Chaque semaine dans Viva Cinéma, le tour de l'actualité cinéphile avec des sujets inédits, des entretiens, des analyses de séquences, des archives, des montages et des nouvelles rubriques pour combler les amoureux du cinéma.
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Court métrageTranscription
00:00 *Générique*
00:21 *Musique*
00:27 Salut à tous, vous êtes bien sur Ciné + Classique et c'est parti pour votre Viva Cinema
00:31 qui vous propose cette semaine une rencontre avec Nicolas Philibert.
00:35 Au sommaire également le Rosebud de Marcel Carné,
00:39 la mélodie du bonheur de Elephants,
00:42 et une brève rencontre avec Masha Merrill, c'est parti !
00:45 *Rire*
00:50 Nicolas Philibert a fait du documentaire son terrain de jeu
00:54 au cours d'une carrière de plus de 40 ans,
00:57 auréolée de succès public et critique.
00:59 Alors que sortent les deux derniers volets du triptyque
01:02 autour du soin psychiatrique entamé avec surladement,
01:05 la cinémathèque française le met à l'honneur en montrant l'intégralité de ses films.
01:09 Discussion avec le cinéaste autour de ses premières oeuvres.
01:13 Moi je suis venu au cinéma plutôt par la fiction,
01:21 j'ai commencé comme stagiaire, puis comme assistant sur des films de fiction.
01:26 Et j'ai eu envie de me lancer comme réalisateur
01:30 avec un documentaire, curieusement.
01:34 Alors que je savais à peine ce que c'était,
01:37 parce qu'on en voyait très peu à l'époque.
01:40 J'avais pas la télé, chez mes parents il n'y avait pas la télé.
01:43 C'était un peu comme connaissance du monde,
01:46 des films qui évoquaient peut-être des voyages.
01:49 J'en avais vu peut-être à peine une dizaine.
01:54 Je l'ai co-réalisé avec un autre, Gérard Mordillat.
02:18 On rencontre un homme qui a fait un travail universitaire sur les patrons.
02:23 Il nous parle de ça, c'est ce qui va nous donner envie de faire ce film.
02:28 Non pas sur les patrons, mais sur le discours patronal.
02:31 Comment est-ce qu'il voit l'avenir de la société,
02:35 de l'économie, du monde dans lequel on vit ?
02:37 Et comment cette vision, leur vision, se traduit dans le discours ?
02:42 C'est ça qu'on a envie de filmer, on a envie de filmer une parole.
02:46 Il est certain que jadis, les gens avaient un centre de rassemblement.
02:50 C'était le village, il y avait l'église, la grande place,
02:52 il y avait les petits bistrots, etc.
02:55 Et aujourd'hui l'entreprise, c'est devenu un lieu de rassemblement
02:59 où les travailleurs se parlent,
03:03 où les travailleurs sont solidaires de leurs difficultés.
03:06 Ce qui m'intéresse beaucoup en faisant ce film,
03:10 c'est la manière d'occuper l'espace quand on parle.
03:13 Parce que les gestes, les mimiques, les regards,
03:16 l'un aura une parole fluide, l'autre une parole plus heurtée,
03:21 un troisième va soigneusement éviter de prononcer certains mots,
03:26 un quatrième, au contraire, va… bref.
03:29 On a essayé d'amener une vision critique de ce discours des patrons
03:41 par l'image même, par le cadre, la profondeur de champ,
03:45 cette façon de les laisser développer leurs pensées.
03:50 Ils sont habitués à la contradiction,
03:55 mais justement, on n'a pas cherché à les contredire,
03:58 mais à les amener eux-mêmes à se découvrir
04:03 et d'une certaine manière à se démasquer.
04:05 Ça vous paraîtra peut-être un peu provocateur de le dire,
04:10 mais je l'affirme avec force,
04:13 l'entreprise ne peut vivre que dans le cadre d'une constitution monarchique
04:18 et une constitution monarchique dans laquelle
04:21 la désignation des responsables vient d'un nombre relativement réduit de personnes.
04:32 Je ne suis pas quelqu'un dont les projets se forgent d'une manière ex nihilo,
04:40 comme ça, devant une feuille de papier ou en étant chez moi.
