Quelles sont les stratégies d'engagements que peuvent mettre en place les fonds d'investissement ? L'objectif est d'investir de façon responsable en adéquation avec les enjeux climatiques et sociaux actuels. Jean-Baptiste Morel, responsable de recherche ESG pour Arkéa Investment Services, détaille dans SMART PATRIMOINE les bonnes pratiques à adopter.
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00:04 Et c'est parti pour Investir Responsable, le rendez-vous dédié à l'investissement durable aux responsables de Smart Patrimoine.
00:09 Et en l'occurrence aujourd'hui, nous allons tenter de comprendre quelles sont les stratégies d'engagement que peuvent mettre en place les fonds d'investissement,
00:16 des stratégies d'engagement que peuvent mettre en place des fonds en matière d'investissement actions, mais aussi en matière d'investissement obligataire.
00:22 Et pour cela, nous avons le plaisir de recevoir sur le plateau de Smart Patrimoine, Jean-Baptiste Morel. Bonjour Jean-Baptiste Morel.
00:27 Bonjour Nicolas.
00:28 Bienvenue sur le plateau Smart Patrimoine. Vous êtes responsable recherche ESG chez Arkea Investment Services.
00:33 Alors, la temporalité, l'actualité, la saison des assemblées générales qui approche, invite évidemment à se poser la question de la stratégie d'engagement.
00:43 Est-ce qu'on peut rapidement rappeler quand même ce que veut dire mettre en place une stratégie d'engagement quand on est un fonds d'investissement ?
00:50 Alors quand on est un fonds, que ce soit en action ou en obligation, on essaie de dialoguer le plus possible avec les entreprises dans lesquelles on peut investir
00:57 pour essayer de promouvoir les meilleures pratiques. Ça fait partie de notre rôle d'investisseur responsable.
01:02 Être engagé, on le fait lors des assemblées générales en tant qu'actionnaire, mais on peut le faire également lorsqu'on est porteur obligataire.
01:09 La plupart de nos titres sont des titres obligataires. Et être obligataire, ça permet également d'avoir ce dialogue constructif avec les émetteurs
01:16 pour pouvoir discuter de leur stratégie climat, de leurs enjeux sociaux et de leur gouvernance. C'est très important.
01:22 Parce que quand on est investisseur obligataire, on n'est pas présent aux assemblées générales. Donc on n'est pas présent lorsque le plan climat,
01:29 si tant est qu'il y a un plan climat, mais de plus en plus quand même dans les entreprises, il y en a, est présenté.
01:34 Et donc on ne peut pas voter pour ou contre. Les actionnaires peuvent voter pour ou contre un plan climat aujourd'hui ?
01:38 Alors on commence à avoir de plus en plus de résolutions sur des enjeux climatiques. Il n'y en a pas beaucoup.
01:45 Ça reste assez faible. On n'est pas au niveau du "see on pay" donc sur la partie rémunération. C'est plutôt consultatif, si mémoire est bonne.
01:51 Ce que relevaient le FIR et l'ADEME l'année dernière, c'est qu'il y avait eu en Europe 23 consultations uniquement de ce qu'on appelle du "see on climate".
01:59 Sur ces 23 résolutions, il y en avait 9 en France. Donc ça reste quand même assez faible.
02:05 Assez faible et c'est présenté mais ça n'est pas voté. C'est-à-dire que ça relève encore du conseil d'administration ou de l'exécutif de l'entreprise ?
02:15 Exactement. Ça reste encore consultatif. L'actionnaire ne peut pas tout faire. Il n'est pas responsable de tout dans une société.
02:22 La loi Pacte notamment prévoit les responsabilités et les rôles de chaque organe. Il s'agisse du conseil d'administration, de l'exécutif ou de l'Assemblée Générale.
02:31 En l'occurrence, la stratégie de l'entreprise est décidée par le conseil d'administration. Donc c'est son rôle d'aller mettre en place une stratégie liée au climat.
02:39 C'est vraiment de sa responsabilité. On a même vu des cas de résolution qui ont été déposés pour pouvoir discuter lors d'Assemblée Générale de ces enjeux climatiques
02:47 notamment et qui ont été rejetés, en tout cas qui n'ont pas pu être présentés parce qu'on considérait que c'était du micromanagement.
02:52 C'est-à-dire que ce n'est pas à l'actionnaire de venir discuter de ces enjeux-là. Et on a même le cas aux États-Unis où on a des entreprises qui vont aller jusqu'à
03:01 attaquer des résolutions, donc attaquer en justice des entités qui veulent déposer des résolutions climatiques en considérant qu'ils vont au-delà de leurs responsabilités,
03:09 au-delà de leurs droits et qu'ils n'ont pas à le faire.
03:11 Quand on est investisseur obligataire, comment fait-on pour mettre en place aussi une stratégie d'engagement ?
03:15 Alors on peut engager... D'abord, il faut avoir aussi en tête qu'on est investisseur obligataire sur différentes tailles d'entreprises.
03:23 C'est bien des petites entreprises sur de la dette privée par exemple ou des très grandes entreprises.
03:27 Les approches sont un petit peu différentes. Et évidemment, lorsqu'on est sur des entreprises plus petites, le rapport que l'on peut avoir avec les entreprises est beaucoup plus resserré.
03:35 Donc il y a un dialogue qui est plus facile. Néanmoins, pour des grandes entreprises, on peut aussi avoir un dialogue.
03:39 On peut venir discuter seul ou avec d'autres investisseurs, venir discuter avec les entreprises pour essayer de mettre en avant, de les pousser à s'améliorer sur certains sujets.
03:49 Et donc là, on sort du calendrier de l'Assemblée générale après avoir parlé. Ça se fait tout au long de l'année ?
