Rym Momtaz, journaliste et géopolitologue libano-américaine et Gérard Araud, diplomate, ancien ambassadeur de France aux États-Unis, analysent la situation politique au Proche-Orient.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00Géopolitique dans le Grand Entretien ce samedi matin.
00:03Ce matin, nous voulions revenir sur une semaine où l'histoire s'est peut-être accélérée
00:08sur différents fronts.
00:10En Ukraine, bien sûr, en Israël et dans la bande de Gaza, avec nous deux invités de
00:16des meilleurs spécialistes des relations internationales, Rym Momtaz et Gérard Arraud.
00:21Bonjour à tous les deux.
00:22Bonjour.
00:23Bonjour.
00:24Vous pourrez bientôt dialoguer avec les auditeurs de France Inter au 01 45 24 7000 ou sur l'application
00:30Radio France.
00:31Rym Momtaz, vous êtes rédactrice en chef de la plateforme Strategic Europe chez Carnegie.
00:37C'est l'un des grands think-tanks spécialisés en géopolitique.
00:41Gérard Arraud, on ne vous présente plus.
00:43Ancien ambassadeur de France en Israël, aux Etats-Unis, auprès de l'ONU, ancien représentant
00:49adjoint permanent de la France à l'OTAN et on aura besoin de votre expertise.
00:53Auteur d'un essai important, Israël, le piège de l'histoire.
00:58Justement, partons d'Israël.
00:59Gérard Arraud et Rym Momtaz.
01:02L'histoire qui s'écrit en ce moment avec la reprise des frappes cette semaine.
01:07Les frappes israéliennes sur la bande de Gaza.
01:09Plusieurs centaines de personnes tuées depuis mardi soir.
01:13Et jeudi, le président israélien Isaac Herzog qui formulait une critique rare et violente
01:20du Premier ministre Benjamin Netanyahou en se disant, je le cite, « profondément troublé
01:25».
01:26Il continue, « il est impensable de reprendre les combats tout en poursuivant la mission
01:31sacrée de rapatrier nos otages ».
01:33Ce sont ses mots.
01:34Gérard Arnaud, est-ce que c'est inédit et comment comprendre cette division au sein
01:40même du pouvoir israélien sur les buts de guerre tout simplement et la stratégie à
01:46mener pour y parvenir ?
01:47Tout d'abord, on a oublié, je crois, que les Israéliens sont divisés et ils le sont
01:54divisés avant le 7 octobre et depuis le 7 octobre face à la politique d'un gouvernement
02:01qui est un gouvernement d'extrême droite.
02:03Et dans ce cas, le cas de la reprise des opérations, vous avez l'association des parents d'otages
02:11qui condamnent cette reprise des combats en disant que c'est condamner, que c'est
02:15vraiment mettre en danger la vie de leurs proches.
02:18Et vous avez des manifestations dans l'ensemble du pays, considérables, des centaines de
02:24milliers d'Israéliens qui descendent dans la rue en disant « assez, c'est assez »,
02:28parce que beaucoup pensent qu'en réalité Netanyahou a repris ses opérations pour des
02:33raisons de politique intérieure.
02:35Alors c'est ça qui est ahurissant et que j'aimerais que vous nous expliquiez l'un
02:39et l'autre.
02:40En l'occurrence, c'est des questions de politique intérieure.
02:42Benyamin Netanyahou a besoin du soutien de l'aile la plus à droite de l'extrême
02:47droite israélienne.
02:48Il a besoin également de se sortir de questions judiciaires qui le visent très directement.
02:55Il a destitué le chef du Shin Bet hier et donc c'est quelque chose qui participe de
03:02ce bras de fer entre le gouvernement et certaines autorités du pays.
03:07Très sérieusement, ça peut expliquer la poursuite de la guerre et cette violence-là
03:12sur Gaza ?
03:13Oui, ça peut expliquer, parce que c'est une crise, il y a un véritable coup d'état
03:20illibéral conduit par Benyamin Netanyahou contre la démocratie israélienne, parce
03:25qu'il a décidé de destituer le chef des services d'enregistrement intérieur, le
03:30Shin Bet.
03:31La Tordée Générale a dit que c'était illégal, maintenant c'est la Cour suprême
03:37qui lui dit de ne pas le faire.
