La soutenabilité du travail est un facteur central pour les salariés. La santé et le bien-être professionnel et personnel des collaborateurs est une des clés de leur engagement. Trouver des méthodes de flexibilité et d'adaptation allège leur charge mentale et permet de définir un environnement de travail plus effectif et engagé. Prendre soin de ses employés et de leur santé, c'est aussi prendre soin de l'entreprise.
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00:00 (Générique)
00:06 Le débat de Smart Impact avec Isabelle Calves, bonjour, bienvenue.
00:09 Vous êtes directrice des ressources humaines de Veolia.
00:13 Et Laurent Pietraszewski, bonjour et bienvenue.
00:16 Vous êtes le fondateur de Grenelle Stratégie et Management.
00:18 Vous avez été évidemment secrétaire d'État en charge des retraites et de la santé au travail
00:23 au sein des gouvernements d'Édouard Philippe puis de Jean Castex.
00:25 On va donc parler de soutenabilité au travail et plus précisément de santé.
00:31 Je commence peut-être avec vous, Laurent Pietraszewski, sur une petite définition.
00:35 De quoi on parle ? Est-ce que c'est vraiment nouveau de parler de soutenabilité au travail ?
00:39 - Ça renvoie au travail du rapport Brundtland de 1987.
00:44 Vous voyez, ce n'est pas hier.
00:46 Mais en fait, c'est une vision de la RSE.
00:48 C'est comment en fait on prend soin, je vais dire ça comme ça, de l'ensemble des facteurs de production.
00:53 Et souvent, on oublie que c'est les êtres humains qui produisent.
00:58 Et donc, comment on prend soin des êtres humains,
01:01 aussi bien qu'on le fait quand on prend soin de l'environnement,
01:04 du rejet de CO2 lorsqu'on a une activité industrielle, par exemple.
01:08 - La santé, c'est l'un des piliers, il y en a d'autres, c'est ça ?
01:10 - Oui, il y en a cinq.
01:12 Mais on peut dire quand même qu'au final, on peut parler de la dimension expressive,
01:17 c'est-à-dire en fait en quoi l'emploi est cohérent avec mes valeurs.
01:21 On peut s'intéresser aux conditions de travail, c'est très important, vous avez raison.
01:24 Les conditions de travail, les conditions aussi socio-économiques de vie,
01:28 ça c'est un point important, je pense qu'il y a peut-être Isabelle Calves qui pourra rebondir là-dessus.
01:31 Parce qu'en fait, dans quel environnement je vis en dehors de l'entreprise ?
01:34 Donc il y a aussi une dimension un peu exogène là, pour le coup.
01:38 Il y a les dimensions de la santé, et puis il y a l'équilibre vie privée-vie professionnelle.
01:43 Ça c'est aussi un élément important.
01:45 Il y a cinq piliers de la soutenabilité du travail.
01:47 - Et bien voilà, on a fait un peu de pédagogie pour commencer.
01:49 Merci beaucoup Isabelle Calves.
01:50 Comment un groupe mondial comme Veolia, avec forcément des réglementations, des cultures,
01:57 qui sont aussi différentes, peut proposer finalement un programme un peu global à ses salariés ?
02:03 - Alors Veolia, c'est 213 000 salariés dans le monde, on est dans 91 pays.
02:09 Alors vous imaginez la différence.
02:11 Et en fait, on a vraiment pris conscience, je pense, au moment du Covid,
02:14 qu'on avait des situations sociales et de protection sociale très hétérogènes.
02:19 En fait, on s'est rendu compte avec les maladies, avec aussi malheureusement les décès,
02:24 que les familles étaient dans certains pays très mal protégées,
02:27 alors qu'elles étaient très bien protégées dans certains pays.
02:30 Et donc notre directrice générale, Estelle Bracht-Lenhoff,
02:32 quand elle a pris ses fonctions l'année dernière, ça a été son premier sujet.
02:38 Elle a dit "je veux vraiment un programme de protection sociale pour l'ensemble des collaborateurs".
02:43 - Donc c'est un socle commun en fait.
02:44 - C'est un socle commun, voilà.
