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  • 15/03/2025
Aujourd'hui dans le 6/9, un plateau autour des bouleversements géopolitiques du moment avec Gilles Gressani, directeur de la revue "Le Grand Continent" et Sylvie Kauffmann, éditorialiste au journal Le Monde et spécialiste des relations internationales. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-samedi-15-mars-2025-3779770

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00:00Un grand entretien aujourd'hui au lendemain de la rencontre entre l'émissaire spécial
00:04de Donald Trump et Vladimir Poutine à Moscou pour discuter d'un cessez-le-feu d'une trêve
00:10en Ukraine.
00:11Faut-il parler de volte-face aujourd'hui avec l'aide américaine qui rétablit un
00:16plan commun entre Washington et Kiev et Vladimir Poutine qui, lui, appelle les soldats ukrainiens
00:23dans la région russe de Kursk à déposer les armes.
00:27Quel moment vivons-nous ? Pour l'analyser, avec Marion Lourdes, nous recevons une spécialiste
00:32des relations internationales, éditorialiste au journal Le Monde et le directeur de la
00:36revue Le Grand Continent, président du groupe d'études géopolitiques à l'école normale
00:41supérieure et enseignant à Sciences Po.
00:44Vos questions, vos interventions, chers auditeurs, au 0145 24 7000 ou sur l'application Radio
00:51France.
00:52Sylvie Koffman, Gilles Gressani, bonjour à tous les deux.
00:54Bonjour.
00:55Bonjour.
00:57Nous sommes venus avant de vous demander ce qu'on peut parler véritablement de bascule,
01:01de moment de bascule dans cette guerre d'Ukraine qui n'en finit pas de durer.
01:05Partons de ce qui se passe aujourd'hui avec 25 dirigeants qui se retrouvent au chevet
01:10de l'Ukraine, plusieurs pays européens, l'OTAN, la Commission européenne, le Canada,
01:16l'Australie, qui doivent prendre part à cette réunion virtuelle organisée par le
01:20Premier ministre britannique, tous unis pour dissuader la Russie d'attaquer à nouveau
01:26l'Ukraine si un cessez-le-feu entrait en vigueur.
01:30Qu'attendre de cette réunion et de ce moment-là ?
01:34Sylvie Koffman, on parle comme s'il y avait déjà le cessez-le-feu, on se projette dans
01:39un avenir qui pourtant est totalement incertain.
01:42Oui, non, il n'y a pas de cessez-le-feu, vous avez raison.
01:46Et ce qu'il faut noter déjà dans cette réunion qui va avoir lieu aujourd'hui, donc
01:52de 25 dirigeants, c'est qu'il n'y a pas les Etats-Unis, et ça c'est une constante.
01:59Je dirais que le tournant, en fait, il s'est fait le 28 février dans le bureau ovale de
02:04la Maison-Blanche avec cette incroyable altercation à laquelle nous avons tous assisté et je
02:10dois dire que ce qui est aussi très important, c'est la résonance qu'a eue cette scène
02:15et la brutalité de cette scène sur l'opinion publique, pas seulement sur nos dirigeants
02:19mais aussi tout le monde l'a vu, tout le monde a été choqué.
02:21Et là, les Européens ont pris conscience d'un risque de dérapage absolument terrible
02:27dans lequel l'Ukraine était totalement perdante.
02:30Mais c'était il n'y a qu'un jour, Sylvie Koffman, et on pensait que l'Ukraine était abandonnée
02:34à son sort, Gilles Gressani, que Donald Trump abandonnait les Ukrainiens, les offrait en
02:41pâture à Moscou et aujourd'hui, au contraire, on a l'impression que l'aide américaine revient,
02:47qu'il y a de nouveau peut-être un plan de paix qui est imaginé par Washington et Kiev
02:53et pourtant c'est vrai, les Etats-Unis, Sylvie Koffman le disait, ils ne sont pas conviés
02:57à la réunion d'aujourd'hui à Londres.
03:00La Maison-Blanche est un piège narratif, nous sommes dans un piège narratif.
03:05En fait, ce qui se passe à la Maison-Blanche, c'est une espèce de série télé, hyper
03:10puissante, on est tous sidérés, on la regarde tous les jours, The Apprentice at the White House,
03:13chaque jour il y a un rebondissement, chaque jour il y a quelque chose qui se passe.
03:16Oui mais c'était il n'y a qu'un jour, on a l'impression que tout a changé depuis.
