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Le Grand entretien de ce mardi sur France Inter était consacré à la guerre entre Israël et le Hamas, avec Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, Dov Alfon, directeur de la rédaction de Libération et Majed Bamya, observateur permanent de la Palestine à l’ONU.

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien

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Transcription
00:00 France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7/10
00:06 Et avec Léa Salamé nous vous proposons une nouvelle table ronde ce matin sur la situation au Moyen-Orient.
00:12 Vos questions amis auditeurs, amis auditrices, 0145 24 7000 et l'application de France Inter.
00:18 Nos invités Léa !
00:20 Bruno Tertrais, bonjour. Vous êtes directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique,
00:24 auteur de « La guerre des mondes, le retour de la géopolitique et le choc des empires »
00:27 aux éditions de l'Observatoire, ça tombe vraiment juste.
00:30 Dov Alfons, directeur de la rédaction du quotidien Libération, ancien rédacteur en chef du quotidien Aharetz,
00:36 du quotidien israélien Aharetz.
00:38 Et nous sommes en ligne depuis New York avec Majed Bamiya, vous êtes diplomate,
00:42 observateur permanent de l'état de Palestine à l'ONU,
00:46 et vous êtes donc avec nous en duplex de New York aujourd'hui.
00:50 Et bonjour.
00:51 Bonjour.
00:51 Merci à tous les trois d'être à notre micro.
00:54 La grande question ce matin, c'est pourquoi l'opération « glève de fer »
00:58 ou « perrasse offensive aérienne maritime terrestre »
01:02 promise il y a dix jours par Benyamin Netanyahou n'a pas encore été lancée,
01:06 notamment sur terre ?
01:07 Comment l'expliquer ?
01:09 Y a-t-il des désaccords dans le commandement de l'armée israélienne ?
01:12 Des désaccords au gouvernement ?
01:14 Est-ce la venue de Joe Biden en Israël, en Jordanie, en Égypte demain ?
01:18 Quelle est votre analyse Bruno Tertrais ?
01:20 Alors je pense qu'il y a trois raisons, même si je ne suis pas capable de les hiérarchiser,
01:23 je ne suis pas dans la tête des responsables israéliens.
01:26 Première raison, militaire.
01:27 D'abord, les Israéliens doivent s'assurer qu'ils peuvent tenir le Nord en même temps.
01:31 Pourquoi ? Parce qu'on sait qu'il y a toujours une menace permanente
01:33 qui peut se déclencher au Nord avec l'Ouest-Bola.
01:37 Il y a aussi des raisons tout simplement de planification.
01:40 Ça met du temps de planifier une opération aussi complexe
01:43 avec un renseignement qui est en permanence mis à jour.
01:45 Deuxième raison, elle est sans doute humanitaire.
01:48 Quoi que l'on pense de l'avertissement qui a été donné à la population de Gaza
01:52 de se diriger vers le Sud, il est possible que ce soit une des raisons
01:56 qui font qu'on attend qu'il y ait suffisamment de gens qui soient partis vers le Sud.
02:00 C'est une supposition en tout cas.
02:01 Et puis la troisième raison, bien sûr, elle est politique, vous en avez parlé, c'est Joe Biden.
02:05 Il est très douteux qu'une opération de ce type soit lancée au moment
02:08 où Joe Biden arrivera à Jérusalem.
02:11 Dov Alfon, quelles sont vos informations ?
02:13 Qu'est-ce qui, selon vous, vous êtes d'accord avec Bruno Tertrais,
02:15 vous avez des nuances, qu'est-ce qui selon vous fait que l'ordre de lancer
02:19 l'offensive terrestre n'a pas encore été donné par le commandement de Sade ?
02:23 Je pense qu'après tout ce qui se publie à ces instants-même sur les échecs israéliens
02:31 de concevoir, de comprendre et d'attendre cette attaque,
02:34 je pense qu'il y a de grandes hésitations et donc ils vont mettre effectivement
02:39 beaucoup plus de force qu'ils ne l'auraient mis un autre jour.
02:42 Donc on est déjà sur 300 000 réservistes mais beaucoup de ces réservistes
02:46 sont des logistiques, des renseignements, ne se sont pas entraînés depuis des mois.
