• il y a 4 mois
À trois jours du second tour des élections législatives, Raphaël Glucksmann, députée européen Place Publique, est l'invité du Grand Entretien de France Inter. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-04-juillet-2024-4049344

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Transcription
00:00Et avec Yael Ghos, nous recevons ce matin l'eurodéputé qui fut la tête de liste PS place publique pendant la campagne des Européennes.
00:09Vos questions et réactions au 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:16Raphaël Glucksmann, bonjour.
00:18Bonjour.
00:19Et bienvenue à ce micro.
00:20Dimanche, c'est le second tour des législatives.
00:23La campagne aura été la plus courte de la Ve République.
00:27Le Rassemblement national a battu tous ses records de voix au premier tour.
00:32Question simple pour commencer.
00:34Comment décrivez-vous ce moment ?
00:37Quels mots pour qualifier l'état du pays ce matin ?
00:41Le vertige.
00:42Je pense que nous sommes dans une situation vertigineuse.
00:46La France est au bord d'une falaise et on ne sait pas si on va sauter du haut de la falaise.
00:53Il y a une forme de gouffre qui s'est ouverte depuis le 9 juin à 21 heures.
00:58Une atmosphère extrêmement tendue dans le pays.
01:02Et la conscience que le choix qu'on va faire là est un choix qui va redessiner le visage du pays.
01:09Vous avez peur ?
01:10Moi, je vis dans l'inquiétude.
01:11Je ne cache pas mes sentiments.
01:13Je vis dans l'inquiétude.
01:14Et c'est pour ça que depuis le 9 juin, je parcours le pays et je vais dans les circonscriptions où justement le Rassemblement national peut gagner.
01:22Parce que depuis le début, je vois ces élections comme un référendum.
01:25Et encore plus depuis le premier tour.
01:30Un référendum avec une question simple.
01:33Est-ce que nous voulons que l'extrême droite prenne le pouvoir en France ?
01:38Est-ce que nous voulons que la famille Le Pen s'empare de ce pays ?
01:42Est-ce que nous voulons avoir au gouvernement les dirigeants de l'extrême droite française dans ce moment-là de notre histoire ?
01:51Alors que la guerre fait rage en Europe.
01:53Alors que notre démocratie est déjà fragile.
01:55Alors que notre société est déjà extrêmement polarisée.
01:59Est-ce que nous voulons prendre ce risque ?
02:01Oui ou non ?
02:02Et depuis ce 9 juin, je vis avec cette inquiétude en moi.
02:05Vous parliez d'une fin de campagne vertigineuse.
02:09Tendue aussi.
02:10La porte-parole du gouvernement, Priska Tevno, affirme avoir été agressée hier soir lors d'une opération de collage d'affiches à Meudon, près de Paris.
02:17Quatre personnes arrêtées.
02:18Une plainte déposée.
02:19Ce n'est pas le premier incident, puisque hier soir aussi, en Savoie, une candidate RN affirme avoir été violemment prise à partie par un commerçant du marché de la commune de La Rochette.
02:28La France est-elle devenue une cocotte minute ?
02:31Oui.
02:32La France est devenue une cocotte minute.
02:33Et on sent partout, en fait, cette tension, cette violence qui s'exprime.
02:37Donc évidemment, je lui apporte ma solidarité totale et absolue.
02:42À Priska Tevno ?
02:42Oui.
02:43Mais au-delà de ça...
02:44Et à la candidate RN ?
02:45Et à toutes les personnes qui sont victimes de violences.
02:50Parce que la politique, c'est le débat d'idées.
02:52La politique, c'est la confrontation, même très radicale, des idées.
02:57Mais ça ne peut pas être la violence physique, surtout dans une démocratie.
03:00Et ce que je sens, c'est que justement, notre démocratie est de plus en plus fragile.
03:05Que nous avons vécu, nous, dans une illusion, pendant extrêmement longtemps, partout en Europe d'ailleurs, mais spécifiquement en France.
