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À l'occasion de la visite d'Emmanuel Macron en Israël, la journaliste Sylvie Kauffmann, l'essayiste Dominique Eddé et la députée européenne Nathalie Loiseau étaient les invitées du Grand Entretien, mardi 24 octobre. Elles appellent à reprendre le processus de paix, même si "le chemin va être long".

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Transcription
00:00 C'est le double ronde ce matin dans le grand entretien de la matinale alors qu'Emmanuel
00:03 Macron vient d'arriver en Israël.
00:05 Quelle doit être la position française dans ce conflit ? La France a-t-elle encore une
00:10 voix au Proche-Orient ? On pose Léa la question ce matin.
00:13 Ah Dominique Edde, d'abord.
00:15 Roman Siaré, essayiste libanaise, vous êtes avec nous en duplex de Beyrouth et vous avez
00:18 écrit une lettre à Emmanuel Macron publiée dans l'Orient le jour hier, juste avant son
00:23 arrivée au Proche-Orient.
00:24 Bonjour à vous.
00:25 Sylvie Kaufmann, vous êtes éditorialiste au Monde, spécialiste des affaires internationales,
00:30 vous êtes auteur d'un livre qui vient de sortir, "Les aveuglés, comme en Berlin et
00:33 Paris ont laissé la voie libre à la Russie", qui vient de paraître chez Stock.
00:37 Nathalie Loiseau, vous êtes eurodéputée, membre du groupe Renew, présidente de la
00:41 sous-commission Sécurité et Défense du Parlement européen et ancienne ministre
00:45 des Affaires européennes.
00:46 Merci à toutes les trois d'être là ce matin, trois femmes.
00:49 Oui, et après l'américain Joe Biden, après l'allemand Olaf Scholz, après le britannique
00:54 Rishi Sunak, après la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et plusieurs
00:59 autres, Emmanuel Macron est donc ce matin en Israël, il va rencontrer les familles
01:03 des victimes, il a rencontré les familles des victimes françaises, il va rencontrer
01:09 le Premier ministre Benjamin Netanyahou et peut-être le chef de l'autorité palestinienne
01:14 Mahmoud Abbas.
01:15 Alors que le conflit s'embrase, qu'attendez-vous de ce voyage du président de la République,
01:20 quel message doit-il transmettre selon vous, Nathalie Loiseau ?
01:23 D'abord, il a commencé par rencontrer les familles des victimes du bain de sang du
01:29 7 octobre, des victimes françaises.
01:31 30 français sont morts dans l'attaque du Hamas du 7 octobre.
01:36 C'est le pire bilan d'un attentat terroriste pour des français depuis l'attentat de Nice.
01:41 Et on n'en a pas beaucoup parlé en France, de manière un peu surprenante.
01:45 Des victimes françaises, vous voulez dire ?
01:48 Des victimes françaises, oui.
01:49 Donc, il s'imposait que le président voie les familles, affirme son soutien.
01:55 Son soutien aussi à une population israélienne complètement traumatisée par cet immense
02:01 pogrom qui a été commis et ces violences qui continuent à être commises par le Hamas.
02:07 Évidemment aussi, essayer d'avancer sur le sort des otages.
02:12 Eux non plus, on n'en parle pas beaucoup.
02:15 Il y a eu deux libérations ce matin, mais ils sont apparemment nombreux.
02:20 Tout ce qui peut être fait, il l'a dit l'autre jour, pour les ramener à la maison, doit
02:25 être tenté.
02:26 Ensuite, sur le plan plus politique, j'entends ce qui est dit et bien sûr, je partage la
02:35 nécessité de revenir vers un processus de paix qu'on a mis à l'écart depuis trop
02:40 longtemps.
02:41 Moi, je dirais qu'il est à la fois un peu tard et un peu tôt.
02:44 Les esprits sont extraordinairement avifs.
02:47 Je devais faire un voyage de manière beaucoup plus modeste la semaine prochaine en Israël
02:52 et dans les territoires palestiniens que je reporte parce que je sens que tout le monde
02:56 est à cran.
02:57 Et puis, je ne vois pas pour le moment, du côté israélien ni du côté palestinien,
03:03 j'allais dire un Declerc et un Mandela.