04:44 C'est souvent les rencontres qui m'ont amené à faire tel ou tel film.
04:49 En l'occurrence, La vie de Louvre, c'est un film dont l'origine est assez singulière, assez drôle.
04:58 Au départ, pour moi, c'est une commande, une commande d'un jour.
05:01 Les conservateurs du département des peintures demandent qu'on filme
05:07 la sortie des réserves de très grandes toiles du XVIIIe siècle,
05:11 des toiles qui font chacune 60-70 mètres carrés,
05:14 qui sont enroulées sur des cylindres en bois.
05:16 Et donc, je vais passer une journée à filmer cette opération un peu spectaculaire quand même.
05:23 Et le soir, je suis censé avoir fini,
05:27 sauf que j'ai passé une journée au cours de laquelle j'ai découvert un peu la vie secrète d'un grand musée.
05:35 J'ai qu'une envie, c'est d'y revenir.
05:37 On décide d'y retourner le lendemain.
05:53 C'est un film qu'on a fait avec des baskets et du matériel dans le sac à dos,
05:57 en marchant beaucoup, en se déplaçant, en entr'ouvrant les portes.
06:01 « Bonjour, qu'est-ce que vous faites ? »
06:03 « Ah, on peut regarder, on peut voir, on peut filmer un peu. »
06:06 On est là, dans un atelier de restauration, là, dans une salle qu'on réaménage, etc.
06:12 Le son au Louvre, c'est difficile.
06:16 Les salles sont gigantesques, il y a énormément de réverbération.
06:20 On est entrain par l'espace, il faut jouer avec ça.
06:23 C'est ce que j'ai fait.
06:25 Donc, bien souvent, les sons résonnent d'une manière quelquefois un peu étrange,
06:30 et ça donne au film une dimension parfois burlesque.
06:35 Organiser la visite d'une salle, c'est comme monter un film, d'une certaine manière.
06:47 On choisit l'ordre, non pas des séquences, mais des tableaux.
06:50 On choisit, au fond, de créer du sens.
06:53 Si on inverse ce tableau et celui-là, ça prendra un sens différent.
06:58 Donc, ce travail d'accrochage, de décrochage, pour un cinéaste, c'est passionnant.
07:04 Ce qui m'intéresse, c'est quand, en faisant un film,
07:08 c'est quand le film questionne le cinéma, quand le film travaille le cinéma lui-même.
07:13 C'est ça qui m'intéresse, c'est pas tant le sujet.
07:17 Parce que pour moi, les sujets sont parfois un prétexte.
07:36 Le Pays des Sourds, c'est un film qui, lui aussi, est né d'une rencontre
07:43 avec des gens qui ont attiré mon attention sur cette langue des signes.
07:50 C'est la langue visuelle par excellence,
07:52 et c'est une langue qui a beaucoup à voir avec le langage cinématographique.
07:59 La langue des signes, c'est une langue dans l'espace.
08:02 Et selon la façon de se tourner, le narrateur va faire exister tous les personnages de l'histoire.
08:12 C'est fulgurant, c'est incroyablement expressif, et c'est très beau.
08:19 Et puis, c'est une langue qui utilise le gros plan, le plan large, le plan moyen,
08:25 des mouvements de zoom, des mouvements comme des mouvements de caméra, etc.
08:30 Quelqu'un qui s'en va, raconté, il est parti, c'est...
08:37 Mon personnage est là, il est là, il s'en va, il s'éloigne, il rapetisse,
08:42 et je plisse les yeux en même temps, comme ça, voilà.
08:46 [Bruit de l'écran]
09:07 Mon travail consiste à essayer, justement, de faire naître du désir
09:15 chez les personnes que j'ambitionne de filmer.
09:19 Bien souvent, les personnes, parce qu'il y a une caméra,
09:25 se mettent à jouer avec vous, se mettent à danser, si j'ose dire.
09:31 [Bruit de l'écran]
09:41 Je ne fais pas mes films pour dire, mais pour faire.
