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Gérard Araud, diplomate, ancien ambassadeur de France en Israël et aux États-Unis publie "Israël : le piège de l’histoire". La communauté internationale appelle à la retenue après une attaque de représailles contre l'Iran attribuée à Israël, dans un contexte d'escalade au Moyen-Orient.

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Transcription
00:00 Un grand entretien ce matin avec l'un des meilleurs spécialistes des relations internationales
00:05 diplomates.
00:06 Il a été ambassadeur de France en Israël, il a été représentant permanent de la France
00:11 auprès des Nations Unies à New York et ambassadeur aux États-Unis.
00:15 Il publie Israël, le piège de l'histoire, c'est aux éditions Taillandier, c'est absolument
00:21 passionnant, c'est un livre d'analyse, c'est l'histoire d'un homme qui raconte sa vie
00:27 professionnelle, c'est aussi un livre sur l'histoire au temps long qui permet de comprendre
00:32 ce qui se joue dans l'actualité la plus brûlante.
00:35 Israël, Iran et maintenant.
00:37 Bonjour Gérard Arrau.
00:38 Bonjour.
00:39 Et bienvenue.
00:40 On va bientôt rentrer dans le show de l'actualité la plus brûlante.
00:45 Mais partons d'abord de ce titre parce qu'il en dit beaucoup.
00:47 Le titre de ce livre, le piège de l'histoire.
00:50 Israël, le piège de l'histoire, qu'est-ce que ça veut dire ?
00:53 D'abord, n'oublions pas que Israël, ça a été d'abord une utopie.
00:58 Ça a été, après, face à la montée de l'antisémitisme européen au XIXe siècle
01:04 et surtout ensuite face à l'horreur absolue de la Shoah, la volonté de construire un
01:10 État, un État qui soit un État juif mais un État qui soit aussi un État différent.
01:14 Il y a un côté utopique, les fameux kibbutz ou kibbutzim en hébreu, les fameux kibbutz
01:20 où on essayait de construire une société sans propriété, sans autorité.
01:26 Et puis, il y a eu la rencontre finalement entre ce désir de construire un État différent
01:32 et la réalité, la réalité de l'histoire.
01:36 Et vous avez donc un pays qui a dû faire la guerre et pour lequel, je le crains, la
01:43 guerre est devenue aussi un mode de vie.
01:45 Mais Gérard Haraud, vous parlez aussi de l'absurdité de ceux qui se réclament des
01:49 droits historiques.
01:50 On va ouvrir la conversation avec les auditeurs d'Inter qui peuvent nous joindre au 01 45
01:55 24 7000 au standard ou bien sûr l'application France Inter.
02:00 On va en parler de l'absurdité de l'histoire.
02:03 Il faudrait l'oublier.
02:04 Oui, parce que cette histoire, elle a 5000 ans au minimum dans cette partie du monde.
02:10 Et donc vous avez d'un côté certains qui disent « Ben oui, en réalité la Bible c'est
02:15 un acte notarié par lequel le dénommé Dieu donne la terre au dénommé Abraham et à
02:21 ses enfants ». Et de l'autre côté, vous avez d'autres qui disent « Ah oui, mais
02:24 attention à Jérusalem, Mahomet est monté au ciel avec le Coran et ont développé…
02:30 ah, sans le Coran, est monté directement au ciel et ils ont développé les uns et
02:36 les autres des narratifs totalement cohérents et qui s'excluent totalement les uns des
02:42 autres ».
02:43 Vous avez les Palestiniens, certains disent « Il n'y a aucun lien entre Jérusalem
02:48 et les Juifs ». C'est ce que dit quand même le président de l'autorité palestinienne,
02:54 Marbou Dabas.
02:55 Et de l'autre, vous avez des Israéliens qui disent « Il n'y a pas de peuple palestinien
02:59 ». Vous voyez, on en arrive donc à une négation des uns et des autres.
03:02 Et au lieu de s'enfoncer dans la religion et dans l'histoire, moi je dis très simplement
03:07 qu'il y a 7 millions de Juifs et 7 ou 8 millions de Palestiniens entre la mer et
03:13 le Jourdain.
03:14 Comment peut-on les faire coexister ?
03:16 Une curiosité, vous citez une phrase de Bismarck « Violer l'histoire à condition de lui
03:21 faire de beaux enfants ». On en est toujours là, qu'est-ce que ça veut dire ?
