• le mois dernier
Le ministre des Armées et des Anciens Combattants Sébastien Lecornu estime que l'agenda de déstabilisation de l'Iran dans la région "n'a jamais été aussi prégnant" et appelle à une réplique "proportionnée" de la part d'Israël. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-10-octobre-2024-3796123

Category

🗞
News
Transcription
00:00Avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le ministre des armées et des anciens combattants
00:04dans le grand entretien de la matinale.
00:06Il publie « Vers la guerre ? » la France face au réarmement du monde.
00:12C'est aux éditions Plon en librairie aujourd'hui.
00:15Vos questions, vos réactions au 01-45-24-7000 et sur l'application de Radio France.
00:22Sébastien Lecornu, bonjour.
00:23Bonjour, bonjour aux auditeurs de France Inter.
00:25Et bienvenue à ce micro.
00:27C'est un livre stimulant et inquiétant sur les menaces qui pèsent sur la France.
00:32D'où viennent-elles ? Sommes-nous prêts à les affronter ?
00:35On va y venir longuement dans un instant.
00:38Mais la guerre, vous le savez mieux que personne, n'est pas qu'un objet théorique.
00:43C'est aujourd'hui même l'Ukraine.
00:45C'est aujourd'hui même la poudrière du Proche-Orient.
00:48Alors commençons par là.
00:49Israël intensifie ses opérations militaires contre le Hezbollah au Liban.
00:54Benjamin Netanyahou a déclaré à l'attention des Libanais, je le cite,
00:59« Vous avez une occasion de sauver le Liban avant qu'il ne sombre dans l'abîme d'une longue guerre
01:05qui provoquera des destructions et des souffrances comme celles que nous voyons à Gaza ».
01:11Il menace donc le Liban du même sort que Gaza.
01:15Votre collègue au gouvernement aux affaires étrangères, Jean-Noël Barraud,
01:19a parlé d'une provocation.
01:21Utilisez-vous, Sébastien Lecornu, le même terme ce matin ?
01:25Oui, alors il faut bien comprendre deux choses dans ce qui est en train de se passer
01:29et qui semblent devenir de plus en plus graves que le jour d'hier.
01:33La première déjà, c'est qu'il ne faut pas sous-estimer l'agenda de déstabilisation
01:37que la République islamique d'Iran est en train d'avoir sur l'ensemble de la région.
01:40Ce qu'on connaissait déjà, y compris la volonté depuis 1979 du régime des Mollahs
01:45de détruire et de nier l'existence même d'Israël,
01:48moyennant la petite parenthèse fin des années 90, début des années 2000 du président Ratami,
01:52on voit bien que la dialectique est là et qu'Israël ne veut pas la destruction de l'Iran
01:56là où l'Iran veut la destruction d'Israël.
01:58Ça va mieux en le disant, mais ça ne s'arrête pas là.
02:00L'Iran est un pays proliférant sur le terrain nucléaire,
02:03entretenant évidemment un jeu avec le seuil d'enrichissement.
02:07L'Iran est un pays qui mène avec des proxys en mauvais français, des auxiliaires,
02:11une déstabilisation large de la région, les outils évidemment au Yémen,
02:14les milices chiites en Irak, le Hezbollah au Liban en Erguedra.
02:18L'Iran, et c'est souvent trop méconnu de nos concitoyens,
02:21détient injustement des citoyens français dans ses prisons.
02:25Et donc il faut bien le voir que cet agenda de déstabilisation,
02:29il n'a jamais été aussi prégnant.
02:30Et de l'autre côté, pour répondre précisément à votre question,
02:33nos alliés israéliens, car Israël est notre allié là aussi,
02:37dans les narratifs de certaines formations politiques internes à notre pays,
02:41depuis 1949 où la France a été des premiers pays à reconnaître l'état d'Israël,
02:47Israël semble pouvoir tomber dans trois pièges qui lui sont dus.
02:51Le premier piège évidemment, c'est de ne pas respecter le droit international
02:55et le droit humanitaire.
02:57C'est vrai évidemment à Gaza, c'est vrai dans la proportionnalité des frappes
03:00pour épargner les populations civiles.
03:02Et pour être honnête avec vous, en tant que ministre des armées,
03:04j'ai mal vécu les déclarations du Premier ministre Netanyahou sur El-Sisi,
03:08si ma mémoire est bonne,
03:09disant que l'armée française aussi, lorsqu'elle était engagée au Sahel ou au Levant,
03:13faisait aussi beaucoup de victimes civiles.
03:15Moi je peux vous démontrer, les chefs militaires français peuvent vous démontrer
03:18que la manière dont nous avons mené ces frappes n'a rien à voir avec ce que fait Tsaïl aujourd'hui.