09:45 Je ne fais pas mes films pour asséner des réponses, mais pour poser des questions,
09:49 essayer de comprendre ce que je fous là, essayer de comprendre le monde dans lequel je vis,
09:53 essayer de comprendre ce que j'ai à voir avec ces gens-là que je suis venu filmer,
09:58 est-ce qu'on a des choses en commun ou pas, etc.
10:01 C'est ça qui est intéressant.
10:05 Précipitez-vous à la Cinémathèque Française pour redécouvrir les films de Nicolas Philibert,
10:10 qui sera également président du jury de l'Oeil d'Or 2024,
10:14 le prix du documentaire du Festival de Cannes.
10:17 Et pour prolonger la découverte de son œuvre, Votre Viva vous recommande chaudement
10:21 Averroës et Rosa Parks, son dernier film, actuellement en salle, grâce au film du Losange.
10:26 Dans la vie, il y a la vue, il y a l'ouïe, il y a le flair.
10:30 Bizarre, bizarre.
10:37 Qu'est-ce qu'il a ? Votre couteau.
10:40 Comment ?
10:41 Vous regardez votre couteau et vous dites bizarre, bizarre.
10:45 Moi j'ai dit bizarre, bizarre, comme c'est étrange.
10:49 Pourquoi j'ai dit bizarre, bizarre ?
10:51 Je vous assure, cher cousin, que vous avez dit bizarre, bizarre.
10:55 Moi j'ai dit bizarre.
10:57 Comme c'est bizarre.
11:00 Deuxième film de Marcel Carnet, drôle de drame et souvent réduit à cet échange mythique
11:05 entre Louis Jouvet et Michel Simon.
11:08 Les deux solistes se détestaient cordialement, mais Carnet avait réussi à tirer le meilleur
11:13 de leur mano à mano pour un film devenu classique parmi les classiques,
11:17 alors qu'il connut un échec retentissant à sa sortie en 1937.
11:22 Le mélange entre vaudeville à la française et humour à l'anglaise fut incompris
11:27 avant d'être reconnu à sa juste valeur pour son aspect incorrect et poétique
11:32 et ses énumérations chères à prévaire.
11:35 Mercredi, jeudi, vendredi, samedi.
11:40 Dimanche, lundi, mardi.
11:43 Et toutes les semaines, ça recommence.
11:46 Quelle monotonie, Madame Pencier.
11:49 J'aurais tellement voulu être écuyée.
11:52 Les répliques fusent, mais drôle de drame n'est pas qu'une accumulation de gags loufoques,
11:56 c'est aussi une incroyable histoire de doubles.
11:59 Tous les personnages ne sont pas ceux qu'ils sont censés être.
12:03 Irvine Molineux, Michel Simon, spécialiste du mimosa, est aussi Félix Chapelle,
12:09 auteur de romans policiers à succès qui, ironie du sort, finira par vivre grimée
12:14 avec la barbe de Chapelle.
12:16 Oui, c'est affreux. Je vais être obligé de porter cette barbe pendant le reste de mes jours.
12:22 Il vaut mieux vivre riche avec une barbe que vivre sans barbe et sans argent.
12:27 La mauvaise foi est partout, y compris dans le clergé.
12:30 Archibald de Sopper, Louis Jouvet, ecclésiaste autoritaire et père de 12 enfants,
12:35 prêchent la morale tout en entretenant une relation avec une chanteuse de cabaret.
12:40 C'est dans ce terreau de mensonges que pousse une histoire d'amour,
12:44 celle entre Billy le laitier, Jean-Pierre Aumont, et Eva, Nadine Vaugelle.
12:48 Mais chez Prévert et Carnet, l'amour ne va pas de soi,
12:51 et les déclarations en grande pompe prennent elles aussi un tour inattendu.
12:55 Faut que je vous dise quelque chose. Eva, je vous aime.
13:00 Vous l'avez déjà dit, Billy.
13:02 Oh, vous êtes une fille impossible.
13:04 C'est vrai, quand je raconte des histoires à dormir debout, vous restez là,
13:07 à m'écouter, les yeux écarquillés, vous prenez des notes même.
13:09 Mais si je vous dis "Eva, je vous aime", on dirait que ça vous endort.
