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Alors que le président américain règne déjà d'une main de fer sur son pays, allant jusqu'à effrayer les traditionnels alliés de son pays, nous vous proposons un Grand Entretien spécial pour décrypter sa vision de la géopolitique. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-27-fevrier-2025-2515065

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Transcription
00:00Et avec Léa Salamé, nous vous proposons un grand entretien en forme de table ronde
00:05pour continuer à essayer de comprendre les bouleversements actuels de l'ordre international.
00:13Nos invités, Léa !
00:15Philippe Etienne, ancien représentant permanent de la France à l'Union Européenne, ex-ambassadeur
00:19de France en Allemagne, ex-ambassadeur de France aux Etats-Unis, bonjour à vous et
00:22bienvenue ! Bienvenue à Alain Frachon, éditorialiste international au Monde et à Rym Momtaz, rédactrice
00:27en chef de la plateforme Strategic Europe, chez Carnegie Europe.
00:32Ça fait un mois que Donald Trump est arrivé au pouvoir, un petit peu plus d'un mois.
00:38Un mois, c'est peu, mais c'est suffisant pour mettre sens dessus dessous le système
00:44international.
00:45L'Europe et la France assistent, médusées, à une série de coups de massue dans les
00:51relations internationales telles qu'on les connaissait jusque-là.
00:55Alors, dites-nous, en un mot, comment qualifiez-vous le moment que nous traversons ?
01:00Un mot, Rym Momtaz.
01:02Enfin ! Enfin, les Européens doivent faire réellement face à la réalité des problèmes
01:10qui ont toujours existé dans cette relation transatlantique.
01:12Je réfléchis, je pense essentiellement à ceux qui s'attachent énormément à la relation
01:19avec les Etats-Unis, l'Allemagne, la Pologne, etc.
01:21Enfin donc, Philippe Etienne.
01:23Moment de vérité.
01:24Il y a trois mots.
01:26Oui, non, vous m'avez demandé de qualifier le moment, donc je dis c'est un moment de
01:30vérité.
01:31Le mot, c'est « vérité ». Et c'est un moment de vérité pour les mêmes raisons
01:34que Rym.
01:35Parce que c'est un moment de vérité pour nous, maintenant.
01:37Nous n'avons plus les prétextes de ne rien faire.
01:40Alain Frachon.
01:41Chisme ou fin de partie pour la famille occidentale, au sens où le fossé se creuse tellement
01:47entre les Etats-Unis et l'Europe que ça devient difficile de parler d'une famille
01:51occidentale.
01:52Donc, la fin de l'Occident pour vous.
01:54Fin de partie, en tout cas, avec un peu d'interrogation si vous voulez.
01:58Alors, on savait que le deuxième mandat de Donald Trump allait être plus déterminé,
02:01plus cash, plus assumé, plus organisé que le premier.
02:04Tout ça, on l'avait dit.
02:05Mais tout de même, êtes-vous surpris par l'ampleur, la rapidité, la violence des
02:11mots du président américain ? On se réveille tous les matins.
02:15En plus, avec le décalage horaire, on a tous les matins, parce qu'il parle dans la nuit,
02:18c'est l'équivalent de la nuit pour nous, et tous les matins, on a de nouvelles déclarations
02:22bellicistes, offensives du président américain, offensantes, Zelensky, dictateur, je vais
02:31acheter le Groenland, je vais faire de Gaza une riviera.
02:34Et cette nuit, l'Union européenne a donc été faite pour entuber les Etats-Unis avec
02:4025% de droits de douane en plus.
02:43Est-ce que, même si on savait, est-ce que vous êtes choqués ou on est au-delà du
02:48choc ? C'est plus ça la question.
02:49Comment vous réagissez quand tous les matins, vous voyez les dernières déclarations de
02:52la nuit les uns les autres ? Philippe Etienne.
02:54Alors moi, ça me rappelle quand même le premier mandat, parce qu'il y a quand même
02:57une volonté, une tactique de saturer et de mettre, d'obliger les autres à venir sur
03:03l'agenda.
03:04Le premier mandat, c'était les tweets.
