• il y a 11 mois
La France pourra produire 78 Caesar en un peu plus d'un an pour l'Ukraine, assure Sébastien Lecornu, ministre des Armées. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-18-janvier-2024-3353196

Category

🗞
News
Transcription
00:00 France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:07 Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le ministre des armées dans le grand entretien du 7-10.
00:12 Question réaction au 01-45-24-7000 et sur l'application de France Inter.
00:18 Sébastien Lecornu, bonjour.
00:20 Bonjour.
00:21 Et bienvenue à ce micro. Beaucoup de sujets à aborder avec vous ce matin, avec l'accumulation des crises internationales et des guerres,
00:27 notamment en Ukraine et à Gaza. Mais d'abord, on voulait vous entendre sur l'utilisation de certains mots par le président de la République
00:34 dans sa conférence de presse mardi, où il a souvent parlé de réarmement, réarmement civique, réarmement démographique.
00:42 Qu'est-ce qu'inspire ce mot « ministre des armées » ? La France se réarme face à qui ? Face à quoi ?
00:49 La rhétorique martiale, vous le savez, est coutumière au chef de l'État.
00:53 On se souvient du « nous sommes en guerre » au moment du Covid. N'est-elle pas un peu dévoyée ?
00:59 Le mot est clair, il m'est familier évidemment, pour des raisons éminemment ministérielles.
01:03 Réarmement, ça suscite déjà l'idée qu'au fond, on l'était dans le passé et qu'on a pu parfois baisser un peu la garde.
01:08 Et ça suscite aussi l'idée que vous avez un certain nombre de menaces qui peuvent peser sur le corps social français, sur la nation française.
01:14 On va y revenir sur les sujets militaires. Mais même sur les sujets militaires, on va parler d'Ukraine,
01:18 on voit bien que le réarmement moral, la résilience d'une nation passe aussi par d'autres canaux.
01:24 Et quand on parle de réarmement civique, derrière aussi, ça fait appel à cette résilience nationale.
01:29 Et ça passe aussi beaucoup par l'école. Et donc le président a déroulé évidemment cela.
01:32 Et le mot au moins, il est compréhensible d'ailleurs, vous me posez la question. Et donc il permet d'être clair.
01:36 Emmanuel Macron a aussi parlé d'un monde de bouleversement, déclarant « le monde d'hier est en train de s'effacer,
01:41 l'ordre mondial est bousculé, la guerre revient sur le sol européen ».
01:44 2023 a été une année dure, violente, meurtrière. 2024 le sera-t-elle également ?
01:50 Au Proche-Orient, en Ukraine, en mer de Chine, les guerres, les tensions, elles ne vont pas s'arrêter de si tôt ?
01:56 Non, et je pense qu'il faut que nos auditeurs arrivent à comprendre qu'au fond, on a été habitués à gérer plutôt des crises successives jusqu'à présent.
02:02 Les guerres évidemment coloniales post-seconde guerre mondiale, l'organisation d'un monde bipolaire, en tout cas avec deux blocs,
02:10 la guerre froide, l'avènement des dissuasions nucléaires de différents pays, la chute du mur de Berlin, la dissolution du pacte de Varsovie,
02:18 des crises qui sont plutôt régionales dans les années 90, j'en cite qu'une pour la mémoire collective, les Balkans,
02:23 le 11 septembre avec l'avènement de 20 ans de lutte contre le terrorisme armé et islamiste.
02:28 Et c'est pas fini.
02:29 Et depuis février 22, et la guerre que Vladimir Poutine et la Fédération de Russie attendent à l'Ukraine,
02:36 vous avez des dérèglements en chaîne qui s'organisent, de remise en cause du droit international,
02:42 il y a évidemment la question en Afrique, il y a la question de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie, vous avez la question des libertés d'accès maritimes,
02:48 on va y revenir, mais en plus les autres menaces classiques, comme la menace terroriste, n'a pas disparu,
02:54 et on le voit bien, la pression au Sahel est maximale, avec désormais, avec les réseaux sociaux et les nouveaux moyens de communication,
03:00 les jonctions qui se font du Sahel jusqu'à l'Afghanistan. Et en plus, on a aussi des nouveaux espaces qui se militarisent,
03:06 nous sommes la génération d'auditeurs, de journalistes, de responsables politiques ou militaires,
03:11 qui vont connaître la militarisation de l'espace, la capacité pour un satellite de pousser un autre satellite sur une orbite cimetière,
03:18 de détruire un satellite, on va être la génération qui allons connaître aussi des stratégies de détournement,
03:23 notamment pour nous, puissance nucléaire, de notre dissuasion nucléaire, des menaces dites hybrides,
03:27 détournement d'objets civils à des fins militaires, attaques cyber, guerre des mines, pardon de cette tonalité...
