Aujourd'hui à 8h20 dans le 6/9, un point nécessaire sur l'élection présidentielle américaine avec deux spécialistes, l'historienne Sylvie Laurent et le journaliste Philippe Corbé.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Et un grand entretien ce dimanche matin spécial US, dernière ligne droite dans la course
00:05à la Maison-Blanche.
00:06Une campagne folle et qui rentre dans sa dernière ligne droite, Trump contre Harris, 23 jours
00:13à peine avant le verdict des urnes.
00:16Toutes vos questions, chers auditeurs, au 01-45-24-7000 ou sur l'application d'Inter.
00:22Avec Marion Lourdes, nos deux invités sont Sylvie Laurent et Philippe Corbet, bonjour
00:27à tous les deux.
00:28Bonjour.
00:29Et bienvenue, merci infiniment d'être avec nous ce matin.
00:32Sylvie Laurent, vous êtes historienne, spécialiste de la vie politique américaine, enseignante
00:36à Sciences Po.
00:37Vous aviez publié il y a quelques mois un livre important, Capital et race, histoire
00:42d'une hydre moderne et elle est bien vivante cette hydre.
00:45Philippe Corbet, vous avez accompagné les deux dernières campagnes présidentielles
00:52américaines sur le terrain, celle qui a vu la victoire de Trump en 2016, la victoire
00:57de Biden en 2020 et vous avez un blog passionnant, un fil Twitter où vous racontez la campagne
01:05comme des carnets de campagne, jour après jour, heure après heure.
01:09On va partir d'une question toute simple.
01:11Qu'est-ce que vous retenez, qu'est-ce qui vous a le plus marqué dans cette campagne
01:17qui ne ressemble bizarrement à aucune autre ?
01:20Écoutez, peut-être pour commencer, un contraste extrêmement frappant entre la très grande
01:26normalité et l'inertie de cette campagne, puisque la fragilité des écarts entre les
01:32deux candidats est aujourd'hui la même qu'il était au mois de septembre, alors
01:36que l'enjeu, ne nous payons pas de mots, est absolument clair, la question est de savoir
01:39si les Etats-Unis s'apprêtent à basculer vers l'extrême droite, devenir la première
01:44puissance du monde, à être un pays d'extrême droite avec cette fois-ci, à la différence
01:49de 2016, un pays qui avance les yeux grands ouverts puisqu'on connaît désormais qui
01:55est Donald Trump.
01:56Quels sont ses idées ? Et il ne cesse chaque jour, on en parlera, de les rendre extrêmement
02:02explicites pour chacun.
02:03Et on entendra d'ailleurs Donald Trump et on analysera ses discours, qu'est-ce qui
02:07vous frappe Philippe Courbet et en quoi cette campagne est-elle profondément différente
02:12des deux précédentes ?
02:13Pour compléter ce que disait Sylvain Lebrand, les Etats-Unis vivent une sorte de guerre
02:16civile froide, c'est à la fois une guerre civile au sens de la guerre de sécession,
02:21c'est-à-dire deux pays ou deux blocs du pays face à face, et en même temps c'est
02:23une guerre froide puisqu'il n'y a pas de combat armé, sauf effectivement le jour
02:27de l'assaut du Capitole.
02:29Et on voit deux pays, deux camps face à face, des gens qui ont du mal à se parler, et l'incroyable
02:34solidité de ces camps, comme Donald Trump a été condamné, ancien président, condamné
02:40pour la première fois au pénal en mai, ça n'a pas fait bouger les sondages de plus
02:43d'un point à la baisse.
02:44Quand il a été victime d'une tentative d'assassinat en juillet, une balle qui passait
02:49si proche de sa boîte crânienne que son visage, sa joue étaient striées de sang,
02:54ça n'a pas fait bouger les sondages de plus d'un point à la hausse.
02:56En fait, il y a une incroyable solidité de la basse Trump, avec un plancher très haut,
03:01mais un plafond très bas, c'est-à-dire sa capacité d'expansion…
03:03Mais quoi de différent, Philippe Corbet, puisque vous avez vraiment suivi, et de l'intérieur,
03:07les deux campagnes précédentes ?
