qui s'est propagé à toute la société pendant des mois, au point de faire bouger
00:11 un ministre, de modifier une loi, de déclencher une pétition, des émissions de télé, après
00:17 la publication du livre de Camille Kouchner, La familia grande, qui révélait l'inceste
00:23 commis sur son frère par Olivier Duhamel, le mari de leur mère, et a entraîné Me
00:27 sous inceste, comment est-on passé de tout ça au discours qui se tient aujourd'hui
00:32 dans les mêmes médias à propos du film de Catherine Breillat l'été dernier qui
00:38 met en scène la même configuration exactement, l'épouse du père a une relation avec le
00:43 fils de son mari et frère de ses enfants.
00:45 Deux ans après, les mots ont complètement changé.
00:49 Dans les médias et les journaux, on n'entend plus emprise, inceste, agression, horreur,
00:56 prison, justice, délai de prescription.
00:58 On entend désir, amour, passion, jeunesse, insouciance.
01:04 Insouciance.
01:05 Oui, peut-être, mais pas pour tout le monde.
01:10 Le film est très beau, la mise ancienne est royale, Léa Drucker est géniale.
01:17 Mais bon, c'est l'esthétisation de l'inceste, les beaux discours, les belles images, on
01:23 est impressionné par l'esthétique, on se dit « c'est beau », sinon on se sent
01:27 bête.
01:28 C'est le genre de beauté qui cloue le bec.
01:32 On peut esthétiser la violence, la perversion, l'obscénité.
01:36 Et tout cela avec la même situation que dans le livre sur la famille Kouchner du Hamel.
01:44 Couple marié, milieu bourgeois, conjoint qui s'autorise une relation sexuelle avec
01:49 le fils du mari et frère des enfants adoptés du couple, mytho-inceste, c'était juste
01:55 une distraction médiatique ? La civise, un hochet pour distraire les enfants et qu'on
02:01 leur retire ? Dites-le, que les beaux-enfants n'ont pas droit à la protection de l'interdit
02:06 de l'inceste, ni les enfants adoptés, ni les enfants en général, allez, dites-le,
02:11 soyez cohérent.
02:12 Mais à ce moment-là, ne vous mettez pas dans tous vos états pour la faire Kouchner,
02:17 ne nous embrouillez pas.
02:19 Comme le film est beau, au début, j'essayais de l'interpréter autrement.
02:24 Je me disais, elle décrit le désordre absolu dans lequel tombent les personnages.
02:30 Et la seule chose qui tient contre ce désordre, la rigueur de la bourgeoisie, les apparences,
02:34 le faux, la grimace.
02:36 Je ne voulais pas voir que le mot «amour» était présenté en justification de la perversion
02:42 une fois de plus.
02:44 J'étais prête à aimer le film pour sa beauté, sa forme.
02:47 Je l'ai aimé jusqu'à ce que je lise l'interview de la cinéaste dans le dossier de presse.
02:52 Les mots «amour», «désir», «insouciance» et après elle fait un coup de menton «les
02:56 ayatollahs ne passeront pas».
02:58 Insouciance.
02:59 Insouciance l'inceste.
03:01 Insouciance la perversion.
03:04 Dans ce cas, il fallait faire un plaidoyer sur l'inceste, plutôt que de nous laisser,
03:08 nous, les spectateurs, dans cette espèce de malaise, de gêne, pour vous aider à jouir
03:13 sur notre dos comme si on faisait partie de cette famille et qu'on n'osait rien dire.
03:17 Le personnage est un adolescent de 17 ans.
03:22 On n'est pas sérieux quand on a 17 ans.
03:26 Nuit de juin, 17 ans, on se laisse griser.
03:30 La sève et du champagne, ils vous montent à la tête.
03:33 On divague.
03:35 On se sent aux lèvres un baiser qui palpite là, comme une petite bête.
03:40 Là, ce n'est pas on divague, ce n'est pas de la divagation, c'est le désordre absolu.
03:47 C'est être pris dans les filets de la perversion des adultes.
03:50 C'est être leur objet, leur chose, leur jeunesse, leur 17 ans à eux, qui prennent
03:57 les vôtres.
03:58 Mais il y a toute une population qui peut aller voir le film.
04:02 Allez-y, vous, les esthètes.
04:04 Christine Angot

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