03:33 - Non, non, non, mais donc 2024 restera aussi tragique et dramatique que 2023 et que 2022, c'est ce que vous nous dites.
03:39 - Clairement, les dérèglements liés à la guerre en Ukraine, et d'ailleurs la question de l'attaque du Hamas du 7 octobre horrible,
03:45 la guerre qui s'ensuit, désormais les différentes milices ou proxys iraniens qui effectivement sont dans des stratégies de pression,
03:53 de contestation, c'est vrai pour les Houthis en mer rouge, c'est vrai pour le Hezbollah à la frontière avec Israël,
03:57 c'est vrai pour les milices chilites en Irak qui veulent pousser justement la coalition de lutte contre le terrorisme,
04:02 contre le sondage d'or, bref, parlons de ce tableau global, mais les dérèglements sont nombreux et ils sont désormais simultanés.
04:07 - Et bien on va les prendre les uns après les autres.
04:08 - Sur l'Ukraine, nous approchons des deux ans du début du conflit, vous serez aujourd'hui en ligne avec votre homologue ukrainien
04:15 pour parler notamment de l'artillerie, alors que Vladimir Poutine a déclaré mardi,
04:20 non seulement leur contre-offensive a échoué aux Ukrainiens, mais l'initiative est entièrement entre les mains des forces armées russes,
04:27 si cela continue, le statut d'état de l'Ukraine pourrait subir un coût irréparable et très grave.
04:34 Qu'en pensez-vous Sébastien Lecornu ? La Russie, excusez-moi de poser la question comme ça, est-elle en train de gagner cette guerre ?
04:41 - Non, évidemment tout ce qui est dit est à des fins de propagande, je pense que si on est rapide,
04:46 février 22 jusqu'à la fin de l'année 2022, vous avez une guerre de mouvement.
04:51 Les armées russes rentrent en Ukraine, l'armée ukrainienne arrive à les repousser et à les fixer sur une ligne de front qui désormais est en train de sécher,
04:59 est en train de s'installer. Et de fait, si la contre-offensive ukrainienne n'a pas produit les effets escomptés,
05:04 c'est-à-dire en clair reconquérir ces différents territoires, pour autant les armées russes n'ont pas repris l'initiative.
05:10 Et donc vous avez une situation en face de nous...
05:12 - Ils ne sont pas en train d'avancer les russes aujourd'hui sur le terrain ?
05:14 - Parfois deux kilomètres par-ci, repris par-là...
05:16 Vous avez une ligne de front, on voit bien sur les cartes, qui d'ailleurs ne passe pas très très loin du Niépre,
05:21 de la centrale nucléaire de Zaporizhia avec tous les risques évidemment que cela peut emporter.
05:26 Et vous avez aujourd'hui au final un conflit qui s'installe dans quelque chose de linéaire,
05:30 avec en plus la question de l'hiver qui comme vous le savez à chaque fois est une question importante.
05:35 C'est l'histoire aussi qui parle, puisque la ligne de front évidemment ne bouge plus,
05:39 ce qui explique aussi les frappes dans la profondeur que les russes font,
05:42 notamment sur des infrastructures civiles avec des missiles longue portée.
05:45 Donc vous avez un moment particulier qui va être le printemps prochain.
05:49 Pour quelle raison ? Puisque à la sortie de l'hiver vous aurez le dégel, la Rasputitsa,
05:53 l'installation de la boue qui fera aussi que le théâtre sera compliqué en matière d'initiative terrestre,
05:58 mais ensuite vous aurez un nouveau moment, qui sera un moment sur lequel il faut effectivement aider l'Ukraine.
06:02 La contre-offensive n'a pas fonctionné comme l'Ukraine le souhaitait, comme nous le souhaitions,
06:05 pour autant ça ne donne pas un avantage à la Russie, c'est ce qu'il faut comprendre sur le terrain tactique.
06:10 - Poutine n'est pas en train de gagner cette guerre.
06:12 - Je vous rappelle que les armées russes étaient rentrées dans Kiev,
06:14 et vous voyez aujourd'hui où nous sommes et où ils sont,
06:16 et que ça dit quelque chose aussi du courage des Ukrainiens.
06:18 - Le courage des Ukrainiens c'est une chose, mais ils ont besoin d'armes, monsieur le ministre.
06:24 Du coup, qu'est-ce que vous allez dire à votre homologue ukrainien aujourd'hui quand vous l'aurez en ligne ?
06:27 Que la France va enfin mettre le paquet, livrer massivement les armes dont l'Ukraine a besoin,
06:31 parce que là le compte n'y est pas.
