Nicolas Demorand et Léa Salamé reçoivent Pierre Servent, expert en stratégie militaire et spécialiste des questions de défense, Wassim Nasr, journaliste à France 24, spécialiste des mouvements jihadistes et le colonel Olivier Rafowicz, porte-parole de l'armée israélienne. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-16-novembre-2023-8604620
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00:00 - Et avec Léa Salamé, nous vous proposons ce matin une table ronde sur les opérations militaires en cours à Gaza,
00:05 les objectifs et la stratégie de l'armée israélienne.
00:10 Vos questions 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:15 Nos invités.
00:16 - Alors Pierre Servan, bonjour à vous.
00:18 Vous êtes spécialiste de questions, des questions de défense et de stratégie militaire.
00:22 Merci d'être là.
00:23 Merci aussi à Wassim Nastre, vous êtes journaliste à France 24,
00:26 spécialiste des mouvements djihadistes et chercheur également au Soufan Center à New York.
00:31 Bonjour à vous et merci d'être là.
00:32 - Bonjour.
00:33 - Mais nous sommes d'abord en ligne depuis Tel Aviv avec le colonel Olivier Rafovitch.
00:39 Bonjour.
00:40 - Bokhar Tov, bonjour à vous.
00:43 Merci de m'avoir invité ce matin.
00:44 - Vous êtes porte-parole de l'armée israélienne.
00:46 Avec vous, on voudrait faire un point sur la situation militaire à l'instant T.
00:51 Quel bilan tirez-vous ce matin de l'offensive israélienne dans la bande de Gaza
00:56 au moment où l'on parle ?
00:57 Quels mots employez-vous pour qualifier la situation en ce jeudi matin ?
01:02 - 41 jours de guerre contre le Hamas.
01:06 Une guerre qui nous a été imposée le 7 octobre après le pire des massacres que nous ayons connus en Israël.
01:12 Une guerre qui est complexe parce qu'elle se passe en territoire urbain.
01:18 Le Hamas est partout.
01:19 Le but de l'opération de la guerre d'Israël contre le Hamas,
01:22 c'est la destruction du Hamas, militairement en tout cas,
01:26 la fin de ce régime de terreur.
01:28 Et nous avançons aujourd'hui dans une zone compliquée.
01:31 Nous avons demandé depuis le début à la population de Gaza Nord de partir vers le sud.
01:36 La grande majorité, heureusement, sont parties.
01:38 Les forces de TSA l'avancent.
01:40 Et à l'heure où nous parlons, nous avons des résultats qui sont, je dirais, importants.
01:48 Mais la mission n'est pas encore terminée.
01:50 Nous avons aussi 239 otages toujours aux mains du Hamas, dont des enfants, des bébés.
01:55 Et cette opération n'est pas terminée pour l'instant.
01:57 Vous dites que l'opération n'est toujours pas terminée.
02:00 L'armée israélienne menait hier une opération précise et ciblée,
02:04 pour reprendre les mots officiels, autour de l'hôpital Al-Shifa de Gaza.
02:07 Qu'est-ce que vous avez découvert dans cet hôpital ?
02:09 Vous disiez que c'était le QG du Hamas.
02:11 Est-ce que vous avez trouvé des chefs du Hamas ?
02:14 Est-ce que vous avez trouvé ce que vous y cherchiez ?
02:16 Où ça a été décevant, au fond, cette opération ?
02:20 À l'heure où nous parlons, l'opération a toujours lieu.
02:24 L'opération n'est pas terminée.
02:26 L'hôpital de Shifa est un très grand bâtiment.
02:29 Nous avons là-bas des forces spéciales qui ont été spécialement entraînées
02:32 pour aller vérifier et chercher ce qui se passe à l'intérieur.
02:35 Il y a encore à l'intérieur de l'hôpital, qui marche toujours, qui fonctionne toujours,
02:39 1 200 personnes.
02:40 Il y en avait 30 000 il y a quelques jours.
