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Ce vendredi à 8h20 dans le grand entretien, notre invité est l'eurodéputé Place Publique Raphaël Glucksmann. Nous sommes au lendemain de la victoire de Donald Trump, et ce sera au menu des discussions entre les dirigeants européens réunis à Budapest. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-vendredi-08-novembre-2024-4403624

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00:00Et le grand entretien ce vendredi matin avec Marion Lourdes, nous recevons un député
00:05européen en place publique au lendemain de la victoire de Donald Trump et alors que les
00:09dirigeants européens sont réunis à Budapest, il est membre de la commission des affaires
00:14étrangères au Parlement de Bruxelles, il est membre de la commission du commerce international.
00:19Vos questions, interventions chers auditeurs au 01 45 24 7000 ou sur l'application Radio
00:26France.
00:27Raphaël Glucksmann, et bienvenue, ce matin vous vous sentez l'âme d'un herbivore ou
00:32d'un carnivore ? Je me sens l'âme d'un européen qui va se retrouver seul comme tous les européens
00:40face à la guerre sur notre continent, face à Vladimir Poutine, face à l'instabilité
00:45du monde, face à la catastrophe climatique et donc l'âme de quelqu'un qui a compris
00:49qu'il est temps de devenir adulte, je sais pas herbivore, carnivore, omnivore, tout ce
00:53que vous voulez, mais surtout adulte, capable d'assurer sa propre sécurité, capable d'assumer
00:59enfin d'être autonome sur la scène internationale.
01:02Mais pour que tout le monde comprenne, c'était une référence à la déclaration d'Emmanuel
01:06Macron à Budapest quand il disait « je n'ai pas l'intention de laisser l'Europe comme
01:10un théâtre habité par des herbivores que des carnivores, selon leur agenda, viendraient
01:15dévorer ». C'est assez frappant de voir revenir le langage de la souveraineté alors
01:21que c'est finalement le résultat ou le verdict d'une élection démocratique ce
01:26qui s'est passé aux Etats-Unis.
01:27Pourquoi la déplorez-vous Raphaël Glucksmann ? Après tout, les Américains avaient le
01:32choix, ils ont choisi, ils ont choisi largement qui sera leur président, au Sénat qui aura
01:39la majorité, également à la Chambre des représentants, vous n'avez pas l'impression
01:44d'être à contre-temps ?
01:45Vous savez, moi je déplore rien, je déplore rien, les Américains ont choisi.
01:50Ce que je déplore, ce n'est pas le choix des Américains, c'est le fait que nous,
01:55en Europe, nous nous soyons comportés comme d'éternels adolescents et que nous ayons
02:00pensé que le parapluie américain était éternel et que donc ça nous dispensait de
02:04travailler, de travailler pour construire notre défense, de travailler pour renforcer
02:08notre industrie, de travailler pour ne pas dépendre justement de la décision des électeurs
02:13en Pennsylvanie pour savoir si Berlin, Vilnius ou Varsovie seront défendus ou pas.
02:19Moi, c'est ça que je déplore, c'est notre propre inaction.
02:21Ensuite, les Américains font leur choix.
02:23Moi, je ne suis pas américain, nous ne sommes pas américains, mais le fait que nous ayons
02:26passé une nuit blanche en ayant l'impression que notre destin était lié aux élections
02:31en Pennsylvanie, ça montre bien à quel point le comportement des élites européennes
02:36pendant des années et des années a été indolent.
02:38Et pourtant, elles nous avaient promis, ces élites européennes, que le 24 février 2022
02:42avec l'invasion de l'Ukraine, il y aurait un changement d'air, que ce serait la fin
02:45de la naïveté.
02:46C'est ce qu'on a fait depuis.
02:47Et aujourd'hui, on se retrouve dans une situation et j'aimerais que tout le monde comprenne
02:51la gravité de cette situation.
02:53On se retrouve dans une situation où l'Europe, l'Europe, pas simplement l'Ukraine, l'Europe
02:57peut se retrouver dans la situation de la Tchécoslovaquie en 1938, c'est-à-dire qu'un
03:02deal, rien de moins, un deal va s'établir entre Donald Trump et Vladimir Poutine.
03:07Et nous, comme les représentants de la Tchécoslovaquie en 1938 à Munich, nous allons être à côté.