06:33 - Il y a eu cette publication de chiffres il y a quelques jours,
06:35 tous les journaux l'ont documentée, Le Figaro, L'Opinion hier,
06:39 très clair, qui montre que la France est en queue de peloton.
06:43 C'est-à-dire que notre aide aux Ukrainiens, on est derrière les Etats-Unis, ça d'accord,
06:47 mais on est derrière l'Allemagne, on est derrière la Pologne, on est derrière le Danemark, la Suède, la Finlande.
06:52 Pourquoi ce retard ?
06:53 - Alors je ne suis pas d'accord avec les classements, et notamment celui de Kiel.
06:57 - C'est l'institut Kiel ?
06:58 - Oui, ce qu'ils disent n'est ni fiable ni viable, je le dis comme je le pense.
07:01 - Vous le contestez ?
07:02 - Oui complètement.
07:03 - Pour une raison simple.
07:04 - Un moment, juste pour dire à nos auditeurs, que ce soit bien clair,
07:06 ce que dit cet institut Kiel, c'est que quand l'Allemagne a mis 17 milliards,
07:09 que la Grande-Bretagne a mis 7 milliards pour les Ukrainiens,
07:11 la France n'a même pas mis 1 milliard.
07:14 On est à 0,54 milliards.
07:16 - Ils mélangent les chou-fleurs et les carottes dans ce classement,
07:18 et surtout, ils ne reposent que sur les promesses et les déclarations.
07:21 Et vous voyez, la fierté de la France, quelles que soient nos opinions politiques,
07:23 qu'on soutienne ou pas le gouvernement du président, c'est pas le sujet,
07:25 tout ce qui est promis est réellement livré, et tout ce qui est livré a été promis.
07:29 Tout ce qui est livré aussi fonctionne.
07:31 Je ne mettrai pas une pierre dans le jardin d'un certain nombre de nos alliés,
07:33 mais c'est notre honneur aussi que d'avoir effectivement livré des dispositifs qui sont fiables.
07:39 - Ça veut dire quoi, que les Allemands envoient des chars qui ne fonctionnent pas ?
07:42 - Je ne veux pas dire les Allemands, mais vous avez parfois certains pays qui,
07:44 pour des raisons politiques domestiques, ont fait beaucoup d'annonces,
07:47 et derrière les promesses n'ont pas suivi, ou quand elles ont été suivies,
07:49 c'est avec du matériel qui a parfois été défectueux.
07:51 Je ne veux pas rentrer là-dedans.
07:52 Ce que nous on essaie de faire, c'est deux choses.
07:55 La première déjà, c'est d'être bon sur des fonctions militaires qui sont,
08:00 en mauvais français, des "game changers".
08:02 C'est-à-dire, en clair, la défense solaire, pour permettre de protéger les populations civiles,
08:05 et le champ de bataille.
08:07 Les frappes dans la profondeur, qui permettent véritablement justement de mener une contre-offensive.
08:11 L'artillerie et l'innovation.
08:13 C'est les quatre points sur lesquels nous avançons.
08:15 Et en fait, qu'est-ce qu'on est en train de faire, et nous sommes les premiers à y arriver,
08:18 c'est de basculer d'une logique de cession des stocks de nos propres armées,
08:22 et pour cause, on arrive au bout des logiques,
08:24 c'est vrai pour l'armée française, c'est vrai pour la plupart des armées des pays européens,
08:27 et encore nous, j'y viens, on a une industrie de défense,
08:30 et donc comment on bascule d'une logique de cession,
08:33 à une logique où on branche directement, pardon cette expression,
08:35 l'armée ukrainienne sur nos industries de défense.
08:38 Années 60, gaullisme militaire, c'est non seulement une armée, c'est non seulement la dissuasion,
08:43 c'est aussi une base industrielle et technologique de défense complètement souveraine.
08:46 Vous n'avez pas d'action militaire possible,
08:48 si vous n'avez pas tout simplement des usines en capacité de produire.
08:50 C'est la fameuse économie de guerre qu'on est en train d'appeler.
08:52 - Mais oui, il avait promis l'économie de guerre, il y a un an et demi, elle arrive quand ?
08:56 - En fait, ça dépend des types d'armement.
08:58 Ce sont des entreprises qui sont privées, on n'est plus dans des logiques d'arsenaux.
09:01 Vous avez des entreprises qui ont produit des efforts importants.
09:04 Je pense que le plus spectaculaire, c'est l'entreprise Nexter,
09:06 que nos auditeurs ont pu connaître jadis sous le nom de Giat Industries,
09:10 où il fallait 30 mois pour produire un canon César,
09:12 désormais on a basculé à 15 mois.