02:51 Pourquoi ? Parce que soit Gaza n'était pas dans l'ordre des priorités
02:56 du gouvernement israélien, soit ils faisaient partie des réfusniques
03:00 qui manifestaient chaque samedi soir contre Netanyahou et donc ont refusé
03:05 d'aller dans leur unité de réserve cela fait au moins un an.
03:09 Et donc il faut préparer tous ces gens-là, il faut que les vrais commandos arrivent,
03:13 il faut que la météo soit meilleure comme tout le système de liaison
03:18 entre l'air et les forces de tanks, infanterie et renseignements
03:24 est lié aussi à la météo.
03:26 - Et elle est comment la météo là au Proche-Orient ?
03:28 - La pluie diluvienne cela fait deux jours, ça se calmera avec la venue de Joe Biden
03:33 et donc c'est le parfait type de pluie. - Il va arrêter la pluie !
03:37 - Majed Bamiya, vous êtes à l'ONU, la diplomatie s'agit tous azimuts
03:42 ces derniers jours, ces dernières heures, quel est le dernier état des tractations
03:48 qu'essayent d'obtenir les états membres du conseil de sécurité ?
03:53 - Vous êtes face à toutes les contradictions, c'est-à-dire tous ceux qui avaient expliqué
03:59 qu'on ne peut pas justifier de tuer des civils israéliens, de ne pas donner de contexte
04:05 quel que soit ce que les palestiniens ont subi, rien ne peut justifier de tuer des civils
04:09 et on se retrouve obligé d'expliquer pourquoi 3000 palestiniens ont été tués
04:14 qui sont pour l'absolue majorité des civils, dont 1000 enfants, la moitié des femmes et des enfants.
04:21 Certains ont des difficultés d'appeler un cessez-le-feu, même en sachant que c'est le seul moyen
04:27 d'arrêter ce drame qui se joue, un palestinien est tué toutes les 5 minutes,
04:31 un enfant palestinien est tué toutes les 15 minutes et on ne veut pas faire porter à Israël
04:36 la responsabilité des bombardements qu'elle est en train de commettre et des palestiniens
04:40 qu'elle est en train de tuer, ça rend difficile le travail du Conseil de sécurité qui d'habitude
04:45 sur ces questions a quand même des positions sur l'accès humanitaire, sur les cessez-le-feu,
04:50 sur la question des civils avec des positions très fortes contre les attaques indiscriminées.
04:56 Même ces évidences, quand il s'agit de la Palestine et d'Israël, ça devient sujet à débat
05:02 et franchement c'est déshumanisant, c'est raciste, c'est fondamentalement raciste
05:08 de traiter la vie des palestiniens de cette manière et aussi on a un Conseil de sécurité
05:12 qui est polarisé par le fait d'autres enjeux géopolitiques et cela joue aussi en défaveur de voix claires.
05:19 Dov Elfon, qu'est-ce que vous répondez à Majed Bamiya, c'est raciste il dit ?
05:22 D'abord je ne lui réponds pas, je suis journaliste et je note ses positions.
05:27 Du point de vue de la société israélienne, nous assistons à un durcissement,
05:34 je dirais presque des âmes et des cœurs parmi la gauche qui aurait pu manifester contre ces bombardements
05:42 puisque les terroristes du Hamas ont visé ces gauchistes.
05:46 Les attaques contre les civils israéliens ne sont pas contre des civils israéliens par des bombardements aériens,
05:53 ce sont des attaques qui sont ciblées sur les gens qui sont dans un territoire
05:59 que aucun palestinien ne réclame puisque c'est Israël, le désert du Néguev,
06:05 par le partage de la Palestine en 1947, qui manifestent tout le temps pour les Gazaouites et pour les Israéliens
06:12 et qui sont contre toute la politique de Netanyahou.
06:15 Donc ce sont ces gens-là qu'on a massacrés avec une férocité incroyable qui ne peut que rappeler les pogroms
06:22 et donc on a une grande difficulté à expliquer à ces gens-là qu'il faut être contre les bombardements.
06:28 Et pourtant ces voix se font entendre.
06:30 Il y en a aujourd'hui des voix parce que la dernière fois vous étiez là,
06:33 tout de suite après l'attaque lundi dernier ou mardi dernier, vous avez dit vous de Valfond,
06:36 il faut comprendre qu'il y a une soif de revanche qui est immense chez le peuple israélien,
06:40 même chez les gens de gauche, même chez les opposants de Netanyahou.