03:05 Je vois Benyamin Netanyahou et je vois le Hamas.
03:08 Et je pense que de ce point de vue-là, le chemin vers la paix va être long.
03:11 Sylvie Kaufmann, Emmanuel Macron avait déclaré il y a quelques jours « Ma volonté c'est
03:15 d'aller en Israël lorsque nous pourrons obtenir soit un accord concret sur la non-escalade,
03:18 soit sur les questions humanitaires et plus largement sur le tout ». Finalement, il y
03:22 va.
03:23 Il y est allé, même sans accord humanitaire ou de non-escalade.
03:25 Quel est le sens et l'utilité de ce voyage à votre avis ?
03:28 Quel est le bon moment ? Ça, c'est toujours la question difficile et Macron y a été
03:34 confronté dans d'autres situations.
03:36 On lui a beaucoup reproché d'être allé encore très tard à Moscou jusqu'au dernier
03:41 moment avant le déclenchement de la guerre en Ukraine sans obtenir aucun résultat.
03:46 On lui a beaucoup reproché aussi d'être allé trop tard en Ukraine une fois que la
03:49 guerre avait commencé pour manifester son soutien aux Ukrainiens et à Zelensky.
03:56 Là, effectivement, quel était le bon moment ?
03:58 Certains disaient que c'était trop tard, qu'il aurait dû y aller la semaine dernière.
04:04 Y aller au début, c'était peut-être tomber dans le piège dans lequel est tombée Ursula
04:08 von der Leyen.
04:09 Olaf Scholz y est allé tout de suite, mais ça c'est le modèle allemand, si je puis
04:13 dire.
04:14 Les Allemands, quand le peuple juif est attaqué, ils doivent réagir de cette manière.
04:19 C'est quelque chose en raison de leur histoire.
04:21 Y être allé tout de suite, ça aurait peut-être été vraiment accentuer ce côté « nous
04:26 sommes en soutien inconditionnel » d'Israël.
04:31 Y aller maintenant, ça permet d'essayer de rééquilibrer un petit peu cette image
04:37 pro-israélienne que la France a peut-être acquise, en insistant cette fois-ci sur cette
04:47 nécessité d'une pause humanitaire.
04:49 Est-ce qu'il va y arriver ? C'est douteux, mais il faut au moins essayer.
04:52 Comme disait Pierre Aschy tout à l'heure, je suis d'accord, on lui aurait reproché
04:55 de ne pas essayer aussi.
04:56 Après, l'autre objectif, essayer de freiner, d'éviter une escalade, on ne peut pas lui
05:02 reprocher.
05:03 Que ce soit le bon moment maintenant, est-ce qu'il fallait attendre deux semaines ou
05:06 trois semaines ou un mois ? Moi je pense qu'on ne peut pas le dire à l'avance.
05:10 - Dominique Aydé, vous avez publié, Léa le disait, dans le quotidien libanais francophone
05:17 « L'Orient le jour », une lettre à Emmanuel Macron, où vous lui demandez d'appeler
05:21 à la paix.
05:22 « En privé, je vous cite, la situation dégénère de jour en jour.
05:26 Il n'y a plus de place pour les postures indignées et les déclarations humanitaires.
05:32 Nous voulons des actes ! » Que voulez-vous dire par là, Dominique Aydé ? Qu'attendez-vous
05:37 exactement d'Emmanuel Macron ?
05:38 - Écoutez, je vais être très directe.
05:42 J'attends qu'il demande l'arrêt des combats.
05:45 C'est aussi simple et c'est d'une simplicité évidente pour tous les peuples concernés.
05:52 Le peuple israélien et le peuple palestinien.
05:55 Je commence par l'israélien pour faciliter le dialogue parce que je vois bien que nous
06:00 en sommes au point où on est très tenté, dans certains médias de France, d'oublier
06:07 que les Palestiniens sont un peuple.
06:10 Donc, je me répète, c'est l'arrêt des combats.
06:13 Moi, j'aurais été Emmanuel Macron, je serais arrivé à Jérusalem en disant aux deux
06:21 peuples qui habitent cette même terre, je viens en deuil vous proposer de déclarer
06:30 le deuil coutumier des Juifs et des Arabos musulmans qui durent 30 jours dans le premier
06:38 cas, 40 dans le second, que la souffrance et la mort qui sont le sujet du jour soient
06:45 traités comme tel.