09:14 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'en 2024,
09:16 les usines de Rohan ou de Bourges,
09:19 et je salue les ouvriers, techniciens, ingénieurs qui se mobilisent en 3-8,
09:23 parce que derrière, quand on dit à votre micro "l'économie de guerre n'arrive pas assez vite",
09:26 il faut bien comprendre qu'il y a un engagement quand même.
09:28 - Il faut le produire.
09:29 - Et qu'il faut le produire, et qu'il y a un engagement citoyen et salarié important.
09:33 Ça veut dire qu'en 2024, on va être capable de produire 78 canons César.
09:38 78 canons César, dont 6 ont déjà été achetés par l'Ukraine,
09:41 et dont tout à l'heure, je vais lancer une coalition,
09:44 c'est-à-dire en clair comment on partage la facture à plusieurs.
09:46 La France va en prendre évidemment une partie.
09:48 - Et ça coûte un canon César ?
09:49 - Un canon César, vous êtes autour de 3 à 4 millions d'euros.
09:53 Donc globalement, vous êtes quand même sur des enveloppes qui sont soutenables à certains égards,
09:57 et qui permettent à des pays en Europe de venir partager ce fardeau-là, si j'ose dire,
10:02 et de permettre justement de ne pas prélever ces canons César sur le stock des armées françaises.
10:06 C'est ça l'endurance pour l'avenir,
10:08 mais c'est aussi quelque chose qui est guetté à Moscou, à Téhéran, à Pyongyang.
10:12 C'est-à-dire notre capacité à faire monter en puissance notre industrie de défense.
10:15 C'était la chronique de Peresky précédemment.
10:17 - Toujours sur les chiffres, Sébastien Lecornu,
10:19 on lit que sur les obusiers, la France en a livré ou promis 36.
10:23 C'est 54 pour la Pologne, 76 pour l'Italie, 198 pour les Etats-Unis.
10:28 Pour les chars ou les véhicules de combat d'infanterie,
10:31 la France n'est même pas dans le top 10 des livraisons.
10:33 Pour les systèmes de missiles solaires anti-aériens, la France en a livré 2, l'Allemagne 24.
10:38 Ces chiffres-là, vous les reconnaissez ou vous les contestez ?
10:41 - Non, typiquement, tout est mélangé.
10:43 Sur la défense solaire, vous venez de faire l'agrégat de toutes les couches pour l'Allemagne.
10:46 Des missiles court porté jusqu'aux missiles long porté.
10:50 Et pour la France, vous n'avez cité que les dispositifs de longue portée.
10:53 Donc tous ces classements sont faux.
10:55 On peut voir à qui ils profitent.
10:57 Moi, je vous le redis, interrogez les ukrainiens sur ce que nous faisons.
11:00 - Le chancelier allemand Olaf Scholz a appelé clairement les autres pays,
11:03 et notamment la France, à aider davantage,
11:05 jugeant que l'Allemagne en fait beaucoup plus que les autres.
11:08 - Ça dépend sur quel segment d'armes.
11:10 Typiquement, l'Allemagne se refuse de livrer des missiles Taurus,
11:13 l'équivalent d'escalpe, qui sont des vrais game-changers.
11:15 Ne comparons pas toutes les démocraties entre elles.
11:17 Nous n'avons pas les mêmes chemins, y compris dans nos parlements respectifs.
11:20 Y compris par rapport à notre modèle d'armée.
11:22 L'armée française est une armée d'emploi qui a été engagée en permanence en opération extérieure depuis des décennies.
11:28 On a des dispositifs d'armement qui sont complètement différents.
11:31 Je vous donne un exemple très concret.
11:32 - Non mais vous dites aux chanceliers qu'ils confondent les choses.
11:34 - Non, ils parlent de l'Allemagne.
11:36 Moi, je vous parle de la France.
11:38 Et donc je vous dis, typiquement, au moment où je vous parle,
11:40 et c'est pas un reproche,
11:41 l'Allemagne se refuse à livrer l'équivalent des missiles Scalp ou Storm Shadow chez les Britanniques.
11:46 - Et non, on va les livrer.
11:47 - Le président de la République a donc annoncé une session nouvelle d'une quarantaine de ces missiles.
11:52 Je ne donne pas trop de date volontairement, parce que c'est quelque chose qui est surveillé par les Russes.
11:56 Et ça, c'est un élément très important pour la suite.
12:00 Ce sont des missiles Air-Sol.
12:02 Nous allons également livrer des A2SM,
12:05 qui sont des missiles Air-Sol de moyenne portée.