02:42 Ils ont été évacués par un couloir humanitaire protégé par TSAHL vers le sud.
02:50 Mais nous avançons petit à petit à pas de fourmis.
02:55 Je ne sais pas si le terme est exact en français.
02:57 L'endroit est extrêmement dangereux.
02:59 Extrêmement dangereux.
03:01 Nous n'avons jamais été là-bas auparavant.
03:02 C'est la première fois que nous rentrons dans l'hôpital de Shifa,
03:05 qui est le QG du Hamas.
03:07 D'ailleurs, ça a été corroboré par le renseignement américain,
03:10 qui est indépendant et qui ne dépend pas de sources du renseignement israélien.
03:15 Mais vous avez localisé, vous avez pu éliminer des chefs militaires du Hamas ?
03:21 On en a éliminé, mais alors nous parlons,
03:23 vu qu'on a mis 3 semaines pour rentrer dans l'hôpital
03:26 et qu'on a prévenu, selon le droit international,
03:29 le fait que nous allions à un moment donné rentrer et vérifier dans l'hôpital de Shifa.
03:34 Évidemment, les terroristes en majorité ont dû partir, mais on avance.
03:38 On ne sait pas encore ce qu'on va trouver dans l'hôpital.
03:40 Je répète, c'est un très grand bâtiment.
03:42 Nous avançons de manière extrêmement sécurisée.
03:45 L'endroit est dangereux.
03:47 Il y a peut-être des gens qui sont déguisés.
03:50 J'essaie de vous donner l'état des lieux.
03:53 Imaginez-vous que vous rentrez dans un hôpital avec des forces spéciales.
03:57 Vous savez qu'il y a à l'intérieur des pièges, des armes.
04:00 Et peut-être des malades aussi.
04:03 Il y a probablement des malades aussi.
04:04 C'est pour ça que ces images ont fait réagir les chancelleries.
04:08 C'est un hôpital, il y a des malades et il y a des soignants.
04:11 Vous avez tout à fait raison.
04:12 C'est pour ça que nous sommes rentrés avec les forces spéciales d'élite de Tsaïl
04:15 et des médecins militaires qui accompagnent les forces de Tsaïl
04:20 et des traducteurs arabes pour faire le contact.
04:23 Je voudrais également vous dire...
04:25 Un mot, s'il vous plaît, sur le Conseil de sécurité de l'ONU
04:29 qui a appelé à des pauses et des couloirs humanitaires dans la bande de Gaza.
04:32 Pour la première fois, les États-Unis n'ont pas mis leur veto.
04:35 Comment avez-vous reçu cette résolution ?
04:38 Pour des raisons que vous pouvez comprendre, je ne vais pas commenter
04:41 les décisions politiques ni diplomatiques.
04:44 Je suis porte-parole de Tsaïl.
04:46 Alors nous parlons de ce que je peux vous dire, c'est deux choses.
04:48 C'est que cette guerre a été imposée à Israël.
04:50 Elle est très complexe, cette guerre. Très compliquée.
04:52 Elle est après une sidération et un choc que nous n'avons jamais connus en Israël.
04:56 Jamais.
04:57 Et la seconde chose, c'est que nous avons toujours 239 otages
05:00 qui créent et qui produisent une onde de choc en Israël,
05:04 également terrifiante.
05:06 Et tant que nous n'avons aucune nouvelle de nos otages
05:10 et que le Hamas continuera à être une menace pour Israël,
05:13 je dis que c'est une menace existentielle.
05:15 Nous continuerons cette opération avec, je dirais, toute la sensibilité
05:19 et toute l'intelligence que nous devons avoir.
05:21 Je connais, je suis conscient des critiques qui viennent de partout.
05:25 Nous sommes conscients en Israël de ce qui se passe.
05:27 Nous sommes une démocratie en guerre.
05:29 D'ailleurs, nous partageons, vous et moi, les mêmes valeurs.