06:47 Qu'on arrête les combats.
06:50 Pensez une seconde qu'une pause humanitaire est une victoire, mais c'est une défaite
06:57 pour toutes les démocraties du monde et pour tous les combats qui ont été menés depuis
07:02 la seconde guerre mondiale.
07:03 Pensez qu'une pause humanitaire, que l'entrée de quelques camions dont on doit refaire les
07:09 routes pour qu'ils puissent passer parce qu'elles ont été bombardées, pensez qu'on
07:13 va s'acquitter, acquitter sa conscience avec cela, c'est mettre en danger, je me
07:18 répète, toutes les populations et en France même, aussi bien les Juifs que les musulmans.
07:27 Et croyez-moi, le fait même d'avoir employé ces mots est pour moi une défaite de la pensée.
07:33 Qu'on en vienne à penser la France en termes de religion est une catastrophe.
07:39 Alors là, on a deux peuples sur une terre, l'un a renoncé aux plus que trois quarts
07:45 de son territoire, le très peu restant est rongé par des colonies.
07:50 Alors je vous demande une chose, si monsieur le président Macron veut bien maintenant
07:57 ramener la question politique sur le devant de la scène, cessons l'hypocrisie de parler
08:03 de deux états en l'état.
08:06 Deux états seront possibles éventuellement si on décolonise.
08:11 Autrement dit, la priorité numéro un pour ceux qui continuent à parler de deux états,
08:18 c'est la décolonisation et non pas ce que j'ai entendu à l'antenne il y a un quart
08:23 d'heure, l'arrêt de la colonisation, non.
08:27 Parce que regardez les cartes attentivement et vous verrez, l'état de la Cisjordanie
08:33 et de Gaza à l'heure actuelle ne permet aucunement, et les Israéliens sont les premiers
08:37 à le savoir, ne permet aucunement de faire un état.
08:41 - Nathalie Loiseau, vous avez lu la lettre de Dominique Hédé publiée dans L'Orient
08:45 le jour, qu'en avez-vous pensé et que pensez-vous ce matin, comment réagissez-vous à ces mots
08:49 de ce matin ?
08:50 - D'abord c'est important qu'on s'écoute et qu'on se parle.
08:53 Mon sentiment depuis un certain temps c'est que pour des raisons qui s'expliquent, parce
08:59 que nous sommes victimes en Europe notamment du terrorisme, parce que le monde arabe a
09:04 connu après les printemps un hiver arabe et beaucoup de difficultés, parce que l'Ukraine
09:10 et pour de très bonnes raisons est notre priorité, je trouve qu'on ne se parle plus
09:14 assez qu'on ne s'écoute plus assez.
09:15 Je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'a dit Dominique Hédé, mais je pense que le
09:19 dialogue est essentiel et qu'il doit reprendre.
09:22 - Avec quoi vous êtes d'accord et avec quoi vous n'êtes pas d'accord ?
09:24 - Évidemment la nécessité de mettre en avant un horizon politique, même si on sait qu'il
09:31 a été mis de côté, même si on sait, comme je le disais tout à l'heure, que les artisans
09:34 de paix de part et d'autre ont été plutôt réduits au silence.
09:38 Ce n'est pas le Hamas qui va faire la paix, le Hamas veut la destruction d'Israël.
09:43 Ce n'est pas Benyamin Netanyahou qui pousse Israël vers plus de paix, ni même, on l'a
09:48 vu maintenant, vers plus de sécurité.
09:51 Ce sont donc des tiers de bonne volonté qui peuvent essayer de remontrer le chemin de
09:57 la paix.
09:58 On parle de la question de la colonisation et là je suis totalement d'accord avec Dominique
10:03 Hédé.
10:04 On ne parle pas assez en ce moment de ce que font certains colons israéliens en Cisjordanie.
10:09 On a les yeux braqués sur Gaza pour des raisons évidentes.
10:12 Il y a plus de 60 morts palestiniens tués par des colons en Cisjordanie depuis le 7
10:20 octobre.