03:12Que la démocratie dont nous avions hérité était quelque chose d'éternel.
03:15Quelque chose qui finalement ne supposait pas une action de notre part pour la cultiver, pour la défendre, pour la faire être.
03:25Et là, nous nous rendons compte subitement que ce que nous pensions acquis ne l'était pas.
03:30Et c'est ça, ce vertige qui s'empare de nous.
03:32Et les choix qu'on va faire ce dimanche, dans le secret de l'isoloir, chacune, chacun d'entre nous,
03:37eh bien, ce sont des choix qui auront une importance historique immense.
03:40Au soir du premier tour, vous disiez, sommes-nous prêts à donner notre pays, le pays de Victor Hugo, de Voltaire, de Rabelais, à la famille Le Pen ?
03:47C'est ça, la seule question qui compte.
03:50Fin de citation.
03:51Est-ce que vous pensez vraiment, Raphaël Glucksmann, que Voltaire et Hugo peuvent battre Bardella ?
03:59Non, ça ne suffira pas.
04:01Mais, Voltaire et Hugo, il ne faut pas dénuer d'importance Voltaire et Hugo.
04:07C'est le visage, c'est le récit de la France, c'est le sens que revêt le fait d'être français.
04:13Et je pense qu'on a arrêté, justement, de parler de ce que ça voulait dire, être français.
04:18Arrêtez de cultiver l'héritage qui a façonné le visage de notre nation.
04:22Arrêtez d'ancrer notre discours dans le passé dont on hérite, et arrêtez de fixer un cap à notre nation.
04:29Arrêtez le récit sur ce qu'est être français, d'où l'explosion des fractures dans notre pays.
04:36Donc, ça ne suffira pas.
04:37Moi, j'entends la colère face à l'impuissance, le sentiment de frustration face au déclassement.
04:44Mais ce que je veux dire aux électrices et aux électeurs, soit qui hésitent, soit qui adhèrent au vote RN,
04:52c'est que s'ils ont à cœur le redressement de notre pays, s'ils ont à cœur la lutte contre le déclassement de la France,
04:58eh bien, le RN au pouvoir, c'est l'affaissement du pays, c'est l'affaissement de la France.
05:05Ce sont des fâchés ou des fâchots, pour reprendre les mots de Jean-Luc Mélenchon il y a quelques années ?
05:10C'est 10 millions de français qui ont mis un bulletin RN dans l'urne.
05:14Mais ce ne sont pas 10 millions de fascistes du tout.
05:17Ce sont des gens, souvent, qui n'en peuvent plus, en fait.
05:21N'en peuvent plus du sentiment d'impuissance du politique, n'en peuvent plus de voir leur pays partir, selon eux, à volo.
05:28N'en peuvent plus de leur isolement, de l'abandon, de la fin des services publics, du désert médical,
05:34de ce sentiment d'absence totale de cap et d'autorité dans le pays.
05:39Donc, il faut répondre à ça.
05:42Il faut répondre à ça, mais ça ne prendra pas trois jours de répondre à ça.
05:45Donc, la vérité, c'est que là, nous sommes dans une morale de l'extrême urgence.
05:48Et nous sommes dans une morale de l'extrême urgence, en réalité, depuis le 9 juin,
05:51depuis la décision insensée du président de la République.
05:54Cette morale de l'extrême urgence, elle commande quoi ?
05:56D'empêcher la victoire du Rassemblement national, ce dimanche.
06:01C'est ça qui conduit à une union des contraires dans les urnes.
06:06Au fait que quand vous êtes de droite, vous serez appelé à prendre une décision qui est extrêmement difficile,
06:11c'est-à-dire mettre un bulletin de gauche dans l'urne.
06:13Que quand vous êtes de gauche, vous serez appelé à voter pour des gens aussi loin de vos idées que M. Darmanin.