05:32 Mais le danger est un danger pour nous extrêmement sérieux.
05:36 L'islamisme intégriste et la violence du Hamas sont exactement les mêmes
05:41 que promouvaient Daesh.
05:45 Et cette guerre-là, nous devons absolument la faire
05:47 avec toute l'intelligence que nous connaissons.
05:51 Merci Olivier Rafovitch.
05:52 Merci d'avoir été en direct avec nous de Tel Aviv ce matin.
05:55 Pierre Servan, Wassim Nasser, que vous inspirent les déclarations
05:59 de ce que dit ce matin le porte-parole de l'armée israélienne,
06:01 le porte-parole de Tsaïral.
06:03 Est-ce que vous estimez aussi, et ce sera la deuxième question,
06:05 d'abord comment vous réagissez à ce qu'il dit,
06:08 qu'Israël, puisque c'est le thème de cette table ronde,
06:11 qu'Israël parvient au bout de 41 jours de guerre
06:14 à atteindre des objectifs notables ou pas vraiment ?
06:17 Pierre Servan.
06:18 Alors sur la réaction à ce que l'on vient d'entendre,
06:21 je trouve que c'est une approche plutôt raisonnable.
06:25 L'important pour Israël maintenant et pour Tsaïral,
06:28 c'est de prouver ce qui a été dit auparavant,
06:30 à savoir qu'il y a réellement un centre de commandement,
06:33 non pas dans les sous-sols de l'hôpital,
06:35 mais dans des sous-terrains qui se trouveraient
06:37 en dessous des sous-sols.
06:39 Ce qui est légitime dans ce qui vient d'être dit,
06:41 c'est que c'est vrai que c'est un complexe hospitalier
06:43 très important, donc il faut un certain nombre de temps.
06:46 Si effectivement il y a des sorties de tunnels,
06:48 qu'il y a une partie qui est cachée,
06:50 il faut un certain nombre de moyens pour les découvrir,
06:52 pour essayer de voir si des entrées ont été piégées.
06:56 Mais ce qui est certain, c'est qu'Israël est quand même
06:58 attendu au résultat, à savoir de prouver par les images
07:01 qu'effectivement il y a un deuxième, un troisième,
07:04 un quatrième étage souterrain avec des structures
07:06 de commandement.
07:07 Pour l'instant, ce qu'on a vu dans l'hôpital,
07:09 c'est à la fois choquant et limité.
07:12 Choquant parce qu'effectivement on voit de l'armement,
07:14 il y a des fusils d'assaut, des kalachnikovs,
07:16 des grenades, des gilets tactiques militaires.
07:18 C'est déjà trop dans un hôpital,
07:21 mais ce n'est pas en même temps un poste de commandement majeur.
07:25 Donc là, après avoir annoncé un certain nombre de choses,
07:28 Salle va être obligée de délivrer la preuve du propos.
07:31 - Et pour l'instant, il n'y a pas la preuve selon vous ?
07:33 - Ce n'est pas normal en termes de temps.
07:34 Il faut du temps pour investiguer, il faut être prudent.
07:36 Il y a des soldats qui sont morts ces derniers jours
07:38 parce qu'ils sont rentrés dans des tunnels qui étaient piégés.
07:40 Donc pour l'instant, il n'y a rien de choquant.
07:42 Mais il faut voir dans les heures prochaines
07:44 ce que ça va réellement donner.
07:45 - Wassim Nastre sur la preuve précisément de l'existence d'un QG du Hamas.
07:50 - Et sur ce qu'a dit le porte-parole ?
07:52 - Après le porte-parole, il est dans son rôle.
07:54 Il dit ce qu'il a à dire.
07:56 Mais en tout cas, je pense qu'Israël a entamé une bonne partie
07:59 de son capital politique sur l'affaire de l'hôpital.
08:02 Et les Américains avec.
08:04 Et donc la résolution hier non-veto américaine
08:07 vient peut-être parce qu'il manque des preuves concernant l'hôpital.
