A six mois de l'élection américaine, l'éditorialiste au Monde Alain Frachon et l'historienne Sylvie Laurent analysent la situation aux Etats-Unis.
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00:00 France Inter, Simon Le Baron, le 7/10.
00:07 Dans un mois, tout juste le 9 juin, l'Europe vote.
00:10 Mais l'élection la plus importante pour l'avenir du monde cette année, aurait-elle
00:14 lieu de l'autre côté de l'Atlantique ? Élection présidentielle américaine dans
00:18 6 mois, duel Trump-Biden.
00:20 Et on en parle ce matin avec deux invités.
00:23 Sylvie Laurent, bonjour.
00:24 Bonjour.
00:25 Vous êtes spécialiste de l'histoire américaine, enseignante à Sciences Po et chercheuse associée
00:28 à Harvard.
00:29 Votre livre "Capital et race, histoire d'une hydre moderne" est sorti en janvier aux éditions
00:35 du Seuil.
00:36 Alain Frachon, bonjour.
00:37 Bonjour, Simon.
00:38 Vous êtes éditorialiste au journal Le Monde, ancien correspondant du Monde à Washington.
00:41 On peut vous écouter en podcast sur le site Slate et vous préfacer l'ouvrage "2024,
00:48 l'année de toutes les menaces" vu par la CIA, qui est parue aux éditions des Équateurs.
00:53 Je rappelle à nos auditeurs, comme d'habitude évidemment, le numéro du standard, 0145247000.
00:59 Et la possibilité de nous écrire sur l'application de France Inter.
01:03 Alors, question à tous les deux pour commencer.
01:05 Est-ce que vous dites, vous aussi on l'entend beaucoup, je l'ai dit moi-même, que l'élection
01:10 véritablement cruciale pour le Monde et pour l'Europe cette année aura lieu le 5 novembre
01:15 aux Etats-Unis ?
01:16 Sylvie Laurent.
01:17 Ecoutez, ça me semble beaucoup dire.
01:20 Il faudrait que le Monde puisse exister sans un référent permanent vers les Etats-Unis.
01:27 Le livre que vous avez eu l'amabilité de citer raconte la longue histoire de la fascination
01:33 de l'Europe et du Monde pour cette Amérique qui a été inventée à la fin du XVe siècle.
01:39 Et peut-être serait-il temps que l'on s'en défasse.
01:42 Mais force est de constater que notre projection vers ce continent américain est toujours aussi
01:48 puissante, une fois encore.
01:51 Je ne sais s'il faut le déplorer ou s'en réjouir.
01:53 Est-ce que c'est juste une projection à l'infrachon ou est-ce que, disons-le, en
01:58 cas de victoire de Trump, cela peut tout changer pour le Monde dans son ensemble ?
02:04 Moi, je ne veux pas sous-estimer l'importance de l'élection du Parlement européen.
02:11 Elle est fondamentale pour nous, pour l'Union Européenne, pour les pays de l'Union Européenne
02:16 et même pour ses voisins.
02:18 Mais enfin, sur le plan stratégique, économique, financier, technologique, force est de constater
02:26 à nouveau que la première puissance mondiale, ce sont les États-Unis.
02:33 Et que donc le regard qu'ils portent sur le Monde et la diplomatie qu'ils conduisent
02:39 s'apaisent, qu'on le veuille ou non.
02:41 Alors on peut dire qu'il y a des grandes continuités historiques et que tout ne change
02:44 pas du jour au lendemain.
02:45 Dans le cas de l'élection de Trump, il a prouvé lors d'un premier mandat que lorsqu'il
02:50 était à la Maison-Blanche, beaucoup de choses changent.
02:53 Alors évidemment, à six mois des élections, je ne vais pas vous demander un pronostic
02:57 mais je voudrais tout de même avoir votre avis sur l'état du pays aujourd'hui.
03:01 Les Américains sont aussi déprimés qu'on le dit, qu'on le lit par ce remake Trump-Biden.
03:08 Alain Frachon ?
03:09 C'est toujours difficile à évaluer comme ça.
03:12 L'humeur collective d'un pays, je sais que ça compte en sciences politiques et en histoire,
03:17 mais c'est toujours difficile de dresser.