06:42 Vous avez le sentiment qu'une semaine après c'est moins fort ou en tout cas qu'il y a certaines voix qui se font entendre,
06:49 qui disent "attention aux pièges de Gaza", "attention aux Palestiniens", "attention aux enfants palestiniens".
06:55 Alors il y a ces voix mais ce que je ressens surtout c'est un silence sidéré, presque sidérant.
07:01 Sur le Conseil de sécurité, je crois qu'il ne faut pas en attendre grand-chose.
07:06 Ce n'est pas une décision éventuelle d'un Conseil de sécurité qui comme ça a été rappelé est extrêmement divisé,
07:12 sur ces sujets comme sur d'autres, va faire quoi que ce soit pour influencer la stratégie militaire israélienne.
07:20 Aujourd'hui le seul pays qui peut avoir une influence sur le moment, sur les modalités de la riposte israélienne,
07:30 ce sont les Etats-Unis qui s'activent énormément, non pas pour faire cesser évidemment l'offensive,
07:36 mais pour s'assurer qu'au maximum on puisse avoir des corridors humanitaires, ce qui est extrêmement difficile,
07:42 il faut la coopération de l'Egypte, c'est pour ça que Blingen était en Egypte.
07:45 Mais Joe Biden n'y va pas pour arrêter l'offensive israélienne, il y va d'abord pour rassurer les Israéliens,
07:51 pour montrer que l'Amérique est derrière Israël et il y va aussi pour dissuader d'autres pays,
07:57 en premier lieu l'Iran, de se joindre à la mêlée.
08:00 Majed Bamiya, qu'est-ce que vous attendez de cette visite de Joe Biden au Proche-Orient ?
08:07 Il va aller en Israël, il va aller en Jordanie aussi où il va rencontrer notamment le président égyptien,
08:12 Sisi, qu'est-ce que vous attendez de lui ?
08:15 Est-ce que vous espérez aussi qu'il va mettre la pression sur les pays arabes alentours,
08:18 pour peut-être accueillir un certain nombre de Palestiniens, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, je le rappelle ?
08:24 D'abord, laissez-moi dire cette histoire des bombardements,
08:28 comme si c'était plus humain comme moyen de massacrer des civils,
08:32 et encore une fois, la chose qu'on ne permettra pas,
08:35 c'est tous ces discours qui disent qu'Israël n'est pas responsable des Palestiniens qu'elle tue.
08:40 La moindre des choses quand on parle des États et quand on parle de droit international,
08:45 c'est de ne pas dédouaner ceux qui sont en train de tuer.
08:48 C'est une façon de leur donner carte blanche, de dire qu'ils sont dans l'obligation de les tuer,
08:51 c'est impossible de faire autrement ou c'est quelqu'un d'autre qui est responsable.
08:55 La deuxième chose, c'est le sentiment de revanche.
08:57 Quel est le sentiment de 2 millions de Palestiniens dans la bande de Gaza,
09:01 17 ans de siège, plusieurs assauts ?
09:04 Quel est le sentiment des Palestiniens sous occupation dans les camps de réfugiés ?
09:06 Ils n'ont pas un sentiment de revanche ?
09:08 Et pourtant les responsables palestiniens sont parmi vous et parmi leur peuple
09:12 en train d'appeler au calme, en train d'appeler à la voie pacifique depuis des années
09:16 alors qu'il y a des milliers de morts palestiniens.
09:18 Pourquoi quand il s'agit de morts palestiniens,
09:20 tout le monde vient vers nous et nous demande de ne jamais choisir la violence
09:23 et quand il s'agit de morts israéliens, la violence indiscriminée, terrible, brutale,
09:29 peut s'abattre sur notre pays ?
09:30 Prends-moi la visite de Biden, je vais vous répondre, je ne suis jamais une question.
09:33 Allez-y.
09:34 Non mais juste pardonnez-moi, pour relancer sur ce que vous venez de dire,
09:38 excusez-moi, je vais vous redonner la parole sur Biden.
09:40 Ne pensez-vous pas que ce qu'a fait le Hamas, que son attaque sans précédent
09:44 dans l'histoire d'Israël samedi il y a dix jours,
09:47 ne pensez-vous pas justement qu'elle a sali la cause palestinienne ?
09:51 Mais là aussi, si vous voulez, vous voulez absolument seulement parler du Hamas.