06:19Et vous êtes sûr que les électeurs vont le faire, ça ?
06:22Non. Non, je n'en suis pas sûr.
06:24Et c'est pour ça que la petite musique qui s'installe dans les commentateurs, dans les politiques eux-mêmes,
06:29dans les élites parisiennes, qui est une petite musique de déni.
06:33Finalement, le boulet n'est pas passé très loin, mais nous avons sauvé les choses.
06:38Cette musique-là est extrêmement dangereuse.
06:40Et moi, je viens ici pour lancer un cri d'alarme.
06:44En fait, ce n'est pas parce qu'il y a eu des désistements républicains que les reports seront automatiques.
06:48Ce n'est pas parce que les appareils politiques ont décidé d'empêcher la victoire du RN
06:54que ça se traduira dans les urnes.
06:56Je crois que la vague, la lame de fond est encore extrêmement puissante.
07:00Et que finalement, dans ce déni-là, il y a un truc traditionnel qui habite les élites
07:05et qui est finalement, on se rassure, toujours à bon compte.
07:08On a voulu croire qu'on n'aurait pas de claque dimanche dernier.
07:13On a eu la claque. Pendant 48 heures, il y a eu une sorte de stupéfaction
07:17qui a conduit justement à des gestes politiques.
07:20Mais là, je sens déjà le sentiment d'urgence disparaître.
07:23Et moi, je veux dire, il n'y a rien de fait.
07:25Le rassemblement national peut ce dimanche avoir une majorité absolue
07:29et être aux commandes de notre pays.
07:31Parce que les gestes qui vont être demandés à chacune et à chacun,
07:35ce sont des gestes extrêmement compliqués.
07:37Moi, j'ai fait toute une campagne sur les européennes en demandant aux gens
07:40de voter avec leur cœur, pour leur conviction, en cohérence avec l'ensemble des principes
07:44qu'ils entendaient défendre.
07:45Et bien là, on leur demande une chose complètement inverse.
07:47Complètement inverse.
07:49On leur demande de mettre finalement sous le boisseau leurs envies
07:54pour hiérarchiser les périls et voter pour des gens dont ils ne partagent pas les idées.
08:00C'est un geste extrêmement difficile.
08:02Il ne faut pas le sous-estimer.
08:03Ce n'est pas simplement parce qu'il y a des consignes de vote
08:05que ça se traduira dans l'isoloir.
08:07Raphaël Guzman, vous parliez de vertige, de crise politique majeure.
08:10Mais il y a des décisions comme celle que vous avez prise
08:12de rejoindre le Nouveau Front Populaire, d'accepter de facto de soutenir des candidats LFI
08:17alors que vous étiez aux européennes, à couteau tiré, en raison de vos disergences sur l'Europe,
08:22sur le conflit en Ukraine, sur le Proche-Orient.
08:26Que dites-vous à vos électeurs qui se sentent peut-être trahis par votre volte-face
08:31et qui ont peut-être manqué dans les urnes,
08:33puisque le total gauche des législatives au premier tour
08:37est inférieur au total gauche des européennes ?
08:39Que je comprends.
08:40Que je comprends leur vertige à eux aussi.
08:43Et leur désarroi.
08:45Que je comprends leur trouble.
08:46Pourquoi ? Parce que moi-même je l'ai ressenti.
08:48Et ce que je veux dire, c'est que depuis le 9 juin,
08:53la seule pensée qui m'habite,
08:55la seule pensée qui m'habite,
08:57c'est de barrer la route à l'extrême droite.
08:59Parce que j'avais vu venir cette lame de fond.
09:01Et que la décision du Président de la République
09:03nous plongeait dans une morale de l'extrême urgence.
09:06Donc tout est pardonné avec Jean-Luc Mélenchon que vous aviez qualifié d'ingénieur du chaos début mai ?
09:10Pas du tout.