03:24 Vous savez, je suis un passionné d'histoire et donc j'ai écrit pas mal de livres d'histoire
03:30 diplomatique et en réalité, contrairement à ce qu'on pense, puisqu'on parait de
03:34 l'Ukraine par exemple, contrairement à ce qu'on pense, il n'est pas important
03:38 de connaître la vraie histoire, ce qui s'est vraiment passé, mais ce qui est important
03:42 c'est de voir la lecture que chacun fait de l'histoire, la manière dont chacun utilise
03:47 l'histoire pour justifier finalement sa propre politique.
03:51 Je disais Israël, Iran et maintenant, parce qu'on est en prise avec l'actualité dans
03:56 cet essai.
03:57 Il y a un chapitre consacré aux perturbateurs iraniens, 5 jours après l'attaque iranienne
04:04 sur Israël, on a encore entendu des explosions, une attaque, des explosions attribuées à
04:10 Israël.
04:11 Quel regard portez-vous sur ce qui se passe entre ces deux pays depuis une semaine ?
04:16 Alors là, je vais apparaître peut-être cynique pour les auditeurs, mais nous venons
04:22 d'assister à, il faut bien dire, à une sorte de ballet parfaitement chorégraphié.
04:27 Un ballet ?
04:28 Un ballet autour de la figure de style de tout stratège, l'escalade.
04:34 Alors expliquez-nous ça.
04:35 Alors l'escalade, c'est paradoxal parce que vous augmentez le niveau de la violence,
04:39 mais vous l'augmentez pour limiter la violence.
04:41 C'est-à-dire, vous tapez un peu plus fort pour dire à l'autre « attention, tu es
04:47 en train de franchir un seuil dangereux, je peux taper moi aussi plus fort, mais au fond
04:52 j'ai pas très envie de taper plus fort ».
04:54 Alors, essayons d'être un peu moins théorique.
04:58 Qu'est-ce qui s'est passé ? Israël et l'Iran se battent à fleurer plus ou moins
05:03 mouchetés depuis des décennies.
05:04 Ils sont en guerre, les Iraniens aident le Hamas, le Hezbollah, les Houthis, les Israéliens
05:10 tuent des savants iraniens ou essayent de saboter le programme iranien, bombardent les
05:16 Israéliens.
05:17 L'Iran régulièrement menace même l'existence de l'État d'Israël ?
05:21 L'Iran dit « l'Israël se disparaîtra ». Les Iraniens sont très malins, et les
05:29 Iraniens ne disent pas « nous voulons détruire l'Israël », ils disent « l'Israël
05:33 disparaîtra un jour ». Mais ça c'est un peu une note de bas de page.
05:37 Les Israéliens ont détruit le consulat iranien à Damas, et là la République islamique
05:45 a dû se dire « là, bon, c'est pas possible, l'humiliation devient patente, je ne cesse
05:51 de faire semblant de soutenir le Hamas, mais finalement je ne fais quasiment rien en pratique
05:56 ! La presse arabe, la presse turque se moquent de l'Iran, et donc je vais monter un coup
06:03 plus haut pour dire aux Israéliens « arrêtez-là ! ». Et donc on a eu les tirs iraniens sur
06:08 Israël.
06:09 C'est ce qui explique la retenue actuelle de l'Iran dans sa riposte pour vous ?
06:13 Ah mais tout à fait !
06:14 L'Israël dans sa riposte, pardon.
06:15 L'attaque d'Israël !
06:16 Oui.
06:17 Parce que du coup…
06:18 Non, parce que le Dôme de fer a particulièrement bien fonctionné, et l'attaque iranienne
06:22 sur Israël était majeure.
06:24 Ah totalement ! Et ça c'est aussi le risque de l'escalade.
06:27 Quand vous utilisez la violence, la violence peut vous échapper.
06:31 Et donc il n'était absolument pas exclu qu'un missile iranien puisse tomber et
06:36 faire très mal.
06:37 Vous savez, l'escalade c'est le funambulisme au-dessus de la guerre, et les funambules
06:43 parfois tombent.
06:45 Mais alors frappe iranienne, ensuite les Israéliens qui par doctrine militaire sont toujours les
06:50 derniers à frapper, ont frappé à leur tour, mais eux aussi ont respecté la grammaire
06:56 de l'escalade, parce qu'ils ont frappé, mais ils n'ont pas frappé tellement fort,
07:00 et ils ont frappé de telle sorte que les Iraniens peuvent faire semblant de dire "oh ce n'est
07:05 rien, finalement rien n'est arrivé".
