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00:00 - Priscille Angot, jeudi, on vous écoute.
00:02 - Sade le pervers, Céline l'antisémite, Colette la scandaleuse, Van Gogh le fou, chacun
00:09 a son étiquette.
00:10 Quand on voit une exposition Van Gogh, elle est là dans la tête.
00:14 La particularité de celle du musée d'Orsay, c'est que non seulement on voit des tableaux,
00:20 mais on vit avec lui les deux derniers mois de sa vie, de son arrivée au Verre-sur-Oise
00:24 le 20 mai 1890 au 27 juillet quand il se tire une balle dans la tête.
00:30 En 70 jours, il peint 76 tableaux.
00:33 Ils sont là dans l'ordre chronologique de son arrivée au Verre jusqu'au coup de pistolet
00:37 dans la tête.
00:38 L'avier peint sur les toiles, il y a la date sur le cartel à côté, une note sur ce qu'il
00:44 a vécu la veille ou ce qu'il fera le lendemain.
00:46 70 jours, 76 tableaux, 70 journées à regarder les gens au Verre, à les peindre, à regarder
00:53 les maisons, à les peindre aussi, à consulter le docteur Gachet, à déjeuner à sa table,
00:58 à écrire des lettres à son frère Théo et à sa belle-soeur qui vivent à Paris avec
01:02 leur enfant.
01:03 5 juin.
01:05 Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'Alors apparussent comme
01:10 des apparitions.
01:11 Un siècle plus tard, les gens d'Alors, c'est nous.
01:14 Ils s'adressaient à nous.
01:16 Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'Alors apparussent comme
01:20 des apparitions, donc je ne cherche pas à faire par la ressemblance photographique mais
01:24 par nos expressions passionnées.
01:26 10 juillet.
01:28 Je ne me suis pas gênée pour chercher à exprimer de la tristesse, de la solitude extrême.
01:33 Il peint le docteur Gachet, il se peint lui-même, il peint l'église, il parle d'immenses
01:39 étendues de blé sous des ciels troublés, d'un sous-bois, des troncs de peupliers
01:44 violets qui perpendiculairement comme des colonnes traversent le paysage.
01:48 Le tableau qu'il en fait est accroché à côté de la phrase.
01:52 Ça ne l'empêche pas d'écrire à son frère.
01:54 Je me sens ratée.
01:56 Voilà pour mon compte.
01:58 Je sens que c'est là le sort que j'accepte et qui ne changera plus.
02:02 Vaguement des tableaux viennent à ma vision, mais ça me prendra du temps.
02:06 À l'occasion d'une exposition cinq ans après sa mort, on invite Antoine Hartaud.
02:12 Il paraît qu'il l'a traversée d'un trait, comme une flèche, presque en courant.
02:16 Puis il a écrit « Non, Van Gogh n'était pas fou.
02:20 Mais ses peintures étaient des bombes atomiques, dont l'angle de vision, à côté de toutes
02:26 les autres peintures qui sévissaient à cette époque, eût été capable de déranger gravement
02:31 le conformisme larvaire de la bourgeoisie second empire qui sévissait à cette époque.
02:35 Le texte s'appelle « Van Gogh, le suicidé de la société ».
02:39 Le 23 juillet, quatre jours avant sa mort, Van Gogh a écrit, mais il n'a pas envoyé
02:45 la lettre.
02:46 « Mon travail à moi, j'ai risque ma vie.
02:48 Van Gogh le fou, Sade le pervers, Céline l'antisémite, Colette la scandaleuse, plus
02:57 près de nous, Lanzmann le mégalomane.
02:59 » Il y a une rétrospective à Beaubourg.
03:02 La directrice de la photo, Caroline Champetier, qu'il rencontre à 22 ans sur Shoah comme
03:06 assistante, a écrit un texte intitulé « Le geste lanzmannien », reconnaissant elle-même
03:12 que c'était un titre un peu prétentieux, et décrit ce geste.
03:16 « Un geste de vie, un acte, une action, une action folle, se lancer dans un travail de
03:22 vingt ans.
03:23 D'après elle, il n'a jamais voulu spécialement être cinéaste, il a voulu filmer la Shoah,
03:28 prendre le risque physique, le risque intellectuel, le risque moral, l'urgence à dire, et elle
03:34 donne la définition du mot « geste ».
03:36 Mouvement du corps, des membres, action remarquable qui frappe par sa générosité, sa noblesse,
03:45 ensemble de poèmes épiques au Moyen-Âge, relatant les « hauts faits » de personnages
03:50 historiques ou légendaires.
03:52 - Merci Christine. Wow ! Et à jeudi !