10:21 Et ces colons n'ont jamais été autant encouragés par la partie extrémiste du gouvernement
10:26 de Benyamin Netanyahou.
10:28 Naturellement qu'il faut regarder ça en face.
10:32 Il y a quand même quelque chose qui m'a fait sursauter dans la lettre de Dominique
10:37 Hédé et dans ce qu'elle vient de dire.
10:39 Je n'entends pas clairement la reconnaissance du droit à l'existence d'Israël.
10:44 Parce que quand on parle de solution à deux États, c'est évidemment avec une Palestine
10:49 État libre et indépendant, mais c'est aussi avec Israël qui peut vivre en paix et en
10:55 sécurité.
10:56 - Dominique Hédé, vous entendez Nathalie Lazo ?
10:59 - Et on rappelle que vous êtes en duplex de Beyrouth, vous n'êtes pas en studio à
11:03 Paris.
11:04 - Oui, je pense que ce point est extrêmement important.
11:07 La reconnaissance de l'État d'Israël a été faite par l'OLP et l'OLP a négocié
11:18 à Oslo en 1993 une paix avec laquelle ce mouvement tragique qu'est le Hamas était
11:28 en désaccord, mais pas seulement.
11:30 Je suis aussi de ceux qui étaient en désaccord.
11:32 Pour quelles raisons ?
11:33 Parce que la décolonisation n'a pas été prise en compte dans cet accord.
11:38 Or, elle était majeure.
11:40 Et ça a permis au Hamas, qui est un mouvement extrêmement dangereux pour tout le monde,
11:46 pour les Palestiniens à commencer par eux, ça lui a permis de prospérer à la grande
11:52 satisfaction de ceux qui en Israël veulent annexer tout le territoire.
11:57 Il n'y avait pas meilleur moyen pour discréditer la cause palestinienne.
12:01 Or, ce qui s'est passé après 1993, sous la tutelle même de celui qui était censé
12:07 être un travailliste moins favorable que d'autres à l'annexion du reste de la Palestine,
12:17 qui était Pérez, le nombre de colonies a doublé.
12:20 Il a doublé.
12:21 Donc si c'était cela qu'on cherchait en faisant la paix à Oslo, et qu'on a continué
12:27 à faire semblant, et on ne fait que ça, on fait semblant qu'on veut la paix, et personne
12:33 ne la veut vraiment, d'aucun côté.
12:35 Or, aujourd'hui, c'est le seul sujet qui compte, c'est la paix.
12:39 Donc, vous parlez de reconnaissance de l'état d'Israël.
12:42 Vous la reconnaissez cette existence ?
12:45 Non, je veux garder l'antenne une seconde.
12:48 Non, je vous pose la question.
12:49 Je veux la garder une seconde, je suis loin.
12:50 Je veux finir ma phrase.
12:52 La reconnaissance de l'état d'Israël, j'y souscris totalement.
12:59 Je suis de ceux qui ont dit sur les ondes que si la population civile israélienne était
13:04 mise en danger, je descendrais dans les rues.
13:07 Je ne peux pas faire plus.
13:08 Mais je vous demande de votre côté de cesser de renforcer le béton au lieu de créer des
13:14 passerelles.
13:15 Ce n'est pas avec ce gouvernement de fascistes que vous allez avancer.
13:19 C'est vrai qu'il nous manque un Declare et c'est vrai qu'il nous manque un Mandela.
13:23 C'est le moins que l'on puisse dire.
13:25 Mais nous sommes obligés de faire avec ce qui est.
13:28 Moi, je vous parle d'un pays où nous n'avons même plus un représentant, un président
13:33 à la tête de ce pays.
13:34 Nous n'avons plus rien.
13:35 Les gens ne sont représentés que par des mafieux et c'est en train de devenir le sort
13:42 de toute la région.
13:43 C'est la région toute entière qui demande à être traitée autrement.
13:47 Autrement que par des contrats passés entre des régimes pétroliers et sous la tutelle
13:56 du genre de M.
13:58 Trump qui nous a fait cette paix d'Abraham qui est une catastrophe absolue.
14:02 Moi, ce que je demande à tout le monde aujourd'hui, c'est le retour à la bonne foi.
14:07 Qu'on cesse de se raconter des histoires.