07:07 C'est pour ça qu'ils minimisent l'attaque ?
07:09 Ils minimisent l'attaque, parce que s'ils ne minimisaient pas l'attaque, il faudrait
07:11 qu'à leur tour ils continuent.
07:13 Donc ils ont décidé des deux côtés d'arrêter l'escalade, les messages sont passés, les
07:19 Israéliens ont dit aux Israéliens "fais gaffe, tu commences à en faire aller un peu
07:23 loin", les Israéliens ont dit aux Iraniens "vous ne nous faites pas peur", et chacun
07:28 rentre chez soi.
07:29 Mais le problème c'est qu'évidemment on a franchi une nouvelle étape dans l'escalade,
07:33 et la prochaine fois, la prochaine étape sera encore plus difficile.
07:36 Vous écrivez que ça peut sembler contre-intuitif, mais la crise que nous vivons depuis le 7
07:41 octobre et particulièrement dans ces derniers jours, cette crise ne change rien aux équilibres
07:47 actuels dans la région.
07:48 Expliquez-nous ça Gérard Roux.
07:49 Oui, d'abord on oublie que cette bouffée de violence n'est pas fondamentalement différente
07:56 des 10 bouffées de violence qu'on a eues autour de Gaza en 2008, 2009, 2011, 2014,
08:02 2018.
08:03 La différence essentielle c'est que le Hamas a réussi son coup à infliger à Israël
08:11 des pertes absolument atroces.
08:14 Mais lorsqu'on regarde d'un œil froid l'équilibre géopolitique de la région, rien n'a changé.
08:19 Israël reste la superpuissance de la région, Israël reste l'allié des monarchies du
08:25 Golfe qui n'ont pas rompu avec Israël parce qu'elles considèrent que l'ennemi de
08:30 mon ennemi est mon ami et leur problème est le droit.
08:33 On a vu d'ailleurs la Jordanie aider Israël à intercepter des drones ou des missiles
08:36 envoyés par l'Iran.
08:38 Exactement, et certains disent qu'au début, les Émirats Arabes Unis ont envoyé des munitions
08:44 à Israël parce qu'ils ont les mêmes systèmes d'armes.
08:49 Il y a même la force qui peut également être un piège.
08:54 Il y a une expression qui revient régulièrement dans les commentaires "faire pression".
08:58 Ce conflit entre l'Iran et Israël pourrait peut-être être apaisé par les États-Unis.
09:10 Mais faire pression ne veut rien dire.
09:14 Pourquoi, Gérard ?
09:15 D'abord, nous sommes dans une période qui est très particulière qui est la campagne
09:20 électorale américaine.
09:21 Et donc ce conflit est un désastre naturellement pour les Israéliens et les Palestiniens,
09:26 mais aussi pour Joe Biden en termes politiques.
09:28 Parce qu'il a découvert qu'une partie de sa gauche est devenue pro-palestinienne,
09:32 mais il sait bien que la majorité de l'électorat américain reste pro-israélien.
09:36 Et donc il aimerait mettre en terme le plus rapidement possible à cette confrontation.
09:41 Et il a en face de lui un Netanyahou qui ne l'écoute pas du tout.
09:44 Et en plus, Netanyahou le poignardera dans le dos.
09:46 À un moment, Netanyahou dira, qui évidemment est en faveur de l'élection de Donald Trump,
09:52 il dira "j'ai été abandonné par les Américains".
09:55 Quel est le dicton qu'a oublié Joe Biden ?
09:58 Alors le dicton c'est quand vous oubliez le Moyen-Orient, le Moyen-Orient va vous rattraper.
10:03 Joe Biden a essayé, un peu comme toute la communauté internationale, y compris la France,
10:09 y compris les Européens, d'une certaine manière de se dire "le conflit du Moyen-Orient,
10:13 d'une certaine manière il est résolu, les Palestiniens ont perdu, il y aura des petites
10:17 bouffées de violence, il n'y a pas d'espoir de processus de paix".
10:21 Et Biden a été le premier président américain depuis 50 ans à ne pas avoir présenté de
10:26 plan de paix.
10:27 Au Proche-Orient.
10:28 C'est le premier à ne pas l'avoir fait.
10:31 Et il y a également cette décision qu'on aimerait comprendre, puisqu'on parle très
10:36 régulièrement de la solution des deux États.