09:55 Moi je vous pose la question sur ce qui s'est passé il y a dix jours.
09:59 Je sais bien et quand nous disons avec une clarté absolue,
10:02 rien ne justifie de tuer des civils.
10:04 La cause palestinienne est une cause pour la libération nationale
10:07 et nous voulons vivre en paix et en sécurité, une fois libre,
10:11 aux côtés d'un État d'Israël et un État palestinien,
10:15 sur la base des résolutions internationales.
10:16 On ne peut pas être plus clair sur nos objectifs.
10:19 Mais quels sont les objectifs de l'allié inconditionnel
10:22 aujourd'hui des pays européens et occidentaux ?
10:26 Qu'est-ce qu'il dit ?
10:27 Pas d'État palestinien, pas de liberté pour les Palestiniens.
10:30 Il traite les Palestiniens à Gaza d'animaux humains.
10:34 Vous pensez que nous, quelqu'un nous aurait permis
10:36 de parler de la sorte des Israéliens ou d'agir de la sorte des Israéliens ?
10:39 Bruno Terpere voudrait vous répondre.
10:42 Non, je crois qu'il faut répondre.
10:43 Juste une dernière chose.
10:44 Je noterai que le Hamas est listé dans les organisations terroristes
10:50 des pays occidentaux et c'est un débat que nous avons eu plusieurs fois.
10:54 Israël, avec les actes qu'elle est en train de commettre,
10:57 reçoit de l'armement, elle reçoit des soutiens, elle est l'alliée.
11:01 Donc franchement, il y a un moment où le double standard est tellement gros
11:06 qu'il faut avoir un peu honte humainement, politiquement et légalement.
11:10 Je pense que le double standard existe partout, y compris dans le monde arabe.
11:14 Personne ne veut traiter, personne ne peut accepter
11:18 que l'on traite les Palestiniens d'animaux.
11:21 Gérard Haro l'a dit très clairement.
11:23 Très franchement, vous ne trouverez pas un responsable ou un intellectuel européen
11:27 pour dire que c'est un langage acceptable.
11:29 Que l'on dise qu'il y a eu des comportements inhumains,
11:32 des comportements inhumains, c'est une chose.
11:34 Mais ce langage-là, tout le monde est d'accord.
11:36 Après, l'État palestinien, je suis désolé,
11:38 mais tous les Européens, à commencer par la France, le souhaitent.
11:42 Évidemment, on a tous un problème avec ce gouvernement israélien
11:45 qui, lui, très clairement, ne souhaite pas d'un État palestinien.
11:48 Mais je rejoins totalement Léa Salamé tout à l'heure.
11:51 Vous disiez que le Hamas vient malheureusement de faire reculer encore un petit peu plus
11:55 la cause légitime des Palestiniens, la cause nationale palestinienne.
12:00 Et le Hamas est le premier ennemi des Palestiniens.
12:02 Je suis désolé, mais je crois qu'avant même Israël...
12:06 Ça, j'ai pas dit.
12:08 Vous allez beaucoup plus loin que ma question.
12:11 Là, c'est moi qui parle.
12:13 Oui, là, c'est vous qui parlez.
12:14 Parce qu'effectivement, le Hamas est le premier ennemi des Palestiniens de Gaza.
12:18 D'un bel fond, le Hamas est le premier ennemi des Palestiniens ou c'est Israël ?
12:22 De Gaza.
12:24 Je pense que ce n'est pas par hasard que se retrouvent dans ce face-à-face effrayant
12:30 les deux grands opposants aux accords d'Oslo.
12:34 Nous avons d'un côté Benjamin Netanyahou qui a massacré les accords,
12:39 mais bien avant a poussé une certaine atmosphère qui a fait assassiner Yitra Krabin.
12:47 Et de l'autre, Ismail Haniyeh qui était le grand opposant à tout ce processus de
12:52 l'autorité palestinienne.
12:53 C'est de là que se retrouve le chef politique du Hamas.
12:56 Et ces deux-là se retrouvent maintenant face-à-face dans le bourbier qu'ils ont eux-mêmes créé.
13:02 Et donc, comme dit le proverbe, une pierre qu'un idiot envoie dans un puits, même sans
13:10 sage ne pourront pas la retirer.
13:11 Et on est dans cette situation maintenant.
13:14 Et c'est ça qu'il faut comprendre au-delà des petits jeux des condamnations.
