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Invités du Grand Entretien, les journalistes Anne Sinclair, Dov Alfon et l'historien Vincent Lemire reviennent sur les attaques terroristes du 7 octobre, perpétrées par le Hamas en Israël.

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien

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00:00« Il est 8h25, France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:07Et un jour, un an, jour pour jour, après les attaques terroristes du Hamas contre Israël
00:14ayant fait 1200 morts et entraîné la capture de plus de 250 otages, analyse ce matin d'un
00:21événement qui aura changé pour toujours Israël, le Proche-Orient et le monde.
00:26Nos invités Léa pour en parler.
00:28Anne Sinclair, journaliste qu'on n'a plus besoin de présenter, bonjour Anne, merci
00:31d'être là.
00:32De Valfon, directeur de la rédaction Libération, ancien rédacteur en chef du quotidien israélien
00:37Aaretz.
00:38Et Vincent Lemire, historien, professeur à l'université Gustave Eiffel, auteur de
00:43« Anatomie d'un conflit » avec Thomas Negaroff aux Arènes et de la bande dessinée
00:46« Histoire de Jérusalem » qui cartonne toujours aux Arènes.
00:50Bonjour à tous les trois.
00:51Oui, soyez les bienvenus avant d'analyser les conséquences politiques et militaires
00:56du 7 octobre et de la guerre qui dure depuis un an.
01:00Pouvez-vous nous dire, chacun d'entre vous, quels souvenirs vous gardez de cette journée
01:05d'horreur et de ce qu'elle a changé en vous, Anne Sinclair ?
01:10Un ébranlement majeur, une déflagration.
01:14D'abord devant, évidemment, le massacre et la sauvagerie de ce massacre et si on le
01:21rappelle pas ce matin, quand le rappellera-t-on ? Et notamment de ces crimes sexuels atroces
01:30que des organisations internationales indépendantes ont eu beaucoup de mal à faire admettre parce
01:38qu'il y a une sorte de négation générale, y compris de négation des organisations
01:43internationales, devant la sauvagerie que certains qui ont enquêté sur les crimes
01:51de Boko Haram ou d'Ukraine n'ont jamais, jamais vu.
01:55Donc un massacre atroce avec un acharnement sur les victimes et les corps des victimes
02:02et notamment des femmes, un massacre dans le pays qui devait précisément être celui
02:07qui mette à l'abri le massacre.
02:10Et puis, et ça je crois pour tous les juifs du monde entier, la prise de conscience que
02:18la parenthèse de 75 ans, une parenthèse où c'était plus possible, où le plus
02:24jamais ça ne devait plus arriver, la prise de conscience que l'anéantissement de nouveau
02:30était possible.
02:31Et peut-être une prise de conscience définitive en fait que ces 75 ans c'était la fin d'un
02:38tabou, la fin d'un silence sur l'antisémitisme réveillé au combien, on va en parler sûrement,
02:46mais en tout cas que l'anéantissement de nouveau était possible.
02:49Dov Alfon, même question, vous qui connaissez si bien Israël, vous qui avez dirigé l'un
02:52des plus grands quotidiens israéliens, quel souvenir du 7 octobre avez-vous et qu'est-ce
02:56que ça a changé en vous ?
02:58J'étais chez moi quand les premiers push, tweets, etc. ont commencé à diffuser des
03:06nouvelles et des photos et des vidéos qui étaient en fait incompréhensibles pendant
03:10au moins une heure.
03:11Il était impossible de comprendre ce qui se passait.
03:14Mais mon premier réflexe bien sûr était d'appeler mes filles en Israël, ma mère
03:20qui vit toujours et de s'inquiéter de mes proches.
03:24Mais c'est là vraiment que nous faisons un métier remarquable, c'est que immédiatement
03:29j'ai basculé dans une pause professionnelle, essayant donc de diriger ma rédaction, écrivant
03:36le premier édito qui a été publié sur Libération.fr, je crois, vers 15 heures ce
03:43jour-là, donc très très tôt après les attaques.
03:46Et depuis, je ne suis pas sûr que j'en suis sorti autrement dit, je ne suis pas sûr que
03:51personnellement je comprends exactement ce qui se passe.
03:55Ce qui me sauve, c'est de pouvoir analyser tout ça comme journaliste.
03:59Vous n'en êtes pas sorti ?
