L’Exposition permanente « Urgence climatique » (inaugurée en mai 2023 pour dix ans) à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris a opté pour l’éco-conception. Bois sourcé de manière écologique, exposition démontable et recyclable à son terme, sobriété sur les dispositifs multimédia… Elle fait aussi le pari d’éviter l’éco-anxiété et ambitionne d’inciter à l’action individuelle comme collective.
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00:00 [Musique]
00:06 L'invité de Smart Impact c'est Adrien Salter, bonjour.
00:09 Bonjour Thomas Hugues.
00:10 Bienvenue, vous êtes muséographe, commissaire de l'exposition Urgence climatique à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris,
00:16 expo ouverte depuis le mois de mai.
00:19 Combien de visiteurs depuis et puis est-ce que ça correspond à ce que vous espériez ?
00:24 Alors oui, exposition ouverte depuis la mi-mai dernier
00:27 et nous sommes à 205 000 visiteurs, on a à peu près 6-8 mois d'exploitation.
00:32 Donc c'est au-delà des attentes vu qu'on espérait 300 000 visiteurs au bout d'un an d'exploitation.
00:36 Donc c'est un sujet qui apparemment mobilise et intéresse les publics.
00:41 Avec quel principe, avec quelle base vous vous êtes...
00:45 Je sais que l'exposition a été préparée, organisée en partenariat avec le CNRS.
00:50 C'était quoi votre feuille de route en quelque sorte ?
00:53 Alors au départ on voulait aborder la question de l'habitabilité de la planète d'ici 2100
00:58 et de montrer quels étaient les avenirs possibles de la planète
01:01 en suivant les scénarios d'émissions de gaz et effets de serre.
01:04 Et donc de montrer que le constat n'est pas forcément très, comment dire, lumineux,
01:10 on regarde les chiffres, mais que des solutions existent,
01:13 que ces solutions on les connaît déjà et qu'on pourrait tout à fait dès aujourd'hui les mettre en place
01:17 pour arriver à un futur qui soit enviable et décarboné.
01:20 Si on se balade, faites-nous la visite, qu'est-ce qu'on peut voir dans cette exposition ?
01:23 Alors on a séquencé cette exposition en trois thématiques,
01:26 une qui s'intitule "Décarbonons" et qui est consacrée aux objectifs de l'accord de Paris de 2005,
01:30 donc de limiter le réchauffement climatique à 2°C, voire 1,5°C, bien que les chiffres...
01:36 On voit que le 1,5°C on y est déjà aujourd'hui.
01:37 Exactement, c'est plutôt pour la fin de la décennie, mais c'est vrai que ça va être très compliqué de les tenir.
01:42 Donc on a cette première séquence qui permet justement de comprendre
01:44 qu'un avenir décarboné est possible, que l'on connaît les solutions
01:48 et qu'encore une fois il suffirait de les mettre en place.
01:50 Ensuite on a une deuxième partie qui s'appelle "Anticipons"
01:53 et qui est consacrée, elle, à la compréhension des scénarios du GIEC.
01:56 En gros, comment est-ce qu'on arrive aujourd'hui à imaginer un avenir en 2100
02:00 à partir des données qui sont récoltées par les scientifiques ?
02:03 Donc de montrer que selon différents scénarios,
02:05 on pourrait bien entendu limiter notre impact en termes d'émissions carbone
02:08 et donc en termes d'impact sur la biodiversité, sur les littoraux et sur la montée des eaux.
02:14 Et enfin une partie qui est pour moi la plus importante qui s'appelle "Agissons"
02:17 et qui est consacrée, elle, à l'action individuelle et surtout collective
02:20 qu'il faut qu'on mette en place dès maintenant, très rapidement
02:23 pour justement limiter les impacts du réchauffement climatique.
02:26 On y voit des sculptures de données.
02:28 Oui.
02:29 C'est quoi des sculptures de données ?
02:31 Alors en fait on a voulu montrer de manière plus visuelle,
02:34 plus explicite au public que par des graphiques habituelles,
02:38 nos impacts à nous en tant que consommateurs, en tant que citoyens
02:41 sur certains secteurs d'émissions de gaz à effet de serre.
02:45 Donc on a par exemple montré le bilan carbone de la ville de Paris,
02:49 donc de montrer par des fûts qui sont empilés en colonnes les uns entre les autres,
02:53 les différents secteurs émetteurs de la ville de Paris,
02:55 on voit que le transport aérien sur classe est de loin les autres secteurs d'émissions,
03:00 donc on peut réfléchir à nos actions sur le tourisme par exemple.
03:04 Également sur l'alimentation, donc de montrer que l'alimentation carnée
03:09 est bien plus émettrice que l'alimentation non carnée.
03:12 Donc on a comme des tas de tissus qui ressemblent un peu à l'alimentation
03:16 qu'on cherche à mettre en valeur et qui montrent justement
03:19 que le bœuf est bien plus émetteur que la pomme de terre par exemple.
03:22 Ça permet de visualiser les choses.
03:24 Est-ce que vous jouez sur le registre de l'éco-anxiété ?