12:10 Nous avons réussi l'adaptation sur des avions de classe soviétique,
12:14 parce que ce sont des avions, en général, emmenés sur des Rafales ou sur des Mirages.
12:19 Et donc sur MiG et Sukhoi, désormais, ça va fonctionner.
12:21 On va en livrer une cinquantaine par mois.
12:24 - A partir de quand ?
12:25 - A partir de ce mois de janvier.
12:27 Tout au long de l'année 2024.
12:29 Ça, c'est un élément très clair.
12:31 Je donne un autre exemple, parce que vous avez parlé des obusiers,
12:33 donc je vais vous parler des obus, parce que les munitions, c'est un sujet clé.
12:35 Entre février 2022 et avril 2023, nous livrions 1000 obus par mois.
12:41 Depuis février dernier, c'est 2000 obus par mois.
12:44 Et à partir de ce mois-ci, ça sera 3000 obus par mois.
12:46 Pour quelle raison ? Économie de guerre.
12:48 On est en train de remettre la main sur des stocks de poudre.
12:50 On recycle des poudres sur des munitions qui n'ont pas été utilisées.
12:54 Donc vous voyez, cette économie de guerre, c'est lent.
12:56 Mais dire que ça ne produit pas ses effets, ce n'est pas vrai.
12:58 Après, il y a des mauvais élèves, parfois, sur certains segments.
13:01 Typiquement, je vais vous le donner en toute transparence.
13:03 Le missile Aster, qu'on retrouve sur la défense solaire, le Sampte,
13:07 qu'on retrouve aussi sur nos frégates actuellement en mer rouge,
13:09 pour faire des interceptions en légitime défense, des attaques que les outils peuvent mener.
13:13 Là, typiquement, on est sur des délais qui sont beaucoup trop longs.
13:16 J'ai demandé à MBDA qu'ils puissent réussir à faire ce qu'ils ont fait sur le missile Mistral.
13:19 - MBDA, attendez, les acronymes... - Pardon !
13:22 MBDA est une entreprise française misciliée.
13:25 - Juste parce que vous parlez de la poudre, vous êtes précis, c'est passionnant.
13:29 On voudrait savoir ce qu'on livre exactement.
13:31 Je ne sais pas si vous avez entendu dans le journal de 8h de Florence Paracuélos,
13:34 le reportage de notre envoyé spécial en Ukraine, dans un laboratoire,
13:37 qui analyse les missiles russes tirés.
13:40 Et dans certains de ces missiles, dans les missiles russes pas ukrainiens,
13:42 chez les russes, on trouve encore des composants français.
13:45 Est-ce que c'est normal ?
13:47 Comment nos composants français arrivent en Russie ?
13:51 - Tout simplement parce que ce sont des stocks d'avant les sanctions.
13:54 Et ce sont des stocks qui sont écoulés petit à petit par les russes,
13:57 et que vous êtes dans un temps long.
13:59 Et la deuxième explication, et c'est particulièrement vrai
14:02 pour les drones dits "Shahid" iraniens,
14:05 où vous avez parfois 70 à 80% des composants
14:08 qui sont des composants occidentaux, tout simplement parce qu'issus du civil.
14:12 Des pièces, par exemple, de machines à laver,
14:15 qui peuvent permettre de construire des drones.
14:17 Donc vous avez aussi tout un art... - Vous avez des pièces de machines à laver
14:20 allemandes qui vont en Iran, qui sont utilisées...
14:23 - Non, plutôt américaines.
14:25 - Américaines qui sont utilisées pour faire des drones qui vont ensuite en Russie.
14:28 - L'Iran s'est spécialisé aussi dans le contournement des sanctions,
14:31 et donc pour nous les pays occidentaux, c'est sans cesse aussi un nouveau défi
14:34 que de rendre ces différentes sanctions opérationnelles et opérantes.
14:37 - Gérard est au Standard Inter, bonjour et bienvenue !
14:41 - Bonjour les journalistes de France Inter,
14:45 et bonjour à monsieur le ministre de l'Intérieur.
14:47 Je vous téléphone parce que, je sais pas,
14:50 ça me rappelle un peu ce qui se passe en Ukraine,
14:52 ça me rappelle un peu les Sudètes.
14:54 Et j'ai peur que quand on, à force de tarder à réagir,
14:58 parce que bon, même si la France, comme vous venez de le dire,
15:01 envoie aujourd'hui des armes,
15:03 j'ai peur qu'on attende que l'armée ukrainienne soit écrasée
15:06 pour les aider efficacement à combattre les Russes.
15:09 Qu'en pensez-vous ?
15:11 Bon, vous avez l'air de dire le contraire, mais bon,
15:14 en 40, on a tellement tardé à avoir des armes qu'on a perdu la guerre,
15:18 au moins, "grande bataille", comme aurait dit le général de Gaulle.