02:45 On a créé donc le Veolia Cares, c'est un mot anglais,
02:49 mais on n'a pas vraiment de traduction en français pour ça.
02:52 En anglais, c'est très clair, on prend soin, on veut prendre soin de la santé,
02:56 de la protection de nos collaborateurs, mais aussi de leur famille et aussi de leur écosystème.
03:01 Donc elle a vraiment souhaité, vous voyez, qu'on mette un programme qui soit équitable,
03:06 finalement, qui soit commun pour tous nos collaborateurs, quels que soient les pays.
03:09 - Et donc ça veut dire que dans certains pays, ce que vous proposez,
03:11 c'est bien au-delà de ce que, je sais pas, j'imagine, le système de santé publique propose, quoi.
03:18 - Alors oui, dans certains pays, c'est au niveau du sujet proposé.
03:23 Si on prend la France, on est quand même extrêmement gâté.
03:26 Mais dans certains pays, oui, c'est bien au-dessus.
03:29 Alors on s'est attaché en fait... On a choisi cinq thèmes.
03:33 Le thème de la parentalité, l'accueil d'un enfant, que ça soit une naissance ou une adoption.
03:40 Le thème de la santé, s'assurer que tout le monde a une protection sociale de santé, on va dire, minimum.
03:47 Dans un pays, c'était quand même assez hétérogène.
03:50 L'assurance décès, s'assurer qu'en cas de décès, mais quelle que soit la cause,
03:54 que ça soit une crise cardiaque, enfin, un décès naturel, la famille soit couverte à hauteur de six mois.
04:00 Il y a des pays où seuls les cadres étaient couverts,
04:03 ou alors on était couvert que si c'était un accident de travail.
04:06 Donc là, on veut vraiment que les familles soient protégées.
04:08 Ça, c'est le troisième pilier.
04:10 Quatrième thème, on a voulu mettre en place de la flexibilité pour aider les aidants.
04:16 C'est-à-dire...
04:16 Ça, c'est très important. J'avais prévu d'en parler, on y reviendra.
04:19 Donc les aidants. Et puis, dernier point, que nos collaborateurs puissent, une journée par an,
04:25 participer à une action caritative, aider une association ou avoir une action en lien avec l'environnement.
04:31 Donc vous voyez, cinq thèmes, et on a voulu mettre un socle pour tout le monde sur ces cinq thèmes.
04:35 - Laurent Pietraszewski, on est quand même dans un contexte particulier dans notre système de santé
04:40 que vous connaissez très très bien et certainement beaucoup mieux que moi.
04:43 Il y a quand même une forme de raréfaction de l'offre de soins aujourd'hui.
04:46 On peut dire ça.
04:47 - Oui, bien sûr. Et d'ailleurs, à tout niveau. Le sujet, il est mondial.
04:52 Le problème qu'on a, on va dire, de démographie professionnelle de santé, de démographie médicale,
04:57 on est dans un phénomène de pénurie mondiale.
05:00 Et d'ailleurs, on est toujours, entre guillemets, un plus petit pays que les autres.
05:05 Des fois, nous-mêmes, en tant que Français, on est très heureux de voir arriver des médecins
05:10 de pays de l'Est européens, par exemple, chez nous.
05:12 Vous savez, il faut quand même savoir qu'on a des médecins français qui partent dans les pays du Moyen-Orient
05:18 pour faire des vacations à hauteur de plusieurs dizaines de milliers de dollars, pour le coup, là-bas, au mois.
05:24 Donc voilà, c'est une véritable difficulté. Et sur le fond, cette raréfaction de l'offre de soins,
05:31 l'entreprise peut peut-être prendre sa part dans la politique.
05:34 — C'est une question que j'allais vous poser. Quel rôle les entreprises peuvent jouer ?
05:37 Par exemple, sur la prévention de maladies chroniques, il y a quoi ?
05:40 Il y a un rôle comme ça d'alerte ou de prise en charge ou de prévention ?
05:43 — Oui, moi, je le crois. D'abord parce que la santé, elle doit pas se regarder uniquement sur la santé au travail
05:51 et puis la santé à l'extérieur. En vérité, la santé, c'est un continuum.