03:14Nous allons être à côté pendant que les grands décident de notre avenir.
03:18Et donc, c'est pour ça que les semaines, les mois qui viennent sont absolument décisifs.
03:23Mais ça veut dire, Raphaël et Glucksmann, que vous reprenez à votre compte les accusations
03:27par exemple de fascisme à l'égard de Donald Trump qui ont été prononcées par ses opposants
03:31et même par Kamala Harris elle-même ?
03:33Il y a dans l'outrance, dans la brutalisation, dans les thématiques, dans l'éthos de Donald
03:39Trump, une dimension fascinante.
03:40Mais moi, ce n'est pas ça que je dis.
03:42Je ne dis pas que Donald Trump va envahir l'Europe et détruire la France.
03:45Ce que je dis, c'est quelque chose de différent.
03:47Ce que je dis, c'est que nous sommes dans une situation diamétralement différente
03:52de celle de 2016.
03:54Et que je vois les mêmes commentateurs qui nous expliquaient que Donald Trump allait perdre
03:58les élections, aujourd'hui nous dire que finalement, on a déjà survécu à un mandat
04:02de Donald Trump.
04:03Or, la situation mondiale n'a rien à voir avec ça.
04:05Ce qui est vrai.
04:06Mais un, Donald Trump n'avait pas tous les pouvoirs.
04:08Aujourd'hui, il a tous les pouvoirs aux Etats-Unis.
04:12Deuxièmement, il était entouré de hauts fonctionnaires et de militaires qui tentaient
04:15de calmer ses instincts.
04:17Aujourd'hui, il n'est entouré que d'idéologues.
04:19Mais c'est surtout la situation de l'Europe et du monde qui a changé.
04:23En 2016, vous n'aviez pas l'invasion totale de l'Ukraine par la Russie.
04:28Vous n'aviez pas la guerre menée contre les démocraties européennes par Vladimir
04:32Poutine.
04:33Pas à ce niveau-là.
04:34Vous n'aviez pas non plus le Proche-Orient à ce point en flamme.
04:37Vous n'aviez pas non plus une faiblesse interne de l'Union européenne et de nos
04:41démocraties.
04:42Ça arrive à un moment, j'aimerais qu'on le comprenne, à un moment où vous avez Orban
04:47qui affirme sa puissance en Europe, où vous avez des gouvernements d'extrême droite
04:51dans plus en plus de pays européens et où vous avez une France et une Allemagne qui
04:56sont dans une situation de faiblesse et de crise politique majeure.
04:58Si on lit la presse, on lit notamment qu'à Bruxelles, il y avait une cellule diplomatique
05:03qui travaillait depuis des semaines sur le scénario d'un retour de Trump à la Maison-Blanche.
05:06Et en même temps, hier, à ce micro, on avait Thierry Breton, ancien commissaire européen
05:10qui nous disait « l'Europe n'est pas prête ».
05:12Est-ce que l'Europe est prête ou pas ?
05:14Thierry Breton avait totalement raison à votre micro.
05:17Nous ne sommes pas prêts.
05:18Pourquoi ?
05:19On est en train en ce moment de faire les auditions des commissaires, des futurs commissaires
05:22européens.
05:23Et on a eu une audition qui était particulièrement intéressante avec le commissaire à la Défense
05:28et il a fait un état des lieux.
05:30Mais s'il vous plaît, quelle catastrophe.
05:33Après deux ans et demi de guerre, le continent européen dans son ensemble n'est pas capable
05:39de livrer un tiers à l'Ukraine, un tiers des munitions que lui livre la seule Corée
05:45du Nord.
05:46Vous vous rendez compte, la Corée du Nord, c'est 655 fois moins de PIB que l'Europe.
05:51Parce qu'il y a du retard.
05:52Et ils livrent plus.
05:53Parce que nous n'avons pas travaillé.
05:54Parce que quand Emmanuel Macron a dit à l'été 2022 que nous allions passer en économie
05:58de guerre, qu'est-ce qu'il s'est passé ensuite ?
06:00Même pas de contrat à long terme pour nos industries de défense.
06:02Vous faites quoi ?
06:03Vous faites quoi ?
06:04Nous, au Parlement européen et avec la Commission européenne, on essaye de pousser.
06:08Moi, je travaille sur Édipe qui est l'embryon de la défense européenne.