04:01Non, je pense que pour beaucoup d'Israéliens, d'ex-Israéliens, de mi-Israéliens ou de
04:06Juifs dans le monde, le 7 octobre n'est plus qu'une longue journée qui ne s'est pas encore
04:12tout à fait achevée.
04:13Et pour vous, Vincent Lemire, vous qui avez vécu à Jérusalem, vous qui avez travaillé
04:17là-bas, vous dont les travaux portent sur ce pays, quels sentiments vous ont traversés
04:23il y a un an ?
04:24Je venais de rentrer, effectivement, de 4 ans, passer à Jérusalem, c'était un samedi,
04:29un samedi matin.
04:30C'était non seulement un shabbat, mais c'était le jour de Simrattorah, c'était le dernier
04:34jour de la fête de Soukott.
04:35Et j'étais à la campagne, il se trouve que ce matin-là, j'étais en réunion Zoom avec
04:39une réalisatrice franco-israélienne, parce qu'on travaille à un projet d'adaptation
04:44d'un de mes livres.
04:45Et comme tout le monde, mon portable s'est mis à vibrer, à sonner, j'ai commencé à
04:50voir sur Facebook notamment, en fait plutôt sur les réseaux sociaux très personnels.
04:54Les journalistes n'osaient pas trop retweeter au début, c'est ce que vous dites d'Ovalfond,
04:58ils ne savaient pas comment transformer ça en information, donc c'était Facebook beaucoup.
05:03Tout le monde me parlait des roquettes, les journalistes ont commencé à m'appeler, j'ai
05:08dit non mais oubliez les roquettes, les otages, on voit qu'il y a des civils qui sont emmenés,
05:13et c'est ça qui va tout changer.
05:14Et c'est ça qui va faire que ce ne sera pas le 11 septembre israélien, pas seulement
05:18le 11 septembre ou le Bataclan, parce que c'est horrible à dire, mais le Bataclan,
05:23le lendemain c'était fini, le 11 septembre les tours étaient tombées.
05:25Le 7 octobre ça dure toujours, comme ça vient d'être dit, parce qu'il y a les otages
05:31notamment, parce qu'il en reste une centaine qui sont en vie, et puis je suis rentré précipitamment
05:36parce que j'étais dimanche 8 octobre ici sur ce même plateau, je me souviens avec
05:41Elie Barnaby qui était au téléphone depuis Tel Aviv, et on a commencé à essayer de
05:47mettre en récit ce qu'il se passait, de trouver un vocabulaire, la première bataille
05:50que moi j'ai menée c'était la bataille du mot terrorisme, attentat terroriste, parce
05:56qu'en fait ça a été la première polémique, est-ce que c'était un acte de guerre ou
06:00un acte terroriste, j'ai tout de suite dit, j'ai tout de suite écrit, c'est un acte terroriste,
06:04puisque c'est un mode opératoire, il s'agit de terroriser des civils, et c'est comme
06:08ça qu'il faut l'analyser, et effectivement j'en suis pas sorti en fait, on ne peut pas
06:12en sortir, et depuis on continue d'essayer de raconter chacun un autre niveau, moi je
06:16suis plutôt prof, chacun un autre niveau, de réguler les débats qui se passent.
06:21Essayez de comprendre comme dit Doval Fond, vous-même vous dites, Vincent Lemire, on
06:26s'est beaucoup trompé depuis un an, c'est très difficile à expliquer ce qu'il se
06:31passe, à analyser, que ce soit les stratégies ensuite, la guerre ensuite, c'est difficile
06:36de comprendre.
06:37On s'est beaucoup trompé, on a tous pensé que Netanyahou allait perdre le pouvoir dans
06:43les heures ou dans les jours qui venaient, puis ensuite on n'a pas arrêté de dire
06:45que le cessez-le-feu allait arriver, qu'il allait perdre le pouvoir, etc., il est toujours
06:49là.
06:50J'ai écrit le 14 octobre que le Hamas avait tendu un piège stratégique et moral diabolique
06:57à Israël, et j'ai écrit, l'objectif du Hamas c'est de faire commettre à Israël
07:02des crimes de guerre, d'une violence jamais vue, pour retourner l'opinion publique internationale.
07:07A l'époque ça paraissait impensable, parce que tout le monde était derrière Israël
07:12le 7 octobre.
07:13Et c'est ça aussi qui est étonnant, sur le moment, il y avait quand même une émotion,
07:19une empathie spontanée.