03:38On en arrive au moment où hier une association du patronat israélien a dit « si vous n'écoutez
03:44pas la Cour suprême, nous arrêtons nos activités, nous rejoignons les manifestants ».
03:49Donc c'est une vraie table-crise de la société israélienne.
03:52Rima M'taz ?
03:53Oui, et puis surtout, on se rend compte qu'il n'y a plus aucun objectif militaire à atteindre
03:58à Gaza et que d'ailleurs toute cette approche depuis maintenant près de trois ans n'a
04:03pas abouti à l'effondrement du Hamas.
04:07Au contraire, on sait très bien que d'après tous les services de renseignement, les Américains,
04:13les Israéliens et les autres, le Hamas se reconstitue malgré la férocité du carnage
04:19qui a eu lieu depuis presque trois ans maintenant à Gaza.
04:23Et en fait, on se rend compte que ce qui est en train de se passer, c'est juste la
04:27mise en œuvre d'un projet d'extrême droite qui est de dépeupler Gaza des Palestiniens.
04:33Et malheureusement, il y a une concomitance avec l'administration américaine actuelle
04:37qui est sur cette même ligne.
04:39Et d'ailleurs, c'est pour ça que le ministre d'extrême droite Ben Gvir est revenu dans
04:43le gouvernement dès la reprise de ses combats à Gaza parce qu'il se dit que maintenant,
04:49c'est le moment ou jamais de dépeupler la bande de Gaza de sa population qui est les
04:55Palestiniens.
04:56Gérard Haro, il y a une concomitance, pour dire le moins, entre ce que fait le Benyamin
05:01Netanyahou en ce moment et son agenda politique, et la reprise des frappes et son agenda politique,
05:06son agenda judiciaire aussi ?
05:07Oui, parce qu'il est poursuivi pour de multiples affaires et il se trouve, c'est peut-être
05:13qu'une coïncidence, mais il devait comparaître devant le tribunal le jour même où l'opération
05:18militaire a repris, ce qui évidemment lui a permis de dire, de faire reporter l'audience.
05:26Et on sait que vous ne croyez pas aux coïncidences.
05:29Pour les sous-titres !
05:30Personne, en tout cas, dans la presse israélienne, personne ne croit vraiment à une coïncidence.
05:36Mais j'insiste sur ce que vient de dire, très justement, Rym Montaz, c'est qu'il
05:41n'y a pas d'objectif militaire identifiable à ces opérations, si ce n'est de bombarder,
05:47de bombarder, de bombarder.
05:48D'ailleurs, ce matin, Israël affirme qu'il va répondre aux roquettes qui ont été tirées
05:52depuis le Liban, donc on voit que ça continue.
05:55Cette nuit, on a les ministres des Affaires étrangères de la France, de l'Allemagne,
05:57du Royaume-Uni qui ont appelé à un retour immédiat du cessez-le-feu dans la bande de Gaza.
06:01Ils disent qu'ils sont révoltés par le bilan humain, on parle de plus de 500 morts
06:05depuis mardi.
06:06Ils disent que ce conflit ne peut être résolu par des moyens militaires, c'est ce que vous
06:10dites aussi.
06:11Ils ont une chance d'être entendus, Rym Montaz ?
06:13Non, malheureusement, je pense que sur ça, il faut juste être très clair.
06:16Aujourd'hui, étant donné la position de l'administration Trump, malheureusement,
06:20les Européens vont avoir beaucoup de mal à se faire entendre.
06:23La seule vraie carte à jouer, c'est d'essayer de pousser les Arabes à prendre beaucoup
06:29plus de responsabilités pour la fin de ces combats et ce qui doit arriver à Gaza après,
06:35c'est-à-dire ce qui va se passer au niveau politique, qui va prendre le contrôle de
06:39cette bande de Gaza.
06:40Juste Trump dit qu'il soutient pleinement ces frappes israéliennes.
06:43Absolument, parce qu'il a dit très clairement que lui, il voulait bâtir une rivière à
06:47Gaza.
06:48Il faut aussi avoir ce genre de créativité.
06:50Il faut dire d'ailleurs que vous disiez dès 2016, Gérard Arraud, et vous l'écriviez,
06:55que ça participait des dégâts du trumpisme et que Jérusalem avait pu se féliciter déjà
07:02en 2016 de l'élection de Donald Trump.
