Quelle corrélation entre la montée des températures et votre quotidien professionnel ? S'il n'est pas pris en compte par l'entreprise, le changement climatique peut cumuler de nombreux effets délétères dont une hausse de l'absentéisme, une baisse d'attractivité, voire une chute des performances économiques. Un véritable défi pour les ressources humaines, mais des solutions existent déjà, on en parle dans le Cercle RH.
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00:11 -Le cercle est rache pour parler de climat.
00:14 Pour en parler concrètement, pas d'un point de vue philosophique,
00:18 mais d'un point de vue concret dans votre quotidien,
00:21 ces dérèglements climatiques ont-ils eu ou ont-ils eu
00:24 une incidence dans votre vie quotidienne professionnelle ?
00:27 -Ca concerne les gens dans les bureaux, on n'y pense pas,
00:30 mais des bureaux trop climatisés ou pas climatisés,
00:33 ça concerne les gens du BTP, les couvreurs, les maçons,
00:36 tous ceux qui sont sur des chantiers et qui subissent
00:39 parfois des chaleurs épouvantables.
00:41 On fait le point pour savoir ce qu'on peut faire,
00:44 ce que peut faire l'entreprise, et on en parle avec nos invités.
00:48 Géraldine Mendefield, vous êtes la fondatrice de Verbatim.
00:51 C'est du conseil et de l'accompagnement
00:54 aux entreprises sur ce sujet ?
00:56 -Sur la prévention santé dans l'entreprise.
00:58 -On dit préventeur ou pas ?
01:00 -On dit plein de choses.
01:02 L'important, c'est de faire des actions
01:04 qui servent à quelque chose dans l'entreprise.
01:07 -C'est l'action qui compte.
01:08 Avec nous, Philippe Garabiol.
01:10 Vous êtes secrétaire générale du Conseil d'orientation
01:14 des conditions de travail.
01:15 C'est un organisme très sérieux, paritaire,
01:18 faut-il le préciser, syndicats patronaux et salariaux.
01:21 C'est aussi le regard et l'accompagnement
01:24 que vous pouvez faire auprès des entreprises.
01:26 Ca peut être de l'accompagnement,
01:29 ça peut être coercitif, j'ai vu que les CARSAT,
01:31 les inspections du travail pouvaient être en mesure
01:35 d'intervenir lorsqu'il y avait des difficultés,
01:38 des dysfonctionnements.
01:39 -Oui, mais ce n'est pas tout à fait nous.
01:42 C'est plutôt la branche ATMP,
01:44 l'assurance maladie si vous voulez,
01:47 mais du côté accident du travail, maladie professionnelle.
01:50 Moi, je suis dans la prévention.
01:53 Mon conseil, c'est un conseil qui cherche
01:55 à ce qu'il n'y ait pas d'accident,
01:58 donc qu'il n'y ait pas de répression,
02:00 puisqu'il n'y aura pas le fait générateur
02:03 qui va permettre à l'inspection du travail
02:05 ou à d'autres inspections d'intervenir et de sanctionner.
02:09 Cela dit, je précise aussi que les inspecteurs,
02:12 CARSAT ou de travail, ont un rôle de médiation
02:15 et de prévention.
02:16 -Concrètement, les sujets auxquels nous faisons face
02:19 par rapport aux salariés, parce qu'en tant que citoyens,
02:23 qu'est-ce que sont, j'irais, la palette,
02:25 pas d'émotion, mais la palette de dérèglement
02:28 que subissent les salariés ?
02:29 Est-ce qu'on peut les citer ? Chaleur ?
02:32 -Oui, alors le chaud, le froid.
02:34 Il ne faut pas oublier le froid,
02:35 parce que le froid, c'est des accidents de trajet.
02:38 Le chaud, c'est de la fatigue, de l'épuisement,
02:41 donc ça peut être une baisse de vigilance.
02:44 -Des évanouissements.
02:45 -Ca peut être, n'oublions pas la pollution.
02:48 L'OMS dit qu'un quart des maladies chroniques
02:51 sont des sujets environnementaux.
02:53 Et là-dedans, la pollution est un des premiers facteurs.
02:56 Et puis, oublions pas les moustiques,
02:58 les nouveaux moustiques qui arrivent.
03:00 -Chikungunya. -Oui, dingue.
03:02 Et puis, oublions pas aussi les risques psychologiques,
03:05 la fameuse éco-anxiété dont on commence à beaucoup parler.
03:09 Voilà la panoplie des risques.
03:13 -Vous, qui êtes un organisme officiel,
03:15 c'est un sujet réellement pris en compte,
03:17 les sujets qu'on énumère là ?
