Retour sur un phénomène qui séduit le grand public mais aussi de nombreuses entreprises : la Fresque du climat. Ces ateliers pédagogiques sous forme de jeu, d’une durée de trois heures, visent à faire comprendre le réchauffement climatique et permettent de sensibiliser les salariés. Quitte à, dans certains cas, mettre en lumière les contradictions entre le métier exercé et les impératifs du défi écologique ?
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00:00 (Générique)
00:06 L'invité de Smart Impact, c'est Nicolas Froissart. Bonjour.
00:09 Bonjour Thomas-Yves.
00:09 Bienvenue. Vous êtes le directeur général de la fresque du Climat Association créée en 2018 par Cédric Ringenbach.
00:17 Depuis, 1,4 million de personnes formées dans 156 pays et plus de 67 000 bénévoles
00:25 qui ont participé en une cinquantaine de langues, 45 langues. Ce succès ne se dément pas.
00:31 Il y a une croissance qui continue ces derniers mois.
00:34 Oui, ça continue. Beaucoup en France, mais ce que vous disiez, aujourd'hui dans 150 pays.
00:39 Donc c'est assez extraordinaire de voir cette fresque du climat se développer un peu partout dans le monde.
00:44 Alors c'est un vrai succès. Mais pour celles et ceux qui ne l'ont pas encore connue, qui n'y ont pas encore participé,
00:51 c'est quoi ? C'est un jeu ? C'est un atelier un peu des deux ?
00:54 C'est un atelier ludique, effectivement, mais très scientifique aussi, puisqu'il repose sur les constats du GIEC.
01:00 Donc c'est très important, effectivement, de partir de la base scientifique,
01:04 qui est évidemment énorme aujourd'hui sur le dérèglement climatique,
01:08 mais de le faire aussi de façon ludique en collectif, puisqu'en général c'est sept personnes,
01:13 peut-être un peu moins ou un peu plus, avec un animateur ou une animatrice qui est là
01:17 pour faire émerger de l'intelligence collective.
01:20 C'est-à-dire que c'est vraiment les participants qui vont ensemble essayer de découvrir les liens
01:25 entre les causes et les conséquences du dérèglement climatique, qu'on ne connaît pas forcément.
01:30 On croit connaître et une fois qu'on rentre vraiment dans le détail,
01:37 sur un temps assez long puisque c'est trois heures, donc vraiment on ferme son téléphone,
01:42 on se concentre et on prend du temps avec l'animateur et avec les autres participants
01:47 pour vraiment comprendre les mécanismes. - Pourquoi ça s'appelle une fresque ?
01:50 - Une fresque parce qu'à un moment donné ça ressemble aux fresques parfois ancestrales,
01:54 c'est-à-dire que ce jeu de cartes prend vie et les cartes sont reliées les unes aux autres
01:59 et à un moment donné il y a un paysage global sur ce dérèglement climatique
02:03 avec une partie en plus de créativité où chaque participant et participante,
02:08 avec des feutres par exemple, peut rajouter un dessin ou quelque chose qui en tout cas est important
02:13 pour cette personne-là et avec un titre, chaque équipe à un moment donné.
02:17 Donc il y a des millions de titres. - Oui, chacun crée sa fresque du climat.
02:22 - Chacun crée sa fresque du climat. - On en sort changé.
02:26 Ça m'intéresse le retour d'expérience. - On en sort changé.
02:28 Moi j'ai rejoint cette... Je suis directeur général depuis août dernier de cette initiative
02:34 parce que même avant de penser pouvoir la rejoindre un jour, ces dernières années,
02:39 un nombre assez hallucinant de personnes m'ont dit que la fresque du climat les avait changées,
02:43 les avait transformées. Donc il y a pas mal de personnes qui ont...