09:11Tout n'est pas pardonné.
09:12Mais là il y avait urgence pour créer une unité d'action électorale
09:16contre l'extrême droite.
09:18Il n'y a pas de coup d'éponge.
09:19Il n'y a pas d'ardoise magique.
09:21Il y a un rapport de force qui s'est prolongé.
09:23Et les négociations étaient extrêmement tendues
09:25puisque nous nous avions posé des lignes rouges extrêmement claires
09:28sur l'Ukraine justement, la construction européenne,
09:31les attaques du 7 octobre qualifiées de terroristes,
09:35la lutte contre l'antisémitisme ou la brutalisation du débat public.
09:38Mais rien n'est effacé.
09:40Rien n'est effacé.
09:41Il y a ce rapport de force.
09:43Et ce rapport de force à gauche s'est inversé.
09:46Inversé aux européennes.
09:48Avec les résultats des européennes.
09:50S'est inversé aussi dans la prise de parole publique.
09:53La réalité c'est que nous ne sommes pas en 2022.
09:55Personne ne fait campagne avec des affiches « Mélenchon Premier Ministre ».
09:59Il y a des voix qui se sont affirmées pendant cette campagne.
10:02Qui se sont affirmées de manière extrêmement forte.
10:04La gauche c'est François Ruffin.
10:08La gauche c'est Valérie Rabault.
10:10La gauche c'est Carole Delga.
10:12La gauche c'est des personnalités.
10:13C'est Laurent Laluc.
10:14La gauche c'est Marine Tondelier.
10:15C'est des personnalités extrêmement diverses qui se sont exprimées.
10:18Et qui ont été, malgré la différence de leurs opinions,
10:21unies dans une action électorale de résistance.
10:24Vous avez pu lui dire ça Jean-Luc Mélenchon ?
10:26Vous avez pu lui dire ?
10:27Je n'ai plus de blague depuis longtemps avec Jean-Luc Mélenchon.
10:30Est-ce que ce n'est pas ça le problème de la gauche aujourd'hui ?
10:32Mais ce que je vais vous dire, c'est que tout le monde a compris,
10:36d'abord, qu'il ne serait pas Premier ministre.
10:39Deuxièmement, que la France avait besoin d'apaisement.
10:43Troisièmement, que le bruit et la fureur ne fonctionnaient pas.
10:46Et que nous, ce que nous devions porter, c'est une ligne de réconciliation du pays.
10:51Et cela, ça s'est matérialisé, y compris pendant cette campagne.
10:56Et donc, je comprends moi, que l'intérêt des uns et des autres, des adversaires,
11:00d'abord la majorité présidentielle pendant tout le premier tour,
11:03puis aujourd'hui l'extrême droite,
11:05c'est de faire monter comme un épouvantail la figure de Jean-Luc Mélenchon.
11:08Mais la vérité, elle est totalement différente.
11:11Il y a eu une inversion des rapports de force.
11:13Il y a eu une inversion des rapports de force à gauche.
11:16L'hégémonie culturelle, politique, idéologique de Jean-Luc Mélenchon a pris fin.
11:20Et désormais, ce que nous devons faire,
11:22mais ça c'est vraiment quelque chose qui est essentiel,
11:24c'est nous focaliser sur les trois jours qui viennent,
11:27et sur la capacité que nous avons à mobiliser pour empêcher le pire d'arriver.
11:33Georges, bonjour.
11:35Oui, bonjour, merci de prendre ma question.
11:37Je vous en prie.
11:39Ecoutez, voilà, ma question est simple.
11:41Je suis d'origine polonaise, bilingue,
11:43et à l'âge de 16 ans, j'étais apatride.
11:46Et évidemment, j'adhère à toutes les propositions et toutes les idées de Raphaël Glucksmann,
11:51pour lesquelles j'ai une admiration sans borne pour la qualité de son discours.