03:08Comme le dit Sylvie Laurent, on sait exactement ce qui va arriver.
03:11Il n'y a pas « Oh mon Dieu, que se passerait-il au pouvoir ? » Non, il le dit, il le dit
03:14clairement ce qui se passerait au pouvoir, il n'y aura pas cette fois-ci ce qu'il
03:17y avait entre 2017 et 2021, ce qu'on appelait les adultes dans la pièce, c'est-à-dire
03:22des gens qui, autour de lui, des militaires, des gens du privé, des gens de la haute fonction
03:28publique américaine, qui avaient d'une certaine manière contrôlé les excès ou
03:32essayaient de contrôler les excès de Donald Trump pour préserver les intérêts vitaux
03:35des Etats-Unis, la sécurité nationale, la démocratie américaine, cette fois-ci, ils
03:39ne seront pas là.
03:40Alors si on regarde les derniers déroulements, les derniers discours ces dernières heures,
03:44il est question de santé.
03:45Il y a Kamala Harris qui accuse Donald Trump de manquer de transparence sur sa santé.
03:49Elle a elle-même publié son propre bilan médical qui souligne sa résistance physique
03:54et mentale.
03:55Là, je cite la conclusion du bilan.
03:56Donc finalement, le sujet de la santé de l'âge du capitaine qui avait été évacué,
04:00on le pensait avec Joe Biden, il est en train de revenir.
04:03Est-ce que ça dit quelque chose de la campagne ? Ce côté très personnel peut-être plus
04:07que sur le fond des sujets, Sylvie Laurent ?
04:11Écoutez, cette histoire de santé m'évoque deux choses.
04:13Ce n'est pas la question de Kamala Harris ou de Donald Trump qui est posée, mais le
04:17pays.
04:18Quelle est la santé des Etats-Unis aujourd'hui ? D'un point de vue objectif, la santé des
04:21Américains est déplorable, qu'il s'agisse de la santé mentale ou de la santé physique.
04:26Et c'est aussi une démocratie malade, c'est aussi ce que l'on voit.
04:30L'âge, en l'occurrence, c'est un point de détail si vous voulez.
04:34Trump n'est pas du tout considéré, y compris par ses détracteurs, comme quelqu'un qui
04:38est inept.
04:39C'est peut-être un argument.
04:40Mais la question de la personnalisation manque son but.
04:45Aujourd'hui, on en parlait tout à l'heure, Donald Trump arrive au pouvoir avec une contre-élite.
04:51Avec derrière lui des cercles de pensée, un vice-président, des fondations, des milliers
04:57de fonctionnaires prêts à travailler avec lui et un programme extrêmement clair, solide
05:03et en très bonne santé, lui, visant à un projet contre-révolutionnaire ou réactionnaire
05:09si vous préférez, qui promet de rendre sa santé aux Etats-Unis.
05:14C'est-à-dire que la question de la santé, en réalité, n'a de sens que si l'on pense
05:18la profonde crise de la démocratie qui est en train de se passer.
05:22Ça n'est pas la première fois, Philippe Corcuff évoquait le lendemain de la guerre
05:26de sécession.
05:27Grande contre-révolution au lendemain de la guerre civile, on s'apprête là à
05:38revivre cette grande contre-révolution.
05:41Et les Américains pensent peut-être, en tout cas la moitié d'entre eux, que cela
05:45leur rendra santé, pouvoir, puissance et capacité à vivre dans ce pays.
05:50Donc c'est là que la mauvaise santé s'exprime.
05:52Philippe Corbett, ces derniers éclats de voix sur la santé plutôt que le fond, ça
05:55vous inspire quoi ?
05:56Non, c'est une tentative de Kamala Harris de souligner le fait que Donald Trump, s'il
06:01est élu, sera le plus vieux président arrivé dans un bureau vale.
06:04Et d'une manière, c'est un argument qui est assez facile, ça serait étonnant qu'elle
06:07ne l'utilise pas.
06:08Je ne suis pas sûr que ça change grand-chose concrètement pour le choix des électeurs
06:11ici.
06:12Mais lui, il a attaqué la santé mentale de Kamala Harris, il est très dur en disant
06:17qu'elle était folle et il a employé des mots invraisemblables dans une campagne présidentielle.