03:22Le deuxième écueil, c'est évidemment de prendre une forme de confiance
03:26au regard des succès tactiques récents de Tsaïl, qui sont incontestables.
03:30Mais la seule chose qui compte, c'est la sécurité d'Israël et la sécurité de la région,
03:33et donc la nôtre, sur le moyen et long terme.
03:35Et le troisième piège, et celui-là il nous concerne très directement,
03:39c'est au fond un quiproquo stratégique qui est en train de s'installer.
03:43Il faut bien comprendre que les Téhérans et Israël font au fond de l'escalade
03:48un outil pour la désescalade, comme on dit chez les stratèges militaires.
03:51En clair, ils cherchent à rétablir chacun une dissuasion en ayant le dernier mot.
03:55Sauf qu'on le voit bien, depuis cet été, la machine s'enraye,
03:57et que cette escalade ne se traduit que par de l'escalade.
04:00Et vous le voyez bien, jusqu'à l'été, le conflit était potentiellement indirect,
04:04via le Hezbollah, via les milices que je vous parlais.
04:07Et là, il arrive à être direct, déclaration du ministre israélien de la Défense hier,
04:11notre réplique contre l'Iran, qui a envoyé 200 missiles il y a une semaine sur Israël,
04:17notre réplique sera mortelle, précise, surprenante.
04:21Pour vous, on est encore dans la dissuasion, quand il dit ça,
04:24ou on va aller vers un conflit direct entre l'Iran et Israël ?
04:29Est-ce qu'on y va Sébastien Lecarneau ?
04:31Les deux, c'est-à-dire, à la fois, toutes ces déclarations sont là pour établir une forme de dissuasion,
04:36et c'est bien le problème, c'est que Téhéran fait la même chose,
04:39et donc il y a bien cet escalier de violence qui est en train de se construire sous nos yeux,
04:43et en même temps, c'est aussi le sens des déclarations du Président de la République depuis maintenant un an,
04:47et singulièrement depuis plusieurs semaines, en disant « la guerre est évitable ».
04:51Je pourrais revenir aussi sur ce que font nos forces armées pour cela.
04:53Mais la réalité, c'est que là, nous sommes dans un engrenage qui n'a jamais été aussi vicieux.
04:58Mais vous prenez Benjamin Netanyahou au sérieux quand il dit « on va faire du Liban ce qu'on a fait à Gaza »
05:03ou quand il dit « notre réplique sur l'Iran sera mortelle et précise » ?
05:06Mais c'est pour cela aussi que nous appelons à ce que la réplique israélienne,
05:09auxquelles je ne suis pas associé ou où les autorités françaises ne sont pas associées,
05:13doit être proportionnée, et justement tenir compte de ce dilemme stratégique.
05:18Il y a de la retenue ?
05:19Ah mais il faut, parce que frapper des infrastructures civiles ou militaires, ce n'est pas la même chose.
05:23Frapper des infrastructures énergétiques ou nucléaires, ce n'est pas la même chose.
05:27Bref, donc il est clair que la manière dont Israël va conduire sa riposte,
05:31parce que cette riposte est annoncée, va être clé.
05:33Et c'est pour cela aussi que nous nous sentons, mais ce n'est pas que de la diplomatie,
05:36parce que derrière, il y a les soldats de la Finul à la frontière entre Israël et le Liban,
05:40vous avez les missions de protection en Mer Rouge du trafic commercial,
05:43une centaine d'attaques outils sur le trafic maritime international.
05:49C'est 50% du commerce qui est complètement en rade, pardonnez-moi cette expression, en Mer Rouge.
05:54Pour un pays comme nous, qui importons beaucoup et qui exportons aussi beaucoup,
05:57tout ça a des impacts énormes, sans compter la sécurité des communautés françaises, ici ou là, de par le globe.
06:01Donc oui, la réalité, c'est que le risque d'embrasement, de guerre régionale,
06:05qui inévitablement impacterait l'Europe et la sécurité des Françaises et des Français, est là.
06:10Et c'est pour cela aussi que nous appelons nos amis israéliens, alliés israéliens,
06:14à ne pas tomber dans les trois pièges que je viens de décrire à l'instant.
06:17Et c'est le sens de notre diplomatie, c'est le sens aussi de ce que font les forces armées engagées sur la région en tout entier.
06:22Il y a eu du grillage sur les lignes entre votre ami israélien, comme vous dites, et la France,
06:29entre Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahou.
06:32Quand Emmanuel Macron a dit la semaine dernière « la priorité est à une solution politique, qu'on cesse de livrer les armes pour mener les combats sur Gaza »,
06:39a-t-il dit ce à quoi Benjamin Netanyahou lui a répondu « honte à la France ».