03:18Et c'est ça le point, je pense, c'est qu'en fait, si on regarde uniquement ce qui se passe
03:23dans le bureau ovale comme si c'était une série télé, on perd de vue ce que c'est
03:28les Etats-Unis, c'est la plus grande puissance militaire au monde, une puissance géopolitique
03:32unique, une capacité d'action concrète et réelle et il y a des choses qui se passent
03:37concrètement.
03:38Il faut regarder ça, je pense qu'il faut reprendre le fil, il y a aujourd'hui un plan
03:41très clair qui se déroule, qui a des rebondissements quotidiens, mais qui en fait, fondamentalement,
03:46voit une convergence réelle et ça c'est un renversement de front total entre le Kremlin
03:51et la Maison-Blanche.
03:52Et on peut prendre plein d'éléments qui sont très concrets et je pense que vraiment,
03:56la difficulté qu'on a aujourd'hui c'est qu'on regarde le spectacle et on perd de vue la scène.
04:00Alors juste pour rester un peu sur cette réunion, Sylvie Kaufmann, ce qui est intéressant c'est
04:03que l'organisateur c'est Keir Starmer, c'est le premier ministre britannique, qui voulait
04:07dès le départ une espèce de pont entre l'Europe et les Etats-Unis, mais lui il n'est plus
04:11dans l'Union Européenne.
04:12Est-ce qu'il y a un côté symbolique à tout ça ?
04:14Oui, oui absolument, vous avez raison, c'est-à-dire qu'après cette scène du 28 février, Keir
04:20Starmer et Emmanuel Macron notamment, en représentant les Européens finalement, ont pris les choses
04:26en main, se sont dit on ne peut pas laisser tout ça partir n'importe où et ont entouré
04:32Volodymyr Zelensky pour lui dire il faut reprendre la voie du dialogue avec la Maison-Blanche,
04:37on ne peut pas perdre complètement la Maison-Blanche et l'ont convaincu de faire amende honorable
04:41etc.
04:42Et à partir de là, il y a eu ce plan de cesser le feu, ce projet de cesser le feu, qui est
04:47présenté comme le plan de Washington mais qui en réalité est inspiré par les Européens.
04:52Keir Starmer et Macron appuyés par les autres.
04:55Et donc ce qu'on voit émerger dans tout ça, c'est des Européens qui sont à la manœuvre
05:00en arrière-plan, parce qu'ils ont compris qu'avec la mentalité de Donald Trump, sa
05:05posture, cette volonté d'être toujours en premier ou en premier plan etc., il faut lui
05:10laisser d'une certaine manière la vedette.
05:12Mais il a fait volte-face et il n'est pas là ?
05:15Oui parce qu'en fait ils l'ont convaincu de présenter, ils ont convaincu aussi Zelensky
05:21d'accepter ce projet de cesser le feu, qui a l'air d'être finalement pas tellement
05:27en faveur de l'Ukraine, puisque Volodymyr Zelensky n'a pas obtenu les garanties de
05:32sécurité qu'il voulait.
05:33Mais ils ont dit, c'était une sorte de pari, accepte ce cesser le feu, que dans vos négociations
05:40avec les Américains à Riyad, enfin à Jeddah en Arabie Saoudite, et on verra quelle sera
05:48la réaction de Poutine.
05:49Et Poutine a réagi comme on s'en doutait, c'est-à-dire en disant « je veux bien mais
05:54en réalité je ne veux pas », en réalité il a rejeté ce plan.
05:59Il a fait sembler de dire oui et en fait il disait non, c'est comme une sorte d'équilibre
06:04bizarre dans les mots de Volodymyr Poutine.
06:05Il pose des conditions qui sont pratiquement inacceptables, donc on voit bien que Trump
06:09maintenant il ne sait plus quoi dire, il dit « on verra lundi », bon il y a son émissaire
06:13qui était à Moscou.
06:14Il dit qu'il est confiant.
06:16Oui il dit « c'était des conversations productives », enfin il n'y a rien, il
06:21n'y a rien.
06:22Donc on va voir ce qui se passe maintenant, et c'est pour ça que cette réunion aussi
06:25aujourd'hui est importante, parce que c'est aux Européens de montrer aussi d'être
06:28une force de proposition.