11:55En revanche, je ne comprends évidemment pas son ralliement avec la gauche
11:59en tant que bilingue polonais.
12:02Vous voyez, si la France avait une frontière avec la Russie,
12:05elle se comporterait certainement autrement.
12:07Alors, ma question est très simple.
12:09Connaissez-vous le brévière des politiciens du cardinal Mazarin ?
12:13Alors, j'avoue...
12:15Merci Georges pour cette question.
12:18On la transmet à Raphaël Glucksmann.
12:20J'avoue mon inculture absolue.
12:22Et non, je ne connais pas le brévière des politiciens de Mazarin.
12:27Mais vous pensiez à quoi, Georges, alors ?
12:29Écoutez, c'est très simple.
12:31Il y a un résumé à la fin de cet ouvrage.
12:33C'est ceci.
12:34Premièrement, si nulle.
12:35Deuxièmement, dis si nulle.
12:37Troisièmement, ne te fie à personne.
12:39Quatrièmement, dis du bien de tout le monde.
12:41Cinquièmement, prévois avant d'agir.
12:44Donc, je suis un très mauvais politicien, je vous l'accorde tout de suite.
12:47Non, vous êtes un excellent.
12:48J'admire votre position.
12:50Mais vraiment, voter à gauche, je ne vais pas y arriver.
12:53Vous comprenez, je ne peux pas y arriver.
12:55Vous avez voté pour Raphaël Glucksmann aux européennes.
12:58Oui, bien sûr.
13:00Et là, vous ne pouvez pas voter à gauche.
13:03A gauche, je ne peux pas voter à gauche.
13:05Ce n'est pas possible.
13:06Avec tous ces gens-là, ce n'est pas possible.
13:08En tant que Polonais, en disant complètement bilingue avec une culture polonaise,
13:15je suis docteur Eslettre, je suis musicien, je suis un artiste.
13:19C'est mon métier.
13:20Et donc, l'appel à faire barrage, pour vous, c'est non ?
13:25Alors, écoutez, si, c'est bien sûr.
13:28Mais je ne sais pas quoi faire.
13:30C'est ça le problème.
13:31Je suis complètement déchiré.
13:33Comme les artistes, la plupart des artistes sont déchirés.
13:36Raphaël Glucksmann va vous répondre.
13:38Moi, j'entends votre déchirement.
13:40Et je sais que toutes les décisions que nous devons prendre depuis ce 9 juin
13:45sont extrêmement difficiles.
13:47Et je vous garantis que j'ai ressenti cette difficulté, que je la ressens encore.
13:52Mais justement, vous nous dites quoi ?
13:54Vous nous dites, en tant que Polonais, avec le souci de la sécurité de l'Europe,
13:58avec le souci de la guerre en Ukraine,
14:01de la nécessité de continuer et d'accélérer l'aide à la résistance ukrainienne,
14:06avec l'inquiétude fondamentale, existentielle pour l'Europe,
14:10d'un triomphe de Vladimir Poutine.
14:12Tout ceci doit nous conduire à faire barrage au Rassemblement national.
14:16Parce que là, c'est la cinquième colonne de Vladimir Poutine
14:19qui peut prendre le pouvoir dans notre pays.
14:22Alors oui, il y a toutes les raisons de détester des composantes de la gauche.
14:27Toutes les raisons d'en être inquiets.
14:29Mais aujourd'hui, qui peut prendre le pouvoir ?
14:31Qui peut changer le cours de notre destinée ?
14:35Qui peut offrir un triomphe politique à Vladimir Poutine ?
14:39Un triomphe que l'héroïsme des Ukrainiens lui refuse sur le champ de bataille ?
14:43C'est le Rassemblement national.
14:45Vous avez vu hier, le ministère des Affaires étrangères russe
14:49a appelé quasiment à voter pour le Rassemblement national.
