Environ 40 % des salariés français se disent en souffrance au travail selon le dernier baromètre d’Ignition Program. Les causes peuvent être physiques, émotionnelles ou mentales, quand elles ne se cumulent pas. Pour le docteur en management Nicolas Lepercq, il est urgent de traiter les questions de QVT et d’alignement au travail, pour éviter de se retrouver avec un marché à deux vitesses : celui des alignés, et celui des contraints…
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 [Musique]
00:12 Bien dans son job pour parler du "Bore out", du "Burn out", des sujets dont on parle beaucoup dans notre émission Smart Job.
00:19 Où est-ce qu'on en est ? On va en parler avec Nicolas Lepercq. Bonjour Nicolas.
00:21 Bonjour Arnaud.
00:22 Docteur en Management et responsable R&D chez Initio Programme avec un baromètre.
00:26 Alors on peut reprendre quelques chiffres de ce baromètre, évidemment, parce que le diagnostic est vrai dans votre étude et dans beaucoup d'autres.
00:33 La situation du stress, des dépressions, des "burn out" est effrayant.
00:38 40% ce chiffre, c'est la proportion de salariés, ça c'est votre baromètre, qui sont en souffrance ou qui subissent un niveau de stress élevé.
00:47 Ça je dirais c'est le premier niveau, puis après il y a évidemment des risques médicaux, "burn out" pour certains, même tentative de suicide et suicide.
00:56 Ça c'est le diagnostic. D'abord, un, qu'est-ce qui se passe ? On n'a jamais parlé autant de qualité de vie et de bien-être.
01:02 Et on a des chiffres qui, objectivement, dressent un tableau très sombre de la situation.
01:07 Alors le tableau est à la fois sombre, mais en même temps c'est un tableau de prise de conscience.
01:13 C'est comme si tout à coup on commençait à mesurer quelque chose qu'on n'avait pas mesuré jusqu'alors, et qu'il y avait des difficultés existantes, mais qu'on passait outre ces difficultés.
01:20 - Vous ne voulez pas les voir ? - On ne voulait pas les voir. On considérait que travailler c'est souffrir, travailler c'est pour gagner sa croûte,
01:26 et que la question du sens et la question de "qu'est-ce que je vais faire tous les jours ?" était moins importante.
01:31 Donc ça c'est un premier aspect. À partir du moment où on mesure, on voit apparaître des choses qu'on ne voyait pas quand on ne mesure pas. Première chose.
01:38 - On mesure, mais évidemment il faut adresser, parce qu'une fois que vous avez apporté ce baromètre au DRH, ils vous disent "moi chez moi c'est plus de 45, chez moi c'est 35".
01:47 Qu'est-ce qu'on fait concrètement ? Parce que j'évoquais le "versus bien-être au travail", et elle vous dit, cette DRH, "mais chez nous on fait tout pour la bienveillance et le bien-être".
01:56 Personne ne dit le contraire.
01:58 - Alors la question de la nuance est importante là-dessus. Dans les 40% qu'on évoque dans notre baromètre, ce qu'on mesure c'est que quand on parle de "burn-out",
02:05 qui est un terme un peu générique, qui est historique des années 70, peut se décliner sur des façons de souffrir, ou des formes de souffrance au travail diverses.
02:12 On parle du "bore-out". Vous savez la différence ? C'est "mon job m'ennuie, et aller travailler m'épuise parce que mes tâches ne remplissent pas, ne donnent pas de plaisir, sont trop régulières, trop bonotones".
02:25 - Répétitives. - Répétitives, etc. On a tous vécu ça.
02:28 Quand on a des tâches très très casse-pieds, on sort d'une fin de journée en disant "je suis épuisé", alors que finalement on n'a pas fait plus que lorsqu'on a fait des tâches extrêmement intéressantes.
02:36 Donc c'est vrai pour les métiers, et c'est vrai pour chacun d'entre nous dans nos métiers.
02:40 Et puis il y a une autre forme aussi. La forme qui émerge aussi, c'est la notion de "brown-out".
02:44 Alors tout ça, par rapport à ce qu'évoquaient vos invités sur la question des anglicismes, ça peut être problématique, mais en gros c'est la perte de sens.
02:52 C'est le fait qu'on nous demande de travailler dans une direction, puis on va dans une autre, et puis tout à coup on se dit "mais moi je ne contribue pas à ce que je voudrais faire dans ma vie".
02:59 - Puis je suis un pion, quoi. - Je suis un pion, absolument.
03:02 Et enfin, une dernière nuance, c'est le "blur-out". Et le blur-out, issu de "blur" comme le flou, c'est l'idée que j'ai du mal à séparer ma vie pro de ma vie perso.
03:11 Et évidemment c'est une des conséquences de la transformation digitale, mais aussi du télétravail, bien évidemment.
03:18 - Avec les souffrances de la distance, parce que c'est dans le baromètre, on voit aussi ceux qui sont en train de...
03:23 Mais il y a quand même un chiffre que j'ai voulu reprendre parce qu'on parle beaucoup de ces managers et on pense à eux, mais il y a quand même dans votre étude un élément important.
