• il y a 8 mois
Regardez Le Grand Jury du 17 mars 2024 avec Olivier Bost.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 [Musique]
00:13 Le Grand Jury, présenté par Olivier Bost.
00:16 Bonjour à tous, bienvenue dans ce Grand Jury, en direct sur RTL et à regarder sur Paris 1ère.
00:22 Bonjour Michel-Edouard Leclerc.
00:23 Bonjour Olivier, bonjour à tous les auditeurs.
00:26 Bonjour, vous êtes le président du Comité stratégique des centres Leclerc. Leclerc est aujourd'hui le numéro 1 de la grande distribution des super et des hypermarchés en France.
00:35 En début d'année, vous vouliez casser la gueule à l'inflation, mais les prix augmentent toujours au rayon alimentation comme à la pompe à essence.
00:44 Nous allons en parler, la vie est plus chère. Alors la faute à qui ? Y a-t-il des profiteurs de l'inflation ? En faites-vous partie.
00:51 Bienvenue dans ce Grand Jury, Michel-Edouard Leclerc.
00:55 A mes côtés ce dimanche pour vous interroger, Loris Boischaud du Fidaro et pour cette semaine, Pierre Herbulot de la rédaction de RTL, spécialiste des questions de consommation.
01:05 Je le disais, les prix continuent d'augmenter. Une question de Loris Boischaud.
01:09 Oui Michel-Edouard Leclerc, vos estimations sont pessimistes. Vous dites que nous sommes partis pour 10 ans d'inflation, sauf que les prix ont déjà augmenté, +21% ces deux dernières années.
01:19 Jusqu'à quel niveau vont-ils augmenter ?
01:21 Alors, il ne faut pas tout mélanger. On vient de vivre un cycle d'inflation spéculative depuis la sortie du Covid, avec le conflit en Ukraine, avec tous les prétextes qui ont été inventés
01:33 et qui ont amené les consommateurs français à être tapés au portefeuille de 21% de hausse en deux ans, principalement sur l'alimentaire et les produits de consommation courante.
01:42 Cette inflation-là n'a pas une... elle est très hétérogène dans ses facteurs. C'est le prix des conteneurs dont on nous a fait le coup de la rareté et qui avait flambé de 1500 à 15 000 euros le conteneur, impactant tout ce qui était importé d'Asie.
02:01 En fait, il y a eu trois rapports de l'inspection générale des finances qui ont montré que dans cette inflation, la moitié a servi à reconstituer les marges des grandes entreprises, et notamment du secteur agroalimentaire.
02:16 Et puis si vous regardez les résultats du CAC 40, et pas simplement les résultats du secteur de l'énergie, vous verrez que dans ces 21% de hausse, il y a eu beaucoup de dividendes, de perspectives de dividendes, de réinvestissements.
02:28 Et ça va continuer sur 10 ans au total ?
02:29 Et donc ça, ça vient de durer trois ans. La dernière période de négociation dont Bruno Le Maire a obtenu l'ouverture un peu par anticipation, je pense qu'elle nous a permis de bien négocier.
02:44 Contrairement à la dramaturgie orchestrée par les fédérations un peu de chaque groupe, ça s'est plutôt bien passé.
02:51 Sur un diagnostic très simple, c'est que les grandes marques ont perdu beaucoup de volume l'année dernière. Ils ont trop augmenté leurs prix, et donc cette année, ils sont plus conciliants.
03:02 Et je pense qu'on va ramener l'inflation des hypermarchés dans l'inflation générale. On va aller sur une inflation de 2 à 3% dans l'année dans nos magasins.
03:13 On va revenir là-dessus, dans le détail, mais sur l'inflation, pourquoi vous dites l'inflation sur les 10 ans à venir ? Qu'est-ce qui vous permet de dire ça aujourd'hui ?
03:20 C'est bien parce que dans votre émission, on a le temps de s'expliquer. L'inflation qui m'a fait bondir, celle qui m'a fait utiliser des termes peut-être militaires alors que la métaphore n'était pas utile, ou en tout cas était déplacée.