03:19 Parce que ce qui m'a frappé aux États-Unis, mais ça relève de l'impressionnisme, je
03:24 suis d'accord, ce qui m'a frappé c'est une sorte de déconnexion entre le dynamisme
03:29 malgré tout de la société civile et sa déconnexion avec le monde politique.
03:35 C'est-à-dire j'ai eu le sentiment d'une Amérique qui se faisait au fond quoi qu'il
03:40 arrive à la Maison-Blanche, qui, alors évidemment c'est une impression, je ne dis pas que c'est
03:45 la réalité des choses, mais vous ne pouvez pas en une semaine, vous êtes comme beaucoup
03:50 de voyageurs, comme beaucoup de tourisme, je suis pareil, je suis frappé par le dynamisme
03:57 des États-Unis.
03:58 Sylvie Laurent, vous dites vous aussi que les États-Unis restent un pays avec une société
04:05 civile très dynamique, mais complètement déconnecté de cette échéance électorale
04:09 en fait, c'est ça que vous dites à l'affrachon ?
04:11 Non, ils ne sont pas déconnectés de l'échéance électorale, mais certainement il y a quelque
04:19 chose comme un déséquilibre ou un décalage flagrant entre ce dynamisme populaire incontestable
04:26 de la société civile américaine et les deux candidats qui sont appelés à porter leur
04:33 parole en 2024 et tout singulièrement en ce moment.
04:37 On assiste au même moment à la mise en scène de ce que ces deux candidats, Joe Biden et
04:45 Donald Trump, ont incarné et incarnent dans l'histoire politique américaine.
04:49 Vous avez d'un côté Donald Trump dans ce qu'il incarne là, dans ce procès face
04:56 à ses juges, c'est-à-dire un mélange de comportements crapuleux, de collusions entre
05:03 l'argent et la politique et de dégradations profondes de la démocratie et de l'état
05:07 de droit.
05:08 Et de l'autre côté, vous avez un Joe Biden qui s'entête dans une politique étrangère
05:13 qui est de toute évidence une faillite dans son soutien à Israël, alors même que la
05:18 majorité de la population, de façon répétée lors des sondages qui ont été accumulés
05:24 ces derniers mois, réclame un cessez-le-feu et favorable à la fin de l'amnistie et
05:32 de l'impunité accordée à Israël et à la réduction des armements qui y sont envoyés.
05:39 Et donc on se retrouve avec une énergie populaire, avec une série de désirs, de
05:44 besoins et d'aspirations qui n'ont pas d'interlocuteur dans le visage de ces deux
05:52 hommes qui chacun à leur façon sont un petit peu des repoussoirs et en tout cas des figures
06:00 vides de ce que serait l'avenir de la démocratie américaine.
06:03 Justement Sylvie Laurent, vous évoquez la politique étrangère de Joe Biden et en particulier
06:08 dans le cadre du conflit au Proche-Orient.
06:10 On va passer en revue les grands sujets qui vont décider sans doute de l'issue du vote.
06:15 Alors évidemment il y aura l'âge des candidats, l'actualité judiciaire de Donald Trump,
06:19 l'immigration aussi.
06:20 Mais pour rester sur Gaza, les mobilisations se multiplient sur les campus américains.
06:26 Alain Frachon, est-ce que vous dites aujourd'hui, même au-delà de la mobilisation des étudiants,
06:31 que finalement le soutien sans faille jusqu'à présent de l'administration Biden au gouvernement
06:38 Netanyahou peut avoir raison et peut faire perdre l'élection au président sortant ?
06:44 Juste une remarque pour suivre ce que disait Sylvie tout de suite.
06:50 Ce sont deux candidats impopulaires.
06:53 L'un et l'autre battent des records d'impopularité et 70% des américains ne veulent pas de ce
06:58 duel.
06:59 Ce n'est pas le candidat des américains.
07:01 Ce n'est pas ce que souhaitaient les américains.
07:02 Sur cette question du Proche-Orient, de la guerre à Gaza, je crois que Joe Biden a compris
07:11 très tard qu'il jouait beaucoup, une partie de son image en politique étrangère.