06:23Elle joue en défense lorsqu'elle publie son bulletin de santé signé par le médecin
06:28de la Maison-Blanche.
06:29« Folle », il le dit de beaucoup de femmes, il le dit depuis des années de Nancy Pelosi.
06:32Ce n'est pas tellement le fait qu'il la désigne comme folle, c'est qu'il la désigne
06:36comme bête.
06:37Il dit qu'elle est idiote.
06:38Il dit qu'elle n'est là que parce qu'elle a couché.
06:40Il dit qu'elle n'est là que parce qu'elle est une métisse et qu'elle n'a eu ce poste
06:45que parce qu'elle est une représentante d'une minorité.
06:48C'est ça le plus frappant dans ce qu'a dit Donald Trump.
06:50On va parler du fond, parce que c'est vrai que la question de la race, en l'occurrence,
06:53c'est la question de la division du pays entre deux camps.
06:57Elle s'est manifestée particulièrement au cours des derniers meetings.
07:01Et Philippe Corbet, vous remarquez notamment que dans le discours que Trump a prononcé
07:06à Aurora dans le Colorado, vendredi, il avait dit ça.
07:10Au Venezuela, le taux de criminalité a baissé de 72%.
07:15Vous savez pourquoi ? Parce qu'ils ont sorti les criminels de Caracas et ils les ont mis
07:20à la frontière en leur disant « si jamais vous revenez, on vous tue ». Pensez-y.
07:25Et nous, on doit vivre avec ces animaux.
07:28Mais on ne vivra plus très longtemps avec eux.
07:30Ces animaux.
07:31Donc il les traite d'animaux.
07:33Ce qu'il dit, en fait, c'est que le Venezuela, un pays rival, ou en tout cas un pays détesté
07:37des Etats-Unis, sort ces pires criminels de ses prisons pour les envoyer directement
07:43aux Etats-Unis.
07:44Il dit ça dans le même discours, il dit que ce sont des criminels assoiffés de sang.
07:47Un peu plus tôt dans la semaine, il disait que ces gens qui arrivent, et donc il parle
07:50là de l'ensemble des gens qui arrivent à la frontière, ont des « mauvais gènes ».
07:54Il disait il y a quelques mois que les migrants « empoisonnent le sang des Etats-Unis ».
07:58C'est un discours eugéniste, pseudo-scientifique, profondément raciste.
08:03Parce que l'Amérique, occupée par une force criminelle, il présente vraiment les Etats-Unis
08:07comme un territoire colonisé par les migrants Sylvie Laurent.
08:11Oui, c'est le moins qu'on puisse dire.
08:13« Bad blood », le « mauvais sang » comme il dit.
08:15Le « mauvais sang ». Ce qui est frappant, c'est qu'en 2016, beaucoup s'aveuglaient
08:21sur la réalité de la dimension raciale aux Etats-Unis dans la candidature de Donald Trump.
08:28Aujourd'hui, il ne reste plus rien de la prétendue dimension économique de son populisme,
08:34de sa volonté de rendre sa dignité aux travailleurs, si ce n'est de renouer avec cette longue
08:39histoire que je trace dans le livre que vous avez cité tout à l'heure, qui est de présenter
08:43les Etats-Unis comme la terre d'élection d'une race destinée à produire et à consommer
08:50les richesses particulières dans un droit de perpétuelle conquête.
08:54Et cette idée selon laquelle le pays a été confisqué par une minorité constituée par
09:00ceux à qui la démocratie a ouvert ses portes depuis les années 60, les femmes, les minorités,
09:06les millions d'immigrants sont venus, mais aussi l'État, l'État qui serait une
09:10agence marxiste qui viserait à priver le peuple véritable, natif, blanc et masculin
09:17de ses droits.
09:18C'est quelque chose qui a déjà été produit dans l'histoire, mais qui est toujours resté
09:23à la marge.
09:24Là, cet hydre du capital et de la race, c'est le plus petit dénominateur commun de ce que
09:29propose Donald Trump.