03:05Moi, je me souviens, j'étais à l'Élysée, puis j'étais à Washington comme ambassadeur
03:09et c'était pareil.
03:10Mais comme vous dites, et là, je suis surpris, oui, personnellement, quand même, c'est
03:14l'ampleur, c'est la violence.
03:16Ça, c'est quelque chose de relativement nouveau.
03:18Mais la tactique reste la même.
03:20Qu'est-ce qui vous a le plus marqué depuis un mois de ces déclarations ? C'est quoi ?
03:24C'est le Groenland, c'est Gaza, c'est la chasse de l'Ukraine, c'est l'Union européenne
03:28cette nuit.
03:29C'est quoi ?
03:30Je pourrais dire que c'est l'ensemble qui participe de la même stratégie.
03:32Moi, ce qui m'a quand même marqué au début, c'est le Groenland et le Canada.
03:38Je n'avais pas vu finir le Groenland et encore moins le Canada.
03:41Mais là où on voit aussi les dangers pour les États-Unis de ces stratégies, et c'est
03:48pour ça que je parle du Canada, c'est la réaction au Canada et cette espèce de ralliement
03:53autour de l'intérêt national du Canada.
03:55Il y a un réveil aussi canadien.
03:58Alain Frachon ?
03:59Moi, je suis frappé par la substance, si vous voulez, la substance de nos désaccords.
04:05Nous ne sommes pas en accord avec notre partenaire américain.
04:08Nous ne sommes pas en accord sur la politique, sur la démocratie.
04:13On a eu des leçons de démocratie hallucinantes administrées par le vice-président Vance
04:19il y a 15 jours lors d'une conférence sur la sécurité à Munich.
04:23Or, notre alliance est fondée sur le partage d'une idée à peu près commune de ce qu'est
04:28la liberté et ce qu'est la démocratie.
04:30Nous ne sommes pas en accord sur la stratégie à mener pour défendre l'Ukraine.
04:35En gros, nous ne sommes pas en accord sur la sécurité en Europe.
04:38Or, cette alliance est faite pour garantir la sécurité en Europe.
04:43Et donc, si vous voulez, désaccords stratégiques, ce qui est quand même très grave pour l'OTAN.
04:48Je pense que l'OTAN n'a jamais traversé une crise aussi grave.
04:52Il y en a eu des crises, mais de cette ampleur, je ne crois pas.
04:55Désaccords stratégiques, désaccords idéologiques avec notre partenaire américain.
05:00Vous avez d'un côté les Européens, plus le Canada, et de l'autre côté les Etats-Unis
05:04de Donald Trump.
05:05Fossé énorme.
05:07C'était l'ambition stratégique, diplomatique de toujours de la diplomatie moscovite.
05:13De la diplomatie moscovite, aujourd'hui reprise donc par Donald Trump.
05:19Accélérée, amplifiée, exacerbée par Donald Trump.
05:23Donald Trump, aujourd'hui, par rapport à la Russie, on entend que c'est un agent russe.
05:29Est-ce que vous allez aussi loin que ça, quand il reprend quasiment mot pour mot la
05:34propagande du Kremlin, notamment sur l'Ukraine ?
05:37Écoutez, on a tous les jours un exemple d'un pivot américain vers la Russie.
05:43Où les Etats-Unis s'alignent, et on peut même dire que c'est leur position officielle,
05:48puisque c'est leur position aux Nations Unies, sur le récit des Russes.
05:52Il n'y a pas eu d'agression, ce sont les Ukrainiens qui ont provoqué, etc.
05:56Il y a même des petits signes auxquels on n'a pas fait très attention.
06:00Mais au sein du FBI, il y avait une unité chargée de surveiller l'ingérence politique
06:06sur les réseaux sociaux.
06:08Une unité qui était créée à partir de 2020.
06:11Eh bien cette unité a été supprimée.
06:13Il y avait aussi une unité chargée de voir si les oligarques russes se conformaient à
06:18l'ensemble des sanctions américaines.
06:20Cette unité a été supprimée.