15:21 Merci Gérard pour cette question, je la prolonge
15:24 avant de vous donner la parole, Sébastien Lecornu,
15:26 les 27 s'étaient engagés à fournir un million de munitions à l'Ukraine
15:29 d'ici mars 2023, en novembre dernier,
15:32 l'UE avait atteint seulement 30% de cet objectif,
15:35 alors est-ce que ce million sera atteint ?
15:38 Et si oui, quand ? Voilà, pour prolonger la question.
15:40 Sur les 30% d'objectifs remplis, la France contribue
15:43 à une grande part de la réussite de chiffre,
15:45 confère ce que je vous disais sur les livraisons d'obus,
15:47 et je pense que l'enjeu est de relocaliser aussi des productions,
15:50 c'est pour ça d'ailleurs que j'ai souhaité qu'une nouvelle usine de poudre
15:53 soit construite à Bergerac, et ça c'est plutôt le Covid d'ailleurs qui nous a montré
15:56 que nous étions dépendants désormais de manière scandaleuse
15:59 d'un certain nombre de pays étrangers, y compris en Asie,
16:02 donc il nous faut ressortir. Sur la question qui a été posée,
16:04 je la remercie, oui, il y a urgence à aider.
16:06 Le vrai sujet, pourquoi on a ces épisodes d'aide successives,
16:09 c'est de notre capacité justement à produire, déjà ne pas déshabiller notre armée,
16:12 pardon, mais enfin, je vous l'ai dit, c'est une armée d'emploi,
16:15 alors évidemment on n'a jamais mis en danger notre défense nationale,
16:17 mais enfin ça a toujours été un critère à chaque fois qu'on analysait avec le président de la République
16:20 dans les sessions, et désormais c'est le fait de produire plus
16:23 qui va nous permettre d'aider davantage l'Ukraine.
16:25 Vous voyez, 49 canons César aujourd'hui, je ne l'ai pas dit,
16:27 mais sur le théâtre ukrainien, et je vous parle
16:30 de 78 produits et livrés potentiellement en 2024.
16:33 Vous voyez bien la montée en puissante, elle prend du temps,
16:36 c'est malheureusement aussi les fameux dividendes de la paix
16:38 post-fin de guerre froide des années 90,
16:40 la diminution des budgets militaires pendant des années,
16:42 qui ont créé une perte de muscle, et depuis 2017, évidemment,
16:45 comme vous le savez, on reprend cette masse musculaire,
16:47 mais ça prend du temps.
16:49 - Venons-en à la guerre à Gaza, la guerre au Proche-Orient,
16:51 qui dure depuis plus de 100 jours maintenant,
16:53 le bilan s'alourdit de jour en jour, avec près de 25 000 morts
16:56 côté palestinien selon le Hamas.
16:59 Israël a annoncé mardi que la phase intensive des combats
17:02 se terminera bientôt, vous y croyez ?
17:05 - C'est indispensable.
17:07 Vous savez que le président de la République m'avait envoyé
17:09 au mois d'octobre et au mois de novembre dernier
17:11 mener un certain nombre de discussions et de négociations,
17:13 notamment pour nos otages.
17:15 Je vous rappelle quand même que nous avons...
17:17 - Il en reste trois.
17:19 - Trois otages ou personnes disparues, selon l'expression consacrée,
17:21 puisque ça pose la question des preuves de vie,
17:23 mais j'en dis pas plus.
17:25 - Justement, pouvez-vous nous en dire plus ?
17:27 - Non, parce que je vais partir en Israël dimanche soir
17:29 pour mener un certain nombre de discussions
17:31 sur l'escalade régionale, évidemment,
17:33 la question de la finule.
17:35 On a 700 soldats français à la frontière
17:37 entre le Liban et Israël,
17:39 mais aussi évidemment sur la question des otages.
17:41 Et on sait très bien qu'il n'y a pas de libération
17:43 d'otages possible sans cesser le feu.
17:45 Et Trèves,
17:47 c'était ce qui s'était produit évidemment la dernière fois,
17:49 négociait avec nos partenaires
17:51 du Qatar,
17:53 et donc pour des raisons humanitaires,
17:55 mais pour des raisons en plus qui tiennent additionnellement
17:57 à la libération de nos otages,
17:59 nous appelons, comme vous le savez, à ce cesser le feu.
18:01 Nous continuons de soigner
18:03 des habitants de Gaza. Je me suis rendu sur le bateau
18:05 d'Iksmoud, un bateau qu'on a transformé,
18:07 vous le savez, en hôpital militaire.