14:09 Qu'on revienne à la question politique.
14:12 Vous voulez deux États ? Alors faites ce qu'il faut.
14:15 Ça s'appelle décoloniser.
14:16 Vos mots sont forts, on les entend ce matin.
14:20 On va quand même donner la parole à Sylvie Kaufmann et à Nathalie Loiseau qui vous écoute.
14:24 Sylvie Kaufmann, comment vous réagissez à ce que dit Dominique Haydé ? Arrêtons d'être
14:27 hypocrite, globalement.
14:28 Bien sûr, arrêtons d'être hypocrite.
14:31 Qu'est-ce qu'on a dit depuis le début de ce nouvel épisode absolument terrible de
14:36 cette longue crise israélo-palestinienne ? C'est qu'on paye le prix d'avoir balayé
14:42 cette question palestinienne sous le tapis, d'avoir ignoré, d'avoir été aveuglé
14:46 d'une certaine manière aussi dans ce cas-là.
14:49 Et d'avoir fait comme si ce problème, cette question palestinienne n'existait pas.
14:57 Dominique Haydé citait les accords d'Abraham, c'est ça qui s'est passé aussi.
15:02 Les accords d'Abraham, c'est les accords qui ont été faits sous Donald Trump.
15:04 C'est le processus de normalisation de régime arabe avec Israël.
15:08 Le Maroc, les Émirats, Bahreïn.
15:11 Et donc on a voulu faire comme si cette question était réglée ou si elle ne posait plus de
15:19 problème.
15:20 Donc voilà, quand Emmanuel Macron dit, je veux aussi, enfin quand l'Élysée dit que
15:24 Macron va en Israël aussi pour essayer d'ouvrir une perspective politique, c'est évident
15:29 qu'il ne va pas proposer une solution maintenant.
15:31 C'est au stade où on en est de cette crise, je pense que c'est malheureusement encore
15:35 impossible.
15:36 Mais en parler, c'est déjà ça.
15:38 Il faut poser cette perspective, je pense, et tous les dirigeants occidentaux devraient
15:42 maintenant le faire.
15:43 - Nathalie Loiseau ?
15:44 - Alors, à l'évidence, je partage ce que vient de dire Sylvie Kaufmann, mais attention
15:51 à ne pas tout mettre sur le dos des occidentaux, des accords d'Abraham.
15:55 Les accords d'Abraham, c'est d'abord des accords de normalisation, de reconnaissance
16:00 de l'état d'Israël, de paix.
16:02 Quand Sadat avait signé un accord de reconnaissance d'Israël et de paix, tout le monde, tout
16:08 le monde l'avait félicité.
16:09 Alors quand quelque chose vient de Donald Trump, on est toujours suspicieux, mais ça
16:13 allait quand même dans la bonne direction.
16:15 C'était insuffisant.
16:16 - Pour vous, les accords d'Abraham allaient dans la bonne direction ?
16:18 - Écoutez, que des pays arabes connaissent le droit à l'existence d'Israël, pour
16:21 moi, ça va évidemment dans la bonne direction.
16:23 Que ça règle la question israélo-palestinienne ? Sûrement pas.
16:27 Il ne fallait pas imaginer que l'un pouvait remplacer l'autre, mais l'un devait compléter
16:31 l'autre.
16:32 Et à force, dans le monde arabe, qui va mal avec ces hivers arabes dont je parlais tout
16:37 à l'heure, et Dominique Aydé nous a tout de suite parlé du Liban qui va extrêmement
16:41 mal, tout vouloir mettre sur le dos des occidentaux, c'est se voiler la face sur autre chose.
16:47 D'une part, le fait que la cause palestinienne se mélange avec un mouvement terroriste islamiste.
16:53 Moi, j'ai été très choqué, comme d'autres d'ailleurs, quand dans une manifestation
16:57 au place de la République, on crie « Allahou Akbar » à qui ça rend service ? Aux palestiniens
17:01 chrétiens ? Je ne crois pas.
17:03 Aux arabes israéliens ? Je ne crois pas.
17:06 On transforme un conflit israélo-palestinien en guerre de religion.