06:22Donc vous avez tous les jours, comme ça, des signes d'un alignement de la diplomatie
06:27Trumpisme sur le discours poutinien.
06:30Là, je crois que, bon, on peut s'interroger sur le pourquoi.
06:35Ça, il y a plusieurs raisons, mais le seul alignement du discours est frappant.
06:39J'aimerais citer les mots de l'historienne Nicole Nezoto, vice-présidente de l'Institut
06:45Jacques Delors, qui estimait la semaine dernière, dans le débat du 7-10,
06:50à ce micro, que l'Amérique n'est plus l'allié de l'Europe, l'Amérique est un adversaire
06:56sur le plan commercial.
06:57C'est un ennemi sur le plan idéologique, parce qu'elle combat la démocratie et soutient
07:03le fascisme, notamment en Allemagne et en Grande-Bretagne.
07:07Et c'est un traître sur le plan de la sécurité.
07:10Donc c'est un adversaire, un ennemi et un traître.
07:14Les mots étaient forts, Rhym Momtaz, comment les recevez-vous ?
07:17Oui, moi je ne suis pas d'accord.
07:19En fait, tout ce qui est en train de se passer couvre depuis très longtemps, et malheureusement
07:23les Européens n'ont pas voulu le voir ni l'entendre.
07:25Ça fait des décennies que des administrations démocrates et républicaines disent clairement
07:31aux Européens qu'on ne peut plus continuer comme ça, les termes de la relation transatlantique
07:35ne peuvent plus continuer comme ça.
07:37Personne n'a voulu écouter, maintenant on a évidemment…
07:39Ça commence depuis Barack Obama en fait.
07:41Même avant Barack Obama, mais je suis d'accord que Barack Obama utilise pour la première
07:45fois un mot qui est très frappant, il les appelle des « free riders », c'est-à-dire
07:48en gros des gens qui abusent, les Européens abusent des Etats-Unis.
07:52Aujourd'hui, bien sûr que la méthode Trump est brutale, elle est choquante, il est tout
07:58le temps outrageant, bien sûr que ce n'est pas une manière de traiter ses alliés.
08:03Mais il est vraiment temps, et ça fait trop longtemps qu'on n'a pas voulu le faire
08:06du côté européen, il faut s'asseoir autour d'une table et il faut revoir les termes
08:10de cette alliance pour pouvoir soit la sauver, soit acter la fin de cette alliance qui a
08:15duré pendant 80 ans et peut-être qu'elle ne peut plus continuer.
08:18Mais oui, sur le plan commercial, il y a toujours eu des guerres commerciales entre
08:24les Européens et les Américains.
08:25Sur le plan sécuritaire, c'est vrai qu'aujourd'hui, il est clair, mais même depuis Obama, il dit
08:31« Nous, notre gros problème, c'est l'Asie, c'est le théâtre pacifique, ce n'est
08:36plus l'Europe ».
08:37Et rappelez déjà aux Européens qu'ils devaient payer plus en armement.
08:41Philippe Etienne, on n'a juste pas voulu voir, comme dirait M'Homme Taze, on s'est
08:45mis des œillères, on s'est dit « ça va passer », on s'est dit « ils vont revenir
08:47à la raison ». Et là, c'est fini, on ne peut plus se le dire ?
08:50Enfin, « on », ça dépend qui quand même.
08:53Il y a quand même eu des appels.
08:55Alors c'est vrai qu'on est un peu mal placé pour le dire parce que ces appels sont
08:59souvent venus de France.
09:01Et la France a peut-être trop eu tendance à… L'impression était qu'on donnait
09:05des leçons, mais c'est quand même le président de la République qui, en septembre
09:082017, a appelé à la souveraineté européenne.
09:10Et ce n'est pas forcément la première fois que la France a suggéré à l'Europe
09:16de se doter d'éléments de puissance.
09:17Par rapport à ce que vient de dire Rimes, je suis complètement d'accord.
09:20J'ai été aux États-Unis, j'ai rencontré des générations de jeunes démocrates et
09:25républicains qui m'ont dit « en gros, vous parlez beaucoup de défense européenne,
09:29faites-la.