13:17 Nous sommes 24 heures avant une terrible nouvelle phase à Gaza.
13:22 Pour vous ce sera dans 24 heures ?
13:24 Pour moi, dès que Joe Biden décolle, c'est parti.
13:28 Majed Bamiya, sur Joe Biden précisément, Léa vous posez la question, qu'attendez-vous
13:34 de lui, de cette visite sur place ?
13:37 Joe Biden veut qu'il y ait de l'aide humanitaire.
13:42 Il ne veut pas d'escalade régionale.
13:43 Nous disons que s'il faut éviter une catastrophe humanitaire, il faut arrêter les bombardements.
13:48 Essayer de concilier la continuation de ces terribles bombardements, d'une incursion terrestre
13:54 qui serait encore plus dévastatrice, avec ce souhait de ne pas avoir d'escalade régionale
13:59 et de catastrophes humanitaires n'est pas conciliable.
14:03 Aujourd'hui, il y a eu 70 Palestiniens tués dans des bombardements dans le sud.
14:06 Il n'y a nulle part où les Palestiniens peuvent trouver un espace sécurisé.
14:10 Nous ne voulons pas non plus du transfert forcé des populations que l'ONU a dit étaient
14:15 impossibles et provoqueraient lui-même une catastrophe humanitaire.
14:17 Mais je voudrais juste dire que nous, pendant des années, on a appelé la communauté internationale
14:21 pour nous aider à mettre fin à l'occupation.
14:23 Et là encore, vous dites que les Européens soutiennent l'État palestinien, etc.
14:27 Vous avez bien raison.
14:28 Mais ils n'ont rien fait pour arrêter l'impunité d'Israël.
14:30 Ils n'ont rien fait pour contraindre Israël à changer le cours qu'elle a choisi.
14:34 Et que le Hamas était là ou pas là, Israël n'a pas fait le choix de la paix.
14:39 Encore une fois, on ne peut pas dédouaner Israël des choix coloniaux de poursuivre
14:45 son occupation.
14:46 Elle a toujours été forcée de nous coloniser, toujours été forcée de nous tuer, toujours
14:49 été forcée de nous occuper.
14:50 Elle voulait tellement faire la paix avec nous, mais à chaque fois, il y avait de très
14:53 bonnes raisons de ne pas les faire.
14:55 On aurait pu, nous aussi, chercher toutes les excuses du monde.
14:57 Nous aussi, on a beaucoup de morts.
14:59 On a eu une souffrance de 75 ans, une injustice.
15:01 Et pourtant, on a fait le choix déterminé de la paix dans les moments les plus difficiles.
15:07 - M. El-Bamiya, on entend vos mots ce matin sur l'injustice des Palestiniens, on l'entend.
15:13 Et en même temps, on entend vos récriminations sur Israël et sur la communauté internationale.
15:17 Et les pays arabes ? Les pays arabes qui ont fait la paix avec Israël ? Je pense aux
15:22 Émirats arabes unis, au Bahreïn, à l'Arabie saoudite qui était en voie de négociation.
15:28 Vous leur dites quoi à ces pays arabes ?
15:30 - Il faut être en guerre pour faire la paix.
15:32 Donc, il y a des pays qui ont normalisé leurs relations.
15:34 Et j'ai entendu Nathan Yahou au podium de l'Assemblée générale, il y a juste quelques
15:39 semaines, dire la question palestinienne est terminée.
15:41 Nous allons faire la paix avec les pays avec lesquels nous ne sommes pas en guerre.
15:45 Et nous allons isoler les Palestiniens.
15:48 Et comme si nous allions nous soumettre à ce sort d'être éternellement soumis à l'occupation,
15:54 de ne jamais être libres, de toujours être dépossédés.
15:56 Et donc, il n'y a pas d'issue sans résoudre le conflit, sans mettre fin à l'occupation.
16:01 Et tous ceux qui disent qu'il ne faut pas de contexte, ça serait justifier ce qui s'est
16:05 passé.
16:06 Non, c'est essayer d'apporter des réponses.
16:07 C'est le rôle du politique d'amener du contexte, de trouver des solutions, de ne pas accepter
16:13 qu'il y ait une vengeance aveugle, qu'il y ait des violations du droit.