10:39 Comment comprendre que les États-Unis aient posé leur veto à un projet de résolution
10:45 au Conseil de sécurité de l'ONU, qui non seulement appelait à un cessez-le-feu dans
10:49 la bande de Gaza, mais un autre veto pour reconnaître l'État palestinien ?
10:54 Et il appelait aussi à la libération des otages.
10:56 Et la libération des otages, bien sûr.
10:58 Je pense que c'est l'image à la fois du désarroi, et le mot n'est pas trop fort,
11:03 de la diplomatie américaine.
11:04 Blinken est allé au Moyen-Orient six fois.
11:07 Pour quel résultat ?
11:08 Et le veto d'hier ? Le veto d'hier contre l'adhésion pleine et entière de la Palestine
11:14 à l'ONU.
11:15 Pourquoi ?
11:16 Là, on est vraiment dans le symbole.
11:18 Parce que, soyons francs, même si la résolution avait passé, ça ne modifiait absolument
11:22 rien sur le terrain.
11:23 C'était un message qui était envoyé aux Israéliens, puisque le gouvernement israélien
11:29 refuse la perspective d'un État palestinien de dire "nous continuons de défendre cette
11:34 perspective".
11:35 C'était un acte symbolique, anti-israélien.
11:38 Et finalement, les Américains ont dû se dire "finalement, ce veto nous permet de faire
11:44 un geste vis-à-vis d'Israël, et il n'a pas de conséquences concrètes".
11:48 Question d'auditeurs et d'auditrices, et ils sont nombreux, Alice par exemple, qu'est-ce
11:54 qui pourrait changer au Proche-Orient si Donald Trump est élu ?
11:57 Puisque vous parliez de la campagne électorale américaine, et c'est effectivement une
12:01 possibilité.
12:02 Alors, ça c'est un mystère d'une certaine manière.
12:05 Parce que, évidemment, si vous projetez sur un éventuel second mandat ce que Trump
12:11 a fait durant le premier mandat, jamais nous n'avons eu une administration américaine
12:15 aussi pro-israélienne.
12:16 Il a transféré l'ambassade à Jérusalem, il a fermé le consulat général de Jérusalem
12:22 qui traitait avec les palestiniens, il a présenté un plan de paix qui était une sorte de mauvaise
12:28 plaisanterie pro-israélienne.
12:31 Et tout était géré par son beau-fils d'ailleurs.
12:34 J'arrête Kochner, sur lequel vous revenez longuement, et d'ailleurs vous parlez des
12:39 dégâts du trumpisme.
12:40 Alors, ce que je voulais continuer à dire, c'est que nous ne savons pas si le second
12:48 mandat de Donald Trump sera simplement la prolongation du premier.
12:52 Parce que Donald Trump s'est radicalisé, il est totalement imprévisible, et apparemment
12:57 il nourrit un certain ressentiment face à Netanyahou.
13:01 Parce que, dit-il dans son raisonnement un peu primitif, j'ai été le meilleur ami
13:06 de Netanyahou, et Netanyahou a reconnu Biden.
13:09 Comme si Netanyahou pouvait faire autre chose que reconnaître Biden.
13:13 Et donc il a eu des propos assez critiques de Netanyahou.
13:16 Donc je dirais que, en théorie, c'est un ami d'Israël, mais en pratique, étant
13:22 donné le côté un peu foutrac du personnage, il peut y avoir des surprises, y compris
13:29 aux dépens d'Israël.
13:30 Il y a eu quelque chose aussi de très frappant ces derniers jours, et notamment c'était
13:34 ce message prononcé devant l'OTAN par le président ukrainien Volodymyr Zelensky,
13:42 qui se plaignait du deux poids, deux mesures.
13:44 Pourquoi est-ce que vous ne nous aidez pas, nous Ukrainiens, comme vous aidez, vous les
13:50 membres de l'OTAN, les Israéliens à se défendre ?
13:53 On sait que la Chambre américaine, on en parlait tout à l'heure dans la matinale,
13:57 doit se prononcer sur un grand plan d'aide militaire.
13:59 61 milliards d'euros qui iraient à l'Ukraine, 14 milliards pour Israël.
14:04 Il y a cette aide qui est bloquée depuis des mois par la majorité républicaine au
14:10 Congrès.
14:11 Ils ne veulent pas augmenter le soutien à l'Ukraine.
14:13 Vous comprenez le cri d'alarme de Volodymyr Zelensky, ces deux poids, deux mesures ?