07:04On n'est pas sûr que beaucoup de choses aient changé.
07:06J'aimerais juste avoir votre avis de diplomate et de l'expert de la langue de bois ou de
07:11la langue diplomatique.
07:12Lorsqu'on entend Jean-Noël Barraud dire que la France est opposée à toute forme
07:17d'annexion qu'elle concerne la Cisjordanie ou qu'elle concerne Gaza, quelle est la portée
07:23de ces mots, Gérard Arraud ?
07:25Là, d'un seul coup, vous m'embarrassez quand même.
07:28C'est quand même le ministre des Affaires étrangères et j'ai en moi un respect naturellement.
07:32Je pense qu'il a raison de le dire, mais comme le vient de le dire Rimm Montaz, les
07:36Israéliens n'écoutent absolument pas les Européens.
07:40Ils n'écoutent éventuellement.
07:42Donc ils parlent dans le vide ?
07:44Ils disent ce qu'il faut dire, mais ils parlent dans le vide du côté israélien.
07:48La France a encore une dernière carte à jouer qui est cette question de la reconnaissance
07:53de l'État palestinien.
07:55Ça ne va pas changer la donne sur le terrain, mais ça crée un état de fait légal qui
08:00est important.
08:01Emmanuel Macron et Jean-Noël Barraud y travaillent.
08:04Ils essayent de monter une initiative d'ici l'automne avec l'Arabie saoudite.
08:09C'est difficile, il y a beaucoup d'obstacles, mais ils tiennent encore une carte parce
08:14qu'aujourd'hui il y a une course contre la monte entre l'annexion de la Cisjordanie
08:18et cette reconnaissance.
08:19J'allais y venir justement parce que c'est la Cisjordanie, théâtre d'une guerre
08:22oubliée sur lequel vous avez écrit Rimm Montaz, puisqu'hier le ministre de la Défense
08:27israélien non seulement menaçait d'occuper plus de terres dans la bande de Gaza si le
08:31Hamas refusait de libérer les otages qui sont toujours détenus et qu'il avait donné
08:37l'ordre à Atsahal de prendre davantage le site de territoire à Gaza tout en évacuant
08:41la population.
08:42Et donc c'est au fond à Gaza, mais il ne faut pas oublier la Cisjordanie, là se joue
08:49le vrai nerf de la guerre.
08:50C'est absolument ça et malheureusement très peu de gens ont oublié ce qui se passe en
08:55Cisjordanie.
08:56Et c'est là où le vrai cœur du projet de dépopulation des territoires palestiniens
09:02et en fait de l'expulsion des Palestiniens.
09:05C'est-à-dire l'expulsion des Palestiniens de leur terre et la fin de la solution des
09:13deux États.
09:14En fait c'est ça réellement l'objectif de ce gouvernement d'extrême droite qui
09:17est au pouvoir en Israël.
09:19Parce que la Cisjordanie c'est la terre de la Bible.
09:21L'Ancien Testament ou la Torah c'est en Cisjordanie et pas sur les plages de Gaza
09:27et c'est en Cisjordanie que s'est rencontré à la fois la religion et le nationalisme
09:32pour donner une sorte de national messianisme.
09:35Vous savez Ben Gorion disait…
09:36Comme on dit la Judée Samarie par exemple.
09:38La Judée Samarie.
09:39Et donc lorsque Ben Gorion disait si on ne quitte pas la Cisjordanie aujourd'hui on
09:42ne la quittera jamais.
09:44Et bien c'est ça qui est en train de se passer et profitant du choc du 7 octobre,
09:49du traumatisme après les atrocités du Hamas, vous avez une violence quotidienne de la part
09:55des colons au dépens de la population civile palestinienne avec la protection et la connivence
10:00des forces de l'ordre.
10:01Mais Gérard Araud, la reconnaissance de la Palestine dont parlait Rimmam Taz, elle a
10:07été écartée par des personnalités comme Elias Sambar, l'ancien ambassadeur de la
10:11Palestine auprès de l'UNESCO qui disait qu'il ne croyait plus lui-même à une solution
10:15à deux États.