08:11 Parce que même ce qu'on a vu en termes d'armement,
08:16 si Kalachnikov, un gilet, ça peut être le poste de garde de l'hôpital,
08:21 ça peut être des combattants du Hamas qui se sont soignés dans l'hôpital.
08:25 Mais ça ne signifie pas qu'il y ait un poste de commandement
08:28 en tout cas qui mérite toute cette puissance de feu
08:31 et toute cette opération.
08:33 Et même si, évidemment, il faut attendre pour voir
08:36 si effectivement il y a un poste de commandement,
08:39 un poste de contrôle, comme on dit,
08:41 il était peut-être trop tôt de communiquer de la sorte
08:44 sur des choses qui finalement ne sont pas très exceptionnelles
08:47 sur un territoire en guerre.
08:49 Chers servants, ils ont pris un objectif qui est très ambitieux,
08:52 Israël, après l'attaque du 7 octobre,
08:54 c'est de dire qu'on veut détruire le Hamas.
08:56 Ça fait 41 jours qu'ils sont en guerre.
08:59 Et c'est vrai qu'aujourd'hui, ce qu'on entend, ce qui se dit,
09:02 c'est quels sont les résultats ?
09:04 Quels sont les chefs de guerre qui ont vraiment été éliminés ?
09:06 Pour l'instant, il n'y a pas de chef de guerre notable.
09:08 Il y a Sinwar, qui est celui qui est le plus recherché, sans doute.
09:13 Il n'est pas là. Est-ce qu'ils ont eu le temps de partir avec la population
09:16 au moment où l'armée israélienne a dit
09:19 "Maintenant, vous descendez vers le sud, au fond,
09:22 et est-ce que les principaux chefs ne sont pas fondus dans la population
09:25 et ne sont pas quelque part dans le sud aujourd'hui ?"
09:27 C'est très, très difficile d'obtenir des résultats
09:30 au-delà de la puissance de feu qui est là,
09:32 qui est de dire "On va se venger, et donc voilà notre puissance de feu."
09:36 Oui, c'est vraiment une question importante.
09:39 En fait, on a une guerre qui se déroule depuis plusieurs semaines
09:43 et sur laquelle on a des informations extrêmement lacunaires et limitées.
09:47 C'est vrai qu'il y a un certain nombre de chefs politico-militaires
09:50 qui ont été tués dans les opérations.
09:53 Mais la grande question et le grand mystère, c'est
09:56 quel est vraiment le résultat opérationnel des campagnes de frappes aériennes
10:00 qui se sont déroulées en deux étapes.
10:02 Première étape, bombardement assez massif
10:05 sur tout ce qui était en hauteur
10:07 pour ne pas permettre au Hamas de positionner des groupes de combat
10:10 qui attendraient les troupes au sol.
10:12 Donc là, effectivement, Gaza City a été durement frappée.
10:16 Et il y a une deuxième campagne
10:18 qui était conditionnée par la première
10:21 avec des bombes anti-bunker.
10:23 Et vous comprenez que les bombes anti-bunker,
10:25 pour être efficaces dans le sous-sol,
10:27 il ne fallait pas qu'il y ait de superstructures au-dessus.
10:29 Et là, l'inconnu, c'est de savoir
10:31 que ce qui a été désorganisé à l'intérieur des tunnels,
10:35 notamment autour de deux points majeurs,
10:37 les tunnels, si effectivement ils descendent en profondeur,
10:40 on parle de 60 mètres, 80 mètres de profondeur,
10:42 vous devez avoir des systèmes d'aération.
10:44 Pour avoir des systèmes d'aération, vous devez avoir des bouches
10:47 à l'extérieur qui captent l'air pour le ramener.
10:50 Or, ces bouches d'aération,
10:53 a priori, il y a des tonnes de gravats dessus.