03:27 C'est toujours un débat, à quel niveau on met le curseur finalement,
03:31 vous disiez que ce n'est pas forcément lumineux quand on se projette dans l'avenir.
03:33 Non, non bien sûr, alors il ne faut pas se voler la face,
03:36 on fait face à la réalité des chiffres, c'est-à-dire que voilà effectivement
03:39 aujourd'hui nous sommes dans un monde qui est très fortement carboné
03:42 et que si on continue à émettre autant qu'on émet, on va droit à la catastrophe.
03:46 Donc le constat, il est forcément éco-anxieux.
03:50 Mais vous n'en rajoutez pas ?
03:51 Non, non, tout l'intérêt de cette exposition c'est de dire
03:53 ok le constat est sombre, mais pour autant encore une fois
03:56 on sait ce qu'il faut faire, on pourrait tous s'y mettre des deux mains
03:59 et le fait de venir dans cette exposition est peut-être déjà un premier pas
04:02 pour faire face à ce sentiment d'éco-anxiété.
04:04 D'ailleurs le visiteur je crois qu'il peut faire son bilan carbone,
04:07 il y en a qui ont des surprises d'une certaine façon ?
04:09 Oui je pense que certains ont des surprises et se pensaient peut-être
04:12 un peu plus sobre en émission, mais oui l'intérêt c'est de montrer
04:16 que voilà on a tous un rôle à jouer, mais encore une fois le but n'est pas
04:19 de culpabiliser le visiteur en le ramenant à sa propre échelle d'action,
04:24 mais bien de dire que l'action aussi doit venir de plus haut.
04:28 C'est un élément important parce qu'on peut se demander quel est le rôle
04:32 de l'art ou des espaces culturels dans ce défi de la transformation
04:38 environnementale et sociétale. Vous êtes là aussi pour inventer
04:42 de nouveaux imaginaires, rendre ce futur finalement désirable
04:46 et pas seulement flippant, pas seulement anxiogène ?
04:49 Exactement, c'est tout à fait ce qu'on cherche à montrer dans cette exposition,
04:52 c'est d'aller un peu à l'encontre de certaines images qu'on voudrait
04:55 nous faire passer aujourd'hui en termes de sobriété,
04:58 qui seraient un retour en arrière. On cherche à montrer qu'encore une fois
05:02 en décarbonant et en revoyant un tant soit peu nos habitudes de consommation,
05:07 de transport, de rapport aux vêtements, par exemple à l'achat, à la consommation,
05:12 on peut réussir à avoir des mondes qui sont tout à fait en vieux.
05:15 Et là où le point est très important, c'est que cette transition écologique,
05:19 elle doit également être une transition sociale juste,
05:22 non seulement à l'échelle d'un pays comme la France, par exemple,
05:25 mais aussi en lien avec des pays qui eux sont en voie de développement
05:28 et vont connaître leur plein boum économique dans les années qui viennent.
05:31 C'est ce qu'on appelle une exposition permanente.
05:32 Donc ça veut dire qu'elle est censée durer une dizaine d'années, c'est ça ?
05:35 Dix ans, effectivement.
05:36 C'est prévu pour dix ans et on parlera de la fin,
05:40 qu'est-ce qui va se passer dans dix ans, mais elle est éco-conçue.
05:43 Qu'est-ce que ça veut dire quand on est commissaire d'expo
05:45 et qu'on vous dit, oui, on fait une expo sur l'urgence climatique,
05:47 évidemment, elle doit être éco-conçue.
05:50 Quelles "contraintes" vous avez dû intégrer à vos idées ?
05:54 Alors, ça a été déjà de revoir beaucoup nos habitudes de travail
05:57 dans une grande institution comme la Cité des sciences et de l'industrie.
06:00 Et donc de réfléchir en termes de matériaux, en termes de durabilité,
06:04 en termes d'impact énergétique aussi,
06:06 donc de ne pas avoir une surmultiplication des écrans
06:09 ou de dispositifs qui soient gourmands en énergie.
06:12 Et de réfléchir à, justement, des matériaux qui soient sobres en émissions carbone
06:16 et qui surtout soient à l'usage à la fin de l'exposition,
06:19 réemployables et recyclables.
06:21 Donc on a une exposition qui est intégralement conçue en bois.
06:25 Donc, circuit court du bois qui vient du massif central
06:30 et donc ce bois a 10 ans de vie de l'exposition
06:33 et est prévu pour être récupéré, réemployé soit à la Cité des sciences
06:36 pour une autre expo, soit dans d'autres musées.
06:39 Ou alors, on espère aussi, si la législation le permet,
06:41 que des citoyens, que des gens comme vous et moi
06:43 puissent aller se sourcer directement dans l'expo en matériaux
06:46 pour refaire de la charpente ou une tronche chez soi.
06:48 Donc, démontable et recyclable, ça c'était la feuille de route pour les matériaux.
06:54 Est-ce que vous avez tiens renoncé à certaines idées trop énergivores ?
06:58 Vous voyez ce que je veux dire ?