16:16 Et donc, franchement, c'est une démission, c'est une faillite collective, légale, morale,
16:23 politique et qui aura des conséquences sur les rapports orient-occident, nord-sud, sur
16:27 la coexistence entre les communautés à travers le monde.
16:30 Le ministre de la Transfrance, Bruno Tertrais, veut réagir.
16:32 Oui, d'abord, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose de raisonner en termes de
16:36 relations orient-occident.
16:38 C'est dire qu'il y aurait désormais deux blocs, c'est appeler à une sorte de confrontation
16:43 civilisationnelle qui ne me semble pas pertinente.
16:47 Mais sur le contexte, oui, c'est vrai, l'Arabie Saoudite avait normalisé, en tout cas, était
16:52 en train de normaliser ses relations depuis deux ans avec ses deux adversaires, que soit
16:58 le Qatar et l'Iran, normalisation avec le Qatar en 2021, ce qui avait abouti d'ailleurs
17:03 à ce que le Qatar cesse une partie des financements, justement, au Hamas dans la bande de Gaza,
17:08 ce qui a sans doute joué dans la décision du Hamas.
17:11 Et bien sûr, avec l'Iran, avec le rétablissement des relations diplomatiques.
17:15 Une des raisons pour lesquelles la troisième réconciliation, entre guillemets, la plus
17:19 importante avec Israël, ne se fait pas, c'est que bien sûr, il est devenu impossible pour
17:23 l'IAD de continuer les pourparlers de normalisation sans que la cause palestinienne soit évidemment
17:29 prise en compte.
17:30 Est-ce que, et c'est la grande question, est-ce que c'est fini ? Est-ce que ce processus
17:34 d'élargissement des accords d'Abraham est terminé ? Je ne le crois pas.
17:36 Je pense qu'il est suspendu pour quelques mois.
17:39 Voilà, dans tous les sens du terme, peut-être même quelques années.
17:43 Mais je crois que les facteurs structurels qui font que l'Arabie Saoudite veut continuer
17:47 à normaliser ses relations avec ses voisins seront toujours là.
17:50 Et du côté israélien, bien sûr, on y aura intérêt également.
17:53 Joe Biden arrive au Proche-Orient pour apporter sa solidarité, comme vous l'avez dit, au
17:58 peuple, au gouvernement, à l'état d'Israël en fait, à l'état d'Israël, mettons les
18:03 mots justes, pour aussi parler aux pays arabes alentours et essayer d'organiser un couloir
18:08 humanitaire qui, pour l'instant, bloque.
18:10 Et c'est une vraie raison aussi peut-être de la suspension de l'opération militaire
18:15 pour l'instant israélienne.
18:16 Et évidemment, pour éviter l'escalade et un conflit qui serait régional.
18:21 Alors aujourd'hui, au point où on en est, quelles sont vos informations à tous les
18:26 trois de savoir, est-ce qu'il peut y avoir un front qui s'ouvre avec le Liban, avec
18:31 l'Iran ? Comment réagit l'Iran ? On dit que le régime des Mollahs est divisé.
18:34 Bruno Tertrais, votre avis ?
18:35 Moi, je n'ai pas d'informations particulières.
18:37 Ce que je peux dire, c'est qu'on parle toujours des intérêts de tel ou tel pays
18:43 en disant qu'il aurait intérêt ou il n'y aurait pas intérêt à faire cela.
18:45 Ceux qui disent… Moi, je ne pense pas que l'Iran souhaite entrer dans la danse, si
18:50 j'ose dire, pour cette expression, parce que malheureusement, pour l'Iran, tout ce
18:54 qui se passe est très bien.
18:55 Tout ce qui se passe est parfait aujourd'hui.
18:57 Il n'a pas besoin de se mettre en risque aujourd'hui dans la partie.
19:02 En revanche, je mets en garde tous ceux qui penseraient qu'il n'est pas dans l'intérêt
19:06 de l'Iran de rentrer en lice parce que nous n'avons pas idée de ce que sont, de la
19:12 manière dont les Iraniens, le pouvoir iranien conçoit ses propres intérêts.
19:15 Rappelez-vous quand on disait à propos de la Russie et de l'Ukraine, rappelez-vous
19:18 que la Russie n'enverra pas l'Ukraine parce qu'elle n'a pas intérêt à le faire.
19:22 Donc, je mets juste en garde cette idée que nous connaissons les intérêts de nos adversaires
19:26 potentiels mieux qu'ils ne les connaissent eux-mêmes.