05:55 C'est une gageure de croire que vos difficultés physiques ou psychologiques s'arrêtent à la badieuse
06:01 et réapparaissent après. Et inversement. Enfin, on l'a vu avec le Covid.
06:05 D'ailleurs, Isabelle Calves a souligné que c'était aussi un élément déclencheur des prises de conscience des entreprises.
06:10 Le Covid a montré que le virus, il s'arrêtait pas à l'entrée de l'entreprise ou à la porte de l'appartement
06:15 et qu'il y avait un continuum de la santé. Donc ce continuum de la santé, moi, j'entends d'ailleurs...
06:20 Isabelle Calves, c'est ça que j'entends dans cette prise en charge même assez extensive, sur le fond d'ailleurs,
06:24 de cette soutenabilité du travail, de ce que chaque individu a besoin.
06:29 Je crois d'ailleurs que c'est là que les entreprises peuvent jouer. Donc il y a deux leviers.
06:32 Un, sur la santé, parce qu'on est dans un domaine de pénurie et donc l'offre de soins, on doit l'utiliser
06:40 le mieux possible et donc il faut faire de la prévention parce que le temps médical est restreint.
06:44 On n'a pas beaucoup de médecins et donc il faut envoyer chez le médecin ceux qui en ont besoin.
06:49 Et donc la prévention, c'est une des clés. Et là, l'entreprise a son rôle à jouer.
06:53 Et puis la société évolue. Moi, j'ai bien entendu ce qui se fait chez Veolia, en matière de parentalité notamment,
06:58 c'est intéressant parce que, vous voyez, quand on parle d'avantages sociaux dans l'entreprise,
07:05 de ce qu'on peut donner, notamment en congé, pour l'arrivée d'un enfant,
07:09 eh bien quand on est aujourd'hui, on n'est pas seulement en train de regarder père, mère,
07:13 on se dit, il y a deux parents. Donc voilà, qu'est-ce qu'on donne pour les deux parents.
07:16 Vous évoquez la question des aidants et c'est vrai qu'il y a de plus en plus de Français qui sont aidants.
07:23 Je lisais, juste avant de préparer cette interview, un article sur beaucoup de Français à la suite des scandales
07:29 dans certains EHPAD qui ont décidé de faire revenir un vieux parent à la maison, avec toutes les contraintes que ça représente,
07:37 sauf que souvent les salariés n'osent pas en parler en interne.
07:40 Comment vous faites pour les inciter finalement à en parler et deux, pour les aider ?
07:44 Alors j'ai peut-être lu le même article que vous, j'ai lu qu'un Français sur cinq était confronté à une situation
07:50 de parent ou de proche qu'il fallait aider et c'est vrai qu'on est, je dirais, dans ces cas-là, assez diminués.
07:57 Ceci dit, j'étais au Japon il n'y a pas longtemps et c'est pareil, une collaboratrice m'a dit,
08:01 mais c'est génial, je m'occupe de ma mère, dans les pays asiatiques on s'occupe, je m'occupe de ma mère
08:05 et c'est la première fois qu'on va m'aider avec de la flexibilité, qu'on va m'aider.
08:08 Donc en fait, ce qu'on dit, c'est que partout dans le monde, on veut, alors on ne dit pas forcément,
08:12 on ne donne pas forcément les méthodes, mais on dit, essayez de trouver en fonction de la culture du pays,
08:17 des méthodes de flexibilité, d'autorisation, de congé, d'adaptation du temps de travail,
08:23 pour que les personnes en situation d'aide puissent concilier cette aide avec leur travail,
08:29 ce qui n'est pas toujours facile, parce qu'on se dit comme ça, les gens auront une charge mentale
08:34 et psychique finalement beaucoup moins forte, s'ils savent que c'est autorisé, qu'on les aide,
08:40 qu'on trouve ça normal dans l'entreprise et qu'on n'a pas de tabou sur ce sujet.
08:44 – Vous allez employer le mot tabou, c'est encore un tabou ?