06:43Gros, la France, elle ne livre pas d'armes à Israël ou elle en livre ?
06:49Et ce message était adressé à qui ? A Joe Biden ?
06:52Le message d'Emmanuel Macron ?
06:54Sur ce qu'a dit le président de la République, qui avait été d'ailleurs enregistré, je crois, au moment de l'Assemblée Générale des Nations Unies.
07:00Effectivement, le destinataire final du message était sans doute nos amis américains, qui eux aussi disent « il faut un cessez-le-feu »,
07:05qui sont très engagés avec nous. Vous savez que sur la question libanaise, au fond, il n'y a que deux pays qui sont manœuvrants.
07:09Les États-Unis, avec un représentant de M. Biden qui s'appelle M. Ramos-Holstein,
07:13et la France, avec Jean-Yves Le Drian, mon prédécesseur, qui est le représentant d'Emmanuel Macron.
07:18On ne livre pas d'armes à Israël, pour répondre à votre question.
07:22On livre des composants sur des systèmes purement défensifs.
07:25Par exemple, des systèmes de roulement à billes, de ressorts sur le dôme de fer.
07:29Vous savez, le système de défense du ciel d'Israël, des plaques de blindage pour des véhicules.
07:35Mais donc, en dépit de ce que raconte la France insoumise depuis un an, il n'y a aucune arme livrée à Israël.
07:40Sébastien Lecordé.
07:41Sur la voie à la France, vous l'entendez ? Vous avez l'impression que vous pesez encore ?
07:45Non mais c'est difficile, puisque même le Premier ministre israélien n'écoute pas son allié américain.
07:49Donc ça peut rendre humble. Après, je le dis aussi à nos concitoyens et à nos auditeurs,
07:53nous ne faisons pas violence. Nous sommes encore le seul pays européen crédible et écouté dans la région.
07:58Parce qu'on y a des forces armées, y compris nos 700 soldats.
08:01La Finule.
08:02Oui, dont je note que beaucoup de gens disent du mal du mandat.
08:05Mais enfin, le travail est fait au quotidien, dans des conditions qui sont difficiles.
08:09La Finule n'avait pas déménagé et un peu de respect pour les plus de 140 morts pour la France au Liban
08:15depuis maintenant le début des résolutions des Nations Unies.
08:19Mais c'est vrai aussi de l'Irak. On ne parle pas de l'Irak qui est le géant d'à côté,
08:22sur lequel nos forces armées font de la formation, aident l'Irak à retrouver sa souveraineté.
08:26Sans quoi, entre les cellules de Daesh d'un côté et les milices chiites de l'autre,
08:30on pourrait aussi avoir un écroulement de l'Irak.
08:32Donc il faut bien mesurer que... Il faut regarder la focale globale,
08:34et c'est pour ça que je suis reparti aussi de l'agenda de déstabilisation que fait peser Téhéran
08:38sur l'ensemble du monde et de la région.
08:40Sur le Hezbollah, Sébastien Lecornu, vous dites qu'il a renforcé ses moyens.
08:44Je vous cite « milliers de roquettes, drones armés, missiles d'origine iranienne,
08:48et même capacités maritimes, le Hezbollah est la deuxième armée de la région ».
08:54Aujourd'hui, cette deuxième armée, elle est dans quel état, selon vous ?
08:59Elle a été décapitée, affaiblie, elle est à terre.
09:02Que pouvez-vous nous dire de précis sur l'état du Hezbollah ?
09:06Décapité, désorganisé, et donc fondamentalement dangereuse.
09:11Parce que les capacités militaires sont toujours là, très amoindries,
09:14probablement la moitié, difficile évidemment de donner des chiffres qui soient précis,
09:19mais les arsenaux sont là, soit de type balistique,
09:22soit évidemment des arsenaux plus individuels,
09:25et de fait, pour être techniquement précis,
09:28le Hezbollah militairement n'est pas le Hamas.
09:31Et c'est pour cela que je dis aussi que nos amis israéliens ne doivent pas
09:34être grisés en quelque sorte par des succès tactiques performants récemment,
09:38mais qui laissent quand même entrevoir quelque chose de difficile.
09:42Et c'est pour cela qu'il faut s'arrêter à temps.
09:43Il y a un sentiment de surpuissance, il y a une hubris du côté israélien, c'est ce que vous dites ?