17:09 Et cette guerre de religion, qui la veut ? L'Iran ? Les islamistes ? Les djihadistes ? Derrière
17:16 la Syrie de Bachar el-Assad ? La Russie ? Que chacun balaye devant sa porte.
17:21 Et les malheurs du Liban ne sont pas dus ni à Israël, ni aux occidentaux.
17:25 Ils sont malheureusement dus à une conjonction de facteurs sur lesquels il sera extrêmement
17:30 difficile d'intervenir si les Libanais eux-mêmes ne se reprennent pas en main.
17:34 Alors qu'est-ce que vous répondez à ça Dominique Hédé, au fait que c'est une affaire
17:38 qui est devenue une affaire religieuse aussi, ce que dit Nathalie Loiseau ?
17:41 Je voudrais répondre que madame Loiseau a tout à fait raison de dire que chacun doit
17:47 balayer devant sa porte.
17:48 Et dans mes écrits, je ne fais que ça depuis 50 ans.
17:52 C'est de dire qu'un effort est demandé de tous côtés pour que la pensée critique
17:58 l'emporte sur les émotions et les affects.
18:01 Mais je suis en désaccord total avec cette manière de renvoyer le Liban à son seul
18:08 territoire et à penser que nous sommes ici dans une situation où nous avons les mains
18:13 libres.
18:14 Quand je dis nous, je ne parle pas des hommes de pouvoir ici, je dis bien des hommes parce
18:19 qu'actuellement toute cette affaire est gérée par des hommes de tous les côtés.
18:23 Il serait bien de faire entrer quelques femmes, mais pas madame Van der Leyen s'il vous
18:27 plaît, parce que sa déclaration à Jérusalem était un scandale.
18:30 Bref, je reviens à Liban.
18:32 Je vous dis tout de suite que ce pays paye très lourdement le prix, madame Loiseau,
18:38 de la création de l'état d'Israël et que nous avons fait un chemin inimaginable
18:44 pour finir par s'éteindre.
18:45 Vous voyez, vous avez quand même un problème avec l'existence même d'Israël.
18:48 Laissez-moi terminer.
18:49 C'est très choquant.
18:50 Je suis désolée de vous dire que c'est très choquant.
18:51 Je suis allée dans les camps de Palestiniens.
18:53 Je ne les ai pas inventés les réfugiés que j'avais sous les yeux.
18:56 Ils étaient là par centaines de milliers dans des camps.
18:59 C'était quoi ça ? C'était un cadeau pour le Liban.
19:02 Ne me racontez pas d'histoire.
19:03 Ne me dites pas que le Liban est une question qui se gère indépendamment.
19:07 Les réfugiés, ça peut être une richesse, madame.
19:09 Si vous pensez que les réfugiés sont un poids et que l'existence d'Israël est
19:13 un poids, je ne suis jamais d'accord.
19:14 Non, je veux terminer.
19:15 Oui, allez-y terminer.
19:16 Je suis loin et c'est moi.
19:18 Je veux terminer.
19:19 Je veux terminer.
19:20 Comment le Hezbollah est-il arrivé au point où il est aujourd'hui ? C'était
19:25 en 1982.
19:26 C'est après l'invasion israélienne qui a fait des dizaines de milliers de morts
19:31 civiles au Liban.
19:33 Comment tous ces mouvements islamistes ont prospéré ? Vous croyez que nous ne sommes
19:37 pas les premiers à en payer le prix ?
19:38 Par la corruption de la classe politique libanaise, madame.
19:41 Vous le savez comme moi.
19:42 La première à la dénoncer et tout le monde la dénonce ici.
19:46 Mais quel moyen nous avons quand tous ces mafieux sont connectés les uns et les autres
19:51 à des pouvoirs étrangers ? Vous croyez qu'Israël aussi est autonome ?
19:55 Israël sans les États-Unis, qu'est-ce que c'est ? Et le Hezbollah sans l'Iran ?
19:59 Arrêtons de nous raconter des histoires.
20:01 Tout le monde est connecté aujourd'hui.
20:03 Et s'il n'y a pas une pensée d'une très grande fermeté, d'une très grande rigueur,
20:08 sans plus tous ces caches misères qui permettent aux gens d'aller de réunion en réunion
20:13 et d'en sortir satisfaits, il faut maintenant que tout le monde soit mécontent de soi.