13:12 Réveillez-vous, Eva. Je suis là. Je vous aime.
13:16 Réveillez-vous !
13:18 Oh, fichez-moi la paix avec votre amour !
13:20 Oh ! Si vous saviez ce que vous pouvez avoir l'air bête quand vous m'écoutez vous dire que je vous aime !
13:24 Une vraie tête de sourde et muette.
13:26 Une vraie tête d'idiote.
13:28 Si vous voyez la vôtre quand vous me dites que vous m'aimez, une vraie tête de fou.
13:31 Les yeux qui sortent de la tête et qui veulent s'en aller on ne sait pas où.
13:33 La voix qui tremble, et toujours la même phrase insupportable,
13:36 "Je vous aime, je vous aime, je vous aime."
13:39 Ah, vous aimez ce jeune homme, Eva. C'est du genou.
13:42 Mais non, madame, justement, je disais...
13:44 Assez !
13:45 Dans "Drôle de Drame", les quiproquos jaillissent à la vitesse des répliques pour notre plus grand plaisir.
13:50 Alors n'hésitez plus et replongez dans ce chef-d'œuvre intemporel de Marcel Carnet et sa Dream Team,
13:55 Alexandre Tronner au décor, Maurice Jaubert à la musique,
13:58 et bien sûr Jacques Prévert au scénario, très bientôt sur Ciné+ Classique,
14:02 et à tout moment sur My Canal.
14:06 Le nom du duo de pop française Elephant s'est inspiré d'Elephant, le chef-d'œuvre de Gus Van Sant.
14:18 Jonathan et Maxime Verlezenne ne cachent pas leur cinéphilie.
14:21 La preuve, on trouve sur leur dernier album une chanson intitulée "Cinéma".
14:26 Pour votre viva, ils nous dévoilent leur béau de cœur signé Joe Isaichi pour un film de Hayao Miyazaki.
14:32 [Musique]
14:49 C'est la première vraie bande originale de Joe Isaichi,
14:53 et ça a été un succès mondial et critique qui fait qu'il a ensuite fait énormément de béaux avec Kitano et avec Miyazaki.
15:01 [Musique]
15:16 Choisir de travailler avec Joe Isaichi, c'était avant-gardiste,
15:19 parce que Isaichi travaille vraiment avec de multiples influences, ses béaux sont vraiment métissés.
15:27 C'est très audacieux parce qu'il s'écarte un peu de ce qu'on pourrait attendre d'une bande originale de dessin animé.
15:33 C'est pour ça qu'il est si reconnu, c'est qu'il fait des ponts entre la musique orchestrale, la musique ultra synthétique,
15:41 c'est un des précurseurs dans les bandes originales, et quasiment une sorte de musique classique européenne.
15:47 [Musique]
15:57 Isaichi est très très fort en ritournelle.
16:00 Ça ressemble à Nausicaa, puisqu'en fait on entend pour la première fois cette musique avec des flashbacks de quand elle est petite,
16:07 et on voit que son cœur est resté très celui d'un enfant.
16:10 Et je crois qu'Isaichi allait puiser même dans la musique traditionnelle japonaise pour construire ses comptines,
16:17 tout ça avec de la musique un peu synthétique.
16:19 Je crois qu'il utilise la musique synthétique pour justement décrire le côté un peu presque artificiel du monde,
16:27 et il revient à quelque chose des waltz, et des choses qui pour lui symbolisent plus le côté organique et sentimental de l'homme.
16:37 Alors on essaie ?
16:40 On essaye. C'est le thème de Nausicaa, tout simplement. C'est le thème du film.
16:45 [Musique]
17:14 On l'entend jouer par différents instruments, mais on l'entend principalement par la voix d'une petite fille qui chante.
17:18 C'est d'ailleurs hyper touchant parce que c'est même un peu à l'image de ce son.
17:22 C'est même pas toujours très juste, c'est un peu faible.
17:25 C'est très drôle cette interprétation qu'il ait laissée, cette interprétation-là,
17:28 mais je pense qu'il voulait montrer la fragilité là-dedans, et c'est superbe.