07:20Et effectivement, ce qu'a fait Netanyahou depuis un an, c'est qu'il a réussi l'impensable,
07:27c'est-à-dire à retourner une bonne partie de l'opinion publique mondiale contre Israël.
07:31Anne Sinclair ?
07:32Oui, tout le monde n'était pas derrière Israël le 7 octobre.
07:36Le 8 octobre, le 8 octobre que va célébrer aujourd'hui, demain, un certain parti politique
07:44français, les filles ne vont pas le nommer, le 8 octobre a été l'entrée en guerre
07:50du Hezbollah pour frapper Israël.
07:53Le 8 octobre, dans le monde entier, on a commencé à dire que les Juifs étaient responsables
08:00de ce qui leur arrivait.
08:01Comme à chaque fois que les Juifs sont attaqués, massacrés, il y a toujours quelque part la
08:07faute des Juifs.
08:09C'est quand même très extraordinaire que ça ait été à ce moment-là, et comme
08:14jamais, une libération de l'antisémitisme et d'une violence.
08:20Alors, je ne nie pas, bien entendu, les ravages atroces de la guerre de la Gaza, dont nous
08:26pleurons, les victimes palestiniennes, terriblement, et comme le disait Pierraski tout à l'heure,
08:32et l'Ibernavie a dit qu'une guerre qui n'avait pas d'objectif politique pouvait
08:36gagner des batailles, mais ne pouvait pas gagner la guerre, et on est tous d'accord
08:39là-dessus, que cette guerre doit s'arrêter, et ce n'est pas une défense de Netanyahou,
08:43et en tout cas pas de ma part, sûrement pas, mais quand même, tout de suite, ça a été
08:50la faute.
08:51Vous avez ressenti, Dov, cette bascule très rapide, le lendemain, dit Anne Sinclair,
08:58Israël victime.
08:59Je crois que c'est à 17h15 que Gérald Damanin envoie au préfet une note, le 7 octobre,
09:08en leur demandant, vu des informations qui lui parviennent, de protéger les lieux de
09:14culte israélites en France.
09:16On est le 7 octobre, on n'est même pas le 8, et on est des heures et des heures avant
09:21la première attaque israélienne à Gaza, et on est des jours avant, par exemple, la
09:27décision de couper l'eau à Gaza, donc on n'est pas encore dans cette logique guerrière
09:31israélienne, et on est déjà à se dire, c'est la faute des Juifs, il faut aller brûler
09:35une synagogue, c'est un réflexe vieux comme le monde.
09:38Et les actes antisémites ont explosé depuis, et en France, près de 60% des actes racistes
09:45sont des actes antisémites, près de 900 actes antisémites sur les 6 premiers mois
09:51de l'année, c'est plus de 200% par rapport à l'an dernier.
09:54Dans le Monde de ce week-end, le président du CRI, Fionnata Narfi, déclarait que le
09:577 octobre était aussi un choc français, vous êtes d'accord avec lui ?
10:01Écoutez, moi, j'ai écrit au mois de juin dernier, non, l'antisémitisme n'est pas
10:07résiduel, il explose, il est exponentiel.
10:11Et ce qui se passe depuis le 7 octobre, évidemment, je me retrouve entièrement dans ce qui vient
10:17d'être dit, à participer de cette explosion, de cette libération de la parole et des actes antisémites.
10:23De ce point de vue-là, les paroles de Jean-Luc Mélenchon, pour le nommer, sont catastrophiques,
10:31sont scandaleuses, sont indignes.
10:32L'antisémitisme résiduel, dans le contexte dans lequel on était au printemps, c'était,
10:37de mon point de vue, absolument indigne.
10:39La réponse, c'est l'éducation, c'est la pédagogie.
10:43Alors, il y a eu ce podcast qu'on a fait avec Thomas Snégaroff, qui a été apparemment
10:49énormément écouté par des ados, et j'ai énormément de messages d'ados qui portent
10:53tous les prénoms et qui me disent qu'ils ont appris, qu'ils ont bougé, qu'ils ont...
10:58Voilà.
10:59Jeudi dernier, j'étais à Sciences Po, Paris, pour ouvrir un cycle de conférences sur le
11:03conflit israélo-palestinien.
11:04Le matin même, il y avait eu des manifestations qui ont été relayées, etc.
11:07Il y avait plusieurs centaines d'étudiants dans l'amphi, ça s'est parfaitement passé.