09:30Nous, en fait, ça nous arrange ». Donc, cet appel, il existait.
09:33Il y a quand même une différence par rapport à ce qui se passait sous les démocrates
09:36déjà et sous d'autres républicains.
09:38C'est la dimension, dans ce que disait Nicole Nézodot, c'est la dimension idéologique.
09:42Et il faut comprendre que l'Union européenne n'a pas du tout été créée pour faire
09:47ce que le président Trump a dit hier, puisqu'elle a été créée sous le parapluie américain
09:51au moment de la guerre froide pour renforcer l'Occident, réintégrer l'Allemagne.
09:55C'était au début des années 50.
09:56Mais c'est vrai que l'Union européenne en tant que telle est une construction d'intégration
10:01qui va très loin dans le partage des souverainetés, qui est complètement à 180 degrés à l'opposé
10:08des conceptions idéologiques américaines.
10:10Et les partis populistes, et ça, c'est nouveau quand même, que des personnalités
10:16très importantes aux États-Unis soutiennent, les partis populistes en Europe, ils ont aussi
10:21l'objectif de lutter contre cette Union européenne-là.
10:24Donc, ça, c'est quand même un énorme moment pour l'Union européenne de savoir, et d'abord
10:29pour la France, l'Allemagne et quelques autres.
10:31En fait, ce que vous dites, tous les trois, c'est pas seulement la question de notre
10:35relation transatlantique, c'est pas seulement la question de la relation de l'OTAN.
10:38Est-ce qu'il faut la redéfinir ? Est-ce qu'elle est morte ? Est-ce que l'OTAN est morte ?
10:41En fait, la vraie question, elle est existentielle, elle est pour nous.
10:43En fait, est-ce que l'Union européenne va être capable de faire quelque chose ?
10:47C'est ça l'histoire.
10:48Absolument, sachant qu'elle fait quand même des choses.
10:50On a toujours tendance à dire c'est tout ou rien.
10:53Il y a quand même eu quelque chose qui s'est passé, par exemple, jusqu'à une époque récente,
10:58où il était absolument tabou que le budget européen finance la défense européenne,
11:03les industries de défense.
11:04Ce tabou a été levé il y a déjà 4-5 ans, et il a notamment été levé parce que nous,
11:08nous l'avons secoué de quelques côtés.
11:10Oui, mais on n'aimait pas mutualiser le budget pour acheter des armes ensemble.
11:14On n'est pas très loin de ça.
11:15On doit passer à l'échelle, on doit accélérer.
11:18Comment on doit parler à Donald Trump ? Emmanuel Macron a tenté en début de semaine, il
11:23y est allé.
11:25Ils ont une relation plutôt privilégiée l'un avec l'autre, les bisous, les tapes,
11:30mon copain Emmanuel, et le tutoiement, très bien.
11:32Il est revenu en disant c'est un tournant.
11:34Trois jours après, Donald Trump est revenu sur l'Ukraine, et Donald Trump a annoncé
11:39cette nuit les droits de douane de 25%.
11:41Celui qui est revenu sur ce que Donald Trump a dit, c'est plutôt Moscou, parce que Donald
11:47Trump a dit…
11:48Poutine m'a dit qu'il était d'accord pour des troupes européennes en Ukraine, et
11:52le lendemain…
11:53Moscou a dit non.
11:54Non, mais ce n'est pas nouveau.
11:55C'est la position constante des Russes.
11:57Mais comment on fait, Philippe Etienne, vous qui avez été conseiller d'Emmanuel Macron
12:00à l'Elysée, comment parler à Donald Trump qui ne comprend que la force ?
12:05Je crois qu'au contraire, c'est important de lui parler.
12:08On m'a souvent dit lors du premier mandat, ça ne sert à rien, mais si ça sert à quelque
12:12chose.
12:13Moi, j'ai des exemples très concrets.
12:14Le maintien de la lutte antiterroriste en Syrie, par exemple, avec les Etats-Unis.
12:18Donc je crois qu'il faut lui parler, mais il faut lui parler en sachant qui il est et
12:21qu'est-ce qu'il veut.