06:13On a demandé un fonds, un emprunt de 100 milliards pour relancer l'industrie de la
06:19défense en Europe.
06:20Ce sont les États membres, c'est à Paris, c'est à Berlin que finalement on a préféré
06:24maintenir sa tête dans le sable en espérant que ça passe et en comptant sur les États-Unis.
06:28Mais aujourd'hui, on ne peut plus compter sur les États-Unis et c'est une situation
06:30inédite depuis 1945.
06:32Mais l'OTAN est toujours en place, Raphaël Glucksmann, nous en sommes toujours membres,
06:36les États-Unis sont toujours nos alliés.
06:38Qu'est-ce qui a changé à part que Donald Trump demande aux Européens de davantage
06:43contribuer à la dépense pour se défendre et que nous n'avons pas les moyens ?
06:48Là-dessus, Donald Trump, quand il dit qu'il faut que les Européens dépensent pour leur
06:52propre sécurité, il a totalement raison.
06:55C'est le discours qu'on porte tout le temps au Parlement européen.
06:57Mais ce n'est pas que ça qu'il dit Donald Trump.
07:01Donald Trump, il dit je vais régler l'Ukraine en 24 heures et je vais discuter avec Vladimir
07:05Poutine.
07:06Donald Trump, il dit le numéro de téléphone de l'Union européenne, c'est le numéro
07:09de téléphone du premier ministre hongrois, d'Orban.
07:12Donald Trump, ce qu'il dit, c'est qu'il faut négocier avec Poutine l'architecture
07:16de sécurité européenne.
07:18Donald Trump, c'est la capitulation de l'Europe décidée ailleurs qu'en Europe.
07:24Et donc, nous, on est dans une situation où on doit, dans les semaines et dans les mois
07:29qui viennent, faire ce qu'on n'a pas fait pendant les années qui précèdent, c'est-à-dire
07:32augmenter nos capacités de production autonome, affirmer une politique industrielle autonome,
07:38nous préparer aussi à la guerre commerciale que Donald Trump a annoncée, quand il dit
07:42qu'il va augmenter les tarifs de 10 ou de 20% pour les exportations européennes.
07:47Il faut faire la même chose.
07:50Mais est-ce que ça va avoir comme impact ? Déjà, ce sera un impact majeur.
07:53C'est notre premier partenaire commercial.
07:54Mais est-ce que nous, on doit faire la même chose ? On ne l'a pas fait sous la première
07:55présidence Trump.
07:56Parce que, là-dessus, je suis d'accord, nous sommes dans une mentalité d'herbivore
07:59pour reprendre les métaphores politiques de notre président et que du coup, on a simplement
08:06protesté.
08:07Ça doit prendre fin.
08:09Cette naïveté et cette faiblesse de l'Europe doivent prendre fin.
08:12Moi, j'ai travaillé pendant tout le précédent mandat et je continue à le faire sur les
08:16instruments de défense commerciale.
08:17Aujourd'hui, l'Europe doit être capable, face à la coercition chinoise, face à la
08:23surcapacité de production chinoise.
08:25Si vous voulez, dans quelques mois, en 2026, nos portes seront ouvertes à la surproduction
08:31chinoise d'acier.
08:32Il n'y aura plus d'acier produit en Europe si on ne fait rien.
08:35Donc, il faut qu'on soit capable désormais de soutenir des guerres commerciales.
08:37Ça veut dire de répondre de manière forte, énergique à chaque action américaine qui
08:44aura un impact sur notre économie.
08:46Il n'y a que cela que Donald Trump entendra.
08:49Il n'y a que cela que d'ailleurs ces gens à la mentalité automataire entendent.
08:52Et ce qui est assez intéressant, c'est que dans les discours de Trump, vous en parliez
09:05déjà, il y a longtemps, dans l'un de vos livres, il s'est parlé aux travailleurs
09:09du Midwest.
09:10Il les aime.
09:11Il jure de les défendre.
09:13Je vous cite.
09:14Est-ce que vous saluez aujourd'hui l'authenticité d'un homme qui a su convaincre ses compatriotes ?
09:18Est-ce que vous admirez le génie politique ?
09:21Et est-ce que l'histoire ne lui a pas donné raison ?
09:23Je me fais l'avocat de votre diable.
09:25Moi, ce que j'ai toujours refusé, c'est le déni.