03:19 -Tout à fait. J'ajouterais juste une maladie qui est possible,
03:22 avec plusieurs maladies, ce sont les cancers de la peau.
03:26 -Mélanomes, notamment. -Exactement.
03:28 Et la baisse de vigilance, dès lors qu'il y a une forte chaleur,
03:31 ça veut dire aussi plus d'accidents de la route, par exemple.
03:35 Donc des accidents de trajet,
03:36 mais aussi des accidents sur les machines.
03:39 -Pardonnez-moi, on est en train de réfléchir aux conséquences,
03:42 on a déjà des réalités concrètes avec des chiffres, vous qui observez.
03:46 On a une augmentation de l'accidentologie liée à cela ?
03:50 -En période de grande chaleur, on a effectivement un accroissement,
03:54 qu'il est difficile de quantifier,
03:56 parce qu'on n'a pas encore, je dirais, un recul suffisant,
04:00 mais on a un accroissement des accidents.
04:03 -Le réchauffement climatique a des effets
04:06 sur la santé des collaborateurs.
04:08 On part de ce principe dans l'échange que nous avons.
04:11 Qu'est-ce que dit le Code du travail ?
04:13 Qu'est-ce que font les entreprises ?
04:15 Parce que c'est bien beau,
04:17 le couvreur travaille dans une entreprise de 3 salariés,
04:20 il y a le patron et les 2 ouvriers.
04:23 Les règles de sécurité sont plus ou moins bien appliquées,
04:26 et en l'occurrence, ils ne connaissent pas.
04:29 Qu'est-ce qu'il peut faire le patron ?
04:31 Il dit qu'on ne va pas sur le chantier,
04:33 il a des délais à respecter, il faut qu'il aille bosser.
04:36 Comment on fait ? Qui veut répondre ?
04:38 -J'aimerais bien qu'on prenne l'exemple du couvreur.
04:41 L'impact, on va prendre des degrés, à 35 degrés,
04:44 et tout le monde va être d'accord que ça devient dangereux.
04:47 Maintenant, à 27 degrés, ça devient dangereux pour qui ?
04:51 Parce que l'impact n'est pas le même.
04:53 Si j'ai 25 ans en bonne santé,
04:55 et si j'ai 50 ans, une pathologie cardiaque,
04:58 que je fume et que je bois un peu,
05:00 là, il y a de la vraie pénibilité,
05:02 et le risque est vraiment accru.
05:04 -Ca fait beaucoup de paramètres à gérer.
05:06 -Concrètement, de votre côté,
05:08 vous faites de la prévention secondaire et primaire,
05:12 mais ça, c'est des cas typiques.
05:14 Les gens du BTP, les couvreurs, ceux qui sont dehors,
05:17 le patron ne leur dit pas qu'on arrête le chantier
05:20 et qu'on rentre chez soi.
05:22 -Il y a une vraie question.
05:23 Que faire en tant que patron ?
05:25 Que faire aussi au sein d'une branche ?
05:28 On appartient à une branche.
05:30 En l'occurrence, prenons cet exemple-là.
05:33 C'est d'abord des horaires décalés.
05:35 Si on peut commencer beaucoup plus tôt et finir plus tôt aussi,
05:39 on peut peut-être diminuer...
05:41 -Ca se fait en Espagne.
05:43 -Oui, dans beaucoup de pays.
05:45 Il faut que ce soit accepté, il faut qu'il y ait une dérogation.
05:49 Cette dérogation, elle se négocie.
05:51 Il ne faut pas oublier que le changement de la globalisation
05:54 qui est lié au changement climatique,
05:56 ça doit être un changement partenarial.
05:59 Ce sont les employeurs et les syndicats représentatifs
06:02 qui doivent négocier.
06:03 Ca, c'est le 1er point.
06:05 Mais ensuite, il peut y avoir aussi des EPI.
06:08 -Les solutions publiques ?
06:10 -Non, non.
06:11 -Les équipements de protection.
06:13 -Les protections individuelles.
06:15 -Les chaussures de sécurité.
06:17 -Pas simplement ça.
06:18 C'est aussi des vêtements qui sont plus légers, plus protecteurs.
06:22 C'est le cas échéant des exosquelettes.
06:25 Donc, ce qui peut diminuer la charge.
06:28 L'idée, c'est de diminuer la pénibilité au travail
06:32 du travailleur qui est exposé physiquement en forte chaleur
06:36 pour que son organisme résiste mieux.
06:39 Sans compter qu'il y a des obligations de l'employeur présentes.
06:44 -La protection du salarié.
06:46 -Et notamment, je le rappelle, parce que ça existe déjà,
06:50 son obligation à fournir autant d'eau que nécessaire
06:54 pour le travailleur qui travaille ailleurs.