18:09 - Il y a plus de 30 lits, plus de 80 soignants,
18:11 des scanners, des laboratoires d'analyse...
18:13 - Des blocs de chirurgie, un partenariat
18:15 avec l'Italie, puisqu'il y a un deuxième bateau à quai.
18:17 - Vous soignez combien de blessés palestiniens ?
18:19 - Globalement, vous êtes à pratiquement plus
18:21 de 1000 unités d'hospitalisation
18:23 sur les pathologies les plus graves.
18:25 Vous êtes souvent sur des enfants,
18:27 souvent qui ont été soignés en première
18:29 ligne
18:31 à Gaza, parfois pas toujours bien soignés
18:33 dans l'urgence. Enfin, on parle d'enfants de 9 à 10 ans
18:35 qui n'ont plus de jambes, qui n'ont plus de mains,
18:37 qui n'ont plus de parents. Donc c'est particulièrement difficile
18:39 sur le terrain émotionnel,
18:41 mais ce que font le service de santé des armées,
18:43 les différents médecins qui sont engagés là-bas, est absolument spectaculaire.
18:45 Je tiens vraiment à leur rendre hommage, parce que
18:47 on est le seul pays occidental à le faire, quand même,
18:49 à ce point, et je remercie les Italiens
18:51 de nous avoir fait confiance en nos accompagnants.
18:53 - Dominique de Villepin disait lundi à ce micro
18:55 pourtant que la voix de la France est inaudible
18:57 au Proche-Orient. Vous lui répondez quoi ?
18:59 - Je ne suis pas d'accord, je l'aime beaucoup et j'ai beaucoup d'amitié
19:01 pour Dominique de Villepin.
19:03 Personnellement, je le trouve dur et injuste,
19:05 au contraire, parce que
19:07 la voix de la France aujourd'hui est plus difficile à faire entendre,
19:09 parce que les esprits
19:11 sont parfois moins rationnels qu'ils ne l'étaient
19:13 il y a 20 ans, y compris en 2003,
19:15 lorsqu'il a prononcé ce fameux discours,
19:17 que la guerre informationnelle
19:19 menée sur les réseaux sociaux, y compris par nos compétiteurs,
19:21 et notamment la Russie,
19:23 évidemment, rend le message
19:25 plus difficile à faire passer,
19:27 que l'attaque terroriste
19:29 du 7 octobre dernier a créé
19:31 aussi une émotion qui a peu de précédents
19:33 dans l'histoire d'Israël.
19:35 Et je vous le dis, moi, le discours
19:37 que le président de la République a prononcé le 12 octobre
19:39 est un discours d'équilibre
19:41 et qui d'ailleurs puise ses racines
19:43 dans, justement, notre histoire
19:45 diplomatique française, notamment gaullienne.
19:47 Et je pense que cet équilibre-là,
19:49 il prend du temps, parfois,
19:51 à être expliqué aux uns et aux autres.
19:53 - Et les États arabes ? - Oui.
19:55 - Les États arabes, beaucoup, ont trouvé,
19:57 ont dit aussi,
19:59 que la France avait perdu
20:01 son attitude gaullienne.
20:03 - Parfois, certains l'ont dit parce que nous avons condamné
20:05 très durement l'attentat terroriste
20:07 du 7 octobre dernier. Personne n'aurait
20:09 compris qu'il n'en soit pas autrement. Donc, on est la France,
20:11 on n'est pas là pour faire plaisir. Si on reprend
20:13 aussi, pour le coup, les accents de
20:15 Munich, de Villepin, que j'aime beaucoup, on n'est pas là
20:17 pour faire plaisir aux uns et aux autres,
20:19 on est là pour défendre nos valeurs et nos intérêts.
20:21 Et donc, nos valeurs et nos intérêts,
20:23 c'est de lutter contre le terrorisme, on en sait quelque chose.
20:25 C'est aussi de maîtriser l'escalade
20:27 et quand on soigne des populations civiles de Gaza,
20:29 quand le président de la République est le premier leader
20:31 occidental à avoir appelé à des trêves humanitaires
20:33 et un cessez-le-feu, c'est la tradition
20:35 française. Et vous verrez que l'histoire nous rendra
20:37 raison sur cette position d'équilibre,
20:39 y compris d'ailleurs sur le Liban, dont je rappelle que nous sommes
20:41 la dernière grande puissance occidentale
20:43 avec les Etats-Unis, il faut le reconnaître,
20:45 a consacré autant d'énergie diplomatique
20:47 à exposer autant de nos soldats
20:49 pour maîtriser justement l'escalade. - Les guerres
20:51 sont partout, les menaces partout,
20:53 il y a le front avec le Liban, vous en parlez à l'instant,
20:55 et puis, à question de la mer Rouge,
20:57 Washington et Londres ont bombardé des positions
20:59 des houthis au Yémen en fin de semaine dernière pour tenter
21:01 de stopper leurs attaques en mer Rouge,
21:03 qui perturbent énormément le commerce international.