09:30Il propose plus de forage, plus d'extraction, plus de dérégulation et surtout la restauration
09:38de l'hégémonie d'une population blanche qui aurait été menacée dans ses prérogatives,
09:43à la fois par les Chinois, par les Mexicains et par les Noirs, puisque ses propos sur les
09:48Haïtiens qui mangeraient des animaux visent bien sûr, derrière l'outrance raciale, à
09:53stigmatiser tous les Noirs.
09:54Mais Philippe Corbet, il y a une réalité de l'afflux de migrants vers les Etats-Unis
09:58et ça en fait un thème particulièrement difficile pour Kamala Harris, c'est son dossier
10:01normalement en tant que vice-présidente.
10:02Absolument.
10:03Biden a échoué sur sa politique migratoire les deux premières années, a tenté de trouver
10:07un accord bipartisan avec les Républicains dans la troisième année de son mandat et
10:10faute de pouvoir trouver un accord avec eux à la demande de Trump, a pris des mesures
10:14qui ont limité, en tout cas il y a moins d'entrées sur le territoire qu'il y en
10:17avait il y a quelques mois.
10:18Donc il a durci sa position sur l'immigration et Kamala Harris aussi a durci.
10:22Donc en fait, l'immigration, d'une certaine manière le pays est plus à droite sur la
10:26question de l'immigration qu'il y a quelques années, les démocrates ont moins une position
10:29morale sur le sujet.
10:30Mais ce qui est intéressant, pour compléter ce que vous disiez sur la stratégie électorale
10:33pure de Trump, c'est que généralement il finit bien ses campagnes.
10:36En 2016 et en 2020, dans les dernières semaines, il finit bien, il remonte dans les dernières
10:40semaines.
10:41Là, il avait un choix, soit il appuyait sur le talent d'Achille de l'immigration, soit
10:45il appuyait sur le talent d'Achille de l'inflation, entre guillemets, pour Harris.
10:48Il fait le choix de consacrer ses discours dans les dernières semaines à la question
10:52de l'immigration, alors que d'autres, et peut-être même certains de ses conseillers,
10:56lui auraient pu lui dire, ou peut-être lui disent, non, c'est sur la question de l'inflation
11:00que Harris est prenable.
11:02Et il fait un choix stratégique d'aller exciter la base en lui jetant de la viande rouge.
11:05Et parler d'économie, parler de pouvoir d'achat, on va aller au standard, retrouver
11:09les auditeurs d'Inter qui ont beaucoup de questions à vous poser.
11:12Mais un mot quand même à propos de Kamala Harris, lorsqu'elle n'arrive pas à se distinguer
11:19du bilan de Joe Biden, est-ce que c'est un problème pour elle ? Et de l'autre côté,
11:24Donald Trump, lui, il est accompagné par quelqu'un d'ahurissant qui est Elon Musk,
11:27le milliardaire fantasque et libertarien raciste.
11:32Ces deux pôles qui s'affrontent, qu'est-ce qu'il nous raconte ? Elon Musk, par exemple,
11:37dans la campagne Sylvie Laurent, qu'est-ce qu'il représente ?
11:40Elon Musk, il représente cette classe des milliardaires et des grands détenteurs du
11:44capital qui ont tout à gagner à voir la xénophobie érigée en prétexte pour la reconquête
11:52de l'Etat et des politiques de dérégulation et d'exemption fiscale.
11:56Mais pour revenir à votre question sur la question de l'inflation et de la fragilité
12:00de Kamala Harris, il faut comprendre ce que l'inflation représente aux Etats-Unis.
12:05Les Etats-Unis sont un pays à bas salaire.
12:07Les Etats-Unis sont un pays qui voit le niveau de vie moyen de 90% des Américains décroître
12:14depuis 40 ans.
12:15On a promis aux Etats-Unis, et le contrat social américain, c'est vous accepter la
12:20démocratisation aux femmes, aux minorités, pour prix d'une sécurité économique et
12:24de votre capacité à avoir une relative ascension sociale.
12:27Mais elle ralentit l'inflation.
12:28L'inflation ralentit, mais pas les prix.
12:30Aujourd'hui, aux Etats-Unis, il est impossible de payer pour la garde d'enfants, pour ses
12:34frais de santé, pour le fait de s'habiller et pour des choses très simples comme se
12:38loger et acheter au Carrefour du coin, l'équivalent de Carrefour, de quoi se nourrir.