17:34 [Musique]
17:48 Il est très fan de musique classique, et il voulait offrir à une génération d'enfants des ponts vers cette musique-là,
17:56 qui n'est pas forcément écoutée.
17:59 Et dans ce Nausicaa, il y a carrément un pastiche de la Saravande de Handel.
18:03 Si les gens ne voient pas ce que c'est, c'est vraiment le morceau qui a été popularisé par Barry Lyndon.
18:07 Et c'est un moment dans le film hyper solennel où on pense qu'elle est morte,
18:11 et elle se fait ressusciter par les homous, ces arthropodes géants.
18:16 [Musique]
18:35 L'association musique synthétique, musique orchestrale classique, et valses et chansons,
18:42 ça marche parce que dans le film, il y a une imagerie très steampunk,
18:47 et en même temps, certains humains combattent en tenue de chevalier.
18:52 En fait, on ne sait pas dans quelle époque on est.
18:54 Quelque part, je ne sais pas si c'était le brief de Miyazaki, mais il a dû lui dire,
18:58 on ne sait pas quelle musique il restera à ce moment-là.
19:00 On ne sait pas ce qu'on écoutera, on ne sait pas ce qu'il aura survécu.
19:04 Et c'est vrai qu'à y réfléchir, il ne repropose pas une telle complexité après.
19:09 Désormais chanté en français sur le disque rien de personnel,
19:13 les hymnes d'Elephants se font plus intimes,
19:16 sans perdre de leur séduction pop, inutile de résister.
19:19 [Musique]
19:27 La merveilleuse Masha Merrill est à l'honneur ces jours-ci sur Classique,
19:31 mais connaissez-vous le beau et rare long-métrage de Guy Gilles au pan coupé ?
19:36 En 1968, Masha Merrill en fut l'interprète principale et aussi la productrice.
19:41 Dès lors, qui d'autre aurait pu nous parler de cette œuvre délicate ?
19:45 Brève rencontre avec Masha Merrill.
19:47 [Musique]
19:53 C'était un film spontané et une production spontanée.
19:57 Et je pense que finalement, il n'y a rien de mieux
20:01 que ce soit les personnes qui font les films qui les produisent.
20:05 Maintenant, ça n'existe plus du tout.
20:06 Je vous dis tout de suite, le cinéma est aux mains de financiers, de banquiers, d'institutions.
20:12 Eh bien, ça se sent, vous voyez ?
20:14 Je pense qu'un film comme au pan coupé, aujourd'hui, je me demande comment il pourrait naître.
20:19 Je te rencontre.
20:23 Jeanne, je pleure quand je pense au jour où j'ai te rencontré.
20:32 Jeanne, tu es si gentille.
20:35 Vous savez, il y a des films qui ne sont pas que des films.
20:38 Il y a des films qui sont aussi des rencontres ou plutôt des moments de vie.
20:43 Un moment où, tout d'un coup, on a besoin de dire certaines choses.
20:47 Et quand j'ai rencontré Guy Gilles, nous étions tous les deux à ce moment-là.
20:52 Moi, je sortais du film de Godard, Une femme mariée, qu'il avait vu.
20:56 Il avait envie de me filmer.
20:57 Il avait une façon très extraordinaire de parler aux actrices.
21:00 Il m'avait vu dans la rue, il m'a dit "Oh, j'ai envie de te filmer".
21:04 C'est-à-dire pas de me proposer un rôle, pas de me dire ce que je représentais pour lui,
21:09 mais tout simplement de me filmer.
21:11 Laverne, près Barjeule, Var 13-6-0-7
21:18 1907. Penser à vous, c'est penser au bonheur.
21:22 C'est espérer comme en de belles fables, de douces joies qui enivrent mon cœur
21:26 et qui lui font des heures ineffables.
21:31 Quand je l'ai rencontré, j'ai compris qu'il traitait de la même chose que ceux qui m'intéressaient moi.
21:36 C'est-à-dire la poésie.
21:38 Qu'au cinéma, il faut partir, il faut s'envoler, il faut aller ailleurs.
21:45 On n'est pas là pour raconter des choses que vous connaissez déjà
21:49 ou des choses que vous fréquentez quotidiennement.