14:53Pourquoi ? Parce que depuis dix ans,
14:55le Rassemblement national agit comme une cinquième colonne du poutinisme
14:59au sein même de notre démocratie,
15:01se met au service d'une tyrannie étrangère,
15:04hostile à nos intérêts et à nos principes.
15:07Le Rassemblement national a reconnu l'annexion de la Crimée,
15:10a servi de courroie de transmission à la propagande russe.
15:13Moi, je les ai vus au Parlement européen,
15:15voter contre l'aide à l'Ukraine,
15:17voter contre l'industrie de la défense européenne,
15:19voter contre tout ce qui permettait de sanctionner le régime russe
15:23et les milices Wagner qui pourtant s'en prenaient directement à nos soldats.
15:26Ce sont ces gens-ci qui peuvent prendre le pouvoir dans notre pays.
15:30C'est Monsieur Gentillet,
15:32ce sont les courroies de transmission du poutinisme.
15:35Et donc, en hiérarchisant les périls,
15:38je vous en conjure, malgré toute la difficulté,
15:41quelle est la principale menace ?
15:44Une fois qu'on identifie la principale menace,
15:46on vote contre elle et on utilise le bulletin
15:49de celui ou de celle qui est face au Rassemblement national,
15:52pas pour voter pour elle ou pour lui,
15:54mais pour voter contre l'ERN,
15:56pour retirer un député au Rassemblement national.
15:59Parce que si l'ERN a la majorité absolue,
16:01tout ce que vous et moi nous défendons
16:04sur l'Europe, sur l'Ukraine,
16:06sur la résistance au poutinisme depuis si longtemps,
16:09tout cela sera jeté aux oubliettes
16:12et nous aurons au pouvoir, au pouvoir,
16:15les amis, les laquais de Vladimir Poutine.
16:18Convaincu, Georges ?
16:20Juste un mot, pour clore,
16:22pour ne pas prendre l'antenne trop longtemps.
16:24Si mon intervention vous a aidé
16:28à vous exprimer de la manière dont vous le faites
16:30d'une maçon absolument magistral,
16:32je vous en félicite et je contribue pleinement
16:34à votre discours, soyez-en sûrs, absolument certains.
16:37Je vous remercie, et de toute façon,
16:39c'est dans le dialogue qu'on arrive à formuler ces arguments,
16:41en particulier dans une période aussi troublée.
16:43Il y a beaucoup de civilité, en tout cas,
16:45qui s'exprime aux standards d'Inter,
16:47et c'est formidable, Yael ?
16:49Oui, on entend le vote contre,
16:51mais c'est un vote pourquoi alors ?
16:53Contre l'extrême droite, mais pourquoi derrière ?
16:55Parce qu'il y a deux solutions, deux hypothèses.
16:57Soit une majorité absolue, l'ERN gouverne,
16:59si ce n'est pas le cas,
17:01Gabriel Attal a parlé d'une assemblée plurielle,
17:03projet par projet,
17:05donc tente de lier à Xavier Bertrand.
17:07Pardon, mais est-ce que ce périmètre-là
17:09a du sens, premièrement ?
17:11Et sur quelle base, sur quel projet,
17:13avec quel Premier ministre ?
17:15Déjà, je vais vous répondre, mais laissez-moi
17:17réhabiliter cette idée
17:19d'un vote contre. Ce n'est pas
17:21un vote indigne de voter
17:23contre. Vous savez, la politique...
17:25Ce n'est pas le pro.
17:27Moi, j'ai vécu une campagne des Européennes
17:29où j'ai demandé aux gens de voter avec leur cœur.
17:31Voter en accord avec leurs convictions.