19:29 - David Alfon ? - Je pense que les Palestiniens sont terriblement
19:32 seuls et je pense que les pays arabes des alentours vont écouter Joe Biden et vont
19:38 se dire « Ah ouais, c'est vrai, il a raison, il n'est nul besoin que nous intervenions
19:42 ». Et dans ce cas, nous allons assister au choc des deux traumatismes, des deux traumas.
19:46 Nous avons les Israéliens face à leur traumatisme de sécurité, il y a de nouveaux pogroms
19:51 au XXIe siècle et nous avons les Palestiniens face à un nouveau traumatisme de l'exode,
19:56 c'est la Nakba qui revient puisqu'on leur dit « passez au sud » et après on leur
20:00 dit « tiens, peut-être que vous allez aller en Égypte ». Et il y a Blinken, le secrétaire
20:04 d'État américain qui est obligé de nier, de dire, de démentir, qui dit « non, non,
20:08 il n'y a pas cette idée dans l'air ». Mais dans la tête des Palestiniens, cette
20:11 idée est dans l'air, qu'on va les chasser encore une fois de leur maison.
20:15 La Nakba, c'est la catastrophe pour les Palestiniens, c'est le moment en 1948, on leur a dit,
20:20 de partir, de quitter leur terre, de quitter leur maison.
20:22 Et donc ce choc des deux traumatismes va nous ramener à la phrase de Raymond Aron pour
20:27 répondre à votre question.
20:28 C'est une erreur de penser que les peuples n'agissent que par leurs intérêts, ils
20:34 agissent par leurs passions.
20:35 Et dans ce traumatisme qui est là, avec des vidéos des otages des Hamas d'un côté,
20:41 et les gazaouides bombardés avec énormément de victimes civiles dans ces bombardements,
20:47 nous allons assister à un choc terrible et je ne vois pas comment on en sort.
20:51 La dialectique des intérêts et des passions, elle est fondamentale aujourd'hui au Moyen-Orient.
20:55 Je rappelle par ailleurs que nous commémorons aujourd'hui, ce matin, le 40e anniversaire
21:01 de la mort de Raymond Aron, qui, mieux que quiconque, a expliqué cette dialectique des
21:07 intérêts et des passions.
21:08 Quand on parle de relations internationales et de jeux politiques, n'oublions pas les
21:12 passions, parce qu'elles sont au moins aussi importantes que les intérêts.
21:14 Et là, on le voit tous les jours en ce moment au Proche-Orient.
21:16 On a un petit problème technique au standard ce matin.
21:20 Difficile de donner la parole aux auditeurs de France Inter.
21:24 Mais des questions sur l'application.
21:26 En revanche, il y en a une pour vous, Majed Bamiya.
21:30 Je rappelle que vous êtes observateur permanent de l'État de Palestine à l'ONU, diplomate.
21:36 C'est Laurent qui vous la pose, monsieur le diplomate de l'ONU.
21:39 Quels interlocuteurs possibles pour Israël, entre un Hamas génocidaire et une autorité
21:45 palestinienne représentée par un vieillard autocrate ?
21:49 Là encore, il y a un partenaire pour la paix qui est celui qui dit "nous choisissons les
21:57 voies pacifiques, nous sommes prêts à respecter les résolutions internationales".
22:01 Israël a tout fait pour diviser les Palestiniens, pour affaiblir ceux qui voulaient la paix.
22:06 Pourtant, on a tenu tête et on a continué sur nos positions.
22:11 Donc, encore une fois, toutes ces tentatives d'excroquerie intellectuelle, d'essayer
22:15 de dédouaner Israël du fait qu'elle veut la terre, qu'elle ne veut laisser aux Palestiniens
22:19 que le choix entre l'exode, la mort ou la soumission, et qu'ils n'accepteront aucun
22:23 de ces choix, il faut maintenant arrêter et essayer d'avancer fondamentalement vers
22:29 notre avenir pour le Moyen-Orient.
22:31 Et ça ne se fera pas sans le peuple palestinien.
22:34 Merci à tous les trois d'avoir été avec nous ce matin.
22:38 Merci à Majed Bamiyar, vous étiez en duplex avec nous de New York.
22:42 Et merci à Bruno Tertrais et à Dove Alfons, ici en studio.

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