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00:00 Laurent Delmas, à vous ! Ce matin, une jolie question, la culture de masse fait-elle écran ?
00:05 Il me semble que cette question aurait pu et dû traverser l'intégralité du nouveau
00:11 livre de l'éminent professeur d'histoire Jean-François Cirinelli dont le directeur
00:16 de thèse fut René Rémond.
00:17 Oui, je suis un type dans le genre de Léa Salamé, je trouve pertinent de rappeler le
00:21 nom du mentor universitaire de la personne dont vous parlez ou à qui vous parlez.
00:26 Publié par les éditions Odile Jacob, son livre s'intitule "Le temps qui passe, la
00:31 France qui change, écho du monde d'avant".
00:34 On pourrait déjà longuement s'arrêter sur ce titre en forme de douloureux lamento
00:37 nostalgique mais allons plutôt à l'essentiel comme nous y invite l'auteur qui entend parler,
00:42 je le cite, de la prolifération des images et des sons depuis 1950.
00:47 Et d'ajouter bonoitement que le constat paraît banal, ce qui est une belle preuve de lucidité
00:54 exprimée dès la quatrième de couverture, laquelle contient également une question.
00:57 Pourquoi la plupart des chansons aux tels connus au fil des décennies la relégation
01:03 mémorielle alors que les neiges du Quilly-Montdjarro, Alexandrie, Alexandra et les lagues du Connemara
01:09 par exemple, continuent de nourrir les bançons de bien des mariages et les programmes de
01:13 beaucoup de karaoké ?
01:14 Mais oui, au fait, pourquoi ne fait-on pas danser les jeunes mariés sur "Avec le temps"
01:21 de Léo Ferré, "L'aigle noir" de Barbara ou "Nuit et brouillard" de Ferra ? C'est
01:25 vrai ça, mais oui, peut-être, monsieur le professeur, parce qu'il s'agit ici de
01:29 faire la fête en dansant sur du sardou avec une forme de bourrée irlandaise dont le texte
01:35 a été écrit sur un coin de table à l'aide d'un dépliant touristique.
01:38 Mais Cyril Nelly, j'imagine, ne parle pas que de chansons.
01:41 Oui, oui Nicolas, en effet, en 320 pages et 49 chapitres indépendants les uns des autres,
01:46 il entend embrasser tout le champ culturel et c'est d'ailleurs ce qui finit par poser
01:50 lourdement problème.
01:51 Est-il bien raisonnable, par exemple, ce dixième chapitre de deux pages qui traite, avec Perrec
01:57 et Barthes en citation et en alibi, de la montée du matérialisme ? Peut-on autant
02:02 s'apesantir sur "La grande vadrouille" en ne traitant qu'allusivement des questions
02:06 pourtant plus pesantes que poser le discutable film de Marcel Offus, "Le chagrin et la pitié"
02:12 ? Mais c'est bien le risque quand on choisit le box-office et l'audimat comme seule table
02:16 de la loi.
02:17 Résultat chez Cyril Nelly, de nombreuses pages pas très nouvelles, il faut le dire,
02:21 sur le film Emmanuel et rien, rien sur la censure de la religieuse de Rivette.
02:26 Et ainsi de suite jusqu'à se focaliser sur la culture de la jeunesse étudiante,
02:30 mai 68 oblige, mais rien, rien sur celle de la jeunesse ouvrière à la même époque.
02:35 Il est vrai que la lutte des classes semble se dissoudre pour l'auteur dans la télévision
02:40 de Guillux.
02:41 Mais le plus gênant est ailleurs.
02:42 Cyril Nelly consacre le même nombre de pages au duo Alidée-Macron et à l'affaire Mads
02:48 Neff-Bombardier-Springora.
02:49 50% pour des funérailles nationales qui sont finalement un non-événement, 50% pour un
02:54 monde d'avant qui suscite le dégoût de l'impunité pédophile.
02:58 Avec hélas, et concernant ce dernier sujet, un auteur qui fait l'éloge, je cite, "du
03:03 temps suspendu d'avant où la quête du bonheur se faisait parfois au prix d'un
03:07 tintonnement entre liberté d'expression et d'essence ordinaire, entre hédonisme
03:12 revendiqué et respect humain globalement maintenu".
03:16 J'avoue, j'ai du mal avec le respect humain que l'on devrait attribuer à Gabriel
03:21 Mads Neff.
03:22 Cerise sur le gâteau, il semble que le monde d'aujourd'hui soit celui d'un livre d'historien
03:27 sans aucun index, aucune référence et aucune bibliographie.
03:31 Pas certain que René Rémond aurait apprécié.
03:34 et c'est signé Laurent Delmas !

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