02:46 Alors c'est peut-être pas uniquement la fresque du climat mais ça démarre peut-être un processus
02:51 et les gens vont s'intéresser aussi à aller voir des vidéos, à aller lire des ouvrages
02:58 mais souvent la fresque du climat déclenche quelque chose.
03:01 - C'est ce que la question que je posais dans les titres.
03:05 Souvent ils deviennent quoi ? Des acteurs de la transformation environnementale
03:09 dont on parle tous les jours dans cette émission ?
03:11 - Ils changent de job parfois, ils changent d'entreprise.
03:14 - Ou ils mettent la pression en interne dans leur entreprise pour que ça bouge ?
03:17 - Oui parce que les animateurs qu'on appelle fresqueurs ou fresqueuses,
03:20 donc il y a un vocabulaire aussi qui est né à partir de la fresque du climat,
03:23 les fresqueurs parfois... Il y a des fresqueurs dans des entreprises.
03:27 C'est-à-dire que vous avez des entreprises comme EDF, Enedis, Décathlon,
03:32 le groupe postal qui travaille depuis plusieurs années avec la fresque du climat
03:35 et qui ont eux-mêmes formé des salariés de leur entreprise à devenir fresqueurs
03:40 qui après fresquent leurs collègues.
03:43 - Est-ce que les élus, les parlementaires, les ministres, est-ce qu'ils fresquent beaucoup ?
03:47 - Pas assez.
03:49 - Ils fresquent pas, ils sont un peu fresqués.
03:51 - Oui d'accord.
03:52 - Aujourd'hui je ne crois pas qu'il y en ait qui soit formé à l'animation de la fresque du climat,
03:57 ce serait super.
03:58 Mais ce qu'on aimerait c'est déjà effectivement fresquer tous les décideurs.
04:03 Il y en a un qui sont passés par la fresque du climat
04:06 mais on retrouve ce qu'on retrouve chez un nombre de citoyens encore important,
04:11 c'est-à-dire ce qu'on disait tout à l'heure, le fait qu'ils pensent connaître les mécanismes
04:16 alors qu'en fait il faut vraiment prendre le temps pour creuser ça.
04:20 - C'est d'autant plus important qu'on l'a dit plusieurs fois ici,
04:23 à partir du moment où le COMEX s'empare de ces enjeux de nos zones d'entreprise,
04:26 ça va évidemment beaucoup plus vite.
04:28 - Et on fresque des COMEX ?
04:30 - Oui, ben oui.
04:30 - On fresque beaucoup de COMEX et on rêve de fresquer le Conseil des ministres par exemple.
04:34 - Très bonne idée, pour l'instant ils sont 13-14 et on est à peu près dans le bon format.
04:40 - En plus, c'est deux tables, deux animateurs.
04:43 - Ils seront plus nombreux après.
04:44 La licence du jeu d'une certaine façon a permis son succès,
04:47 il faut l'expliquer, pourquoi elle permet une utilisation large ?
04:50 C'est gratuit, pas forcément, pas pour tout le monde ?
04:53 - C'est gratuit quand on est dans un cadre gratuit,
04:55 c'est-à-dire que vous vous formez à l'animation,
04:58 demain vous pouvez sensibiliser vos proches, vos amis, qui vous voulez.
05:03 Si c'est dans un cadre gratuit, vous n'avez rien à payer.
05:06 Par contre, évidemment, quand c'est dans le monde de l'entreprise,
05:09 on considère qu'il faut effectivement mettre des moyens
05:13 pour accompagner aussi le développement de la fresque du climat.
05:16 - Oui, cet argent sert à faire connaître la fresque du climat et à la déployer dans les pays pour parler.
05:22 - Exactement, à développer en France, à développer dans 150 pays, ce qui est énorme,
05:26 et accompagner la communauté bénévole,
05:28 puisque sur les plus de 65 000 animateurs, animatrices dont vous parliez tout à l'heure,
05:33 il y en a aussi qui sont bénévoles et qui vont justement organiser une fresque dans un festival,
05:39 dans un événement grand public, dans des mairies, dans des écoles.