03:54 Exactement. C'est vraiment tout au long de l'année et on répond à une véritable stratégie.
03:58 De notre côté par exemple, on a décidé de mettre en place une stratégie avec des thèmes spécifiques d'engagement qui vont porter par exemple sur le climat, sur la biodiversité,
04:05 sur la question de la diversité ou des droits de l'homme, notamment dans la chaîne d'approvisionnement.
04:09 Et en fonction de ces thèmes, on va aller regarder quels sont les émetteurs que nous pouvons avoir en portefeuille qui sont les plus impactants sur ces thèmes et engager un dialogue avec eux.
04:17 Ce dialogue, on l'aura soit de manière individuelle en allant contacter l'entreprise, soit de manière collaborative avec d'autres investisseurs puisqu'il y a des réunions d'investisseurs sur certains sujets.
04:27 Il y a quelques semaines, on parlait beaucoup des polluants éternels et il y a un associatif qui existe qui s'appelle Chemsec qui réunit un ensemble d'investisseurs pour aller parler avec les émetteurs,
04:35 notamment du secteur de la chimie, de cet enjeu de polluants éternels.
04:38 Et comment peut-on suivre ensuite dans le temps ? Parce que c'était notamment un des questionnements dans la refonte du label ISR par exemple.
04:44 C'est dire qu'il y a les plans et puis après vérifier qu'on est sur du réalisable et du réalisé. Est-ce qu'on se pose aussi ces questions quand on est investisseur obligataire ?
04:52 Alors bien évidemment, l'idée c'est d'aller engager avec des émetteurs pour lesquels on pense qu'on va être investi sur le long terme.
04:58 Si c'est pour faire des allers-retours tout le temps, évidemment on n'aura pas d'impact sur la stratégie d'engagement.
05:03 Donc on va choisir, et c'est très important aussi pour nous de nous rapprocher de nos gérants de portefeuille,
05:08 donc de discuter avec nos gérants de portefeuille, avec les patrons de la gestion pour décider des émetteurs sur lesquels on va pouvoir engager.
05:15 A partir du moment où on va lancer un engagement, ça va être sur plusieurs années.
05:19 Et évidemment l'idée c'est de pouvoir choisir les thèmes, discuter avec les émetteurs,
05:23 et bien aussi de revenir un, deux ans plus tard pour essayer de voir ce qui s'est passé et est-ce que l'émetteur finalement s'est amélioré.
05:29 Si ce n'est pas le cas, après nous on va se poser des questions en termes de maintien de nos investissements.
05:34 D'accord, ça peut aller jusque là, on peut se poser cette question de maintien d'investissement si jamais il n'y a pas une adéquation parfaite dans la stratégie climat.
05:43 Alors sans parler d'adéquation parfaite, tout d'abord on a encore des sociétés qui refusent de discuter avec nous.
05:48 D'accord, sur ces sujets là.
05:50 Sur ces sujets là, tout à fait.
05:52 Et donc là on peut avoir un processus d'escalade, c'est ce qu'on a pu mettre en place,
05:57 avec des courriers qui partent ensuite de notre direction générale,
06:00 qui sont adressés au management de la société pour expliquer qu'en cas de refus, on ne pourra pas maintenir nos investissements.
06:06 D'accord.
06:07 Généralement ça aide pour pouvoir avoir ce dialogue.
06:09 Bien sûr, oui.
06:10 Ensuite on a ce dialogue et au bout d'un certain temps, si on se rend compte que finalement l'entreprise, elle ne bouge pas,
06:15 pour nous ça représente aussi des risques et pour nos clients, puisque l'idée c'est quand même qu'on gère cela pour nos clients,
06:20 donc ça représente des risques dans le maintien des activités des entreprises,
06:24 des risques qui ne sont pas forcément bien gérés et pour nous c'est un signal négatif pour le maintien de nos investissements.
06:29 Sur le sujet, est-ce qu'on a plus ou moins de poids quand on est investisseur en actions, investisseur obligataire ou c'est des stratégies différentes tout simplement ?
06:36 Alors quand on discute avec des entreprises, on va regarder la performance ou la gestion de ces enjeux-là d'une entreprise,
06:45 de notre point de vue, que l'on soit porteur obligataire ou actionnaire.
06:49 Il est vrai que quand on est actionnaire, ça change un petit peu le rapport avec l'entreprise.
06:53 Bien sûr.
06:54 On a des droits qui sont différents, c'est ce qui est prévu par la réglementation.
06:58 On peut voter, on peut voter aussi parfois contre un dirigeant parce qu'on considère qu'il ne va pas assez loin sur certains enjeux.
07:04 Là où lorsqu'on est finalement porteur d'obligation, on n'a malheureusement pas cette possibilité.
07:09 Pas encore assez d'outils, mais c'est peut-être justement des questionnements qu'il faut avoir aussi en termes juridiques tout simplement,
07:16 pour offrir plus d'outils aux porteurs obligataires.
07:18 Alors il ne faudrait pas mélanger les genres.
07:20 Oui, bien sûr.
07:21 Néanmoins, on a de plus en plus de dialogue quand on est porteur obligataire.
07:25 Et puis effectivement, on pourra avoir des outils.
07:27 On commence à avoir des votes du côté des obligataires.
07:29 Voilà, parce qu'on reste, je dirais, une des parties prenantes de l'entreprise qu'il faut prendre en compte.
07:34 Merci beaucoup Jean-Baptiste Morel.
07:36 Je rappelle que vous êtes responsable recherche ESG chez Arkea Investment Services.
07:39 Merci beaucoup.
07:40 Merci Nicolas.
07:41 Et quant à nous, on se retrouve tout de suite dans Enjeu patrimoine.