12:23C'est très important de lui avoir parlé, d'avoir mis dans son oreille l'histoire
12:27des garanties de sécurité à partir de troupes modernes.
12:31Dans son oreille, mais rien d'autre.
12:32C'est sorti par l'autre.
12:33Je ne suis pas sûr.
12:35Je pense que la méthode avec Trump, c'est bien de lui parler.
12:40Et effectivement, Emmanuel Macron a une relation qui est privilégiée.
12:43Donald Trump l'aime vraiment bien.
12:45Mais ce qui va changer la relation, c'est qu'il faut créer un nouveau rapport de
12:49force.
12:50Un nouveau rapport de force à travers des actions.
12:53Donc les Européens doivent parler moins, faire plus.
12:56Et c'est à ce moment-là que Trump va leur donner plus d'importance.
12:59Comment parler à Donald Trump, Alain Frachon ?
13:02En sachant, je crois, en s'appuyant d'abord sur ce qu'il dit.
13:06Parce qu'il croit ce qu'il dit et il pense ce qu'il dit.
13:09Alors ça peut changer d'un jour à l'autre, mais sur le moment, sa conviction est totale.
13:13Donc c'est très difficile, de ce point de vue-là, d'avoir un dialogue avec lui.
13:16Mais on s'interrogeait, par exemple, tout à l'heure, sur les raisons de ce pivot
13:20américain vers la Russie.
13:23Cette manière qu'ont les Américains de s'aligner, au moins sur ce qui concerne
13:28l'Ukraine, sur le discours russe.
13:29Je crois que là, on est obligé d'entrer un peu aussi dans la psychologie.
13:33Alors bon, évidemment, ça relève un peu toujours de la psychologie de Drugstore.
13:37Il est fasciné par Poutine.
13:39Il aime Poutine.
13:40Il faut comprendre ça.
13:42Il déteste Zelensky.
13:43Il aime Poutine.
13:45C'est un élément-clé dans la relation, parce que c'est un autocrate, parce que
13:49quand Poutine décide quelque chose, tout le monde s'écrase.
13:52On le fait immédiatement.
13:54Parce que pour lui, et il a traité Poutine de génie, pour lui, d'avoir envahi l'Ukraine,
13:59c'est la preuve d'un leadership exceptionnel, si vous voulez.
14:03Pourquoi il n'aime pas Zelensky ?
14:04Il n'aime pas Zelensky pour des histoires qui remontent à sa campagne électorale de
14:092020.
14:10Il pense que cette idée qu'il a été élu grâce à l'appui des Russes, c'est une idée
14:15qui a été fourguée par les services secrets ukrainiens.
14:19C'est totalement faux.
14:20C'est un complotisme complet.
14:21Mais il n'aime pas Zelensky.
14:22Et d'ailleurs, il faut remarquer que la communication entre eux paraît plus que difficile.
14:28Mais il faut savoir aussi que cette idée d'un président américain qui prendrait le manteau,
14:35le leader de ce qu'on appelait le monde libre, enfin de la démocratie, qui considérerait
14:40comme important pour la sécurité des Etats-Unis, il considérerait que c'est important pour
14:45leurs intérêts économiques et sécuritaires, qu'il y ait un grand nombre de démocratie
14:50dans le monde.
14:51C'est fini avec Donald Trump.
14:53Ça n'existe pas.
14:55Il se débarrasse du manteau du leader de la démocratie ou du monde occidental.
15:00Ça ne l'intéresse pas.
15:01Il considère que ce n'est plus profitable aux Etats-Unis.
15:06Rima M'taz ?
15:07C'est vrai que là, il y a une bascule dans le rôle des Etats-Unis et le rôle que les
15:11Etats-Unis veulent jouer.
15:12On a un retour au mercantilisme.
15:14On a un retour au rapport de force.
15:15On se tourne vers une sorte de souveraineté poussée à l'extrême.
15:23Et tout ça avec un fond sous-jacent de virilisme qui le pousse vers l'admiration des autocrates.