10:16Alors vous, dans votre livre, en tant qu'ancien ambassadeur, vous dressez des pistes de solutions.
10:21Est-ce que ça peut en faire partie ou pas ?
10:23Moi honnêtement je suis tout à fait d'accord avec Rimmam Taz, jusqu'à maintenant j'ai
10:28toujours pensé, de toute façon la reconnaissance de l'État palestinien ne va rien changer
10:32sur le terrain, mais je pense qu'on est à un moment pour dire non à l'annexion de
10:37la Cisjordanie, non à l'annexion à Gaza, c'est faire rappeler un peu le droit international.
10:44Symbolique en quelque sorte.
10:45C'est en grande partie polysymbolique et si on me posait la question et que je n'étais
10:50pas devant un micro, je dirais non, je ne crois plus à la solution des deux États.
10:55Merci en tout cas de l'avoir dit à ce micro parce que c'est vrai que la solution semble
11:00s'éloigner de plus en plus et il y a plusieurs questions d'auditeurs sur cette situation
11:06et ce projet, cette fiction peut-être maintenant de deux États.
11:10Anna demande pourquoi la communauté européenne ne se mobilise pas pour arrêter les attaques
11:14d'Israël sur Gaza, elle se dit profondément européenne.
11:18Marc lui se demande pourquoi est-ce que l'Europe est aussi faible et que risque Benyamin Netanyahou
11:24en relançant cette guerre ou en tout cas en rompant le cessez-le-feu, rime en base.
11:28L'Europe est simplement divisée, on l'a vu depuis maintenant deux ans et demi.
11:32Il y a une impossibilité d'arriver à une posture ou une position européenne unie et
11:38qui puisse vraiment peser parce qu'en fait l'Europe a des cartes à jouer.
11:42Par exemple l'Europe est le partenaire commercial le plus important d'Israël.
11:48L'Europe a un accord d'association avec Israël qui est important mais aujourd'hui l'Europe
11:53ne peut pas utiliser ses leviers parce que vous avez le cas allemand évidemment avec
11:57le poids de l'histoire et vous avez d'autres pays comme la Hongrie, comme l'Autriche qui
12:01ne sont pas du tout sur la même ligne, même de la France qui est une position plutôt
12:06équilibrée et je ne vous parle même pas des Irlandais ou des Belges qui sont très
12:12pro-palestiniens donc il y a un vrai problème d'unité au sein de l'Europe là-dessus.
12:16Alors il y a un autre front, une autre guerre qui continue de faire rage et dont on voulait
12:20vous parler ce matin, c'est celle de la Russie contre l'Ukraine avec ses tentatives
12:26de cesser le feu, dont on ne sait pas très bien ce que veulent les différents acteurs,
12:31pas toujours en tout cas.
12:32Gérard Haraud, le principal point de discorde là-dessus, notamment entre Vladimir Poutine
12:37et les Européens, c'est l'arrêt total que le président russe a réclamé de l'aide
12:41militaire européenne à l'Ukraine ?
12:44Oui, c'est évidemment impossible.
12:46Ça voudrait dire qu'on laisse l'Ukraine seule face à la puissance russe.
12:52Donc il n'y aura pas de cesser le feu ?
12:53Alors, on est dans une situation extrêmement difficile parce que, moi je n'arrive pas
13:00à lire ce que veulent vraiment les Américains.
13:02Ce que veut Poutine, c'est évident, il veut la vassalisation de l'Ukraine, il veut
13:06transformer l'Ukraine en une Bélarusse bisse et il veut mettre le Lukashenka bisse
13:12à Kiev.
13:13Ce que veulent les Américains, je crains que Trump se moque de l'Ukraine et veuille
13:20se sortir de ce conflit quasiment à tout prix.
13:23Et pourtant, on reprend à mot à mot, c'est ce que vous postirez Gérard Haraud sur X,
13:29fascinant, vite coffre, proche de Trump, envoyé spécial pour le Moyen-Orient, on
13:34reprend, je vous cite mot à mot, le récit russe, assimilation de russophone à russe,
13:40ce qui est la remise en cause totale des frontières et de la région, légitimité
13:45des référendums bidons dans les territoires occupés, etc.