09:46Je pense surtout qu'il y a un traumatisme épouvantable lié au 7 octobre,
09:49que nous nous sous-estimons les débats politiques intérieurs à Israël,
09:53y compris sur la réalité de ce que le renseignement israélien a pu faire ou ne pas faire
09:57pour empêcher ou prévenir le 7 octobre,
10:00et qu'il y a une volonté effectivement dans l'appareil de sécurité israélien
10:03que de rétablir la dissuasion et de rassurer aussi leurs concitoyens et nos amis israéliens,
10:07ce qui est d'ailleurs bien légitime.
10:08Nous, ce qu'on essaie de faire, si vous voulez, c'est de sortir du pur court terme,
10:11ce qui est compliqué dans nos démocraties, dans nos systèmes,
10:13pour revenir aussi à quelque chose de davantage long terme.
10:16C'est qu'à un moment donné, il n'y aura pas d'issue favorable à tout cela sans solution politique.
10:20C'est vrai de la partie qui me concerne le moins,
10:22parce que c'est les affaires étrangères, Jean-Noël Barreau qui s'en occupe,
10:24sur la solution à deux États.
10:25Mais c'est vrai aussi de la manière dont on traite les menaces de sécurité
10:28à la frontière entre Israël et le Liban.
10:29C'est pour cela qu'on maintient le contingent français de la finule,
10:32parce que quand les armes se taieront, il faudrait bien trouver une solution sur cette ligne bleue.
10:36Quelques mots, Sébastien Lecornu, sur l'Ukraine également,
10:38dont vous parlez beaucoup dans votre livre.
10:41Même si on en parle moins aujourd'hui de l'Ukraine, et pourtant la situation est très grave.
10:45Vous allez accueillir tout à l'heure Volodymyr Zelensky.
10:48L'Ukraine qui pourrait être confrontée à son hiver le plus rude depuis l'invasion russe de ce pays,
10:54le 24 février 2022, a averti mardi le secrétaire général de l'OTAN,
10:58qui a appelé les alliés à renforcer leur soutien.
11:01Comment vous qualifiez le moment ukrainien aujourd'hui sur le terrain ?
11:05Le rapport de force avec la Russie ?
11:06Peut-on dire que le tableau est sombre pour l'Ukraine ?
11:09Et pour reposer la question de Pierre Haski tout à l'heure, l'Ukraine peut-elle encore gagner ?
11:14Oui, l'Ukraine fait quand même preuve d'endurance.
11:16La ligne de front est très longue.
11:18Pour vous donner peut-être un chiffre,
11:19le grignotage que les Russes sont en train d'accomplir sur l'Ukraine depuis le 20 à 25 septembre,
11:25on parle de 100 kilomètres carrés grignotés.
11:28Donc en fait, si on est précis, le rapport de force, il est tenu par l'Ukraine.
11:32Et c'est ce qui explique, alors certains disent en lisement,
11:34objectivement sur le terrain militaire, on dirait plutôt au contraire que la ligne de front, elle est tenue.
11:38Ça veut donc dire que nous, on a un sujet précisément de durée.
11:42Et c'est ce que disait très justement Pierre Haski sur la capacité à tenir un rapport de force
11:46pour derrière avoir des initiatives diplomatiques.
11:48C'est le sens d'ailleurs de la visite du président Zelensky,
11:50qui vient échanger avec le président Macron sur ce qu'ils ont appelé le plan pour la victoire.
11:54Et c'est pour ça qu'on fait cette formation aussi de cette brigade.
11:56Voyez, on est en train aussi de changer de pied petit à petit.
11:59Plutôt que de saupoudrer une aide militaire dans l'urgence,
12:01on commence à faire preuve de cohérence.
12:032 000 hommes, enfin une brigade c'est 4 000 hommes,
12:05on en prend déjà en compte 2 000 hommes en formation,
12:07qu'on forme sur des équipements français de l'armée de terre,
12:10qui sont des vieux équipements d'ailleurs qu'on va sortir du format de nos armées.
12:13Et ça aussi, c'est quelque chose d'important parce que j'entends dire
12:163 milliards d'euros pour l'Ukraine au moment où il y a des problèmes budgétaires, etc.
12:18Vous en parlez dans votre livre, vous répondez aux citoyens qui vous disent
12:21est-ce qu'on a les moyens de donner autant à l'Ukraine ?
12:22Exactement, en fait nous on optimise beaucoup les choses,
12:24c'est la force du modèle français. Pourquoi ?
12:26Parce que déjà on a des industries françaises.
12:28C'est-à-dire que beaucoup de pays achètent aux Etats-Unis pour aider l'Ukraine.
12:31Nous, on achète en France pour aider l'Ukraine.
12:33Donc les usines de Rouen, de Nexter ou les usines d'MBDA de Bourges, pour les citer...
12:37Et elles produisent assez ?
12:39Ah bah, c'est tout le sens de l'économie de guerre.