09:29J'ai passé une campagne des européennes à expliquer partout, y compris à votre
09:34micro, que le 5 novembre, il y avait de fortes chances que Donald Trump gagne les élections
09:40et que l'Europe se retrouve seule.
09:42Moi, pourquoi j'ai pensé que Donald Trump allait gagner ?
09:45Parce qu'en fait, il faut faire une expérience de sincérité radicale.
09:49Il faut regarder le discours, écouter en entier le discours prononcé par Trump dans
09:54le Michigan en 2016, pendant sa première campagne présidentielle, quand il s'adresse
09:58à des ouvriers qui sont dans des friches industrielles.
10:01Le paysage, c'est les friches industrielles de Détroit.
10:03Et il s'adresse aux ouvriers et il dit qui a gagné de cette globalisation sans limite ?
10:09Qui sont les gagnants ?
10:10Eh bien, ce sont les milliardaires dont il s'exclut d'ailleurs, les milliardaires
10:16américains et le parti communiste chinois.
10:18Et vous êtes les perdants.
10:19Et si on fait une expérience de sincérité politique et de sincérité intellectuelle,
10:24on est obligé, en écoutant son discours, de se dire ça, c'est vrai.
10:28Et en fait, la base de son succès est donc fondée sur une vérité.
10:33Et cette vérité, c'est que la classe ouvrière américaine a été complètement abandonnée
10:38par les politiques, mais par les démocrates.
10:40Et que du coup, la seule manière de vaincre cette vague populiste qui gagne aux Etats-Unis,
10:50qui menace de gagner en Europe absolument partout, c'est de répondre à cet abandon
10:55et de mettre fin à cet abandon.
10:56Justement sur la classe ouvrière, on a en ce moment des plans sociaux qui se multiplient
11:00chez nous.
11:0152 000 entreprises en difficulté, des salariés de Michelin qui bloquent leurs usines parce
11:05qu'elles vont être fermées à Cholet à Vannes.
11:08Est-ce qu'il faut faire un discours comme celui de Donald Trump quand vous êtes de
11:10gauche, la gauche européenne, la gauche française, est-ce qu'elle doit s'en inspirer ?
11:13Il faut faire un discours comme celui de Donald Trump, je vous rassure.
11:16Lucie Castex va aller sur place, du NFP, François Ruffin va y aller, vous allez y aller ?
11:20Oui, mais par contre, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on est face à un spectre qui
11:27est celui de la désindustrialisation totale du continent européen, de la multiplication
11:33des friches industrielles.
11:34Ce qu'il faut faire, c'est mener à nouveau une politique industrielle.
11:37C'est tout ce qu'on essaye de porter depuis des mois et des mois à l'échelle européenne,
11:44une politique industrielle, une réindustrialisation du continent européen, de à nouveau focaliser
11:50notre discours aussi sur le travail et sur la production.
11:53Parce qu'en fait, si on ne le fait pas, ceux qui le feront, ce seront les Donald Trump
11:57européens.
11:58Et vous avez le même phénomène en France que dans la Rust Belt.
12:02Par exemple, dans le sud de la France, vous avez un vote pour l'extrême droite qui est
12:05très identitaire, mais dans le nord de la France, dans des terres ouvrières qui ont
12:09toujours voté à gauche.
12:10De génération en génération, on se transmettait la carte de la SFIO ou du parti communiste
12:15français.
12:16Et aujourd'hui, ça vote Rassemblement National.
12:18Pourquoi ? Parce qu'en fait, la gauche a complètement déserté la question du travail,
12:22de l'industrie, de ces friches que sont devenues les terres industrielles européennes.
12:29On va y revenir justement, puisque vous tirez des leçons du scrutin américain pour ce
12:33qui concerne la France.
12:34Mais on va d'abord aller au standard, retrouver Sylvie.
12:37Bonjour Sylvie et bienvenue sur Inter.
12:40Bonjour, bonjour M. Glucksmann, bonjour Ari Baddou, je souhaiterais demander, je suis
12:48très intéressée bien sûr par rapport à ce que vous nous dites depuis tout à l'heure
12:53M. Glucksmann.
12:55Moi, je me pose une question.
12:57Vous nous parlez, on entend depuis que M. Donald Trump a été élu qu'il faudrait
13:03un sursaut de l'Europe, qu'il faudrait une réaction de l'Europe qui soit à la
13:08mesure de ce qui vient de se passer.