10:56 De la même façon que les sorties des tunnels,
10:58 pour être efficaces pour les groupes de combat du Hamas,
11:00 pour attaquer les troupes de Tsaïs dans le dos,
11:02 ou à d'autres endroits,
11:04 il faut pouvoir sortir.
11:06 Est-ce qu'une partie de ces sorties sont obstruées par les gravats ?
11:09 Donc la grande question, le mystère du moment,
11:12 c'est qu'est-ce qui reste d'opérationnel
11:14 dans l'outil militaire du Hamas enterré ?
11:17 En termes de commandement, est-ce que les commandants sont partis ?
11:20 Est-ce qu'ils peuvent continuer à organiser les groupes de combat ?
11:24 Pour l'instant, on est surpris par la faible activité militaire du Hamas,
11:29 même dans la capacité de montrer des images,
11:32 et le Hamas, on sait que c'est une capacité aussi de guerre de l'information,
11:36 qu'est-ce qu'on voit ? On voit 2-3 types en jogging
11:39 qui tirent une roquette, quelques images,
11:42 donc il y a un mystère sur la réalité militaire sur le terrain.
11:47 Après, il faut voir comment ça a avancé,
11:50 c'est-à-dire la première ligne de défense du Hamas, à la clôture,
11:53 puis deuxième ligne, là on parle de zone agricole,
11:56 où on avait effectivement des binômes,
11:58 donc des tireurs d'RPG,
12:00 puis celui qui l'aide à armer son RPG, c'est des tandems.
12:03 - Un lance-roquette.
12:04 - Voilà, lance-roquette, c'est des tandems fabriqués en interne,
12:07 deux têtes explosives contre les blindés.
12:09 On a vu que des petits binômes, première phase.
12:11 Deuxième phase, quand on s'approche des villes comme Bet-Hanoun
12:14 et comme la banlieue de Gaza City,
12:16 on a vu des opérations plus complexes avec des équipes en hauteur
12:19 ou qui sortaient derrière les Merkava,
12:21 les chars israéliens, en les tapant sur leurs points faibles.
12:24 Mais ceci dit, l'enveloppement de Gaza City est effectivement effectif,
12:28 que ce soit côté mer ou nord et sud,
12:31 mais les Israéliens ne sont pas encore entrés dans le dur du camp Shati,
12:35 ni dans le dur de Gaza City où il y a les ruelles,
12:38 et peut-être là il y aura une autre phase de combat.
12:40 Ceci dit, on n'a même pas vu tout l'armement du Hamas sorti
12:43 en termes de roquettes anti-chars guidées.
12:46 On a vu très peu de roquettes anti-chars guidées,
12:49 donc on peut imaginer aussi, comme vous le dites,
12:51 que le Hamas est enterré sous les gravats,
12:53 ou bien que le Hamas attend la phase de combat urbain très dure.
12:58 - Disons que le Hamas n'est pas militairement défait à ce stade.
13:01 - En tout cas, on ne peut pas le dire parce que...
13:03 - Parce qu'ils sont affaiblis au moins.
13:05 - Évidemment qu'ils sont affaiblis.
13:06 En tout cas, ils continuent de lancer des roquettes.
13:08 Donc si l'objectif est que le Hamas arrête de lancer des roquettes,
13:11 on n'y est pas.
13:12 Et si l'objectif est que tout le nord de Gaza soit sous contrôle,
13:15 militairement parlant, on n'y est pas non plus.
13:17 - L'objectif tel qu'il a été formulé par Netanyahou
13:20 est d'anéantir le Hamas.
13:23 Le ministre israélien de la Défense disait
13:26 "Cela prendra un mois, deux mois, trois mois,
13:28 et à la fin, il n'y aura plus de Hamas,
13:30 cette guerre sera la dernière contre le Hamas."
13:33 Éradiquer, anéantir le Hamas, est-ce possible, concrètement ?
13:38 - Ça on l'a déjà entendu avec d'autres groupes.