06:30Explication de texte, Gilles Gressani, nous sommes pour mais il y a des nuances en fonction
06:34de l'évolution de la situation sur le terrain, nous nous mettrons d'accord sur les prochaines
06:38étapes pour mettre fin au conflit, c'est ce que déclarait Poutine, qu'est-ce que
06:42ça veut dire ?
06:43Ça veut dire qu'au fond leurs conditions sont telles que cesser le feu ou paix ça
06:49n'interviendra que si l'Ukraine est mutilée, démembrée et que la Russie conserve ce
06:53qu'elle a conquis ?
06:54C'est-à-dire qu'on fait semblant de découvrir Vladimir Poutine en 2025, et je pense qu'il
06:59faut sortir de ces logiques-là, il faut sortir du commentaire au jour le jour à la seconde
07:05près.
07:06Ce qui se passe est très évident, quand on regarde le monde les choses sont très évidentes,
07:09sont dites explicitement.
07:10Par contre évidemment il y a un art, c'est un art poutinien, de la mise en scène, de
07:16la confusion, de l'ambiguïté, qui fait qu'effectivement on ne le retrouve jamais
07:20là où il est.
07:21Il dit des choses qui peuvent nous paraître déroutantes, mais les choses sont là, sont
07:24très évidentes.
07:25Il dit la même chose depuis le début de la guerre aujourd'hui, en 2025 vous disiez
07:29on fait semblant de le découvrir, mais il dit la même chose depuis trois ans ?
07:32Déjà il ne dit pas qu'il y a deux guerres, c'est récent d'ailleurs que le mot guerre
07:37soit installé dans le récit.
07:39Russes, c'était une opération militaire spéciale, et au fond il y avait aussi l'idée
07:45qu'il s'agissait de protéger des populations.
07:47Revenons effectivement à la carte, ce qui se passe est très évident, aujourd'hui
07:52on a la Russie qui veut partager l'Ukraine, qui veut prendre une partie de l'Ukraine,
07:55et il y a les Etats-Unis qui sont prêts à lui donner cela.
07:58Evidemment, ce qui a changé entre temps, dans ces trois ans, et c'est massif, c'est
08:03que, je suis d'accord avec Sylvie Kaufman, les opinions publiques européennes sont rentrées
08:07dans le jeu.
08:08En fait, dans le narratif russe qui est aujourd'hui repris par la Maison Blanche, il y a une représentation
08:13très puissante.
08:14C'est qu'on serait en train de jouer une partie de risque, où il y aurait les impéreurs
08:19qui bougeraient.
08:20Le jeu de géopolitique avec la carte mondiale et des petits pions et des cartes.
08:24Il y aurait des populations qui ne seraient que des pions, des impéreurs et des rois
08:28qui bougent les pions, et par la suite, tout ça pourrait se solder autour d'une table.
08:32Ce n'est pas le monde dans lequel on vit, nous vivons dans des sociétés démocratiques
08:35qui ont la capacité de résister.
08:37Et ce qui se passe aujourd'hui concrètement, c'est ça, c'est que ce ne sont pas les
08:40leaders européens qui sont réveillés, c'est la population européenne qui s'est rendue
08:44compte que la transition géopolitique, désormais, est la seule manière qui leur permet de garder
08:49leur souveraineté, menacée dans un étot par le Kremlin et désormais également par
08:53la Maison Blanche.
08:54Et dans tout ça, effectivement, s'il y a Ludwig Hofmann, il y a la Maison Blanche,
08:57il y a la position de Trump qui est assez difficile à comprendre.
09:01Quel levier il a pour essayer de faire changer justement Poutine, qui apparaît là comme
09:06un roc, qui est campé sur ses positions presque depuis le début, c'est ce que vous disiez.
09:10En fait, il y a ce que disait Gilles tout à l'heure, il y a cette donnée fondamentale
09:15qu'on a assistée depuis que Trump est revenu à la Maison Blanche, à un retournement d'alliance,
09:22c'est-à-dire qu'on a maintenant un président des Etats-Unis qui est aligné sur la Russie
09:27et sur Vladimir Poutine.
09:28Aujourd'hui, il essaie de les faire plier, de se plier à cette trêve en tout cas de
09:31trente jours.
09:32Oui, c'est-à-dire qu'il veut essayer maintenant de lui faire… Parce que son but, Trump,
09:36il l'a dit pendant la campagne électorale, c'est la paix.
09:38La paix en 24 heures, ça s'est raté déjà.
09:40Et là, il a reconnu hier que finalement en 24 heures, il était un peu rapide, il était
09:45un peu… Allé un peu vite en besogne et que ce n'était pas possible.
