• il y a 11 mois
Christine Angot a lu le livre de l'autrice et plasticienne Valérie Mréjen, "La jeune artiste". Elle y retrace ses années de formation.
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Transcription
00:00 Christine Angot est là et on vous écoute !
00:03 Il y a un livre en ce moment de Valérie Mrejen qui s'appelle "La jeune artiste".
00:09 Elle écrit la jeune artiste qu'elle a été, de façon factuelle.
00:13 Le rêve, la peur de l'échec sont là mais latent, entre les lignes.
00:18 Pas la peine d'en rajouter le blues du businessman tout le monde connaît, comme feuilleter un
00:23 magazine de décoration et s'imaginer dans une autre maison.
00:26 Sous ceux qui se sont dit un jour "ce serait fou si j'y arrivais", qui n'ont pas pu s'empêcher
00:31 d'y penser, d'essayer, qui n'ont pas pu y annoncer, n'osant pas y croire, tant
00:36 en y croyant quand même.
00:38 Tout cela sont dans ce livre.
00:40 Ça commence par le trajet en RER, 30 ans plus tôt, pour aller déposer son dossier
00:45 dans une école d'art, Sergi.
00:48 Valérie Mrejen refait le voyage mental.
00:51 Maintenant que c'est fait, qu'il ne reste plus qu'à continuer.
00:54 Elle a tout en mémoire, tout est encore très clair dans sa tête.
00:58 La peur de ne pas être bon, de ne pas supporter la critique, les découragements, l'impression
01:04 de solitude, la peur de ne pas être marquée, la peur de ne pas sortir du lot.
01:10 Les autres, les camarades, les professeurs, les premiers objets montrés, les premières
01:18 salles d'exposition, sa mémoire a tout photographié.
01:21 Les sentiments de ces années-là, celui d'illégitimité, celui de ne pas être comme les autres élèves
01:28 de l'école, réputés, qu'elle vient d'intégrer, de ne pas correspondre à l'image, ou surtout
01:34 de ne jamais sortir du rang.
01:36 La recherche de quelqu'un qui puisse lui dire si son travail veut quelque chose, si
01:41 elle est vraiment artiste, qui le lui confirme, si ça vaut la peine d'y croire, pour qu'il
01:46 y ait une preuve extérieure, un prof, des gens plus âgés, d'autres artistes, des
01:51 amis, des regards qui légitiment.
01:53 Le thème s'est décliné au cinéma, à la télévision, à travers l'école de
01:59 théâtre, l'école de danse, le conservatoire, entrée des artistes, Marc Allégret, 1938,
02:05 l'âge des possibles, Pascal Ferrand, 1996, et aujourd'hui, icon of French cinema,
02:11 Judith Goderich.
02:12 Elle se revoit à 14 ans, passant un casting et devenant l'objet, dans la vie réelle
02:20 et dans la fiction, d'un réalisateur de 40 ans, dont le modèle est Benoît Jacot.
02:26 Et à qui Gérard Miller, le psychanalyste, posait la question en 2011, « c'était
02:32 une transgression pour vous ? » Benoît Jacot lui répond « oui, c'est forcément
02:36 une transgression, parce que je ne sais plus, ne serait-ce qu'au regard de la loi telle
02:42 qu'elle se dit, on n'a pas le droit, en principe, je crois ». Il poursuit et précise
02:47 « donc une fille comme elle, comme cette Judith, qui avait en effet 15 ans et moins
02:52 40, je n'avais pas le droit, je ne crois pas.
02:55 Mais ça alors, j'en avais rien à foutre ». Il poursuit en disant « le fait est
03:01 que d'une certaine façon, faire du cinéma est une sorte de couverture, au sens où on
03:07 a une couverture pour tel ou tel trafic illicite, c'est une sorte de couverture pour des
03:13 mœurs de ce type-là, je dirais, sûrement.
03:15 Ah oui, mais alors il est cinéaste, il est artiste, il est en train de créer une actrice,
03:22 de fabriquer ». Il continue, il explique « et en même temps, dans le landerneau cinématographique,
03:31 on peut sentir qu'il y a une certaine estime, une certaine admiration pour ce que d'autres
03:37 aimeraient sans doute bien pratiquer aussi, voilà, il y a ça aussi ». Et il ajoute
03:44 « ce qui n'est pas désagréable d'ailleurs ». Ça lui plaît, il est fier, ils sont
03:51 fiers.
03:52 La phrase qu'on entend toujours « la honte a changé de camp » est fausse.
03:58 La honte n'a pas changé de camp.
04:02 Ceux qui dominent continuent d'en être fiers.
04:05 Mais la solitude, c'est fini.

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