06:57 -Je me souviens des ouvriers qui, l'hiver, disaient
07:00 qu'ils ne pouvaient pas monter les parpaings
07:03 parce qu'il fait trop froid.
07:05 -C'est un problème qui était usité chez tous les artisans.
07:09 Le Code du travail indique quelques cadres
07:12 avant même qu'il y eusse des règlements climatiques.
07:15 -L'employeur, par la loi, doit protéger la santé
07:18 et la sécurité des salariés.
07:20 Mais maintenant, il y a une question de pédagogie
07:23 et de maîtrise de ces nouveaux risques.
07:26 J'aime l'exemple dans les EPI des chaussures
07:29 de protection individuelle.
07:31 L'employeur sait très bien ce qui va se passer
07:34 dans les salariés.
07:36 -Je ne sais pas si vous connaissez l'exemple
07:39 du mélanome, du cancer de la peau du bras gauche
07:42 du camionneur.
07:44 -C'est réel ?
07:46 -On est dans l'anecdote, parce que je trouve
07:49 qu'elle est un peu déportée.
07:51 Ou alors, le dessus de l'oreille pour les marins.
07:54 Ce sont des exemples qui sont moins compris.
07:57 On comprend assez bien la chaussure,
08:00 on comprend moins bien demain l'impact du soleil
08:03 sur la peau.
08:05 Pourquoi c'est à l'employeur d'aller jusque-là ?
08:08 -C'est exactement ce que je vais vous demander.
08:11 -Est-ce que c'est une maladie professionnelle ?
08:14 -C'est exactement ça, le sujet.
08:16 -Il faut qu'il en prenne conscience, au même titre
08:19 que la chaussure, que l'équipement avec les manches
08:22 longues, qui ne sont pas trop pénibles à porter.
08:25 -Qu'il adapte au plus près.
08:27 Je suis chef d'entreprise, je dirige une petite PME.
08:30 Je le subis tout autant que les salariés que j'envoie
08:33 sur le terrain.
08:35 Qu'est-ce que dit l'organisme que vous représentez ?
08:38 Parce que là, c'est un casse-tête.
08:40 -L'organisme représente aussi bien les employeurs
08:43 que les salariés.
08:45 Il y a aussi le ministère du Travail, du Préventeur.
08:48 La réponse est unique.
08:50 C'est-à-dire que c'est à l'employeur,
08:53 dont sa capacité d'employeur, de prévenir le risque.
08:56 C'est pour ça aussi qu'il y a un URP qui existe.
08:59 C'est l'Unique Évaluation du Risque Professionnel.
09:02 Et ce document, il fait froid.
09:04 Tout le monde devrait l'avoir.
09:06 C'est une obligation.
09:08 C'est une obligation très forte.
09:11 Il y a, outre les URP, des fiches qui sont produites
09:16 avec l'aide des services de prévention et de santé au travail,
09:21 qui ont un rôle de prévention auprès des employeurs.
09:26 L'objectif, c'est d'éviter qu'un incident survienne.
09:31 -On dit à un couvreur de mettre sa crème solaire,
09:34 "n'oublie pas ta bouteille d'eau,
09:36 "on se croirait à la plage avec nos enfants."
09:39 -C'est son obligation.
09:41 -Il y a de l'obligation, c'est bien de le rappeler.
09:44 On aime bien aussi le prendre par des questions d'efficacité
09:47 de l'entreprise.
09:49 Si elle ne fait pas ça, qu'est-ce que je vais perdre
09:52 en arrêt de travail ?
09:54 -Il faut que l'entreprise comprenne que l'efficacité
09:57 de son entreprise, son outil de travail, va baisser.
10:00 -Elle devait déjà le faire auparavant,
10:03 dans le cadre du Code du travail.
10:05 Mais les choses se sont amplifiées avec le dérèglement.
10:08 -Je résidais les choses de ma manière,
10:11 avec le côté plutôt face de la productivité.
10:14 Si vous faites attention aux salariés,
10:17 ils font attention à l'employeur.
10:20 Lorsqu'on est dans une petite boîte de BTP,
10:23 l'employeur court les mêmes risques
10:26 que ses compagnons de travail.
10:29 Il a besoin d'être aidé et de bien comprendre
10:32 ce qu'il faut faire.
10:35 Il y a une compréhension globale des risques
10:38 qui peuvent apparaître.
10:41 Le tout, c'est de comprendre à partir de quel niveau
10:44 de risque on se trouve.
10:47 -A quel moment on dit stop ?
10:50 -On prend nos précautions.
10:53 Ce n'est pas évident.