15:36Ce qui m'a choqué le plus depuis le retour de Trump, c'est ce qu'il est en train de
15:40faire pour détricoter la puissance américaine.
15:44En fait, il fait le plus de mal aux Etats-Unis avant de faire du mal aux Européens, aux
15:48Canadiens.
15:49Il est en train de détricoter tout ce qui a fait les piliers de la puissance américaine,
15:54que ce soit la CIA, le FBI, le libre-échange, l'armée, etc.
16:00Et c'est là où c'est vraiment grave parce que l'Europe a existé depuis la fin de la
16:06Seconde Guerre mondiale sous cette coupole des Etats-Unis plutôt bienveillants, plutôt
16:12qui aident à la prospérité européenne.
16:14Et aujourd'hui, ce monde n'existe plus.
16:15On passe au Standard Inter où nous attend Marc.
16:19Bonjour Marc.
16:20Oui, bonjour.
16:21Je suis en pleine nature.
16:22Je suis très heureux de vous avoir en ligne.
16:25Ma question est très simple.
16:27Je pense que M. Trump est en train de se tromper et c'est le coup de pied de l'âne.
16:33Je m'explique.
16:34M.
16:35Trump est en train d'ériger des murs de tous côtés, des murs douaniers de tous côtés.
16:41Il va en arriver à une chose, c'est que l'Europe va être contrainte de se tourner vers la
16:47Chine, qui sont des partenaires finalement beaucoup plus fiables, beaucoup plus sûrs,
16:52qui certes ne sont pas des tendres, mais qui à mon avis ira exactement à l'encontre
16:57de ce qu'il espérait, c'est-à-dire se débarrasser de l'Europe et s'attaquer uniquement
17:02aux problèmes chinois.
17:03Voilà en résumé mon point de vue.
17:05Merci Marc de l'avoir partagé avec nous.
17:09Philippe Etienne, qu'en pensez-vous ?
17:11Je pense que c'est assez juste que cette attitude va entraîner les autres, pas seulement
17:19l'Europe, à travailler avec des partenaires qui ne sont pas les Etats-Unis.
17:24Quant aux Chinois, ils ont tout de suite compris le truc, parce qu'à Munich, juste
17:27après le discours de J.
17:28Devins, qui est intervenu pour dire qu'on était pour le multilatéralisme, pour travailler
17:32avec l'Europe, c'était le ministre chinois des affaires étrangères.
17:35Je crois que du côté de l'Europe, il ne faut pas non plus avoir de naïveté, d'illusion
17:38vis-à-vis de la Chine.
17:39Ce qu'il faut que l'Europe fasse, c'est trouver des partenaires, finalement j'allais dire
17:43en dehors des trois empires américains, russes et chinois, parce que dans le monde, il y
17:47a beaucoup d'autres partenaires qui ont intérêt, comme les Européens, à maintenir un système
17:52international de coopération.
17:54Avec des positions de puissance, il ne faut pas le faire uniquement...
17:57L'Inde notamment, et certains pays de l'Amérique latine, l'Armée saoudite...
18:02Non mais d'un mot, fiable et sûr, la Chine, franchement, à un moment, vraiment, il faut
18:08arrêter d'être dans cet angélisme.
18:11La Chine est un partenaire qui est très difficile, on n'a qu'à demander aux pays africains qui
18:15font partie de leur grande initiative pour connecter tous les ports du monde.
18:21Ils ont une approche très extractive quand il s'agit des matières premières.
18:28Non, la Chine ne sera jamais un partenaire comme les Etats-Unis l'ont été pour l'Union
18:35européenne et les Européens depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
18:37Par contre, oui, aujourd'hui, à cause des actions des Etats-Unis, l'Europe va devoir
18:44à un moment faire un choix, si elle est pied au mur et elle doit faire face à une agression
18:48ou une guerre russe et une guerre commerciale américaine, elle va devoir faire des compromis
18:54avec la Chine.
18:55Dans la série des quelques bonnes nouvelles, le discours peut-être du chancelier, du nouveau
19:01chancelier allemand, comment vous l'avez trouvé ? Est-ce qu'il y a une zone de réveil, d'espoir
19:07de ce côté-là Alain Frachon ?