12:41J'y reviens d'ailleurs dans le livre, c'est-à-dire qu'à un moment donné,
12:44on a un modèle, qui est un modèle de souveraineté 100% français,
12:48qui est tiré par la dissuasion nucléaire
12:50et le fait de ne dépendre de personne depuis les années 60,
12:53c'est ce qu'on doit au guérisme militaire.
12:55Mais il est évident qu'on doit retrouver des capacités de production importantes.
12:58Beaucoup de choses ont été faites, je l'ai déjà dit à votre micro,
13:02d'ailleurs lors d'une précédente matinale,
13:03les choses vont mieux, mais le compte n'y est pas encore
13:05et donc on devra effectivement continuer à produire plus,
13:08sachant que l'argent est là, donc désormais c'est un sujet d'organisation des entreprises.
13:11Sébastien Lecornu, dans votre livre « Vers la guerre ? » pour l'interrogation,
13:16vous essayez d'être le plus précis, le plus accessible aussi sur les dangers qui nous menacent
13:23et vous avez cette phrase mystérieuse et inquiétante
13:26« Si nous ne sommes pas en guerre, je ne saurais affirmer que nous sommes pour autant en paix ».
13:33Qu'est-ce que ça veut dire exactement et comment décririez-vous cet état intermédiaire ?
13:38Qu'est-ce qui le caractérise ?
13:40Alors de fait, ce n'est pas un livre politique et c'est un livre dans lequel
13:43je me suis attaché à décrire la menace propre aux français,
13:46parce que j'étais très agacé d'entendre souvent depuis deux ans
13:49« Et si nous arrivait la même chose que l'Ukraine ? » etc.
13:51Non, on n'est pas l'Ukraine, on est à l'ouest de l'Europe, on n'est pas à l'est,
13:54on est dans l'OTAN et on est une puissance nucléaire.
13:57Et inversement, nous avons donc des menaces qui nous sont propres.
14:00Et je me suis aussi attaché à expliquer dans le livre ce sur quoi nous étions prêts
14:04et ce sur quoi nous devions continuer à faire des efforts.
14:07Et en faisant des allers-retours effectivement avec les années 60 et notamment
14:10ce personnage qui est Pierre Messmer qui fut le ministre des armées du général de Gaulle
14:13et qui compte beaucoup pour moi parce qu'il dit quelque chose aussi de ce traumatisme de 1940,
14:17« Plus jamais ça ! » et ce qui explique la course à l'atome etc.
14:20Sur cette phrase en particulier, elle est clé.
14:21Ce clair-obscur là, c'est quoi ?
14:23Non mais nous, moi je suis né en 1986, globalement, mon enfance c'est la dissolution du pacte de Varsovie,
14:30le lendemain de la chute du mur de Berlin, des guerres plutôt régionales,
14:34les Balkans et surtout le terrorisme.
14:36Je me rappelle au lycée, le 11 septembre,
14:38les attentats malheureusement sur le territoire national.
14:41Et puis tout d'un coup on retrouve quelque chose qui ressemble à une compétition entre
14:44les grandes puissances, à du chantage nucléaire, de la prolifération
14:48et donc des stratégies de contournement des dissuasions nucléaires
14:51et c'est le propre de notre pays, c'est comme nous, c'est une puissance nucléaire,
14:55au fond, ce qui peut nous faire mal, c'est ce qui contourne la dissuasion nucléaire.
14:58Et au fond, les deux idées que je défends dans le livre c'est que
15:01nous ne sommes pas en guerre mais nous ne sommes plus en paix comme nous l'avons connu
15:05et d'ailleurs, objectivement, le seul terrorisme justifie à le justifier et à l'expliquer.
15:10Et surtout, désormais, nous pouvons potentiellement être défaits sans être envahis.
15:14C'est-à-dire que là où encore, dans notre mythologie collective,
15:17on guette les chars qui pourraient franchir la frontière à Strasbourg ou à Belfort,
15:21il n'en est rien.
15:23Le cyber, la militarisation du spatial, la militarisation et le piégeage des fonds marins,
15:28la guerre informationnelle, le fait de jouer aussi sur les divisions de la société française
15:33par différents stratagèmes menés par des puissances étrangères.
15:36Les puissances étrangères que vous nommez dans le livre, vous dites clairement,
15:40aujourd'hui, l'adversaire numéro un, celui qui attend notre effondrement,
15:43l'effondrement de la France, l'effondrement de l'Europe, l'effondrement de l'Occident,
15:46c'est la Russie qui attend ça, qui veut ça et vous dites que c'est notre première menace.
15:51Oui et qui se lie avec les autres parce qu'on voit bien la relation entre Moscou et Pyongyang en Corée du Nord,
15:57la relation avec Moscou et Téhéran.