11:10Il y a des étudiants qui avaient des keffiers, il y a des étudiants qui avaient des kippas,
11:15il y avait tout.
11:16La réponse, c'est l'enseignement, c'est la pédagogie.
11:18Et là, je suis obligé de dire, en tant qu'enseignant, que nos tutelles, c'est-à-dire le ministre
11:24de l'Enseignement supérieur, Recherche, Ministère de l'Éducation, n'ont pas fait
11:27le travail.
11:28C'est-à-dire que le réflexe, après le 7 octobre, ça a été de dire, on n'en parle
11:31pas, on met le couvercle sur la marmite.
11:35Et ce qui s'est passé, c'est que ce sont les étudiants, ce sont les lycéens qui se
11:38sont saisis de tout ça.
11:39Je pense que la communauté éducative n'a pas pris ses responsabilités tout de suite,
11:43j'en prends ma part.
11:44On est en train d'essayer de rétablir les choses.
11:47Vous voulez y réagir, Anne Sinclair ?
11:49Oui, je crois que ce qui a été un marqueur incroyable dans le réveil de l'antisémitisme,
11:57dans les sociétés occidentales, et notamment dans la société française, c'est le renversement
12:03absolu de l'histoire.
12:04C'est-à-dire d'avoir immédiatement voulu faire des victimes les bourreaux.
12:10Et ça s'appelle pas autrement que du négationnisme.
12:14Et ça, ça a été l'abus des termes génocide, résistance, qui ont été emparés, on vient
12:23de le répéter, par LFI, par Mélenchon, ça a été un thème obsessionnel de la campagne
12:30européenne, un thème obsessionnel de la campagne législative.
12:34Et aujourd'hui encore, quand Mélenchon demande que le 8 octobre on mette des drapeaux
12:40palestiniens, c'est pour célébrer quoi ? C'est pour célébrer la résistance de
12:46quoi ? Du Hamas ? Non, il devrait être dans l'affliction, comme nous le sommes tous,
12:53et du 7, et de la suite.
12:55Et or là, c'est au fond, oui, le travestissement de l'histoire.
13:00C'est ça moi qui m'a profondément heurté, choqué et surtout surpris en France.
13:07De Valfon.
13:08Cela ne me choque pas outre mesure, comme je n'attendais rien, mais d'une certaine
13:12manière, on est devant un réflexe que nous comprenons, que nous connaissons de la gauche
13:18révolutionnaire, qui est de juger une atrocité selon le profil sociopolitique supposé de
13:24la victime.
13:25Et donc, en Union soviétique, les fameux dissidents étaient des menteurs, etc. parce
13:33que nous, on croit au communisme, et donc eux, forcément, sont les méchants de l'histoire.
13:39Par contre, ce qui m'a choqué d'une certaine manière, c'est la neutralité affichée
13:48de politiques françaises ou de journalistes français dans ce conflit, comme si la France
13:53était un satellite qui regardait cela de très loin, comme si la France et les puissances
13:58occidentales n'avaient aucun lien avec la décision de partition, avec les deux états
14:03dans ce pays sur un territoire qui n'est pas fait pour ça, avec même, je dirais,
14:09Gaza, comme depuis les camps de prisonniers gazaouis de Napoléon lors de la conquête
14:14de l'Egypte, depuis surtout la campagne de Suez, où la France a entraîné Ariel
14:23Charon et d'autres à attaquer le plus possible les gazaouis, la France a une part de responsabilité
14:30dans ce qui se passe là-bas, et il est admirable de voir des français critiquer les uns et
14:36les autres, les palestiniens, vraiment, c'est trop, les israéliens ne devraient pas bombarder,
14:40comme si eux étaient, voilà, ils sont nés du souffle de la mer et ils regardent cela
14:46avec la bonté d'une déesse bienveillante, cela me met hors de moi.
14:50Cette attaque a aussi été l'élément déclencheur d'une guerre qui fait toujours rage, qui
14:55a causé près de 42 000 morts dans la bande de Gaza, selon l'ONU, et d'un embrasement
15:02régional avec la guerre qui gagne aujourd'hui le Liban.
15:08Pour vous, Vincent Lemire, c'est la pire crise qu'ait connu le Proche-Orient depuis
15:12les croisades.
15:13J'ai bien parlé du Proche-Orient, pas du Moyen-Orient, parce que la guerre Iran-Irak
15:18Oui, oui, bien sûr, mais expliquez-nous pourquoi la pire, il y en a eu d'autres, expliquez-nous.