20:18 Et oui, balayer devant sa porte.
20:20 Il le dit aujourd'hui, le rédacteur en chef de l'Orient Le Jour.
20:23 Et il le dit très bien, lisez-le et lisez le Hared.
20:26 Voilà deux journaux, un israélien et un libanais, où des gens essayent, contre vents
20:32 et marées, de vous faire entendre autre chose.
20:35 Vous parlez de dialogue.
20:36 Écoutez Amir Haas, écoutez les dissidents israéliens.
20:40 Voyez le courage qu'ils ont quand ils ont perdu leurs parents ou leurs grands-parents
20:44 dans l'Holocauste et qu'ils continuent à tenir bon sur les plans de la justice.
20:48 C'est d'eux que vous avez des leçons à recevoir.
20:50 Nathalie Loiseau veut dire un mot, Dominique Hédé.
20:53 Je veux juste dire un mot, parce que ce que vous me conseillez, je vous remercie de me
20:57 le conseiller.
20:58 C'est bien qu'on se parle, mais je le fais tous les jours.
20:59 Mais j'entends à nouveau dans votre bouche quelque chose que je ne peux pas accepter.
21:04 C'est entendre que les difficultés du Liban sont nées de l'existence d'Israël.
21:08 Madame, je vous assure qu'il y a de ce point de vue-là quelque chose de totalement inacceptable
21:14 et que pour faire la paix, il faut être deux.
21:16 Je l'ai dit moi-même, ce n'est certainement pas Benyamin Netanyahou et une partie de son
21:21 gouvernement qui aide à la paix.
21:22 J'ai davantage confiance en Benny Gantz, j'ai davantage confiance en d'autres personnalités
21:27 qui aujourd'hui n'ont pas les mains libres.
21:28 Mais vraiment, réfléchissons à ce qui fait qu'Israël a le droit à sa sécurité.
21:34 Je crois que le message d'Emmanuel Macron aujourd'hui, c'est de dire aux Israéliens
21:39 qu'ils ont privilégié la sécurité sur la paix et qu'ils n'auront jamais vraiment
21:43 de sécurité s'ils n'ont pas de paix.
21:45 Allons dans ce sens-là, mais protégeons et respectons le droit d'Israël à exister,
21:51 sans quoi on en a encore pour des décennies de souffrance pour toute la région.
21:54 Sylvie Kauffman, Léa le disait tout à l'heure, vous publiez « Les Aveuglés », comment
21:58 Berlin et Paris ont laissé la voie libre à la Russie.
22:01 Peut-on dire que depuis trois semaines maintenant, les grands gagnants ou les grands profiteurs
22:05 de la situation au Proche-Orient sont la Russie et la Chine, puisque la tension est désormais
22:12 totalement focalisée sur cette région-là ?
22:14 Je ne sais pas si ce sont les grands gagnants, parce que la situation est extrêmement complexe
22:20 et qu'il y a beaucoup d'acteurs, mais le fait est que Poutine, c'est une aubaine formidable
22:26 pour lui en effet.
22:27 On ne parle plus de l'Ukraine, ou très peu, depuis 15 jours, et les forces russes continuent
22:36 leur guerre et continuent leur offensive, arrêtent des journalistes en Russie, continuent
22:42 leur répression en Russie, et nous nous regardons ailleurs.
22:46 C'est aussi une façon pour Poutine de profiter de cette colère qui monte du sud sur cette
22:55 question du double langage, du deux poids et deux mesures des Occidentaux.
23:00 Il attise les braises, il souffle.
23:02 Il faut être très vigilant là-dessus, parce que c'est vrai qu'on a du mal à mener
23:08 plusieurs guerres et plusieurs crises de front, mais il faut absolument en effet faire attention
23:15 à ce que ça ne profite pas à la Russie.
23:18 Merci à toutes les trois d'avoir été avec nous ce matin, et on va continuer d'en parler
23:23 de ça et de l'Ukraine, parce que vous avez raison, il faut continuer à parler de ce
23:26 qui se passe en Ukraine.
23:27 Merci Dominique Aydé, Sylvie Koffman, Nathalie Loiseau, il est 8h47.

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