17:33Et là, on se retrouve dans une situation
17:35où on demande exactement l'inverse, c'est-à-dire de voter
17:37contre, non plus de voter pour, mais de voter
17:39contre. Et c'est tout aussi
17:41important en politique d'être capable de voter
17:43contre. Et donc, ce qui se passe aujourd'hui, c'est
17:45oui, d'abord un vote contre. Et ensuite,
17:47qu'est-ce qui se passe ? Ensuite, si jamais
17:49nous arrivons à barrer la route au RN
17:51et à le priver d'une majorité absolue,
17:53eh bien, nous avons l'incertitude. Avec le
17:55RN,
17:57au pouvoir, nous avons la certitude du chaos.
17:59S'il n'y a pas le RN, nous sommes dans
18:01une situation inédite. Nous aurons
18:03une majorité absolue inexistante
18:05et donc nous aurons une assemblée
18:07divisée, plurielle.
18:09Tous les républicains mettent la main à la pâte.
18:11Et vous savez quoi ? Je vais vous dire
18:13quelque chose en confidence.
18:15C'est ce que nous avons depuis
18:17cinq ans, depuis que
18:19je suis député européen au Parlement
18:21européen. Une
18:23assemblée sans majorité constituée
18:25où vous êtes obligés de
18:27constituer des majorités texte
18:29par texte. Ce qui se passe
18:31dans 23 pays de l'Union européenne sur 27
18:33d'ailleurs. C'est-à-dire
18:35une situation où le
18:37Parlement existe. En fait,
18:39ce à quoi nous assistons dans ce cas-là,
18:41c'est à la transformation de la France
18:43en démocratie parlementaire.
18:45Et c'est effectivement une
18:47incertitude. On ne sait pas ce qui peut
18:49se produire. Mais l'incertitude
18:51n'est pas le chaos, c'est au contraire
18:53l'expérience d'une nouvelle forme de démocratie.
18:55Et au Parlement européen, vous savez,
18:57moi quand je porte par exemple le devoir de
18:59vigilance des entreprises, des multinationales, il faut
19:01que j'aille convaincre un libéral estonien
19:03ou une conservatrice slovaque
19:05qui sont très loin de ce que je pense.
19:07Mais sur un texte, sur un projet, on arrive
19:09à constituer une majorité.
19:11Et peut-être, peut-être que la
19:13France se rendra compte que
19:15son système aujourd'hui, où on a
19:17un Jupiter à la tête de l'État,
19:19où on a finalement une situation
19:21très paternaliste, une figure
19:23du père comme président, que ce
19:25système est à bout de souffle et que désormais
19:27il faut se comporter en adulte. Mais ça se supposera
19:29un changement de culture politique immense.
19:31Sortir des postures, sortir de l'entre-soi.
19:33Comprendre que la politique n'est pas simplement
19:35une AG à Nanterre.
19:37Comprendre qu'on doit aller discuter
19:39avec des gens qui ne partagent pas vos opinions pour
19:41essayer de faire aboutir des projets
19:43et des lois. Et quel rôle vous jouerez-vous
19:45là-dedans ? Moi, vous savez,
19:47j'ai dit pendant
19:49des mois que
19:51mon but était de construire
19:53la puissance
19:55européenne. Dans un moment où on en a
19:57plus besoin que jamais, alors que la guerre fait rage
19:59en Europe et alors que Vladimir Poutine
20:01peut compter, peut-être, sur l'élection
20:03de Donald Trump pour prendre en tenaille
20:05l'Europe. Eh bien, je serai
20:07au Parlement européen et je serai
20:09aussi à Paris pour aider à la
20:11Constitution, si vous voulez, de cet
20:13espace politique qui est le mien et que
20:15je veux continuer à porter.
20:17Je vais reprendre mon bâton de pèlerin. Moi,
20:19ce que je veux, c'est l'émergence d'une social-démocratie
20:21écologique dans ce pays,
20:23d'un espace de solidarité, d'humanisme
20:25qu'on a commencé à créer au moment des
20:27européennes et qui est
20:29absolument vitale pour notre démocratie.
20:31Moi, je n'ai renoncé à rien.