12:45Et lorsque vous avez concrètement le sentiment que votre niveau de vie est en train de vous
12:51échapper, la question du statut symbolique, cette espèce de réévaluation narcissique
12:58que donne Trump par le pouvoir de la race fait qu'il arrive à parler à des gens qui
13:01sont profondément aliénés.
13:03Le capitalisme a ravagé ce pays et plutôt que de mettre en cause la source des inégalités
13:08de cette captation du pouvoir en défendant les syndicats, une réforme économique qui
13:14pourrait avoir du sens, une assurance santé universelle, ce que l'on dit, c'est « certains
13:18ont conspiré à vous déposséder de cette sécurité et de cette prééminence ».
13:24Elon Musk, d'un mot, Philippe Corbet avant de filer au standard.
13:26Elon Musk, si Donald Trump est élu, il le devra en bonne partie, Elon Musk.
13:31Vraiment ?
13:32Oui, parce que le choix d'Elon Musk…
13:34Parce qu'il a une histoire de finances ?
13:36Ce n'est pas seulement une histoire de finances, c'est-à-dire qu'à partir de mars, ils
13:38ont une discussion autour d'un petit déjeuner à Palm Beach en mars et Donald Trump arrive
13:42à le convaincre qu'il a besoin de son aide pour sauver l'Amérique et Elon Musk, à
13:48partir du moment où il met tout son soutien derrière Donald Trump, donc quelques minutes
13:51après la tentative d'assassinat, à partir de là, quelque chose change, c'est-à-dire
13:55que d'une certaine manière, Donald Trump a une sorte d'oreiller, il peut lui arriver
13:59quoi que ce soit, Elon Musk apporte avec son réseau social.
14:02X, une forme de chambre d'écho qui lui permet d'atténuer les sujets les plus controversés.
14:07Bonjour Régis, vous nous appelez Limoges, bienvenue sur Inter.
14:11Oui, bonjour, donc je voulais vous poser une question en fait très pratique sur les élections
14:17et le résultat des élections qui arrivent à grand pas, c'est en cas de victoire de
14:23Kamala Harris que je souhaite ardemment, je dois dire.
14:26Alors on a perdu la liaison ?
14:29Biden, oui, d'anticiper des émeutes multipliées par un facteur X tel qu'elles ont eu lieu
14:38lors des dernières élections parce que Trump n'acceptera jamais, comme nous le savons,
14:43d'avoir été battu.
14:44Merci Régis, excellente question, d'ailleurs il ne reconnaît toujours pas sa défaite.
14:48Non, absolument pas, et son candidat à la vice-présidente, Jenny Vance, a eu plusieurs
14:53fois la question ces derniers jours, il ne répond jamais, une grande différence quand
14:56même par rapport à 2020, parce que je suis un peu optimiste, il n'est pas au pouvoir
14:59aujourd'hui.
15:00En 2020, le Capitole, c'est le chef d'Etat en place qui d'une certaine manière envoie
15:04une foule contre le Capitole où se joue la validation de l'élection.
15:08Là, il n'est pas au pouvoir, il a des gouverneurs, même certains des gouverneurs républicains
15:14ne le suivraient pas dans une volonté de retourner les élections, donc il faut faire
15:20très attention à ce qui va se passer, mais rien ne dit qu'il aura les mêmes leviers
15:23qu'en 2020.
15:24Sylvie Laurent, si on regarde l'état des forces en présence, on a compris que la Kamalamania
15:28dont on parlait il y a un mois et demi, a priori, a fait long feu, mais ce qui est
15:32étonnant, c'est de voir Kamala Harris peut-être recentrer ou droitiser un peu sa candidature.
15:37Il y a eu la question des armes, où elle a fait son « coming out », elle a dit qu'elle
15:41avait une arme, qu'elle serait prête, elle a plaisanté en disant qu'elle serait prête
15:44à tirer sur un cambrioleur, il y a eu la question des gaz de schiste, où elle dit
15:48qu'elle est favorable, en tout cas elle laisserait faire à la fracturation hydraulique.