06:59 Quand on est commissaire d'expo, on a une page blanche au départ
07:01 et puis entre ce qu'on voudrait faire et ce qu'on peut faire,
07:05 il y a parfois des marges.
07:07 Oui, alors on a renoncé.
07:08 Je peux donner quelques exemples très précis sur plutôt des habitudes de travail.
07:11 Donc, par exemple, on a des matériaux en bois qui sont très sensibles aux produits chimiques.
07:16 Donc, par exemple, ça a été de revoir aussi en interne la façon dont on doit s'occuper
07:20 en termes d'entretien d'une exposition comme celle-ci
07:22 sur des matériaux qui ne sont pas prévus pour être lavés à grand'eau
07:25 ou avec des produits chimiques.
07:27 Donc, on a eu cette réflexion aussi en termes d'usage du plastique.
07:31 Donc, on a restreint au maximum l'emploi de matériaux issus des hydrocarbures.
07:36 Pari qu'on a réussi à tenir par ailleurs.
07:38 Avec qui vous avez travaillé pour modéliser cet impact carbone environnemental de l'expo ?
07:46 Alors, on s'est entouré d'une soixantaine de scientifiques en tout
07:49 et d'un comité scientifique plus restreint, d'une quinzaine de scientifiques
07:53 dont le président, enfin, le commissaire scientifique était Jean Jouzel, paléoglymatologue.
07:58 Donc, on a eu à chaque fois des relais au sein du GIEC, au sein du CNRS,
08:03 au sein de l'université française pour justement avoir un propos
08:06 qui soit le plus pertinent possible et d'être au plus proche de la réalité des chiffres
08:11 et de la façon de les faire parler auprès d'un grand public.
08:13 Ça veut dire que maintenant, vous avez entre les mains une sorte de calculateur
08:17 d'impact carbone d'une exposition ?
08:18 Oui, alors, on a développé aussi ce calculateur qui est un outil nouveau
08:22 dans notre institution, qui donc permet de calculer l'empreinte carbone
08:26 très précisément d'une exposition.
08:28 Donc, on a un peu essuyé les plâtres parce qu'on a fait une sorte de version numéro 1
08:32 et qui maintenant va de projet en projet, qui va s'affiner et qui va servir à terme
08:36 à pouvoir réaliser les empreintes carbone des expositions.
08:39 Quand vous dites qu'il va de projet en projet, ça veut dire qu'il y a d'autres expos
08:41 qui l'utilisent déjà ?
08:43 Exactement, oui.
08:43 Là, dans leur phase de conception ?
08:45 Oui, c'est ça.
08:46 D'accord. C'est un outil qui n'existait pas ?
08:48 Alors, qui existait au sein de l'institution dans son ensemble,
08:50 donc qui a fait son bilan carbone.
08:52 Universcience a fait son bilan carbone.
08:54 Donc, Universcience, c'est l'institution qui abrite la Cité des sciences ?
08:59 Et le Palais de la Découverte.
09:00 Et le Palais de la Découverte, c'est ça.
09:01 Et donc, on s'est servi de cette première mouture du calculateur
09:05 qu'on a adaptée à des besoins plus précis pour l'exposition.
09:07 Je vous pose cette question parce que le monde, justement, des espaces culturels,
09:11 est-ce qu'il en est où par rapport à ces impacts carbone, impacts environnementaux ?
09:18 Est-ce que ce calculateur, finalement, c'était aussi une demande du milieu ?
09:22 Alors, oui, c'était une demande.
09:23 Il faut savoir qu'aujourd'hui, le monde de la culture est en pleine mutation
09:26 par rapport à ses enjeux environnementaux et énergétiques.
09:30 Et que ce calculateur, même si pour l'instant, il est utilisé en interne à Universcience,
09:36 je pense que d'autres institutions sont en train de mettre en place leur propre calculateur.
09:39 Et pourquoi pas un jour avoir un outil qui soit global, à l'échelle des...
09:43 Dans lequel on pourrait presque comparer les expos en termes de bilan carbone ?
09:48 Oui, je ne sais pas si c'est une bonne méthode de comparaison entre les expositions,
09:53 mais oui, je pense qu'à terme, il faudra arriver à développer des bilans carbone
09:57 et pourquoi pas aussi avoir des budgets carbone en amont du projet.
10:00 Donc, pas non seulement un budget financier, mais également un budget carbone.
10:05 Oui, c'est presque un bilan comptable adapté au temps.
10:09 Exactement.
10:10 Vous, vous êtes preneur d'un outil comme ça ?
10:12 Alors, je pense que c'est très compliqué à mettre en place.
10:14 Si on a réussi à mettre en place un calculateur pour l'exposition,
10:19 on devrait être en mesure après de pouvoir lisser les chiffres et d'émettre un budget carbone.
10:23 Et puis qui mieux que des scientifiques de la Cité des Sciences et de l'industrie pour nous le proposer ?
10:27 Merci beaucoup.
10:28 Donc, exposition Urgence climatique à découvrir à cette Cité des Sciences et de l'industrie à Paris.
10:35 On passe tout de suite au zoom de ce Smart Impact des pistes
10:39 pour financer la transition écologique des entreprises.