13:49Oui, c'est ça qui est inquiétant, c'est-à-dire qu'on a, d'un côté, les Etats-Unis se
13:56présentent comme un médiateur, mais de l'autre, ils tiennent un discours qui est un discours
14:00extraordinairement proche des thèses russes.
14:03Lorsqu'hier, on a posé la question à Trump en disant « mais alors les Russes bombardent,
14:08qu'est-ce que vous allez faire ? », il a simplement répondu « oh ben, les deux
14:13se battent ».
14:14Les deux se battent ?
14:15Voilà.
14:16Et ça a été sa seule réaction.
14:17Et alors face à ça, Arim Mamtaz, il y a la réponse européenne, vous avez beaucoup
14:20travaillé dessus pour la fondation Carnegie, ce qui est au centre des discussions, notamment
14:25en ce moment, c'est la possibilité d'un endettement commun, alors on n'est pas sûr
14:29notamment que l'Allemagne soit d'accord, quoique avec le changement de chancelier ça
14:33pourrait peut-être changer les choses ?
14:35Oui, de toute façon, il y a un changement générationnel qui est en train de s'opérer
14:39peut-être en Allemagne avec l'arrivée du nouveau chancelier Merz, on va voir ce que
14:44ça va donner.
14:45Mais avant d'arriver là, en fait, les Européens, ça fait quand même trois semaines qu'ils
14:48travaillent de manière très sérieuse et assez rapide, quand on regarde un peu comment
14:53les Européens travaillent d'habitude.
14:55Avec ce plan à 800 milliards ?
14:56Mais juste avant ça, juste sur l'Ukraine, pour essayer de peser sur ce que les États-Unis
15:01sont en train de faire, ils essayent de monter des garanties de sécurité qui soient crédibles.
15:05Là, ils ont un petit problème, c'est que la majorité même des pays volontaires ont
15:09beaucoup de mal à s'avancer sans un soutien explicite des États-Unis.
15:14Et en fait, il faut se rendre compte aujourd'hui, et c'est là où c'est choquant, c'est que
15:17les États-Unis ne sont pas du tout du côté des Européens, ni du côté des Ukrainiens.
15:21En fait, ce qu'ils veulent avec la Russie, c'est une normalisation, ils veulent l'aide
15:25de la Russie sur l'Iran.
15:26Même sur des sujets absolument dérisoires, avant de filer au standard, c'est vrai qu'on
15:29a été ahuri de découvrir que pendant son appel avec Vladimir Poutine mardi, le président
15:35américain a par exemple discuté de l'organisation future de matchs de hockey entre Russes et
15:40Américains, entre joueurs de la ligue de hockey états-unienne et la ligue eurasiatique.
15:47Enfin, ça paraît fou, mais bonjour Marc, dans ce chaos mondial, bienvenue sur France Inter.
15:54Bonjour.
15:56Vous aviez une question pour nos invités ou une intervention ?
15:59Je crois qu'il y a un clin d'œil de l'histoire qu'il ne faut pas perdre de vue.
16:04Dans quatre ans, c'est le 300e anniversaire de la naissance de Catherine II de Russie.
16:10A sa mort en 1796, Catherine II avait acquis les États-Baltes, une partie de la Pologne,
16:20ce qu'on appelait la Bessarabie, jusqu'à Odessa.
16:23Il fallait s'entendre en fait que le grand dessin de Vladimir Poutine, à mon avis,
16:30est celui-là et n'est pas de retrouver les territoires de l'ex-URSS, mais ceux de la
16:35Grande Russie.
16:36C'est ça son objectif.
16:37Merci pour cette intervention Marc.
16:39Alors, monsieur l'ambassadeur, vous êtes aussi historien.
16:42Quand on parle de la Bessarabie, c'est un État qui a été englouti dans la fumée
16:49de l'histoire, dans les cendres de l'histoire.
16:51Et en l'occurrence, Odessa, c'est en Ukraine.
16:54Odessa, aujourd'hui, c'est en Ukraine.
16:56Pourquoi cette référence au règne de Catherine II ?
16:59Parce que la Russie se conçoit comme un empire et donc on revient aux références impériales
17:08d'une Russie qui avance toujours, d'une Russie dont les frontières ne sont pas fixes.
17:12C'était ce que disait Poutine lui-même.