15:26À l'aune du nombre de civils ?
15:27Aussi, j'essaye, la première intifada, c'est 1000 morts palestiniens, la deuxième intifada,
15:33c'est 3000 morts palestiniens, les pogroms à Hebron, c'est 130 juifs massacrés.
15:41Vous voyez, c'est ce genre de chiffre, la première guerre israélo-arabe, c'est 13 000
15:45morts palestiniens.
15:47Et puis avant, il y a la période ottomane, où c'est plutôt calme, la période mamelouk,
15:50on arrive aux croisades, c'est-à-dire un niveau de violence paroxystique extrême,
15:56de haine de l'autre, c'est le « eux ou nous » en fait, une guerre effectivement
16:00qui est vécue comme une guerre d'anéantissement.
16:03Et c'est ça qui fait toute la difficulté de cette commémoration aujourd'hui, de ce
16:087 octobre, qui est une commémoration très difficile, paradoxale, c'est-à-dire qu'on
16:12doit à la fois se souvenir du 7 octobre, des civils massacrés par cet attentat terroriste
16:18du 7 octobre, on commémore aussi l'année qui s'est écoulée, et les gens qui nous
16:23écoutent se situent évidemment d'un côté ou d'un autre.
16:27Commémorer, ça veut dire se souvenir ensemble, ça veut dire communier dans le souvenir.
16:32Comment on va faire pour passer cette journée ensemble ?
16:35Moi, je propose deux méthodes, la première effectivement, c'est de se souvenir à la
16:41fois des morts du 7, des civils palestiniens et des civils de Gaza, et des otages qui
16:46sont encore dans les tunnels de Gaza.
16:49L'autre méthode, plus rationnelle, plus scientifique, c'est ce que j'ai essayé
16:53de faire il y a quelques jours dans un papier du Monde, apprenons à distinguer les intérêts
16:59vitaux des sociétés civiles des calculs tactiques de leurs dirigeants.
17:03Yaya Sinwar ne défend pas les intérêts de la société civile Gazaoui, Netanyahou ne
17:09défend pas la société civile israélienne, le Hezbollah ne défend pas la société civile
17:14libanaise.
17:15Dire ça, c'est...
17:17Dans les années 90, on savait le faire au moment du processus de paix, on savait que
17:21le Hamas d'un côté et l'extrême droite israélienne de l'autre étaient nos ennemis
17:26à tous.
17:27Et l'extrême droite a assassiné Rabin, et le Hamas faisait des attentats suicides,
17:31on le savait.
17:32Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'on nous oblige aujourd'hui à choisir entre Sinwar
17:37et Benghvir ?
17:38C'est ça ce qui s'est passé aussi depuis le 7 octobre.
17:41Et comment vous expliquez, parce que c'est vrai qu'il y a eu, alors ça vous appartient
17:45depuis les croisades, mais en tout cas ce qui est certain, et je pense que tout le monde
17:48est d'accord autour de la table, le nombre de morts que ce soit le jour du 7 octobre
17:52qui fut la journée la plus meurtrière pour l'État d'Israël depuis sa création, avec
17:561200 morts et plus de 250 otages dont on ne sait pas où ils sont, et de l'autre côté,
18:05la moyenne basse parle de 40 000 morts chez les Palestiniens, 40 000, 2000 morts au Liban,
18:14le nombre de morts est pourtant, et on imagine le traumatisme des Israéliens, mais tout
18:19de même la popularité de Benyamin Netanyahou ne cesse d'augmenter, elle a triplé si on
18:25compare sa popularité d'avant le 7 octobre, c'est-à-dire qu'il ne lui reproche pas d'avoir
18:30failli, que les renseignements israéliens ont failli et n'ont pas pu prévenir le 7
18:33octobre, que les otages en restent toujours dans les tunnels, et c'est vrai que ça peut
18:38sembler interroger cette popularité de Benyamin Netanyahou en Israël, mais aussi dans la communauté
18:44juive internationale.
18:45Déjà, les sondages varient énormément, ceux d'hier par exemple le donnent à une
18:52moyenne plus basse que celle d'Emmanuel Macron en France, ce qui veut tout dire, on est quand
18:57même dans la moyenne la plus basse qu'il n'a jamais eue, rappelons que les taux de
19:02Golda Meir après la guerre de Kipour, qui était un choc terrible, étaient plus élevés
19:06que ceux de Benyamin Netanyahou aujourd'hui.