14:18 Vous partagez l'analyse ?
14:19 Je ne sais pas si je partage l'analyse, parce que chaque conflit, évidemment, a sa
14:25 propre logique, mais évidemment, je partage les sentiments tout à fait compréhensibles
14:29 du président ukrainien qui voit son pays bombardé en permanence et qui a vu les Américains,
14:36 ainsi d'ailleurs que les Britanniques, les Français et les Israéliens, protéger très
14:40 efficacement le territoire israélien contre des centaines de drones et de missiles, alors
14:46 que son pays est bombardé de manière quotidienne.
14:50 C'est donc une réaction, je dirais, un cri du cœur.
14:53 C'est aussi une manière de remettre sur la table, la table des Européens et des Américains,
14:58 leur soutien.
14:59 Parce que les systèmes anti-aériens, comme chacun sait, les armées européennes en ont.
15:04 Pourquoi les Européens ne livrent-ils pas ces systèmes à l'Ukraine ?
15:09 Vous savez, il y a quand même une différence, parfois un contraste frappant entre d'un
15:15 côté un discours extrêmement allant, extrêmement courageux, extrêmement pro-ukrainien de nos
15:21 dirigeants, et je ne parle pas seulement des dirigeants français, je parle des dirigeants
15:24 européens, et le fait que finalement les livraisons, en particulier les livraisons
15:29 d'armement, sont assez limitées.
15:31 L'industrie d'armement européenne n'est pas en état de guerre.
15:34 Alors, mettez-nous les sous-titres sur ce que disait le patron de la CIA, il y a quelques
15:39 jours, sans nouvelle aide militaire, l'Ukraine risque de perdre sa guerre d'ici moins d'un
15:45 an.
15:46 Si l'Ukraine est abandonnée, elle perdra cet absolument inéluctable d'ici la fin
15:50 de 2024.
15:51 Est-ce que c'est une manière de mobiliser les Américains et les politiques américaines
15:57 notamment ou est-ce que c'est une réalité sur le terrain ?
16:00 Alors, il y a une manière, évidemment, il y a le débat actuellement au Congrès, c'est
16:04 une manière de faire pression sur le Congrès, mais vous savez, moi, personnellement, ça
16:07 fait deux ans que je répète, et je me fais traiter de Poutine au latre parfois, en disant
16:13 qu'il y a une disproportion des forces entre la Russie et l'Ukraine qui est écrasante,
16:21 qui est industrielle, financière, qui est démographique, et sur le champ de bataille,
16:27 ce qui compte, c'est la masse, beaucoup plus que le courage.
16:30 Et on le voit bien avec un bulldozer russe indifférent aux pertes humaines d'ailleurs,
16:35 qui s'avance quasiment kilomètre par kilomètre avec des Ukrainiens qui sont surclassés.
16:42 On disait un facadis, ils ont un obus lorsque les Russes en ont dix, et donc en effet, il
16:50 y a un risque de défaite de l'Ukraine.
16:53 Effectivement, c'est ce que rappelait Antoine Malot dans sa chronique.
16:57 Vous avez été ambassadeur de France en Israël, vous connaissez ce pays de près, de très
17:02 très près.
17:03 Comment expliquer une forme de scepticisme, voire d'hostilité des Israéliens vis-à-vis
17:09 des Français ?
17:10 Comment les hommes d'Israéliens venus de France, qui ont fait leur alliat ?
17:14 Alors, il y a d'abord le traumatisme, c'est comme la psychanalyse, il y a le traumatisme
17:20 premier qui est 1967, c'est-à-dire où nous avons, où le général de Gaulle a considéré
17:26 que l'offensive israélienne au cours de la guerre des six jours avait été quasiment
17:33 une insulte, en tout cas avait été contraire au conseil qu'il avait donné.
17:37 Et la France qui était alors le meilleur allié d'Israël, comme les États-Unis le
17:40 sentent aujourd'hui, la France a progressivement changé sa politique et s'est rapprochée
17:47 des pays arabes.
17:48 Donc il y a ce sentiment profond, je dirais ce sentiment de trahison, et ça a entraîné,
17:54 on reparlait de l'histoire, c'est intéressant, la relecture de l'histoire, c'est-à-dire
17:58 la France qui était la France de la résistance, la France où l'affaire Dreyfus prouvait
18:03 qu'on était capable de combattre et de vaincre l'antisémitisme, et bien la France
18:07 est devenue aux yeux des Israéliens la France de Vichy, et au contraire l'affaire Dreyfus
18:12 prouvait l'antisémitisme inné des Français.