21:05 Paris a décidé de ne pas se joindre à ces
21:07 frappes pour éviter, je cite, "toute escalade
21:09 dans la région", ce qu'a dit Emmanuel Macron. Considérez-vous
21:11 que les frappes américaines et anglaises étaient
21:13 imprudentes, dangereuses et favorisaient l'escalade ?
21:15 - Non mais nos alliés les assument et de fait,
21:17 nous ne souhaitons pas participer à des
21:19 frappes, pour être clair pour nos auditeurs, qui sont
21:21 préventives et nous souhaitons rester
21:23 sur des frappes de légitime défense, c'est ce que
21:25 a fait la frégate, la Languedoc,
21:27 qui est actuellement déployée dans la région.
21:29 En clair, si des bateaux sont attaqués
21:31 par les houthis, je condamne évidemment
21:33 ces attaques, cela reste sans dire, nous agissons
21:35 en légitime défense. Mais nous souhaitons rester dans un cadre
21:37 de légitime défense, et je le précise
21:39 aussi dans un cadre où le commandement
21:41 reste national, c'est-à-dire en clair, ce sont les forces
21:43 armées françaises sous l'autorité du président de la République, chef des armées,
21:45 qui déclenchent justement le feu.
21:47 - Revenons en France, pour terminer,
21:49 Sébastien Lecornu, lundi, lors de sa
21:51 conférence de presse, Emmanuel Macron a dit qu'il
21:53 voulait la généralisation du service
21:55 national universel,
21:57 le SNU en classe de seconde.
21:59 Cette généralisation se fera
22:01 à quelle échéance, avec quel budget ?
22:03 Tous les élèves de seconde devront faire
22:05 leur SNU, comme avant, on faisait son
22:07 service militaire ?
22:09 - On peut comparer avec le service militaire,
22:11 mais jusqu'à un certain point, puisque par définition
22:13 le service militaire était pour des jeunes majeurs,
22:15 et que là, par définition, le président
22:17 de la République a confirmé que c'est mineurs.
22:19 Deux, est-ce qu'on a besoin d'un service militaire
22:21 aujourd'hui à des fins militaires ?
22:23 La réponse est non. Vous voyez bien qu'on est sur
22:25 une armée de métiers, très professionnalisée,
22:27 on n'a plus besoin de masser des millions de jeunes gens
22:29 de part et d'autre du rideau de fer, ou de
22:31 refaire des guerres type 14-18. Néanmoins,
22:33 est-ce que les valeurs militaires...
22:35 - Après vous avoir entendu parler depuis le début de cet entretien,
22:37 on peut se demander... - Mais on pourrait y revenir. - Pierre-Edouard Philippe
22:39 a laissé entendre qu'il ne laisserait pas compte
22:41 le retour du service militaire. - J'ai plus le temps, malheureusement, j'ai l'impression
22:43 de l'expliquer, donc je reviendrai pour expliquer à quel
22:45 point on a besoin d'une armée de métiers,
22:47 et ça pour le coup, c'est une grande décision que le président Chirac a prise.
22:50 Après, la question c'est, est-ce que les valeurs militaires,
22:53 est-ce que le service militaire avait des vertus
22:55 pour le corps social français ? La réponse est oui.
22:57 Mais mon boulot de ministre des armées, c'est quand même d'expliquer à nos auditeurs
22:59 est-ce qu'on en a besoin ou pas sur le terrain militaire ?
23:01 Donc je voulais quand même commencer par là.
23:03 Oui, les armées après vont
23:05 participer à cette génération du SNU,
23:08 mais on est quand même dans un cadre scolaire,
23:10 par définition, quand on est en seconde, donc c'est un travail
23:12 qui doit avant tout partir du ministère de l'Éducation nationale,
23:15 et donc la ministre sous l'autorité de Gabriel Attal
23:17 vont évidemment mener les différentes concertations qui vont bien,
23:19 et nous nous pourrons apporter, les forces armées
23:21 pourront apporter ce qu'elles ont de mieux à apporter,
23:23 c'est-à-dire des expériences,
23:25 des valeurs, un cadre aussi de réflexion,
23:27 - Elles en ont envie les forces armées ?
23:29 - De rendre service à leur pays, toujours.
23:31 - Merci Sébastien Lecornu. - Merci Sébastien Lecornu.
23:34 - D'avoir été à notre micro.

Recommandations