19:08Effectivement, elle augmente quand même, mais elle reste très basse et il y a chaque
19:17samedi soir encore entre 200 et 400 000 Israéliens qui manifestent contre lui, donc on ne peut
19:22pas dire qu'il a réussi son coup encore, mais il est en passe de le réussir, oui,
19:27il est en passe de le réussir, comme grâce à un blocage du Parlement que nous pouvons
19:32comprendre, si effectivement il démissionnait, du coup, il serait dans un gouvernement démissionnaire
19:38pendant trois mois où il n'aurait ni Parlement ni Cour suprême face à lui et il pourrait
19:43faire tout ce qu'il veut et donc on hésite beaucoup sur les développements politiques
19:48possibles.
19:49Je n'en vois pas.
19:50Dernière question à tous les trois, comment avez-vous reçu les déclarations d'Emmanuel
19:54Macron samedi sur France Inter ? Le Président de la République s'est prononcé pour l'arrêt
20:00des livraisons d'armes à Israël qui sont utilisées dans le conflit à Gaza, ce qui
20:05a suscité la colère de Benyamin Netanyahou, Israël remportera la victoire avec ou sans
20:10le soutien de la France, honte à eux, a-t-il dit, en visant donc Emmanuel Macron et d'autres
20:16dirigeants ayant fait la même demande d'embargo, qu'en avez-vous pensé Anne Sinclair ?
20:21Que sa déclaration était comme les précédentes, totalement illisible, la diplomatie française
20:28dans cette affaire, c'est comme si elle ne comprenait rien à ce qui se passe.
20:32La déclaration déjà d'Emmanuel Macron au moment de l'affaire des Bippers, sans
20:43pouvoir une seule fois dire que le Hezbollah avait non seulement du sang français, du
20:51sang américain, du sang syrien, que le Hezbollah était la pire milice organisée à la solde
20:58de l'Iran, qu'elle n'avait que pour but que la destruction de l'état d'Israël
21:03et que voulait établir une république islamique au Liban, donc une diplomatie complètement
21:11erratique où on ne comprenait rien, avec un timing incroyable, que ce soit la veille
21:16du 7 octobre et avec ce que ça voulait dire aujourd'hui pour un pays qui est le deuxième
21:23exportateur d'armes, la France est le deuxième exportateur d'armes dans le monde, pour des
21:28milliards d'euros au Qatar.
21:30Votre réaction au propos du président de la République, Doval Font et puis rapidement
21:34Vincent Lemire ?
21:35Ça ne mange pas de pain puisque la France de toute façon vend très très peu d'armes
21:38à Israël et c'est plutôt des armes de défense, donc ça ne lui coûte pas cher.
21:41Et d'un autre côté, je pense que c'était un peu illisible sa déclaration, mais si
21:48je l'ai bien compris quand même, il visait plutôt l'annonce de Joe Biden, le président
21:52américain, d'un renouveau des livraisons d'armes, y compris des bombes à Israël,
21:58c'est comme ça que je l'ai compris.
21:59Il faudrait arrêter de livrer des armes à Israël pour les Etats-Unis à votre avis ?
22:04Je n'en sais rien, vu que la menace iranienne est en train de bouleverser les cartes.
22:08On pense à Gaza et au Liban, ce qui est bien sûr notre rôle ici, mais en fait, ce qui
22:14se prépare derrière, c'est l'inquiétude des marchés sur les champs de pétrole iranien,
22:18c'est l'inquiétude américaine d'une riposte israélienne.
22:21Vincent Lemire d'un mot.
22:22Le but d'un attentat terroriste, c'est d'aveugler l'adversaire, de le rendre fou
22:25de rage.
22:26Et l'objectif d'un ami, c'est de ceinturer son allié, c'est une expression que j'avais
22:30utilisée ici, pour l'empêcher de commettre l'irréparable.
22:34Je vais terminer par des mots d'Eli Barnavi, il y a quelques jours, dans Le Monde, ancien
22:39ambassadeur, mais aussi historien.
22:40Il a dit « Israël gagne toutes ses batailles, mais est en train de perdre la guerre, et
22:45il faut contraindre Israël à s'arrêter en assortissant ça de clauses contraignantes
22:50et de sanctions. »
22:51Eli Barnavi, ancien ambassadeur d'Israël en France.

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