13:10Moi, la question que je me pose, c'est comment l'Europe est-elle en mesure de répondre
13:16à ce qui vient de se passer, de répondre entre guillemets, compte tenu des divergences
13:20qui existent, que l'on ne peut nier au sein de l'Europe.
13:24Quand on voit la composition aujourd'hui au sein du Parlement européen, on a une
13:30Georgia Melanie qui n'a rien en commun avec vous, par exemple, M. Glucksmann, ensuite
13:37on a un Viktor Orban, on a les Autrichiens, enfin, bonjour pas, c'est des meilleurs,
13:43et donc, en l'occurrence, et même l'Allemagne aujourd'hui avec un Olaf Scholz qui est
13:49en difficulté.
13:50Et on pourrait continuer la liste, Sylvie, puisque c'est vrai que les Etats européens
13:54sont profondément divisés, contrairement à la situation qui était celle d'il y
13:58a quelques années.
13:59Répondez à Sylvie, vous parlez de l'Europe, mais peut-être que l'Europe, ça n'existe
14:03plus sous la forme que vous la rêvez ?
14:06Je suis d'accord et c'est profondément vertigineux, c'est pour ça que j'essaye
14:11d'alerter sur la réalité de la situation, je suis d'accord que ça sera extrêmement
14:15compliqué et que nous sommes divisés.
14:17Vous savez, le Parlement européen aujourd'hui n'est pas le Parlement européen d'il
14:20y a cinq ans.
14:21Le Parlement européen aujourd'hui, il y a un tiers de députés d'extrême droite
14:24qui sont activement opposés à tout redressement européen.
14:29Dans les Etats membres, il y a cinq, six chefs d'Etat et de gouvernement aujourd'hui
14:35qui sont sur la ligne, en réalité, de Viktor Orban et sur une ligne trumpiste de compromis
14:39d'ailleurs avec Poutine.
14:42Il faut aujourd'hui que ceux qui croient dans l'Europe proposent un cap un peu plus
14:47impressionnant, un peu plus enthousiasmant, un peu plus mobilisateur que ce qui a été
14:50fait jusqu'ici et finalement, c'est un moment de bascule.
14:54Il aurait fallu reprendre exactement les termes du premier ministre polonais avant
14:59même l'élection de Donald Trump en disant que c'était un moment de bascule et qu'il
15:03fallait que les grands pays européens servent de locomotive.
15:06Aujourd'hui, si vous voulez que je vous dise vraiment le fond de ma pensée, aujourd'hui,
15:09la locomotive de l'Europe, ce n'est plus la France, ce n'est plus l'Allemagne,
15:13c'est la Pologne.
15:14Alors, c'est un changement complet au sein de l'Union européenne, mais le pays stable,
15:19le pays qui a compris dans quelle période on vivait, c'est la Pologne.
15:22Et donc, il va falloir qu'avec le Parlement européen, avec la Commission européenne,
15:26avec les Etats qui sont les plus avancés, on fixe un agenda qui correspond d'ailleurs
15:30aux rapports qui ont été produits, les différents rapports, l'Etat, Draghi, qui
15:33disent tous la même chose, le risque de décrochage.
15:35Et donc, en fait, nous, aujourd'hui, on doit fournir cette vision.
15:38Ça ne se passera pas sans heure au sein même de l'Union européenne, parce qu'on a des
15:42chevaux de Troie de Poutine et de Trump maintenant au sein des institutions, mais il reste une
15:46majorité en Europe pour fixer ce cap à condition, à condition, encore une fois, d'en avoir
15:52la volonté.
15:53Et moi, mon immense doute, vous savez, là, on est en plein dans les auditions des commissaires.
15:56Vous vous ennuyez d'ailleurs, en les écoutant.
15:59Pendant toutes les auditions, sauf une, celle de Monsieur Kubilius, je me disais mais en
16:04fait, elle est là la raison du triomphe de Donald Trump.
16:08Elle est là la raison du triomphe de Donald Trump.
16:09Pendant quatre heures, ils sont capables, je ne veux rien dire, pendant quatre heures.
16:13Oui, je vous interromps juste une seconde.
16:14Et face à ça, vous avez Trump qui arrive et qui dit des choses, des choses qui nous
16:17choquent, mais tout d'un coup, c'est une irruption de puissance et de vie.