07:15 On a beau dire que la politique intérieure domine tout le temps une élection, et c'est
07:20 vrai qu'il y a deux grands thèmes, l'inflation et l'immigration, si vous voulez, mais ça
07:24 pèse, ça compte quand même dans l'image du candidat.
07:27 Et cette fois-ci, on a eu le sentiment d'un soutien sans condition à Israël.
07:33 Bon, ça, à la limite, on pouvait y être habitué, mais on a eu le sentiment surtout
07:38 que le premier ministre israélien, passez-moi l'expression, baladait Joe Biden.
07:43 Et ça, les américains n'aiment pas ça.
07:45 Les américains n'aiment pas que leur président ne soit pas respecté à l'étranger, particulièrement
07:51 par un premier ministre dont le pays dépend largement pour sa défense des États-Unis.
07:56 Et ça, on a vraiment eu l'impression.
07:58 Jusqu'à il y a 48 heures, l'offensive israélienne sur la ville du sud de la bande de Gaza, de
08:04 Rafah, où sont réfugiés plus d'un million de palestiniens, dans les conditions qu'on
08:09 imagine, et là, Biden a été acculé pour la première fois.
08:13 Et justement, vous avez l'impression que quand il pose pour la première fois des conditions
08:16 militaires au gouvernement israélien, disant que les États-Unis arrêteront de livrer
08:20 des bombes si Israël poursuit son offensive à Rafah, vous avez l'impression qu'il
08:24 le fait aussi à l'aune du paysage électoral américain ?
08:28 Bien sûr, écoutez, l'élection en démocratie, c'est aussi une affaire d'image.
08:34 Biden doit combattre une image de fragilité, due à son âge, due à son apparence physique,
08:41 et dû au fait que dans cette crise, même s'il a peut-être posé des conditions en
08:46 privé aux Israéliens depuis le début, sur certains points, c'est probable, mais
08:51 il ne l'a jamais fait publiquement.
08:53 Et ça, ça a accentué, exacerbé le sentiment de fragilité que pouvait donner Joe Biden
09:01 auprès du public américain.
09:03 Sylvie Laurent, effectivement une partie de l'électorat américain reproche à Joe
09:07 Biden ce soutien à Israël.
09:09 Et puis de l'autre côté, il y a le camp républicain, conservateur, voire ultra-conservateur,
09:14 qui joue la carte des mobilisations dans les universités pour agiter une sorte de péril
09:20 woke.
09:21 Est-ce que Biden est coincé entre ces deux bouts du spectre électoral ?
09:26 Écoutez, je tiens d'abord à signaler que quelque chose d'assez extraordinaire se
09:31 passe depuis plusieurs semaines aux États-Unis, qui est une entreprise de dénigrement du
09:35 mouvement Estudianta, comme on n'en a pas vu sans doute depuis la guerre d'Irak.
09:41 Et plus loin encore, lors des mobilisations, ceux que l'on qualifiait de communistes,
09:50 y compris Martin Luther King, qui était qualifié comme supporter des communistes vietnamiens.
09:55 Aujourd'hui, ils sont supposément en soutien du Hamas, financés par l'Iran, financés
10:01 par le Qatar.
10:02 Et donc, s'il vous plaît, il y a une entreprise de délégitimation de ce que les étudiants
10:07 américains, partout dans le pays, ont essayé de porter comme critique parfaitement légitime
10:15 du rôle absolument fondamental des États-Unis en Palestine.
10:18 Et il faut bien constater que Joe Biden a là aussi témoigné d'une certaine faiblesse
10:25 face à la double offensive de l'extrême droite américaine en lien avec le gouvernement
10:30 Netanyahou et des porte-parole du parti républicain, en lui-même donnant le sentiment qu'il
10:39 condamnait ce que serait un antisémitisme rampant, des exactions de la violence, alors
10:46 que tout cela est très largement soumis à caution et que les professeurs d'université
10:52 ont soutenu les étudiants et qu'il y a un mouvement profond, une fois de plus, qui
10:56 ne se limite pas au campus, mais qui est le sentiment du peuple américain dans son
11:01 ensemble.