20:33S'il faut des gens de bonne volonté
20:35pour gouverner demain de manière provisoire,
20:37peut-être, Xavier Bertrand dit gouvernement provisoire,
20:39vous en serez ? Écoutez,
20:41jusqu'au 7 juillet,
20:43je vous en conjure, ne partez pas
20:45dans des plans sur la comète et dans des
20:47projections qui n'ont pas lieu
20:49d'être parce que personne ne sait.
20:51Et tous ceux qui vous prétendent à votre micro
20:53savoir mentent.
20:55Personne ne sait ce qui sera issu des élections.
20:57Mais est-il exact que vous recevez
20:59des messages, des appels de l'Élysée ?
21:01Non, de l'Élysée, je ne sais pas.
21:03Je reçois des SMS venant de cet
21:05espace politique-là et auxquels je ne réponds pas
21:07pour la simple et bonne raison que jusqu'au 7 juillet,
21:09mon seul objectif, et c'est le
21:11cas depuis le 9 juin.
21:13Il vous demande quoi par SMS ?
21:15C'est ce qu'ils vous disent.
21:17Je ne pense pas que ce soit
21:19le moment aujourd'hui.
21:21La seule chose qui compte pour moi,
21:23c'est de faire en sorte que
21:25ce pays ne soit pas gouverné par le Rassemblement
21:27National à l'issue du vote de
21:29ce dimanche. Et rien n'est joué,
21:31rien n'est joué. Chaque mobilisation
21:33compte. Chaque parole que vous
21:35utilisez, que vous diffusez compte.
21:37Chaque personne que vous convainquez
21:39compte. Vous en connaissez, vous, des personnes
21:41qui votent RN ? Ou qui vont voter
21:43RN au certain tour ? Vous leur dites quoi ?
21:45Et c'est la grande différence, d'ailleurs,
21:47avec il y a 10 ans.
21:49Quand je regardais dans mon cercle de sociabilité, j'en connaissais
21:51pas, je dois l'avouer. Et là, j'en connais.
21:53Et je connais des gens, et même
21:55un ami d'enfance, par exemple,
21:57qui vote extrêmement proche, qui a
21:59basculé et qui vote RN. Et je ne vais pas me mettre
22:01face à lui en me levant le poing
22:03et en disant « non pas Sarane ».
22:05Moi, ce que j'entends, c'est son trouble,
22:07ça bascule.
22:09Ça bascule face à l'insécurité,
22:11face au fait qu'il a l'impression que les gens qui
22:13dirigent notre pays n'arrivent plus à le dire,
22:15n'arrivent plus à l'aimer, n'arrivent plus à le raconter,
22:17n'arrivent plus à le faire vivre, que la France se délite.
22:19Il reste mon ami.
22:21Mais des fois, la discussion, elle devient extrêmement
22:23compliquée, je l'avoue. Mais bien sûr
22:25qu'il reste mon ami, c'est mon ami d'enfance. Et vous savez,
22:27quand on était jeunes, on allait faire des manifestations
22:29pour les sans-papiers ensemble. Donc c'est pas du tout
22:31quelqu'un qui est né dans un milieu de droite
22:33ou d'extrême droite.
22:35Et cette bascule-là, tout le monde dans son
22:37cercle en a. Et à ces gens,
22:39on ne va pas se mettre face à eux et leur dire
22:41vous êtes des fascistes, on va essayer de comprendre,
22:43de comprendre. Et simplement, ce que je dis là,
22:45c'est que là, on a trois jours pour éviter le pire.
22:47Mais que derrière, derrière, il va falloir
22:49penser les plaies, il va falloir
22:51réconcilier ce pays fracturé,
22:53il va falloir apaiser, il va falloir
22:55raconter à nouveau la France,
22:57dire à quel point on l'aime, et dire
22:59ce qu'elle peut devenir.
23:01Et ça, c'est quelque chose que les politiques ont cessé
23:03de faire, et en particulier à gauche.

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