09:48Donc, il découvre tout d'un coup que c'est quand même beaucoup plus compliqué que ce
09:51qu'il avait pensé.
09:52Et je crois que là, il tombe vraiment sur le fond du problème, qui est que Poutine
09:57n'a pas envie de mettre fin à cette guerre, en tout cas pas aux conditions dans lesquelles
10:01on voudrait le placer.
10:03Gilles Grésani, justement, quels sont les leviers, je pense notamment à ce système
10:07de paiement qui a été suspendu hier aux Etats-Unis, qui s'appliquait pour le pétrole et qui
10:11permettait à la Russie de passer par les Etats-Unis pour payer des transactions pétrolières.
10:15Bref, est-ce que les mesures financières, les mesures bancaires peuvent être un levier
10:19pour faire plier Poutine, lui faire accepter cette trêve de 30 jours dans un premier temps ?
10:23Oui, absolument.
10:24Il ne faut pas tomber là aussi dans le piège du narratif russe.
10:28L'économie russe ne va pas du tout bien.
10:31L'inflation est égalopente.
10:34Un produit essentiel comme la pomme de terre, si vous connaissez le régime alimentaire russe,
10:40ukrainien ou russe, vous voyez jusqu'à quel point c'est important, ça a augmenté de
10:43plus de 90% en une année.
10:46Donc nous sommes dans une économie sous pression.
10:48Nous sommes aussi avec une économie qui a une dette privée cachée pour financer la
10:53guerre qui est faramineuse.
10:54Donc effectivement, il y aurait énormément d'éléments de coercition.
10:56Et c'est d'ailleurs ce qui rend très paradoxal cette séquence.
10:59En fait, aujourd'hui, il y aurait tout à fait les moyens pour remettre sur la table
11:03un rapport de force favorable à l'Ukraine et si on ne le fait pas, c'est précisément
11:07parce qu'il y a un projet, un plan, et à mon avis qui va plus loin que simplement le
11:11fait de gagner sur le plan interne pour amener un rapport à paix avec un 24 heures.
11:16Mais si vous lisez les idéologues qui inspirent aujourd'hui la contre-révolution trumpiste
11:23à Washington comme Carty Servine, aujourd'hui on le publie dans la revue, en fait ils disent
11:27que l'Ukraine, c'est un point de bascule essentiel parce que ça permet de retourner
11:32les alliances, casser l'Europe et réimposer une forme d'hégémonie américaine.
11:37De vassalisation heureuse comme on peut le lire sur le grand continent.
11:41Sylvie Kaufman, vous n'avez pas publié justement un édito passionnant où vous exploriez un
11:46autre paradoxe, à savoir que l'absence des Etats-Unis, cette réunion symbolique sans
11:53les Etats-Unis, elle montre que les Européens finalement en sortent peut-être plus forts.
11:59Il y a des décisions très importantes qui ont été prises par le Portugal, on ne remplacera
12:04pas nos chasseurs F-16 américains par des chasseurs F-35, les Polonais, les Polonais
12:10si proches des Américains qui décident de ne pas acheter d'avions venus des Etats-Unis,
12:16il y a les Australiens également qui se demandent ce qu'ils vont faire avec leurs sous-marins
12:19téléguidés ou télécommandés à distance.
12:22C'est curieux, c'est très différent de ce qui s'est passé sous Trump 1, cette
12:27reconfiguration, cette unité, cette recomposition.
12:31Oui, Marion a tout à l'heure souligné que la Grande-Bretagne n'est pas dans l'Union
12:36Européenne depuis le Brexit et or on a maintenant un leader britannique et un leader français
12:41qui travaillent main dans la main pour essayer de faire avancer les intérêts européens.
12:45Donc voilà, c'est un peu le choc, tout ce qui se produit sous le choc de ce Trump 2.0.
12:51Et ce qui se passe aussi c'est qu'il y a différents formats qui émergent et un de
13:00mes collègues britanniques plaisantait l'autre jour dans une de ses chroniques en disant
13:03« Trump n'aura sans doute pas le prix Nobel de la paix mais il aura le prix Charlemagne
13:09qui est le prix qui récompense les efforts en faveur de l'Unité Européenne ». Et
13:13finalement c'est vrai.