11:02 Et donc, il a essayé dans un certain temps d'apparaître comme celui qui défend l'ordre,
11:06 qui restaure un certain état de choses dans lequel la police l'emporte sur les étudiants
11:15 en colère.
11:16 Et de l'autre côté, il donne le sentiment aujourd'hui de vouloir durcir le ton vis-à-vis
11:22 de Netanyahou.
11:23 A chaque fois, il y a une espèce d'incohérence, puisque lorsque, il y a quelques semaines,
11:30 le Congrès a voté un budget absolument colossal de financement pour Israël, avec 10 milliards
11:38 de dollars pour l'armée israélienne, sans condition, certains démocrates ont réclamé
11:44 qu'il y ait des conditions.
11:45 Et il s'est opposé aux conditions.
11:46 Et aujourd'hui, il commence à changer d'avis.
11:49 Toute l'image de Joe Biden est un petit peu comprise dans cette permanence ambiguïté,
11:54 c'est-à-dire le fait d'affirmer la démocratie et d'avoir une politique répressive sur
11:59 les campus, d'affirmer la défense du droit international et de donner une carte blanche
12:05 à Netanyahou, de vouloir être le président de la défense de la politique climatique
12:12 et de faire des États-Unis le plus grand pétrostate de la planète aujourd'hui.
12:15 Et tout est un petit peu comme ça.
12:17 Cette image de faiblesse, elle ne cesse d'être en permanence réactivée par les événements
12:23 actuels.
12:24 Et ces événements, ce sujet de Gaza, fait que beaucoup de jeunes se détournent aujourd'hui
12:30 de Joe Biden, alors qu'ils avaient plutôt largement voté pour lui, en tout cas pour
12:34 ceux qui avaient voté plutôt pour Biden que pour Trump, évidemment, il y a 4 ans.
12:39 Il y a un autre sujet qui fait que les jeunes Américains se désespèrent, c'est l'âge
12:43 des candidats.
12:44 81 ans pour Biden, bientôt 78 pour Trump.
12:48 Quel rôle joue l'âge des deux prétendants dans cette campagne, Alain Frachon ?
12:54 A l'évidence, ça joue un rôle en tout cas pour Biden, parce qu'il doit combattre
13:01 cette image de fragilité qu'il dégage.
13:04 Et puis bon, s'il fait un deuxième mandat, il aura 86 ans.
13:10 C'est en plus accentué par le fait que sa vice-présidente, qui n'a pas fait de faute,
13:18 qui n'a pas fait de gaffe, mais elle ne semble pas particulièrement charismatique ou douée
13:25 pour la politique et pour la politique à travers les médias, comme elle se fait aux
13:29 Etats-Unis.
13:30 Alors qu'on voyait en elle Kamala Harris, on voyait en elle une star il y a 4 ans, une
13:34 étoile montante dans la politique américaine.
13:35 Donc personne ne lui reproche rien, sinon de ne pas, comment dire, de ne pas, je ne
13:42 sais pas, crever l'écran, occuper la scène publique, avoir du talent dans le débat politique,
13:49 dans les médias.
13:50 Peu importe, vrai ou faux, ça ne facilite pas non plus l'élection d'un homme qui aura
13:58 entre 80 et 82 ans, si vous voulez, pour son deuxième mandat à la Maison-Blanche, s'il
14:03 est réélu.
14:04 Bien sûr, ça compte.
14:05 Ça comptait moins pour Trump, bien qu'il ait 78 ans, qu'il aura 78 ans, ça comptait
14:12 moins jusqu'à une période récente, où il a semblé avoir lui aussi de sacrés trous
14:20 de mémoire, il a semblé perdre un peu les pédales lorsqu'il ne s'attendait pas à
14:26 la question qu'on lui posait, et puis surtout, il n'est pas en campagne, parce qu'il est
14:32 dans le prétoire, parce qu'il est au tribunal à New York, à huis clos, et ça aussi, ça
14:37 compte beaucoup.
14:38 Mais je le répète, n'oubliez pas, Simon, ces deux hommes ont une popularité très faible
14:45 au niveau national, l'un comme l'autre.