16:00Et de fait, la Russie, il faut bien comprendre qu'elle est, au fond, assez affaiblie de ces deux années et demie de guerre
16:06et que ça la rend justement particulièrement dangereuse,
16:08qu'elle développe de plus en plus aussi un projet politique...
16:10Elle est de plus en plus agressive vis-à-vis de la France, par exemple ?
16:13Oui, sur les forces armées, typiquement, je l'avais déjà décrit,
16:16mais vous avez désormais des pratiques qui avaient disparu avec la fin de la guerre froide,
16:20aveuglement de pilotes d'hélicoptères, menaces sur des patrouilles de rafales français,
16:25pourtant dans des espaces qui sont internationalement libres,
16:28en disant « si vous pénétrez dans cet endroit, on va vous abattre »,
16:31alors qu'il faut bien comprendre, en grammaire militaire,
16:35ce que ça peut vouloir dire avec le risque d'escalade qui va avec.
16:37Et puis, bien sûr, les menaces cyber sur lesquelles je veux qu'on s'arrête...
16:41Qui sont plus importantes aujourd'hui qu'il y a un an, qu'il y a deux ans sur la France,
16:45les attaques cyber de la Russie sur la France sont plus importantes, Sébastien Lecornu.
16:48Il faut bien comprendre que le cyber, historiquement, c'est plutôt de la cybercriminalité.
16:52Ce sont des gens qui viennent faire de la rançon, qui font de l'escroquerie,
16:56et puis, petit à petit, ça devient un outil étatique, et même potentiellement terroriste.
17:02Et une attaque cyber sur un hôpital, c'est une chose,
17:05300 attaques cyber sur 300 hôpitaux en même temps, c'en est une autre.
17:09Et vous voyez, c'est là où j'ouvre aussi, dans le livre, cette réflexion,
17:11parce qu'elle concerne tout un chacun.
17:12On se prépare à ce genre de scénario ?
17:13Vous dites que c'est une possibilité.
17:15Oui, on s'y prépare, mais sauf que vous voyez, est-ce que France Inter s'y prépare ?
17:18C'est là aussi où la différence entre la chose militaire et la défense nationale,
17:23qui est plus large que le seul sujet militaire.
17:25Ça veut dire quoi, est-ce que France Inter ou les médias s'y préparent ?
17:29Il y a un aspect défense civile à ce que, demain, typiquement, vous soyez hackés,
17:34que vos sources, en tant que journaliste, soient divulguées,
17:37qu'à un moment donné, un contenu à l'antenne soit placé,
17:39alors que ce n'est pas le contenu que la rédaction a arrêté.
17:42Tout ça sont des scénarios complètement plausibles,
17:44sur lesquels, d'ailleurs, les puissances étrangères, les services étrangers travaillent.
17:47Nous sommes une démocratie, il faut le défendre,
17:49mais ça nous donne aussi quelques vulnérabilités qu'il faut traiter.
17:52Et donc, c'est aussi ce que j'essaie d'expliquer dans l'ouvrage,
17:54c'est qu'avec le président de la République depuis 2017,
17:56je pense que ce sera un des grands éléments des deux quinquennats d'Emmanuel Macron,
17:59on aura réarmé le pays,
18:01plutôt pour la guerre de demain que pour la guerre d'hier, dans les plaises à certains,
18:04mais en fait, à un moment donné, il y a un sujet de résilience globale
18:06qui concerne les entreprises, les collectivités, les médias,
18:09parce que la Russie réinvente la guerre.
18:11Et d'ailleurs, Téhéran a réinventé la guerre avec ses auxiliaires, ses proxys.
18:15On voit bien que le Hezbollah d'aujourd'hui,
18:18un peu différemment depuis trois semaines, n'est pas celui de 2006.
18:20Et ça, pour le coup, la menace va très très vite,
18:22et elle va plus vite que nos débats politiques intérieurs et que nos mentalités.
18:25– Oui, d'ailleurs, vous dites, vous dénoncez dans le livre très clairement,
18:28les débats qui ne sont pas au niveau, à l'Assemblée nationale,
18:30sur toutes les questions militaires et les questions de défense,
18:33sur les prises d'opposition des députés, même de votre camp,
18:36écrivez-vous, même de la majorité présidentielle, qui ne sont pas au niveau.
18:39– Oui, je trouve qu'il y a un décalage énorme entre l'État du monde,
18:44et on se retrouve, en pleine campagne européenne ou législative,
18:46à avoir un débat pour savoir si le président de la République
18:49est vraiment le chef des armées ou pas, est-ce que c'est honorifique ?