05:42 Et il y a une partie de l'équipe de salariés qui les accompagne pour qu'on soit tous plus efficaces.
05:50 - Allez, si je reprends à mon compte, il n'y en a pas beaucoup,
05:53 mais une critique qui est exprimée sur la fresque du climat, c'est qu'elle est dépolitisée,
05:58 elle ne fait pas de politique et elle gomme d'une certaine façon
06:02 les sources politiques de la situation dans laquelle on est aujourd'hui.
06:06 Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
06:08 - Elle n'est pas partisane, c'est-à-dire qu'elle n'est pas d'une sensibilité particulière.
06:12 Elle repose sur des constats qui sont scientifiques, donc la science n'est pas partisane.
06:18 Donc nous, notre boulot, c'est bien qu'il y en ait d'autres qui aient d'autres approches,
06:22 mais nous, notre boulot, c'est de sensibiliser le maximum de personnes
06:27 et que le maximum de personnes comprennent quel est le problème.
06:30 Parce que tant qu'on survole un problème, en fait, on ne le règle pas en profondeur.
06:35 - Quand on a fait la fresque du climat, de temps en temps, on devient bénévole
06:40 et on veut diffuser ça le plus possible.
06:44 C'est une espèce de chaîne de conscientisation ?
06:47 - Beaucoup de fresqués deviennent fresqueurs et on a envie que ça continue comme ça.
06:51 Beaucoup de personnes sont devenues fresqueurs et parfois sont parties.
06:55 C'est un peu ça le modèle à l'international en tant qu'expat et ont commencé à diffuser la fresque.
07:00 Mais rapidement, des communautés locales s'emparent du projet.
07:04 Il y a un mécanisme assez viral dans ce jeu qui est assez fantastique.
07:09 - Quand elle est organisée dans une entreprise qui est polluante,
07:14 voire très polluante dans le secteur des énergies fossiles ou du plastique, par exemple,
07:18 comment réagissent les salariés ?
07:20 Parce que ça peut être un peu déstabilisant.
07:23 On prend conscience de l'ampleur du phénomène et on se dit que la boîte dans laquelle on travaille joue un rôle important.
07:30 - C'est l'objectif. Les salariés se posent plus de questions
07:35 et challengent davantage l'entreprise dans laquelle ils travaillent.
07:40 C'est un début de quelque chose.
07:42 Mais tant qu'il n'y a pas ça, on pense que ce soit dans l'entreprise ou dans la société,
07:46 il y a peu de chance que les choses avancent si on ne comprend pas.
07:50 - Vous attendez qu'on vienne vous chercher ?
07:52 Ou alors vous démarchez certaines entreprises en disant "Tiens, là, ce serait tellement bien qu'ils fassent une fresque du climat" ?
07:57 - Aujourd'hui, on ne démarche pas. C'est-à-dire que c'est les entreprises qui viennent à nous.
08:01 Après, on sait qu'il y a des entreprises qui viennent aussi parce qu'elles se font un peu bousculer par leurs salariés.
08:08 Aujourd'hui, si on ne fait rien sur la question climatique, on peut vite être un peu challengé par les salariés, les parties prenantes, les clients.
08:19 Après, il faut que les entreprises soient dans une démarche sincère.
08:25 La fresque du climat est un début de quelque chose.
08:27 - C'est un point de départ.
08:29 - Nous, on travaille aussi beaucoup aujourd'hui avec d'autres fresques, d'autres ateliers, sur l'après-fresque.
08:34 Et sur la façon dont, effectivement, le processus peut continuer.
08:38 La question de l'impact est évidemment au cœur de nos préoccupations aujourd'hui.
08:41 - Merci beaucoup, Nicolas Froissart. A bientôt sur Bismarck.
08:45 On passe à notre débat, les stages, l'apprentissage comme levier d'inclusion.