14:47 Biden est un tout petit peu plus impopulaire que Trump, mais Trump aussi est très impopulaire,
14:52 et n'a jamais eu d'ailleurs la majorité des suffrages des Américains.
14:55 Et n'oubliez pas non plus que 70% des Américains considèrent que ce n'est pas le bon duel,
15:02 ce n'est pas le bon duo pour représenter l'Amérique de demain.
15:06 Il faut toujours s'en rappeler, effectivement, dans tous les sujets qu'on aborde, mais vous
15:09 avez évoqué à l'infrachon l'actualité judiciaire de Donald Trump et ses quatre procédures
15:16 pénales à son encontre, vous en parliez vous aussi tout à l'heure, Sylvie Laurent,
15:19 est-ce que ça le pénalise ? Alors même s'il est impopulaire, il a un électorat,
15:24 est-ce que ça lui fait perdre des poids ou est-ce que tout cela glisse sur lui ?
15:27 À ce stade on ne sait pas.
15:30 Sans doute qu'une condamnation sérieuse pourrait avoir un effet, mais les commentateurs
15:38 à ce jour sont divisés, puisque le prêtoir c'est aussi une scène de théâtre, c'est
15:43 aussi un endroit, si vous songez, qu'on le juge en ce moment, non pas pour le fait
15:48 de savoir s'il a acheté le silence d'une femme avec laquelle il a eu une relation il
15:53 y a plusieurs années, mais s'il a acheté la démocratie véritablement en 2016.
15:58 Cette image un peu masculiniste de l'homme qui peut consommer des actrices joue peut-être
16:05 en sa faveur et en même temps cette image aussi de ce mélange entre le people, le politique,
16:12 une équipe de margoulins autour de lui, de l'argent qui coule à flot, quelque chose
16:19 de profondément malsain au sein de la politique américaine, on espérerait que cela lui
16:23 nuise.
16:24 Mais il ne semble pas que les sondages le révèlent.
16:28 Peut-être une accumulation au niveau fédéral, mais on sait à peu près déjà la réalité
16:34 de ce que ces différentes procédures vont donner.
16:38 Oui, il y a eu un nombre invraisemblable d'atteintes à la légitimité du processus électoral,
16:45 du financement, qu'il s'agisse des faux voteurs, des fausses voix, jusqu'au 6 janvier,
16:52 c'est-à-dire à la tentative pour empêcher la certification du vote de Joe Biden.
16:58 Ces procès ne révéleront rien que l'on ne sache déjà.
17:02 Est-ce que la mise en scène de la justice qui se défend ou de la démocratie qui tente
17:07 de se défendre jouera en sa faveur ? J'avoue que je suis bien incapable de vous répondre.
17:11 En tout cas, il y a quelque chose qu'il faut toujours rappeler peut-être parce que
17:13 vu d'ici, ça paraît étonnant, mais il ne sera pas inéligible quoi qu'il arrive,
17:18 Donald Trump.
17:19 Il espère même obtenir l'impunité, puisque la Cour suprême est à ce jour chargée de
17:25 réfléchir sur le fait que peut-être, en tant qu'ancien président, il devrait bénéficier
17:31 lui aussi d'une impunité pour ses actes.
17:36 Quel regard vous portez là-dessus, Alain Frachon ? Est-ce que finalement ces procès
17:41 peuvent renforcer la base électorale de Donald Trump, mais créer d'un autre côté un plafond
17:48 de verre ?
17:49 Il y a quatre inculpations criminelles contre lui qui ont été prononcées.
17:53 Sur ces quatre affaires, il y en a sans doute une seule qui sera jugée avant le 5 novembre.
18:01 C'est celle qui est jugée en ce moment à New York, sans caméra.
18:05 Il ne faut pas dire qu'elle n'est pas vraiment à huis clos, parce qu'il y a la presse,
18:08 etc.
18:09 Mais enfin, il n'y a pas de caméra.
18:10 Ce qu'on sait, on sait deux choses.
18:12 Les inculpations n'ont pas entamé sa popularité auprès de son électorat.
18:17 Au contraire même, elles ont peut-être eu un effet de regroupement de l'électorat.