13:40 C'est-à-dire que le Hamas n'a pas le monopole du terrorisme,
13:42 n'a pas le monopole des guerrillas.
13:44 On l'a entendu dans la région avec d'autres groupes,
13:46 l'État islamique, le Cadextre, et j'en passe.
13:48 Que ce soit des groupes islamistes ou pas, par ailleurs.
13:51 Donc anéantir militairement, peut-être l'affaiblir grandement, oui.
13:56 Mais on a bien vu que le Hamas a pu se reconstruire derrière,
13:59 parce qu'il n'y avait personne qui occupait le terrain.
14:02 Donc aujourd'hui, si le Hamas, imaginons,
14:05 est anéanti militairement, administrativement, etc.,
14:08 qui va combler ce vide ?
14:10 Ça c'est aussi une des grandes questions.
14:12 Parce que n'oublions pas que si le Hamas était toléré
14:15 par la communauté internationale et par Israël elle-même,
14:17 c'est parce qu'il gardait sous cloche les éléments les plus radicaux,
14:20 donc les djihadistes et l'israélien pensait qu'il allait faire l'affaire.
14:24 Sauf que le 7 octobre, il a passé lui-même le Rubicon.
14:27 Donc on est passé à autre chose, on est passé dans une inconnue aujourd'hui.
14:30 Pierre Savant, Libération, citait le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen,
14:34 qui disait "L'identification avec Israël et le choc du 7 octobre diminue.
14:39 Israël a encore deux à trois semaines avant que la pression internationale
14:43 devienne significative.
14:45 Diriez-vous que le temps joue contre Israël ?
14:48 Chaque jour qui passe, et on l'a vu hier au Conseil de sécurité de l'ONU,
14:51 pour la première fois les américains n'ont pas mis un veto à la demande de trêve humanitaire.
14:55 Les images d'Al-Shifa, d'un hôpital attaqué, tout ça,
14:59 est-ce que ça joue contre Israël ?
15:01 Et est-ce qu'au fond ils ont effectivement un temps qui est réduit,
15:04 deux, trois semaines, pour aller très très vite
15:07 et avoir beaucoup de résultats contre le Hamas ?
15:09 Oui, vous résumez très bien la situation.
15:11 Il y a vraiment une compression du temps
15:14 et avec un dilemme intérieur, c'est-à-dire que
15:17 plus cette guerre va durer, plus le risque de retournement international va être marqué.
15:22 Et en même temps, si Israël veut compresser le temps,
15:25 c'est-à-dire avoir ses objectifs de guerre plus rapidement,
15:28 il va devoir tuer plus de civils, pour être brutal,
15:31 puisque le Hamas se protège derrière les civils.
15:33 Donc il y a une espèce de tenaille, alors que je trouve que sur un plan strictement militaire,
15:37 il y a une situation humanitaire qui était effroyable dans la zone de Gaza,
15:40 mais je considère que ce que fait l'armée israélienne,
15:43 je ne vois pas comment une autre armée d'un État démocratique
15:46 pourrait faire mieux pour combiner à la fois
15:49 les opérations militaires dans un théâtre qui est effroyable,
15:52 théâtre urbain, avec une population au milieu,
15:55 et les tentatives multiples à travers l'avertissement des populations,
15:59 les couloirs humanitaires, sa longueur de précaution réelle que Sahel prend
16:03 pour atteindre ses objectifs de guerre.
16:05 Oui, vous avez raison, le temps joue contre Israël,
16:08 et en même temps, accélérer le processus,
16:11 c'est avoir plus de vies civiles détruites,
16:14 c'est laisser plus de marge de manœuvre au Hamas,
16:17 et il ne faut jamais oublier que le Hamas, je ne sais pas dans quel état militaire il se trouve,
16:21 voici ma raison de dire que pour l'instant on n'est pas arrivé au cœur
16:24 du dispositif et des risques pour Sahel,
16:27 mais il faut savoir qu'une des armes des groupes terroristes,
16:31 djihadistes ou autres, c'est l'arme de la communication.