18:15 Et il y a un narratif qui s'est mis en place, les Français sont antisémites, les Français
18:21 sont cyniques, et il y a aussi au sein, comment dire, un malaise de la communauté juive française
18:27 sur le thème "en France il y a 5 millions de musulmans, 500 000 juifs, et tôt ou tard
18:34 la réalité électorale jouera, et la France ira encore plus loin dans son soutien aux
18:40 pays arabes".
18:41 Et paradoxalement, quand on vous lit Gérard Rowe, il y a quelque chose qui fait du bien
18:45 ou qui met du baume à l'ego national, puisque vous dites que la France n'est pas condamnée
18:51 à l'impuissance, elle pourrait prendre l'initiative d'une sortie de crise et
18:54 esquisser les contours d'une solution, mais comment ça ?
18:58 - Ça c'est vraiment du volontarisme.
19:00 Moi j'aurais tendance à craindre qu'à 99/100 que nous revenions à la fin de cette
19:05 phase de la tragédie, que nous revenions au statu quo hanté avec un Gaza complètement
19:10 rasé.
19:11 Mais s'il faut être volontariste, moi je pense que la France peut jouer son rôle.
19:16 Les Européens sont trop divisés, vous avez des Polonais, des Hongrois, des Slovaques
19:21 qui sont à la droite du Likoud, vous avez des États-Unis qui sont empêtrés dans leur
19:26 contradiction et leur campagne électorale.
19:29 Vous savez, au fond, le paradoxe c'est que la solution des deux États, nous pourrions,
19:35 vous et moi, en tracer les lignes en 15 minutes.
19:39 On sait tout à fait où l'État, s'il y avait un État palestinien, on sait sa frontière
19:44 à quelques kilomètres près, il faudrait faire des rectifications sur la ligne d'armistice
19:49 de 4967, garantie de sécurité en Israël.
19:53 Les Américains, à l'américaine, ont des dossiers de 500 pages sur ce qu'on pourrait
19:58 faire.
19:59 Et cette solution, accès de tout le monde aux lieux sains, etc.
20:04 Et cette solution, ça fait maintenant 30 ans qu'on n'y parvient pas.
20:09 Et d'ailleurs, vous venez de répondre à Eric, auditeur, qui vous demandait justement
20:13 si vous aviez une idée des éventuelles frontières quand on parle des deux États dans votre
20:18 livre, vous revenez aussi sur les colons, les jeunes des collines, qui sont-ils ?
20:24 Alors ça, c'est une évolution qui est extrêmement tragique.
20:28 Vous savez, il n'y a rien de pire que la religion qui se mêle de politique.
20:32 Je sors un peu de la mission ce matin, mais en Israël et du côté musulman aussi.
20:39 Mais du côté d'Israël, vous avez cette sorte de liaison mortifère entre le nationalisme
20:45 et la religion.
20:46 Parce que la terre d'Israël, dans le judaïsme diasporique, c'était quand même une aspiration
20:51 avant tout spirituelle.
20:52 Et là, d'un seul coup, vous avez des jeunes qui me disaient, c'était des jeunes français,
20:57 des jeunes juifs français, qui me disaient en tapant quasiment du pied en disant "mais
21:01 ces cahyaces-là, c'est Dieu qui nous les a donnés".
21:03 Et donc, lorsqu'on rentre dans cette logique, évidemment qu'on ne peut pas imaginer de
21:09 compromis, on ne voit pas comment on irait à la paix.
21:13 C'est une des évolutions quand même récentes d'Israël.
21:17 L'Israël, ce n'est plus l'Israël des kibboutsim des années 50, l'Israël très
21:22 largement laïcisé.
21:23 C'est un Israël qui, comme d'ailleurs le monde arabe, connaît une progression de
21:29 la religion et souvent de la religion dans ses aspects les plus dangereux.
21:33 Même si vous concluez votre livre en lisant qu'il ne faut pas désespérer de la démocratie
21:37 israélienne, "expliquer n'est pas justifier", c'est une phrase qui aurait pu figurer en
21:42 tête de chacun des chapitres de ce livre que vous signez, Gérard Araud, et qui est
21:46 passionnant.
21:47 "Israël, le piège de l'histoire", c'est publié chez Talendier.
21:50 Merci d'avoir été l'invité d'Inter.

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