16:20Et qui s'adresse à la classe ouvrière et qui s'adresse aux populations les moins diplômées,
16:26par exemple.
16:27Vous faites le parallèle avec ce qui se joue en France, mais le paradoxe, c'est que François
16:31Ruffin et vous avez eu un différent et François Ruffin vous reprochait justement d'être déconnecté
16:37des classes populaires, d'avoir oublié les classes populaires et d'être incapable de
16:42vous adresser à eux.
16:43C'était un échange intéressant.
16:45Mais finalement, est-ce qu'on ne peut pas vous reprocher ce que vous vous reprochez
16:49aux démocrates américains ?
16:50Non, tout le projet que j'ai porté pendant les européennes, c'était un projet sur la
16:55réindustrialisation, justement sur la réorientation des politiques commerciales.
16:59Vous n'allez pas dans les usines, on ne vous voit pas.
17:02J'ai passé toute ma campagne, je n'étais pas dans les tiers lieux des grandes métropoles.
17:06J'ai passé toute ma campagne dans les usines et dans les fermes.
17:10Donc, je veux dire, on ne peut pas me faire ce reproche-là.
17:13Et le projet que je porte, il s'adresse d'abord aux terres qui ont été les victimes de la
17:17globalisation et qui ont été complètement désindustrialisées et abandonnées.
17:21Donc, ça, ce n'est pas un reproche qu'on peut me faire.
17:23La grande différence qu'on avait dans cet échange avec François Ruffin, qui d'ailleurs
17:28était un échange courtois, ce qui n'arrive pas souvent en politique, eh bien, la grande
17:32différence, c'était que moi, je pense que c'est à l'échelle européenne qu'on peut
17:36réorienter les politiques et pas simplement à l'échelle nationale.
17:40Et que donc, c'est à l'échelle européenne qu'il faut mener les batailles politiques.
17:44Et ce que je fais, moi, eh bien, c'est précisément de m'investir dans cette arène européenne.
17:49Je ne peux pas avoir fait une campagne, une campagne sur les Européennes où j'ai expliqué
17:53que c'était le combat de ma vie et que par ailleurs, l'Europe était face à un moment
17:58où c'était finalement la chute ou le redressement et que les mois qui viennent sont décisifs.
18:04Et ensuite, ne pas passer mon temps dans les institutions européennes à me battre sur
18:07la réindustrialisation, à me battre pour qu'on n'abandonne pas la transition écologique
18:12et qu'on en fasse un immense projet industriel, à me battre pour qu'on réoriente nos politiques
18:16commerciales, à me battre pour qu'on mette en place enfin cet embryon d'Europe de la
18:20défense qu'est le projet Edip, à me battre pour qu'on soit au niveau, au sein des institutions
18:26européennes.
18:27C'est pour ça que j'ai été élu et finalement, si vous voulez, aujourd'hui, le combat qui
18:31est le mien, c'est qu'on ait conscience qu'on ne s'en sortira que par l'Europe.
18:38Je note toutes les difficultés.
18:40Mais en France, au sein d'un camp, la gauche, où on a l'impression qu'il y a des positions
18:44absolument irréconciliables et que...
18:46Sur l'Europe.
18:47Oui, par exemple, mais sur des tas d'autres sujets, notamment sur la politique étrangère,
18:52sur le conflit au Proche-Orient, il y a Loubière qui vous demande pourquoi vous parlez tout
18:56le temps de l'Ukraine, mais que vous ignorez le drame palestinien, ce n'est pas un sujet
19:01d'importance ?
19:02C'est un sujet fondamental et je ne l'ignore absolument pas et je suis au Parlement européen
19:10pour une politique d'une fermeté infiniment plus grande à l'égard de Benjamin Netanyahou.
19:14Et Benjamin Netanyahou peut sabrer le champagne après l'élection de Donald Trump et il va
19:18falloir que l'Europe assume d'avoir une position beaucoup plus dure.
19:21Ce que j'essaye de dire, c'est que le conflit en Ukraine, ce n'est pas un conflit en Ukraine,
19:26c'est une guerre qui est lancée contre l'Europe, que notre responsabilité c'est d'abord d'assurer
19:32la sécurité des Européennes et des Européens et que donc la guerre en Ukraine, ce n'est
19:37pas une guerre à l'étranger et que j'ai l'impression, moi, qu'on s'est habitué
19:43à cette guerre comme si elle était une guerre lointaine.