21:54 Ça, ça a été un lien entre lui et moi immédiat.
21:57 Alors au point tel que j'ai même pas lu son scénario.
22:00 D'ailleurs, il y en a peut-être pas de scénario.
22:02 Alors on était tous dans la tendance godardienne, n'est-ce pas ?
22:05 On n'écrit pas de scénario, on n'écrit pas de dialogue.
22:07 On fait le film au fur et à mesure. C'est la caméra, stylo.
22:11 Je voudrais tout recommencer.
22:15 Retrouver la chambre.
22:17 Genre.
22:19 Nourrir.
22:22 Nourrir.
22:23 Chez Guy Gilles, la chose la plus prégnante, la plus belle, c'est le temps qui passe.
22:39 Toujours ce sujet, ce thème du temps qui passe et des choses perdues.
22:46 Des choses qui vont disparaître et qu'il faut saisir rapidement avant qu'elles disparaissent complètement.
22:52 Ça, c'est un truc terrible parce que c'est très douloureux.
22:57 C'est très... On ne peut pas... On ne peut que souffrir.
23:02 [Musique]
23:26 Ce qui nous a unis, c'est ce goût de l'amour.
23:30 C'est-à-dire, ils croyaient en l'amour.
23:32 Et moi aussi.
23:34 Moi, je ne suis pas slave pour rien.
23:36 Je pense qu'en fait, il n'y a que l'amour.
23:40 On ne vit que pour ça.
23:42 Et d'ailleurs, Marguerite Duras, qui avait vu le film, a dit,
23:45 "C'est le plus beau film d'amour que je n'ai jamais vu."
23:48 Alors, elle aussi vivait dans la souffrance et dans l'absence
23:51 et dans des amours qui ne peuvent pas se réaliser, etc.
23:54 Je pense que c'est plus voyant quand les amours ne se font pas.
23:59 Que quand ça réussit.
24:01 Parce que quand ça réussit, tout va bien, madame la marquise.
24:04 Tandis que quand il y a des obstacles,
24:06 quand tout d'un coup, les personnes n'arrivent pas au bout,
24:10 n'arrivent pas à vivre leur amour,
24:12 à ce moment-là, évidemment, ce sentiment un peu exclusif, un peu fou,
24:16 c'est fou, l'amour.
24:18 C'est contre toutes les règles.
24:19 C'est contre toutes les convenances.
24:21 Il y a quelque chose qui est invivable dans l'amour.
24:24 "Jeanne, je meurs."
24:31 "À force de faire semblant de mourir."
24:44 "Cesse, Jean, cesse."
24:50 Il a toujours été amoureux de ses actrices.
24:53 Il a été amoureux tout en étant lui-même homosexuel.
24:56 Il avait une passion pour les visages de femmes.
24:59 Mais justement, nous étions des visages, nous étions des icônes,
25:03 des espèces de choses impossibles, de rêves.
25:08 Et je suis contente d'avoir eu l'instinct de me prêter à ça
25:15 sans avoir rien pensé, sans réflexion,
25:19 sans me dire à quoi ça sert.
25:23 Vous savez, c'est ça l'art, ça ne sert à rien.
25:26 C'est inutile, l'art.
25:28 Mais c'est indispensable.
25:31 On ne peut pas s'en passer.
25:33 Et moi, j'ai eu cette chance de travailler avec quelques artistes,
25:36 mais lui en tête, parce que ça allait au-delà du sensible.
25:42 C'était vraiment presque mystique.
25:48 Jean, tout est fragile.
25:51 Peut-on vivre d'un souvenir ?
25:55 Précipitez-vous sur Ciné+ Classique le 3 avril
25:58 pour découvrir "Au Pan Coupé" lors de la nuit Macha Merrill,
26:01 avec également "Une femme mariée" de Jean-Luc Godard
26:04 et "Adorable menteuse" de Michel Deville,
26:06 ainsi que le documentaire "Macha" de Christiane Spierro.
26:09 Et n'oubliez pas, votre Viva vous attend comme toujours
26:11 sur les réseaux sociaux de Ciné+ et à tout moment sur MyCanal.
26:17 [Musique]