10:56 En général, il y a de l'autonomie et de la bonne entente.
10:59 On aime bien se mettre torse nu.
11:02 On le voit sur le chantier.
11:05 Tout le monde se met torse nu.
11:08 -Ca veut dire que vous, organismes, paritaires,
11:11 mais aussi vous, verbatim,
11:14 vous avez des préventeurs qui doivent faire quoi ?
11:17 Des réunions pédagogiques ?
11:20 Tu ne peux pas être torse nu même si tu as un joli corps ?
11:23 Est-ce que tout ça est inclus dans le débat ?
11:26 -C'est un risque émergent
11:29 qui va s'amplifier.
11:32 Il ne faut pas poser le diagnostic.
11:35 Il faut gérer le risque en amont
11:38 avec ce document unique d'évaluation des risques.
11:41 -Ce n'est pas rempli par tout le monde.
11:44 -Ce n'est pas rempli par une entreprise sur deux.
11:47 C'est un risque émergent.
11:50 Il faut se poser potentiellement avec la médecine du travail.
11:53 35 ou 27 degrés,
11:56 ça n'aura pas le même impact
11:59 pour un salarié qui est jeune en bonne santé
12:02 avec un état de santé dégradé.
12:05 -Le débat se termine.
12:08 Un salarié a un cancer de la peau,
12:11 un mélanome, il va être suivi,
12:14 il va engager des soins qui vont avoir un coût pour la collectivité.
12:17 Est-ce qu'on peut le reconnaître en maladie professionnelle ?
12:20 Il était sur des chantiers, dans le BTP,
12:23 et son employeur n'avait pas de document unique
12:26 d'évaluation des risques et de prévention.
12:29 Comment on fait ?
12:32 -C'est trop difficile de répondre
12:35 sur des tâches individuelles.
12:38 Il y a un alignement d'intérêt
12:41 entre le salarié, les pouvoirs publics et l'employeur
12:44 pour éviter ces cas.
12:47 Ça peut être simple de passer des messages de prévention
12:50 adaptés aux plus proches des salariés.
12:53 -On vote de nouvelles lois ?
12:56 On enrichit le code du travail ?
12:59 -Il y a une question de tableau de médecine professionnelle
13:02 et de la possibilité de demander aux commissions régionales
13:05 pour que elles examinent la situation.
13:08 C'est vrai qu'il faut penser à l'accident et à la réparation.
13:11 J'insiste sur le fait que là,
13:14 on est sur des risques émergents
13:17 et que le risque émergent dit pouvoir travailler tous ensemble
13:20 pour prévenir ce risque.
13:23 On en est là.
13:26 Avant de terminer,
13:29 le CESE a adopté à l'unanimité
13:32 un avis relatif au changement climatique
13:35 et aux conditions de travail
13:38 qui fait foi et où il y a différentes propositions
13:41 et différentes orientations qui font consensus.
13:44 -Sur lesquelles le législateur pourrait s'appuyer
13:47 pour bâtir un dernier mot.
13:50 -Je voudrais avoir une note positive.
13:53 Il faut être alarmiste sur le fait qu'il faut y aller
13:56 parce qu'il va y avoir des vrais impacts sur la santé.
13:59 En revanche, si les entreprises s'y mettent
14:02 dès maintenant, on peut avoir un message positif
14:05 parce que l'engagement climatique RSE aura de toute façon
14:08 un impact positif sur l'attractivité,
14:11 les difficultés de retroutement.
14:14 Si elles s'y mettent, de toute façon, ça rejaillira.
14:17 -C'est exactement ce que je voulais dire.
14:20 C'est une affaire de négociation, de partenariat social
14:23 avec l'idée qu'on protège les salariés
14:26 et que protéger les salariés, ça fait corporate.
14:29 -Je sens dans votre bouche le mot "corporate"
14:32 qui est un peu péjoratif, mais on n'ouvre pas le débat.
14:35 Merci à vous deux. C'est un sujet qu'on a voulu traiter
14:38 parce qu'on est au début de quelque chose
14:41 et avec les canicules, les inondations,
14:44 tous les sujets induits, c'est un sujet central.
14:47 Merci à vous, Géraldine Manfield, fondatrice Verbatim,
14:50 les assureurs ont aussi un mot à dire,
14:53 et Philippe Garabiol, secrétaire général
14:56 du Conseil d'orientation des conditions de travail,
14:59 organisme paritaire, syndicats patronaux et salariaux
15:02 qui travaillent sur cette question.
15:05 On termine avec "Fenêtres sur l'emploi".
15:08 Laurent Pietraszewski va nous dire tout sur les négociations
15:11 autour du chômage.