16:34 C'est d'arriver à monter à un moment, un crescendo dans la vision d'horreur,
16:39 le fait d'avoir 40 bébés sous couveuse qui ont été mitraillés,
16:44 qui peuvent avoir été mitraillés par le Hamas et qui vont mettre en scène cela,
16:48 ou le fait d'avoir 40 images de soldats israéliens en morceaux,
16:53 même si les cadavres sont des cadavres du Hamas,
16:56 habillés en uniforme israélien, puisqu'on sait que le Hamas a volé un grand nombre d'uniformes
17:00 dans les casernes qui ont été conquises le 7 octobre.
17:04 Oui, mais vous dites de ce point de vue là, on attend encore la guerre des images,
17:07 il n'y a pas...
17:09 Absolument, et le Hamas a besoin de cela, de construire cela,
17:12 notamment pour faire monter la tension du côté du Hezbollah ou ailleurs.
17:16 Donc on n'est pas à l'abri, et juste d'un mot, vous avez raison,
17:20 le temps est une donnée d'une complexité extrême,
17:23 et je ne sais pas comment Sahal peut s'en sortir par rapport à cette contribution.
17:26 Le temps est compté aussi pour l'armée israélienne par rapport à l'opinion publique israélienne.
17:30 Parce qu'il faut se rappeler que ce matin, on est arrivé au chiffre de 50 militaires israéliens tués,
17:35 ça reste quand même un chiffre faible par rapport à l'intensité des combats en zone urbaine.
17:39 Donc si les israéliens mettent plus de force, ils vont perdre plus de gens aussi,
17:44 donc le temps est compté pour eux en interne aussi,
17:47 et il ne faut pas oublier que ce qui compte aussi c'est les opinions publiques occidentales,
17:51 qui à un certain moment vont oublier la séquence du 7 octobre.
17:55 Oui, c'est ce que disait très bien le ministre israélien,
17:58 c'est-à-dire que chaque jour qui passe, l'opinion publique internationale
18:01 prend fait écosse pour les palestiniens, oublie le choc absolu du 7 octobre.
18:05 Sans oublier que dans les opinions du monde arabe,
18:09 et même dans certaines opinions publiques occidentales,
18:12 il y a un déni des exactions qui ont été commises par le Hamas le 7 octobre,
18:17 parce qu'il ne faut pas oublier que le Hamas n'a pas communiqué sur les exactions,
18:20 mais juste sur les opérations militaires qu'il a conduites le 7 octobre.
18:23 Deux questions très rapides, puisqu'il nous reste 2 ou 3 minutes, donc réponse rapide.
18:27 Le front nord avec l'Hezbollah, on avait l'impression que c'était sous cloche ces dernières semaines,
18:32 que ni l'un ni l'autre, ni l'Hezbollah libanais ni Israël n'avaient envie d'ouvrir le front nord.
18:37 Depuis quelques jours, les nouvelles ne sont pas très bonnes sur ce front-là,
18:40 et les affrontements montent crescendo.
18:42 Est-ce qu'Israël a les moyens d'ouvrir deux fronts, Gaza au sud et le Liban au nord ?
18:46 Israël a les moyens évidemment, mais est-ce qu'Israël a la volonté ?
18:50 Est-ce que l'Hezbollah a la volonté ?
18:52 Parce qu'on reste aujourd'hui, effectivement l'Hezbollah a perdu plus de 60 de ses combattants.
18:57 Israël a perdu du monde à la frontière nord, dont un commandant quand même d'unité.
19:02 Mais ils ont tous les deux, en tout cas pour le moment, gardent ce niveau-là de violence,
19:06 sans oublier que l'Hezbollah fixe quand même une bonne partie de l'armée israélienne,
19:10 air, mer et sol dans le nord.
19:13 Donc le boulot pour l'Hezbollah, il est fait d'une certaine manière.