19:46Mais en réalité, la cible de Vladimir Poutine, c'est l'Europe, ce n'est pas le Donbass
19:52ou la Crimée.
19:53Et d'ailleurs, dans les exigences que Vladimir Poutine pose sur la table avant même l'invasion,
19:57quand il amasse ses troupes, il ne parle pas de l'Ukraine seulement, il parle de l'architecture
20:01de sécurité en Europe.
20:03Il parle des missiles en Europe, il parle de nos troupes chez nous et donc sa cible,
20:08c'est nous.
20:09Et c'est pour ça que j'en parle autant, si vous voulez, c'est que j'ai l'impression
20:12qu'on est tous des autruches, qu'on se met la tête dans le sable et qu'on espère
20:15que ça va se résoudre.
20:16Ça ne va pas se résoudre.
20:17Il faut parler de la COP 29 et du climat parce que c'est important et que l'élection
20:21de Trump a aussi une influence là-dessus.
20:23La présidente de la Commission européenne n'y va pas, Emmanuel Macron n'y va pas
20:26non plus.
20:27C'est en Azerbaïdjan, c'est une façon aussi de mettre en lumière les dissensions
20:30avec ce régime de Bakou.
20:31Est-ce qu'ils ont raison ?
20:32Mais les COP ne peuvent pas servir de « human rights washing » si vous voulez, de lavage.
20:40Non ! À Bakou, à des régimes tyranniques.
20:44Donc il ne faut pas y aller.
20:45On doit, clairement si jamais on y va en tout cas, on doit porter la voix des otages
20:53arméniens, porter la voix des dissidents azeris qui sont dans les geôles d'Aliyev
20:56et on doit avoir une politique infiniment plus dure à l'égard de l'Azerbaïdjan.
20:59Et d'ailleurs, ce ne sera pas à cette COP qu'on va pouvoir mettre en place véritablement
21:03la lutte contre le réchauffement climatique et la catastrophe climatique.
21:06C'est là aussi une politique de l'autruche, là aussi un grand raté de l'Europe parce
21:11que c'est la manière d'affirmer la puissance européenne.
21:14Ce sera par la transition écologique et tous ceux qui aujourd'hui prennent pour
21:18cible le Green Deal, le pacte vert européen, se trompent de cible parce que c'est ce
21:23pacte vert qui nous permettra d'affirmer la puissance européenne.
21:27Alors il y a l'échelle internationale, l'échelle européenne, il y a aussi en France
21:30et on sait que c'est déterminant l'échelon politique national.
21:34Pour la première fois, François Ruffin envisage de participer à l'élection présidentielle.
21:38Je le cite, 2027 est une carte qui est sur la table, c'est la première fois qu'il
21:43se positionne dans la course à l'Elysée.
21:45Qu'est-ce que ça vous inspire et est-ce que vous pourriez le rejoindre ? C'est une
21:49citation de son conseiller.
21:50Je ne vais absolument pas parler de 2027, c'est un moment où je ne sais pas si l'Europe
21:54sera encore en paix en 2025.
21:56Je vais vous le dire très cash, je pense que ce n'est pas du tout, du tout, du tout
22:00le moment de parler de 2027.
22:02Je suis tout à fait d'accord pour dire que la voix de François Ruffin est essentielle
22:05et nécessaire à gauche et qu'il apporte sa personnalité, il apporte son souci du
22:09monde du travail, il apporte son souci de la justice sociale et que c'est formidable.
22:13Mais le sujet là, qui va nous préoccuper toutes et tous et qui devrait être au cœur…
22:16Vous m'arrêtez pas à vous cocher ou c'est le raisonnement herbivore ?
22:18Non mais le sujet là, dans les semaines et les mois qui viennent, qui devrait obséder
22:24le débat public en France et en Europe, c'est comment on fait pour encore exister sur la
22:29scène internationale, pour ne pas subir la loi des Trump, des Poutine, des Orban dans
22:33les semaines qui viennent ? 2027, ce n'est vraiment pas le sujet.
22:36Merci Raphaël Glucksmann d'avoir été l'invité de France Inter ce matin, à suivre la Revue de Presse.

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