13:14Alors après on va voir ce qui émerge de tout ça parce qu'il y a la poussière et
13:17puis il y a ce qui va être structurant mais on voit bien vraiment que là on a des Européens
13:22qui sont en train de resserrer les rangs et d'essayer de trouver les formats qui conviennent
13:28pour une coopération la plus productive possible.
13:31On parle même maintenant de proposer au Canada d'adhérer à l'Union Européenne.
13:36Donc vous voyez, c'est une espèce de front anti-Trump mais qui au bout du compte on verra
13:40ce qui retombe mais je pense que c'est porteur de transformations très très profondes sur
13:46la scène européenne.
13:47Le Canada dans l'Union Européenne c'est une boutade.
13:48C'est en référence à l'Australie qui participe à l'Eurovision mais c'est quelque
13:52chose qui revient régulièrement sous la plume de nos auditeurs sur l'appli d'Inter.
13:58Est-ce que rapidement l'Ukraine pourrait se passer de l'aide américaine ? Est-ce
14:02que l'Europe pourrait prendre le relais ?
14:03Ça dépend sur quel point.
14:06Sur l'effort de guerre à haute intensité, ça paraît très difficile à ce stade pour
14:10un tas de questions, notamment lié à l'intelligence satellitaire.
14:13Et donc effectivement nous sommes dans un rythme très bizarre parce qu'il faut travailler
14:18sur le moyen long terme mais il faut aussi résoudre des questions très urgentes.
14:22Oui, il y a une vraie prise de conscience maintenant au niveau des dirigeants européens
14:26de la nécessité d'accélérer la production d'armement mais je ne pense pas qu'on puisse
14:30y arriver.
14:31Je sais qu'on ne peut pas y arriver dans les délais suffisamment courts pour vraiment
14:35pouvoir supplanter l'aide américaine si jamais elle venait à s'arrêter.
14:39Plusieurs questions.
14:40Georges, Paul notamment par exemple qui s'intéresse aux minerais.
14:44Pourquoi est-ce que la question des minerais convoités par Trump en Ukraine sont au cœur
14:49de la question stratégique aujourd'hui ?
14:50C'est-à-dire que c'est les Américains qui l'ont mise au cœur de cette affaire.
14:55Je crois que c'est un des leviers dont on parlait.
14:57Un des leviers ou est-ce que c'est vraiment le fond du sujet comme on disait par exemple
15:01que le pétrole est ce qui avait motivé les Etats-Unis à entrer en guerre en Irak ?
15:04Je vois du tout ça d'abord parce qu'on ne sait pas combien de minerais critiques
15:07il y a réellement exploitables en Ukraine et par la suite parce que pour exploiter des
15:10minerais critiques il faut la paix.
15:12C'est très difficile de faire des investissements nécessaires pour exploiter des ressources
15:15minères sans avoir des conditions de paix donc on n'est pas du tout là.
15:20C'était une idée qui avait été mise sur la table par Zelensky quand il avait vu en
15:24septembre Donald Trump pour essayer justement d'y out of the deal en disant en fait on
15:30a quelque chose à vous donner.
15:31Et ce que je trouve qui est assez remarquable c'est que cette idée là qui pouvait servir
15:35si Trump était comme Trump 1 d'une manière très transactionnelle aujourd'hui a servi
15:39en réalité à imposer des traités inégaux.
15:42Vraiment l'idée c'est qu'on n'est plus dans le transactionnel.
15:47Donald Trump n'est plus simplement dans le transactionnel il est dans l'asymétrique
15:49et dans l'unilatéral.
15:50En fait il veut aujourd'hui prendre des ressources tout comme il veut prendre de la terre au
15:55Groenland comme il veut prendre une partie de Gaza du Moyen-Orient.
15:59En fait on est vraiment dans un geste qui est très différent de conquête des matériaux
16:04de la terre qui ressemble beaucoup plus à un geste impérial comme on a pu les connaître
16:08jusqu'au XIXe siècle à la seconde guerre mondiale que dans ce que les Etats-Unis ont
16:13mis en place dans l'après-guerre.
16:15En fait juste une petite chose, les Ukrainiens m'ont dit que c'était une idée au départ
16:20du sénateur Lindsey Graham américain, l'idée de mettre les minerais dans ces eaux.
16:24C'est un sénateur républicain qui est très proche de Trump et qui va souvent à Kiev
16:29et qui était assez longtemps en soutien des Ukrainiens et il est allé à Kiev l'été
16:33dernier et il a dit aux Ukrainiens voilà vous devriez proposer ça aux Américains
16:38de mettre les minerais dans la balance, ça va les intéresser, ça les impliquera et
16:41ça sera une forme de garantie de sécurité.