08:47 – Je pense que c'est encore un tabou, qu'on n'ose pas forcément dire qu'on a des problèmes,
08:52 qu'on n'ose pas forcément parler de…
08:55 – Pourquoi la peur de dire, si quelqu'un chez lui va être moins produit ?
09:01 Qu'est-ce qui se met en place comme processus psychologique ?
09:04 – C'est comme le processus psychologique des maladies graves aussi,
09:06 on a encore beaucoup de mal à parler du cancer, à parler de ces maladies,
09:10 donc je pense qu'on veut dans l'entreprise dédramatiser,
09:12 tout le monde aura dans sa vie des événements plus ou moins bien,
09:16 avec le besoin de s'occuper de sa famille, le besoin de se soigner soi-même, d'aller à l'hôpital,
09:21 donc ça fait un tout, comme tu disais, il n'y a pas l'entreprise et la vie personnelle,
09:27 finalement tout est quand même très interconnecté,
09:29 et on veut que tout ça soit fluide dans l'entreprise,
09:32 et que les gens se sentent bien et acceptés finalement avec tous leurs problèmes aussi dans l'entreprise.
09:38 – Laurent Pietraszki, il y a ce qui est dû aux employés, aux salariés,
09:43 et il y a ce dont ils ont besoin, la différence elle est parfois importante ?
09:48 – Elle est élue mais surtout elle évolue, c'est-à-dire qu'on ne regarde pas les choses de la même façon,
09:53 si on regarde ce qu'a fait Veolia par rapport à ce qu'a fait Danone dans son "Dance Care"
09:58 il y a maintenant plus de 10 ans, on voit bien que la façon dont on traite,
10:02 on a parlé tout à l'heure de la parentalité mais on vient aussi parler des aidants,
10:05 ces sujets-là n'étaient pas sur la table il y a plus de 10 ans.
10:09 – On considère que ce n'est pas le rôle de l'entreprise de s'en occuper ?
10:11 – Oui, aujourd'hui on le considère, je raconte toujours cette anecdote avec plaisir,
10:17 c'est le fait que lorsque j'ai autorisé la vaccination anti-Covid en entreprise,
10:23 c'est de voir à la fois qu'il y avait des salariés mais aussi des parents,
10:27 voire des enfants de salariés lorsqu'ils étaient adolescents,
10:31 qui venaient se faire vacciner dans le cadre de l'entreprise,
10:34 et donc on voit bien là avec cet exemple que l'entreprise,
10:37 elle était capable de devenir un véritable acteur des politiques publiques de santé,
10:41 donc ça évolue et ça évolue en fonction de la réalité qui nous entoure
10:45 et puis de la société qui change.
10:46 – Oui, évidemment, est-ce que c'est aussi un avantage concurrentiel d'une certaine façon,
10:50 vous voyez ce que je veux dire, la marque entreprise, la marque employeur,
10:53 les difficultés de recruter, enfin voilà,
10:55 quand on peut présenter un programme comme le vôtre,
10:57 c'est aussi un bon argument j'imagine.
10:58 – Oui, c'est un atout de recrutement mais c'est un atout de rétention aussi,
11:01 que les gens se sentent bien, se sentent protégés,
11:04 quand il y a eu le Covid, effectivement, on a pu faire vacciner les gens,
11:07 on a ouvert dans certains centres les vaccinations aux familles quand c'était possible,
11:11 c'était bien, on a fourni des masques, on a fourni beaucoup de choses,
11:15 qu'aller au-delà, alors fournir des masques aux gens qui sont sur le terrain,
11:19 oui mais on en a fourni beaucoup plus que cela,
11:22 et je pense que quand on se sent protégé par son entreprise,
11:26 on y est bien, on a envie d'y rester et puis de progresser,
11:30 oui c'est un facteur maintenant de politique RH finalement très important.
11:34 – Merci beaucoup, merci à tous les deux d'être venus nous parler de ces enjeux de santé
11:39 et du rôle des entreprises en matière de politique de santé publique.
11:43 On passe tout de suite à notre rubrique "Start-up,
11:46 comment améliorer l'impact carbone dans le secteur du bâtiment".