18:21 Mais personne ne peut dire quel sera l'impact d'une condamnation.
18:26 Même si c'est une condamnation en première instance, il fera appel.
18:29 Même s'il est condamné à la prison, il n'ira pas en prison.
18:31 Il fera appel.
18:32 Et le temps de l'appel et la justice est tellement lente qu'on arrivera au 5 novembre.
18:37 Et qu'après, il espère bien, lui, s'il est élu président, pouvoir s'auto-gratier.
18:42 Donc la vérité, c'est qu'on ne sait pas quel sera l'impact d'une éventuelle condamnation.
18:48 On saura assez vite, parce que le jugement doit intervenir dans 2 ou 3 semaines à New
18:54 York.
18:55 Il faut bien comprendre sur quoi porte le jugement, comme on le rappelait.
18:59 Ce n'est pas un jugement sur le fait qu'il a eu, hors mariage, une relation avec une
19:05 actrice.
19:06 Ce n'est pas ça qui est jugé.
19:07 - D'avoir tenté d'acheter son silence.
19:08 - Oui, et ce n'est même pas ça qui compte.
19:11 Mais pourquoi a-t-il acheté ? Ce qui compte, c'est le fait qu'il a comploté pour avoir
19:15 acheté, en fait, pas simplement le silence de cette jeune femme, mais d'autres, de deux
19:19 autres aussi, de façon à ce que les électeurs ne puissent pas le juger sur ce qu'il est
19:25 vraiment.
19:26 C'est ça qui constitue le crime.
19:29 - Autre sujet clé de cette campagne que je voulais aborder avec vous, c'est l'immigration
19:35 illégale.
19:36 200.000 migrants arriveraient sur le sol américain chaque mois.
19:39 L'administration Biden vient justement de dire sur le ton, en promettant de sanctionner
19:45 les pays d'Amérique latine qui faciliteraient l'immigration illégale.
19:48 Qu'est-ce que vous pensez de cette tentative de durcir le discours à quelques mois des
19:53 élections ? Là aussi, cela s'inscrit, comme vous le disiez tout à l'heure, finalement
19:59 dans un discours qu'on peut retrouver sur Gaza aussi, Alain Frachon.
20:03 On voit que ce sont des sujets sensibles, donc on hausse le ton ?
20:09 - C'est un sujet ultra sensible de la campagne américaine.
20:14 Si vous revenez à ce livre sur la CIA, sur les menaces que vous faites, sur ce livre
20:22 qui est un regard sur comment les Etats-Unis voient le monde d'aujourd'hui, il chiffre
20:27 un certain nombre de menaces.
20:28 Et parmi les menaces, il y a des flux migratoires incontrôlés, c'est assez nouveau, et la
20:33 dette.
20:34 Il faut savoir qu'aux Etats-Unis, si on prend l'année 2023, il y a eu 2,5 millions d'entrées
20:42 illégales.
20:43 C'est une estimation.
20:44 A Washington, il y a ce que je n'avais jamais vu avant, il y a un peu partout, ces petites
20:53 tentes igloos qui habitent comme ça au carrefour des autoroutes ou au grand carrefour de la
21:01 ville des dizaines et des dizaines d'immigrés.
21:04 Parce que les immigrés ne restent pas dans le sud, en Californie, ou dans le sud-ouest
21:09 des Etats-Unis, ils arrivent aussi dans les autres villes, à New York, en Pennsylvanie
21:13 et ailleurs.
21:14 Oui, je pense que ça va peser.
21:16 Il y avait un projet qui a été voté par le Sénat, entre démocrates et républicains,
21:23 pour tenter de réguler la pression qui se fait à la frontière avec le Mexique.
21:29 Mais les ultra-républicains, à la Chambre, ont refusé de voter ce texte.
21:35 Parce qu'ils préféraient aller à l'élection, c'est ce qu'on appelle la politique du pire,
21:39 ils préféraient aller à l'élection avec une très forte pression sur les gardes-frontières
21:45 dans tout le sud-ouest des Etats-Unis.
21:47 La politique du pire de la part de Trump dans cette histoire.
21:50 Et Trump qui promet tout simplement de déployer l'armée pour expulser 11 millions de sans-papiers.