19:17 - Je joute au front nord du Hezbollah la question de la Cisjordanie.
19:22 Et je voulais livre les deux, Pierre Servan.
19:25 - Oui Nicolas, vous m'avez devancé, parce que c'est un troisième front.
19:28 Situation d'ailleurs effroyable, que j'analyse de façon différente de ce qui se passe dans...
19:32 - 190 palestiniens tués.
19:34 - Voilà, c'est vraiment... Et ça fait des années que ça dure, donc là c'est une situation particulière.
19:38 Moi, mon fond d'analyse c'est que je pense que l'affaire du 7 octobre n'est pas un coup spectaculaire
19:44 dans l'horreur montée par le Hamas, je pense qu'il y a une planification beaucoup plus importante.
19:48 Et je reste convaincu que le Hezbollah peut monter en puissance et en guerre.
19:53 C'est une force militaire qui s'est aguerrie en Syrie.
19:56 Et c'est vrai qu'à cet argument souvent on me dit "oui mais ça serait pas raisonnable".
20:00 Je crois qu'il faut bien dire que notre époque est totalement déraisonnable.
20:04 Les vers d'Aragon, ces temps étaient déraisonnables, on avait invité les morts à table.
20:08 Et donc je pense qu'il y a malheureusement des risques d'extension.
20:13 Mais que le Hezbollah, comme d'autres unités, ce qui se passe en Irak et en Syrie,
20:16 ils ont besoin de la dramaturgie dont j'ai parlé pour effacer le 7 octobre.
20:21 C'est à dire essayer de créer un événement tragique dans la bande de Gaza qui va être monté en épingle.
20:27 On a des opinions publiques qui sont très chaudes.
20:30 Rappelez-vous la façon dont un certain nombre d'opinions publiques, d'ONG, se sont enflammées
20:34 quand il y a eu les accusations contre Israël sur l'hôtel Al-Habi.
20:38 Ou dans la nuit, la communication du Hamas, il y a 500 morts, Israël a bombardé l'hôpital.
20:43 Ca s'est enflammé instantanément.
20:45 Et puis le lendemain, tout s'est dégonflé.
20:47 Et donc on est dans ces espaces-là.
20:49 En 10 secondes chacun, qu'est-ce que vous redoutez ou qu'est-ce que vous voyez pour les prochains jours ?
20:53 Puisqu'on est au jour le jour avec cette guerre.
20:56 Qu'est-ce que vous redoutez, qu'est-ce que vous voyez venir dans les 10 prochains jours qui viennent ?
21:01 Un glissement, que ce soit en Cisjordanie ou à la frontière nord.
21:05 C'est-à-dire d'opérations guerrières, mais qu'il y a une bavure d'un côté ou une exaction d'un autre
21:10 qui serait de trop et qui enflammerait vraiment la Cisjordanie.
21:13 Parce qu'il ne faut pas oublier qu'en Cisjordanie, le Hamas a aussi opéré.
21:16 Qu'il y a des attentats, il y a des explosifs, il y a des opérations militaires dues de Tsahal et des factions palestiniennes.
21:24 10 secondes, Pierre Servan.
21:26 Nous sommes au bord d'un gouffre régional.
21:28 Je crains effectivement une extension parce que nous sommes dans ce monde déraisonnable
21:35 où un certain nombre de structures, d'États, de groupes informels veulent en découdre.
21:41 Il y a une envie de sang, c'est tout à fait bien formulé, je termine par ça, par le Hamas
21:46 qui dit "pour notre révolution, nous avons besoin du sang de nos femmes, de nos enfants, de nos vieillards".
21:52 Évidemment, quand vous avez cet état d'esprit dans une région qui est sous tension et avec beaucoup d'armement,
21:57 on peut être légitimement très préoccupé.
22:00 On préfère votre citation d'Aragon.
22:02 Merci à tous les deux, Pierre Servan, Wassim Nastre d'avoir été au micro d'Inter.