18:51Quand on y réfléchit, c'est complètement dingue.
18:53Et l'héritage gaullien de la 5ème, il est à préserver,
18:57et il a été préservé par le président Mitterrand,
18:59il a été préservé par tous les présidents de la République successifs,
19:02il faut aussi que la classe politique soit digne de ce sujet,
19:04qui est un sujet politique, savoir où est-ce qu'on met l'argent,
19:06quelles sont nos alliances, etc., ce sont des gens qui…
19:09– C'est Serge, qui est au Standard Inter,
19:11et qui veut vous interroger sur le budget des armées.
19:14Bonjour Serge, bienvenue.
19:17On vous écoute, j'espère ?
19:21– Bonjour France Inter, bonjour M. le Ministre,
19:24merci de prendre ma question.
19:25– Allez-y.
19:26– Oui, si vous m'entendez bien, du coup au fait M. le Ministre,
19:32le budget des armées a été considérablement augmenté
19:35depuis le déclenchement du conflit en Ukraine,
19:38est-ce que vous pouvez préciser à l'antenne les volumes exacts
19:41et les modalités exactes de cette augmentation,
19:44afin que tous les citoyens français puissent prendre conscience
19:47de l'effort qu'il aurait demandé ?
19:49– Merci Serge pour cette question,
19:51et on va la prolonger avec le budget de tout à l'heure.
19:55Sébastien Lecornu.
19:57– 32 milliards d'euros en 2017, donc c'est avant la guerre en Ukraine,
20:01objectif 2030, 69 milliards d'euros,
20:04l'année prochaine marche à 50,5 milliards d'euros,
20:09depuis que j'ai été nommé ministre des armées,
20:10le budget annuel aura augmenté de 10 milliards d'euros.
20:12Donc l'effort il est là.
20:13Je vais vous dire d'ailleurs maintenant ce qui…
20:14– Ça ne va pas s'arrêter pour 2025,
20:17et votre calendrier d'une hausse de 40% du budget des armées d'ici 2030,
20:20vous ne le revoyez pas, il ne va pas être décalé.
20:22– Michel Barnier a annoncé que la programmation militaire serait appliquée.
20:25Après, j'ai désormais un devoir vis-à-vis des citoyens contribuables électeurs,
20:30c'est que cet argent soit bien employé,
20:32ça veut dire que le ministère doit continuer à faire attention
20:34à ne pas générer des doublons,
20:36à ne pas bien regarder les structures de marge des industriels.
20:38– Vous allez faire des économies sur ça ?
20:40– Je pense qu'il faut continuer à maintenir cette pression,
20:43c'est-à-dire que l'acceptabilité politique sociétale
20:45de cette augmentation de crédit militaire,
20:46qui est indispensable par rapport aux menaces qu'on a décrites,
20:49il n'y a rien d'entre eux.
20:50Mais de fait, le ministère doit être exemplaire,
20:52c'est la parole que j'ai donnée au Premier ministre
20:53et à Laurence Saint-Martin, mon collègue du budget,
20:55c'est que la contrepartie de ces efforts,
20:57de l'application de la programmation militaire,
20:59c'est de continuer d'optimiser au mieux les choses.
21:01– Sébastien Lecornu, comment vous expliquez la situation des finances publiques
21:04et le dérapage de ces derniers mois qui a conduit Michel Barnier
21:06à parler d'une situation dramatique de pré-crise financière,
21:09et des choses que vous avez ratées dans les précédents gouvernements ?
21:12– Vous êtes le seul ministre à être…
21:15quand même, vous êtes rescapé de la purge,
21:18je ne sais pas si c'était une purge d'ailleurs,
21:20je vous vois sourire,
21:21mais vous étiez ministre le premier jour de l'élection d'Emmanuel Macron en 2017,
21:27vous l'êtes toujours, vous êtes quasi le seul,
21:30je pense que vous êtes le seul d'ailleurs.
21:31– Je suis le dernier, oui.
21:32– Pourquoi, comment vous l'expliquez ?
21:34Je ne sais pas, comment vous l'expliquez ?
21:35– S'il n'en reste qu'un.
21:37– La question budgétaire, elle doit être traitée très sérieusement
21:40et le Premier ministre a raison de le faire
21:41parce qu'il en va de la crédibilité de notre signature,
21:44il le dit souvent et c'est absolument clé
21:46parce que c'est un autre aspect de notre souveraineté,
21:48moi j'en tiens à une partie sous l'autorité du chef de l'État.
21:49– Mais qu'est-ce que vous avez raté pour qu'on en soit assez sûr ?
21:51– Clairement quand même les enchaînements de crise, y compris Covid.