03:29 Les managers, donc les collaborateurs, sont plus nombreux que les managers à ressentir des symptômes de souffrance au travail +20.
03:36 C'est pas rien. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les managers sont encore trop dans la verticalité, sont trop dans l'exécution, pas assez d'autonomie.
03:46 Est-ce que ça part de là aussi, ces sentiments de souffrance ?
03:50 - Alors très certainement, ça a à voir avec la question du sens que chacun des managers peut avoir dans son activité.
03:56 On me demande d'exécuter une tâche, mais finalement je ne vois pas vers quoi elle va aboutir.
04:02 - Elle est mal vendue aussi par le manager. - Elle est mal vendue en interne.
04:05 Je suis mobilisé sur une action, puis finalement on va demander de faire d'autres choses à côté.
04:10 J'ai le sentiment d'être la variable d'ajustement. Tous ces éléments qui font qu'on n'a pas la place qu'on voudrait dans l'entreprise.
04:16 Et ça, ça explique notamment le décalage avec les managers.
04:19 - Un mot sur ces jeunes, parce qu'on parle de cette génération Z, on dit que c'est elle qui va peut-être transformer tout cela, parce qu'elle est moins dupe, elle est plus à distance.
04:26 Là aussi, ces jeunes 18-25, ils sont très impactés. On pense qu'ils sont loin, qu'ils sont un peu détachés, mais pas du tout.
04:34 Le baromètre dit à peu près l'inverse.
04:36 - Absolument. En fait, il y a deux populations qui sont plus fragiles, visiblement, par rapport à ces questions.
04:40 C'est les plus jeunes et les plus âgés.
04:42 Les plus jeunes, très certainement, parce qu'ils ont un niveau d'attente et d'exigence qui est peut-être plus important que les générations précédentes sur cette question.
04:49 Ils veulent du sens. Ils veulent pouvoir dire « je construis ma vie de façon plus satisfaisante ».
04:55 Il y a probablement aussi, certaines études montrent que l'effet finalement du confinement font que, par exemple,
05:00 des jeunes diplômés qui ont traversé des périodes de confinement ont très mal vécu ces phases-là et ont été marqués de façon importante.
05:07 - Donc un traumatisme indélébile.
05:08 - Un traumatisme indélébile, je ne sais pas, mais un traumatisme relativement...
05:11 - Qui dure.
05:12 - Absolument.
05:13 - La solution, c'est que les DRH soient affines, leurs propositions soient plus fines dans les accompagnements, qu'on individualise un peu plus ?
05:21 Est-ce que cette question est posée ?
05:23 - Absolument. C'est complètement ça l'enjeu, mais on mesure toute la complexité de l'individualisation.
05:27 Quand on travaille avec un collectif, à la carte, ça devient compliqué pour un manager, pour un DRH, en termes d'organisation du travail,
05:33 en termes de rémunération, en termes de sens de mission, etc.
05:36 Pour autant, c'est probablement ce vers quoi il faut tendre pour que derrière l'expérience salariée, qui est un concept extrêmement important,
05:42 c'est-à-dire la façon dont je vais vivre au quotidien mon expérience de travailleur, devienne suffisamment satisfaisante
05:48 pour inverser ces « bore-out », ces « burn-out », ces « blur-out », etc.
05:52 C'est-à-dire qu'on puisse remonter le niveau de satisfaction de chacun des collaborateurs.
05:57 - Et je ne veux pas qu'on se quitte sans parler des femmes, parce que là aussi il y a un écart dense bas remettre entre les hommes et les femmes.
06:02 Des femmes plus nombreuses que les hommes à subir cette souffrance au travail. Plus 19% d'écart, il faut le signaler.
06:07 - Absolument. Alors très rapidement, un élément d'explication. Souvent, elles ne sont pas sur des positions manageriales,
06:13 donc on a une surreprésentation de manager parmi les femmes.
06:16 - Il y a un biais là.
06:17 - Absolument. Et puis il y a la question aussi du fait que se déclarer en situation de fragilité est quelque chose qui est assez naturel,
06:24 ou assez naturel plutôt culturellement partagé chez les femmes, alors que la posture classique du manager homme, c'est dire même pas mal.
06:32 - Il serre les dents et il ne dit rien.
06:33 - Pourtant il a mal, mais il fait comme s'il n'avait pas mal.
06:35 - Il se fait mal, mais en silence.
06:38 - Absolument.
06:39 - Merci Nicolas Leperque. Lisez ce bas remettre, étudiez ce bas remettre qui est très très riche avec beaucoup de détails,
06:43 beaucoup de finesse porté par Initio Programme. Merci Nicolas Leperque, docteur en management et responsable R&D chez Initio Programme.
06:52 - Merci à vous.
06:53 - On tourne une page, on s'intéresse dans le cercle RH à la cooptation. Alors vous savez, on l'a dans le commerce avec des cartes de cooptation,
07:00 on coopte sa femme, mais on coopte aussi en RH, on recrute grâce à la cooptation, on n'en parle jamais.
07:06 On en parle dans Smart Job et je vous accueille et je vous présente mes invités.