21:56 La plus grande opération d'expulsion de l'histoire des Etats-Unis, dès le premier jour de son
22:01 mandat, c'est sa promesse.
22:03 Comment répondre finalement à une promesse aussi radicale, voire caricaturale, Sylvie
22:09 Laurent ?
22:10 En la prenant au sérieux, ce qui est intéressant ici, c'est de comprendre la façon dont Trump
22:16 est parfaitement explicite sur la manière dont, selon lui, la guerre menée par les
22:22 Etats-Unis n'est pas une guerre à l'extérieur.
22:24 Son objectif n'est pas de faire régner la démocratie face à Poutine ou face à Xi Jinping.
22:29 Selon lui, la guerre se mène à l'intérieur.
22:32 Et les ennemis de l'intérieur, on les connaît bien, les communistes, les marxistes, les
22:37 étudiants sur les campus et les immigrés qu'il qualifie de vermines qui viennent
22:42 polluer le sang de l'Amérique.
22:43 Il faut prendre au sérieux ce qu'avec la fondation, l'Heritage Foundation, qui est
22:50 l'organisation conservatrice qui a rédigé un projet 2025 de ce que seraient les 100
22:55 premiers jours de gouvernement d'une présidence Trump.
22:59 Ce qu'il suggère, c'est, au-delà de la rhétorique raciste, la mise en place d'un
23:05 plan de déportation sans précédent dans l'histoire des Etats-Unis qui supposerait
23:10 la création de centaines de camps d'internement à la frontière, l'usage de la police et
23:17 des gardes fédérales pour arrêter les gens à leur domicile et les renvoyer, une politique
23:24 extrêmement autoritaire vis-à-vis des gouvernements au sud de la frontière, la fermeture elle-même
23:29 absolue et sans modification possible de la frontière et des échanges avec les pays
23:37 du sud.
23:38 C'est-à-dire qu'on est dans un épisode de diabolisation, de guerre menée à une
23:45 partie de l'Amérique qui vient du sud, qui est tout à fait considérable.
23:50 Et que Biden cherche un compromis, là encore, n'apparaît comme une faible réponse par
23:57 rapport à cet extraordinaire projet de violence vis-à-vis des immigrés.
24:02 Je vais vous parler de guerre, Sylvie Laurent, je voudrais terminer, mais vraiment je vais
24:05 vous demander une réponse très courte à chacun, même si la question est vertigineuse,
24:09 puisqu'elle nous est posée, elle revient plusieurs fois sur l'application de France
24:13 Inter, notamment Pierre et Francis, qui demandent si, vu les divisions de la société américaine,
24:17 ces élections peuvent finir autrement que par des conflits violents, voire une guerre
24:21 civile, dit Francis.
24:23 Très rapidement Alain Frachon.
24:24 Écoutez, c'est simple, il faut prendre Trump au mot.
24:27 Il faut prendre Trump au mot.
24:29 Il fera ce qu'il dit dans la mesure du possible et dans la mesure des institutions.
24:34 Il a dit que s'il n'était pas élu, il y aurait de la violence.
24:39 Et il ne s'est pas prononcé contre.
24:41 Il n'a pas mis en garde contre cette violence.
24:43 Il a dit "si je ne suis pas élu, il y aura de la violence dans les rues de l'Amérique".
24:48 Merci à tous les deux Sylvie Laurent.
24:50 Un tout dernier mot ? Juste pour dire qu'il faut se méfier de la
24:55 grande apocalypse et de la guerre civile qui vient.
24:58 C'est aussi un grand élément de langage des extrêmes droites.
25:00 Donc espérons que la démocratie, qui est de résoudre les conflits autrement que par
25:04 la guerre, pourra avoir son pouvoir magique à nouveau en novembre prochain.
25:09 Et je rappelle vos livres à chacun.
25:11 Capital et race, Sylvie Laurent aux éditions du Seuil et 2024, l'année de toutes les
25:16 menaces vues par la CIA.
25:17 Alain Frachon, vous préfacez ce livre aux éditions des Équateurs.
25:20 Merci à tous les deux.
25:21 La revue de presse à suivre.