17:15Et il se trouve qu'Odessa, c'est tout ce qu'on appelait la Nouvelle Russie, qui a
17:21été conquise en effet par Catherine II et plus exactement par son amant Potemkin.
17:27Et voilà, c'est en effet ces références historiques.
17:32Les Russes, contrairement à beaucoup d'Européens, sont très sensibles à leur histoire.
17:39Rémy Momtaz, Emmanuel Macron a annoncé jeudi la tenue d'un nouveau sommet.
17:42Donc ce sera le 27 mars à Paris avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, des alliés
17:47de l'Ukraine, une coalition volontaire, c'est ce qu'il dit.
17:51Les sommets se multiplient ? Est-ce qu'ils se suivent et se ressemblent ? Surtout comment
17:56la donne pourrait-elle changer ? Comment est-ce qu'ils pourraient faire avancer les choses ?
17:59Non, ces sommets sont utiles parce qu'ils sont en train de permettre à cette coalition
18:03de volontaires.
18:04En fait on est à 12 pays plus ou moins qui sont prêts à faire quelque chose de crédible
18:09sur l'Ukraine.
18:10Ça avance, il y a des plans qui sont en train de se concrétiser.
18:13Le président a dit que jeudi, lors de cette rencontre, ils vont devoir finaliser leurs
18:18plans.
18:19Donc il y a beaucoup d'attentes par rapport à ça et à nouveau, je vous rappelle, il
18:23y a un vrai souci.
18:24La France a une marge de manœuvre qui est plus importante que les autres parce qu'elle
18:28a la dissuasion nucléaire, parce qu'elle est plus indépendante militairement.
18:32Mais bon, il y a aussi des limites à ce que la France peut faire et surtout elle ne peut
18:35pas faire seule.
18:36Et donc elle a besoin du Royaume-Uni, elle a besoin du Danemark, elle a besoin des pays
18:40nordiques qui sont très volontaires et baltes.
18:42Il va falloir voir, en fait, ça se stabilise sur quel genre d'options.
18:46Est-ce qu'il y a une force de réassurance qui est envoyée en Ukraine ou est-ce qu'ils
18:50font des choses différentes ?
18:51C'est ce que souhaite Emmanuel Macron.
18:52Exactement.
18:53Encore un mot Gérard Haraud, dernier dossier, puisque vous êtes intervenu régulièrement
18:57sur la question, comment qualifier les relations entre la France et l'Algérie ?
19:01On apprenait donc que le parquet algérien avait requis dix ans de prison ferme contre
19:05l'écrivain Boalem Sansal.
19:07Il y a le ministre de l'Intérieur, Retailleau, qui annonce le début de ce qu'il appelle
19:12une riposte graduée, je ne sais pas ce que c'est, de la France à la suite de la fin
19:16de nos recevoirs de l'Algérie pour accueillir des personnes expulsées du sol français.
19:21Bref, on est dans une relation, un mot pour la définir ?
19:25C'est désespérant.
19:26Désespérant.
19:27Vraiment, des deux côtés, on ne sait que de la politique intérieure, que de la politique
19:31intérieure.
19:32Et moi, je pense qu'on s'engage dans une impasse, on va dans le mur, de part et d'autre,
19:39et je pense que, alors je ne sais pas s'il sera dans trois mois, lorsqu'on aura compris
19:43que cette riposte graduée est une gigantesque blague qui ne mène nulle part, on fera peut-être
19:48appel aux diplomates pour faire de la politique étrangère.
19:51Mais pour le moment, c'est un sujet de politique intérieure.
19:53Et puisque vous parlez latin, même sur X, vox clamans in deserto, c'est ce à quoi
19:58sont condamnés les diplomates, parler dans le désert lorsque les questions de géopolitique
20:04sont traitées de manière purement comme des sujets de la politique intérieure.
20:09Merci infiniment à tous les deux, Gérard Haraud et Rym Momtaz.
20:14Je rappelle Rym Momtaz qu'on peut vous lire et lire notamment votre dernier papier sur
20:19les sphères d'influence des Européens, c'est assez passionnant, c'est dans Europe, la stratégique
20:27Europe de Carnegie, c'est sur internet et c'est très facile à trouver.
20:31Ce sera en tout cas en lien sur le site de l'émission.
20:33Merci à tous les deux.