21:53– Cette dernière année, c'est cette dernière année que ça…
21:56le problème c'est cette dernière année.
21:58– Déjà au début du septembre, pardon pas du septembre,
22:01mais du dernier quinquennat pardonnez-moi,
22:03les finances publiques avaient été justement ramenées
22:05à des points d'équilibre importants,
22:07je crois que Gérald Darmanin a été misé contre public,
22:08il l'a rappelé encore récemment de nombreuses reprises, il a raison.
22:11Un travail important avait été fait avec Edouard Philippe,
22:13après vous avez eu des crises qui ont coûté cher à la nation
22:15et sur lesquelles il faut désormais continuer à réformer.
22:17Moi je l'ai dit de nombreuses reprises,
22:19le budget qui sera présenté tout à l'heure,
22:21il doit comprendre une part d'effort,
22:23il doit surtout comprendre en parallèle des chantiers structurels
22:26pour traiter justement la mauvaise dépense publique,
22:29ce qui permet la bonne dépense publique,
22:30je pense à la dépense publique militaire évidemment.
22:32– D'un mot Sébastien Lecornu, dernière question,
22:34vous en parlez dans le livre « La dissuasion nucléaire »,
22:38Emmanuel Macron avait suscité le débat en déclarant
22:40que la défense européenne pourrait comprendre l'arme nucléaire française,
22:44Bruno Retailleau à l'époque avait parlé d'une proposition inacceptable,
22:49vous le défendez toujours ?
22:51– Oui, je reviens longuement dans le livre sur cette affaire
22:54parce que les mots en matière de grammaire nucléaire sont précis.
22:56Le président de la République il n'a jamais dit
22:57que la dissuasion nucléaire serait européenne,
23:00il dit que les intérêts vitaux…
23:02Attendez, c'est plus précis que ça,
23:03il dit que les intérêts vitaux français ont une dimension européenne,
23:07donc qu'est-ce que dit le chef de l'État, je pèse mes mots,
23:09il dit que les intérêts vitaux français qui peuvent déclencher la dissuasion,
23:13et ça lui appartient à lui seul,
23:15ne sont pas contenus dans le seul territoire national.
23:17Mais par contre le président Chirac avait dit que
23:18dans notre espace européen les intérêts vitaux s'entremêlaient beaucoup plus,
23:21quant au général de Gaulle il est encore plus direct
23:23puisque dans une instruction écrite aux armées au début des années 60,
23:26il dit que si le Benelux ou l'Allemagne de l'Ouest est attaqué,
23:29il considérait que nos intérêts vitaux sont engagés.
23:31– Donc vous allez faire cette explication de texte à Bruno Retailleau ?
23:34– Je le ferai avec amitié.
23:36– Comment vous expliquez que vous soyez le dernier, le seul, le rescapé ?
23:41C'est la loyauté, c'est quoi ?
23:43– Sûrement un peu de chance, la loyauté ça je la revendique,
23:46moi j'appartiens à cette époque
23:49qui a été ouverte par le président de la République en 2017,
23:52d'ailleurs j'aurais aimé que beaucoup de nos amis des Républicains
23:54nous rejoignent plus tôt, puisqu'au fond on voit bien que
23:57depuis 7 ans on aurait pu gagner du temps, et que je suis engagé.
24:01La réalité aussi c'est que j'ai un rapport au ministère
24:03que le président m'a confié,
24:04qui est un rapport affectif, émotionnel même,
24:08je le revendique.
24:09– Et qu'on lit d'ailleurs dans votre livre.
24:11On sent que vous avez trouvé votre ministère en tout cas,
24:15qu'il y a quelque chose…
24:16– Je crois même l'avoir voulu,
24:17et le président de la République me l'a permis.
24:19– Vous l'avez demandé.
24:20– Pour moi, si vous, mon engagement politique
24:22est dans un moment un peu particulier,
24:23parce que tout est accompli.
24:26– A l'éhire.
24:27– Avec ce ministère tout est accompli bien sûr, c'est formidable.
24:30Les hommes et les femmes qui y servent,
24:31les questions qui sont traitées,
24:33ça permet vraiment d'avoir un engagement politique
24:36qui soit très noble,
24:38ce qui ne m'empêche pas de garder un engagement politique local
24:40dans l'heure, à Vernon, etc.
24:41Mais voilà, je pense que c'est un ministère
24:43qui transforme la vie d'un homme.
24:45– À lire vraiment ce livre,
24:46« Vers la guerre, point d'interrogation,
24:48la France face au réarmement du monde »,
24:50publié chez Plon.
24:52Merci infiniment Sébastien Cornu,
24:54d'avoir été au micro d'Inter ce matin,
24:56il est 8h49.

Recommandations