15:51C'est ça, c'est un recentrage ?
15:54Kamala Harris, son ADN est profondément centriste, mais certainement par rapport aux campagnes
16:01de Barack Obama et Hillary Clinton, elle est bien plus à droite, et encore bien plus à
16:05droite que Joe Biden en 2020.
16:08Elle essaie, sa stratégie, qui est celle qu'elle confirme chaque jour, consiste à
16:13essayer d'aller convaincre cet électeur idéal qui serait conservateur ou indépendant
16:19qu'elle peut faire du Trump soft, mais qu'elle le ferait de façon plus efficace.
16:24Donc elle veut aller chercher ces conservateurs, ces indépendants un peu droitiers, en envoyant
16:29en effet des signaux très clairs sur les armes à feu, sur l'immigration, je rappelle
16:33aujourd'hui qu'elle défend la construction du mur, celui-là même qu'elle a tant critiqué,
16:40et qui est quand même un symbole extrêmement fort de cette position droitière, et que
16:44sur un certain nombre de marqueurs sociaux, elle se garde bien de se marquer comme progressive
16:50tout comme à gauche.
16:51Donc sa stratégie n'est pas d'aller donner un surcroît d'énergie à sa base, aux minorités,
16:57aux jeunes, aux femmes, mais bien plutôt de tenter de convaincre cet électeur qui
17:02aurait la tentation autoritaire de Trump, qu'elle pourrait faire l'affaire.
17:06Philippe Corbett, Kamala Harris fait du Trump soft ?
17:08Moi je ne dirais pas tout à fait la même chose, parce qu'en fait…
17:10C'est exagéré en effet.
17:11Le centrisme.
17:12Quand elle était candidate à la primaire en 2019 pour l'élection de 2020, elle avait
17:17pris des positions très à gauche, qui au fond ne lui correspondaient pas exactement.
17:20Il ne faut pas oublier qu'elle a été ministre de la justice en Californie, qu'elle était
17:22responsable des autorités de police, qu'elle a mis en prison beaucoup de gens, donc elle
17:26vient de ça.
17:27Il y a quand même une chose, si on dit que cette élection c'est la possible arrivée
17:31au pouvoir de Donald Trump, en face, la candidate est, excusez-moi de le dire comme ça, une
17:36femme métisse, qui vient de Californie, dont le mari est un grand avocat d'Hollywood et
17:40qui vit à Bel Air, à Los Angeles, sur le papier, elle est perdante.
17:43Elle est le quartier le plus chic de Los Angeles, sur le papier, elle est perdante.
17:46Si elle prend des positions qui correspondent à son milieu social et au milieu qu'elle
17:50fréquente, elle est perdante.
17:51Il y a un nom que nous n'avons pas prononcé, il est important, c'est celui de Melania,
17:55Melania Trump, qui a fait irruption dans cette campagne, elle a publié un livre et une autobiographie,
18:01elle se prononce en faveur du droit à l'avortement.
18:03Vous avez lu ce livre, Philippe Corbet, elle est partout, de la grande littérature, on
18:08le connaît sans doute, mais que vient-elle faire ? Est-ce que c'est une attaque claire
18:12contre Donald Trump ou est-ce que c'est une stratégie…
18:15Non, ce qui est intéressant c'est que Melania Trump est le plus grand mystère d'un homme
18:20qui en a très peu.
18:21C'est-à-dire que tout le monde connaît le détail de beaucoup de choses de Donald
18:23Trump, mais on ne connaît pas la nature de la relation avec son épouse, mais il est
18:28impossible pour quiconque de connaître la…
18:30Qui n'apparaît pas aux côtés de son mari.
18:32Qui n'apparaît jamais, on ne peut compter sur les doigts d'une main le nombre d'apparitions
18:34de cette année.
18:35Attention, elle est arrivée sur la 9e symphonie de Beethoven, dans une robe d'or magnifique,
18:39elle n'a pas dit un mot, alors que normalement les époux de candidats ou de candidates parlent
18:45à la convention.
18:46Elle ne l'a pas fait, elle a été payée 237 000 dollars pour une des rares apparitions
18:51de l'année, pour un discours de campagne, donc vraiment il y a quelque chose de spectaculaire.