19:09Ecoutez, il faudrait demander à Philippe Etienne, mais je n'imaginais pas entendre
19:16un jour un homme qui va être le chancelier, j'imagine, je n'imaginais pas entendre un
19:21chrétien démocrate allemand qui va prendre la direction du gouvernement allemand dire
19:27il faut que nous soyons indépendants des Etats-Unis sur le plan stratégique.
19:31Ça, je n'imaginais pas le voir, parce que toute la stratégie, si vous voulez, de l'Allemagne
19:38a commencé par, avant même la fin de la guerre froide, toute la stratégie de l'Allemagne,
19:44ça a été d'en faire le moins possible sur le plan de la défense, de mettre des
19:47obstacles à chaque fois que la France essayait d'aller vers une défense commune, ou des
19:52mesures qui ressemblaient à une défense commune, parce que ça pouvait effrayer les Etats-Unis,
19:58les éloigner de l'Europe, alors que leur protection dépendait, selon eux, à 100%
20:03des Etats-Unis.
20:04Mais je laisse là Philippe Etienne.
20:06Non, moi je suis complètement d'accord, j'ai vécu à deux reprises en Allemagne
20:09avant la chute du Mur, et comme ambassadeur plus récemment, et ce que dit Alain est
20:14totalement exact.
20:15Ça montre la profondeur de ce qui est en train de se passer, et pas seulement en Allemagne.
20:20Bien sûr, maintenant, la situation après les élections n'est pas simple pour Friedrich
20:25Merz.
20:26Il faut constituer cette coalition avec le SPD, et puis il y a des obstacles financiers
20:31aussi.
20:32Mais même sur le plan financier, même sur le plan de la doctrine avec l'évocation
20:39de l'arme nucléaire, on voit que là aussi, il est prêt à des formules de financement
20:46en assouplissant la politique allemande.
20:48C'est un mouvement considérable.
20:50En une minute, rapidement chacun, quel est le moins pire des scénarios pour les Ukrainiens
20:55aujourd'hui, à l'heure actuelle, avec ces déclarations de Trump, avec ce deal qu'il
21:00veut signer pour récupérer son argent ? Troupes européennes, pas troupes européennes.
21:05Qu'est-ce qui va, à votre sens, se passer rapidement dans les prochaines semaines pour
21:10les Ukrainiens ? Et quel serait le scénario le moins pire ?
21:12Le moins pire, c'est la raison pour laquelle on revenait sur la visite à Washington d'Emmanuel
21:17Macron.
21:18Ce sera effectivement une fin assez rapide des hostilités, mais avec de vraies garanties
21:22de sécurité qui passent par des présences, d'abord le soutien à l'armée ukrainienne
21:27dans la durée, et aussitôt une présence européenne qui soit malgré tout soutenue
21:33par les Etats-Unis d'une manière ou d'une autre.
21:35Rimome Taz ?
21:36Cesser le feu, mais accompagné d'un accord de paix et effectivement les Européens qui
21:41donnent des garanties de sécurité avec un petit peu de soutien américain, mais qui
21:46n'est pas sur le sol ukrainien.
21:47Alain Frachon ?
21:48Il y a une différence entre un accord sur le cesser le feu et les négociations de paix.
21:53Les négociations de paix viennent après, et là il ne faut pas se tromper sur les intentions
21:57russes.
21:58Les intentions russes, et ils le disent ouvertement, ils ne s'avancent pas du tout masqués, ils
22:02veulent une victoire, ce n'est pas l'arrêt des combats qui les intéresse, et pour eux
22:06une victoire c'est qu'on renégocie ce qui s'est passé en 1991 à la chute du mur et
22:12dans les années qui suivent, où ils étaient faibles et ils ont, en matière de sécurité
22:18ou en matière stratégique, laissé passer des choses dont ils ne veulent plus.
22:22Et là, je veux dire que si la négociation se fait avec les européens tout seuls, sans
22:28l'appui des Etats-Unis, elle sera très difficile.

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