16:44Et les Ukrainiens au début se sont dit c'est totalement loufoque et puis finalement ils
16:49se sont dit si ça intéresse les Américains c'est là que ça a été mis dans le plan
16:52de la victoire que Zelensky a proposé aux Américains en septembre.
16:56Le président de la République du Grèce Annie Selvig-Hoffmann parlait tout à l'heure
16:57de la relance de l'Europe et presque du prix Charlemagne qui pourrait être décerné
17:01à Donald Trump ou à Vladimir Poutine, en termes militaires vraiment, l'Europe a annoncé
17:07un plan de 800 milliards d'euros d'augmentation des dépenses militaires, est-ce que ça permet
17:13de faire le poids face à la Russie de Poutine ?
17:16Il y a plusieurs questions, la première c'est un plan, c'est un premier plan et qui attendait
17:22au fond l'arrivée de l'acteur clé qui était suspendu jusqu'ici, c'est-à-dire le chancelier
17:27allemand, le prochain chancelier allemand et c'est ce qui se passe en Allemagne aujourd'hui
17:30qui à mon avis montre beaucoup plus clairement ce que ça va être l'effort futur et le prochain
17:36chancelier Merz met sur la table effectivement des investissements qui sont beaucoup plus
17:39massifs et qui ouvrent aussi à la possibilité d'un changement de gouvernance et aussi peut-être
17:44de forme plus, qui ressemble un peu plus à ce qui s'est passé avec le Covid donc avec
17:47une part d'investissement commun et d'endettement commun.
17:51Une question encore, c'est la fin malheureusement de ce grand entretien mais puisqu'on parle
17:56de guerre, il est question de vie, de vie épargnée, éventuellement Donald Trump qui
18:02dit qu'il a demandé à Vladimir Poutine d'épargner la vie de milliers de soldats
18:07ukrainiens qui sont engagés dans la région de Kursk en Russie et Vladimir Poutine qui
18:12appelle les soldats ukrainiens donc à déposer les armes afin de se voir garantir la vie.
18:18Qu'est-ce qu'on peut faire de ces mots-là, de ces promesses d'épargner les vies ukrainiennes
18:24Sylvie Kaufmann ?
18:25Oui, c'est vraiment étrange ce qui se passe autour de cette histoire de Kursk, ce qui
18:31se passe c'est donc, vous avez les Ukrainiens, l'armée ukrainienne avait fait cette incursion
18:35en mois d'août l'année dernière, en profondeur dans le territoire russe, dans la région
18:38de Kursk qui est en territoire russe.
18:40Les Russes sont en train de reprendre, enfin le grignotent depuis, ont essayé de reprendre
18:45depuis quelques mois et là visiblement ils sont dans une poussée décisive et les Ukrainiens
18:50se retirent.
18:51L'état-major ukrainien dément cette information, il dit que c'est pas vrai, il n'y a pas des
18:56milliers d'Ukrainiens qui sont encerclés, qui sont en train de se retirer et certains
19:02pensent même que, y compris dans mon journal, nous avons écrit que c'est à la demande
19:07des Américains que les Ukrainiens se retirent de Kursk, mais ce qui fait qu'ils perdent
19:11un levier qu'ils avaient, un levier potentiel dans la négociation effectivement.
19:15Et là aussi, pour revenir à ce qu'on s'est dit, fondamentalement les mots qui sont prononcés
19:19par le président des Etats-Unis rejoignent ceux qui sont prononcés par le Kremlin.
19:22L'idée qu'aujourd'hui les soldats ukrainiens seraient encerclés par les Russes, c'est
19:28un élément qui n'est pas factuellement vrai, c'est un élément de narratif russe, un filtre
19:32russe qui aujourd'hui est imposé par la Maison-Blanche sur le continent et c'est là qu'il faudra
19:36faire très attention parce que nous rentrons dans une phase très ambiguë, dans un étau
19:40et en fait, encore une fois, nos sociétés sont assez fortes pour le desserrer.
19:43C'est beaucoup plus clair et c'est passionnant de vous avoir écouté.
19:47Merci infiniment Sylvie Kaufmann, on vous lit dans le monde et Gilles Gressani, on vous
19:51lit dans le grand continent, vous et vos nombreux contributeurs, c'était important de vous entendre.

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