18:55Donc quand elle prend position pour l'avortement, on a envie de lui dire « Mais Melania Trump,
18:59pourquoi n'avez-vous rien dit lorsque votre mari a fait campagne pour la réduction du
19:03droit à l'avortement et a réussi à faire nommer trois juges à la Cour suprême qui
19:07ont effectivement fait ce qu'il leur avait demandé de faire, c'est-à-dire remettre
19:11en cause le droit à l'avortement ? »
19:12Ça fait combien de temps qu'il n'y a pas eu une campagne aussi serrée ? C'est
19:15absolument stupéfiant de regarder les sondages Sylvie Laurent et Philippe Corbet, c'est
19:19vraiment à touche-touche en l'occurrence, c'est sur un fil que ça va se jouer, et
19:23dans ce qu'on appelle les swing states, mais un état en particulier ?
19:29Non, il n'y a pas un état en particulier, même si beaucoup de regards sont tournés
19:33vers la Pennsylvanie, mais si vous voulez, le problème c'est quel est le grand récit
19:36que l'on se fait sur ce qui sera l'élément clé ? Comme s'il y avait une baguette
19:41magique, un petit électeur, quelque part un homme blanc, plutôt classe moyenne en
19:47Pennsylvanie, dans son faubourg, qui allait décider de l'élection ? En réalité,
19:52tout cela ce sont des constructions que l'on fait dans chaque équipe pour essayer de trouver
19:58la formule magique.
19:59La grande question fondamentale, c'est que les rapports, les grandes masses, 48-48,
20:05la moitié de la population aujourd'hui se demande si l'avenir du pays n'est pas
20:11la contre-réaction, une espèce de pensée anti-moderne, et le passage à l'extrême-droite
20:15résolu.
20:16Et donc oui, il y a quelques milliers d'électeurs aujourd'hui qui vont se décider, les yeux
20:22parfaitement ouverts une fois encore, pour savoir ce qui va se passer, et je tiens à
20:26préciser que les conséquences, non seulement pour les Américains, mais pour l'ensemble
20:30du monde, seront absolument dramatiques si cela se trouve être Donald Trump élu dans
20:37quelques semaines.
20:38Plus que les sondages nationaux et plus que les sondages par état, ce qui est intéressant
20:41de regarder les dernières semaines, c'est le sondage par catégorie, et notamment il
20:45faut regarder le vote des hommes, le vote des jeunes hommes, le vote des hommes noirs,
20:49le vote des hommes latinos.
20:50Aujourd'hui, Kamala Harris a un retard, elle essaye de compenser ce retard.
20:54Elle est en retrait par rapport en tout cas à Biden ou Clinton ou Obama, donc elle doit
21:02dans les dernières semaines, d'une certaine manière, trouver un moyen de s'adresser
21:04aux hommes en général, mais notamment aux hommes de moins de 30 ans, aux hommes noirs,
21:07aux hommes latinos.
21:08Si elle n'arrive pas d'une certaine manière à faire passer quelques messages, notamment
21:12son message économique, son message sur la diversité, sur la démocratie, et bien elle
21:16sera en difficulté le jour de l'élection.
21:17En tout cas, c'était passionnant de vous entendre et de faire un point d'étape sur
21:22cette élection présidentielle absolument hors normes.
21:25Merci Sylvie Laurent, je rappelle Capital et Race, histoire d'une hydre moderne, c'est
21:30publié aux éditions du Seuil et Philippe Corbet, je recommande très chaleureusement
21:33de vous suivre sur X ou d'aller lire votre blog, où l'on découvre l'importance de
21:39Mc Donald par exemple dans cette élection centrale, il y a le Mac Harris et le Mac Trump,
21:47et ça en dit beaucoup.
21:48Oui, parce que ça dit beaucoup de choses de l'Amérique, elle dit qu'elle a travaillé
21:51chez Mc Donald, Donald Trump lui est un ancien porte-parole, en tout cas il faisait la publicité
21:54pour Mc Donald, et il y a tout un conflit qui se joue autour du symbole de cette entreprise,
21:58un américain sur huit a travaillé chez Mc Donald.