03:37 Mais en tout cas, j'estimais que cette première inflation qu'on a vécue après 10 années de déflation, on pouvait l'éviter. On aurait pu l'éviter si les industriels l'avaient acté très tôt et donc avaient eux-mêmes renégocié le coût de l'énergie, le coût des transports, etc.
03:57 Si les transformateurs avaient négocié suffisamment les marchés des matières premières. Et donc, il y a eu à la fois de la spéculation et en même temps un manque d'anticipation.
04:07 Pour résumer votre propose, il y avait une inflation abusive et là on passe à une inflation un peu structurée et normale.
04:12 Et ça, c'est ce qui est derrière nous, je pense, maintenant. Pas encore pour les consommateurs, mais pour nous professionnels, cette inflation-là, elle est derrière nous.
04:18 - Avec entre 2 et 3% d'inflation en 2021. - 2024, toutes choses par ailleurs.
04:22 - Est-ce qu'on va pour autant revenir vers le niveau d'il y a deux ans ? - Non, non, non.
04:26 - Ça n'arrivera jamais ? - Jamais. On ne dit jamais "Fontaine, je ne boirai de ton eau".
04:33 Mais j'insiste. Les consommateurs voient de quoi je parle. Ils étaient dans les magasins, ils étaient chez nous, ils étaient chez Intermarché, ils étaient chez Carrefour, ils étaient chez Ancor Casino.
04:44 Ils ont été tapés de cette inflation sans qu'un chef de rayon, sans qu'une caissière ne puisse expliquer pourquoi 40% sur les pattes.
04:54 On a oublié tout ça. Je parle de ça, de cette période où on a fait le coup de l'absence de moutarde.
05:00 Cette période aussi où, quand on a mis des masques sur le marché, heureusement que la grande distribution y est allée pour faire casser les prix par 10.
05:12 Cette période-là s'achève dans un cycle de négociations qui normalement ferait qu'en 2024, les consommateurs trouveront en magasin une inflation moyenne.
05:23 Il y aura des baisses aussi, mais une inflation moyenne de 2 à 3%.
05:26 - Mais est-ce qu'on peut se réjouir, les consommateurs, des baisses de prix ?
05:30 - D'abord, on revient... Non, mais moi aussi j'aimerais bien, mais on ne revient jamais en arrière.
05:35 Donc personne ne revient jamais en arrière. Vos tarifs de publicité sur RTL ne reviendront pas en arrière.
05:40 Donc on ne reviendra pas au prix de 2019. Cette crise est derrière nous.
05:47 Maintenant, on prend un rythme qui va être façonné par autre chose, qui va être façonné par ce qu'on appelle la nouvelle économie.
05:57 La transition énergétique, l'impact de la géopolitique, donc la recherche de relocalisation, voire de souveraineté, voire de maîtrise des approvisionnements.
06:05 La décarbonation, ça va coûter plus cher dans les 10 ans qui viennent de produire en France sur la baisse de ces critères-là.
06:15 Et c'est ça que j'appelle une inflation structurelle.
06:19 - Mais pour vous, c'est l'explication de l'inflation...
06:21 - Contrairement à l'inflation précédente, spéculative, on rentre sur 10 ans d'inflation structurelle.
06:26 - Mais pour vous, c'est l'explication de l'inflation 2024 et celle de l'année prochaine, par exemple.
06:31 Ça sera expliqué par ça. C'est à cause de la transition écologique ou c'est pour la transition écologique ?
06:36 - Il y aura toujours des spéculateurs, des gars qui font des marges, des gars ou des filles d'ailleurs qui font des marges.
06:41 C'est simplement pour qu'on ne mélange pas les explications.
06:45 Là, on a vécu des choses...
06:48 Rappelez-vous quand même que les députés n'ont pas fait de commission d'enquête,
06:52 où il n'y a pas eu tellement de députés pour faire des commissions d'enquête, sur l'origine de cette inflation spéculative.
06:58 Quand j'ai démarré ma critique de cette inflation, j'étais un peu seul.
07:04 Après, tous les autres distributeurs, Dominique Schellcher de System U, y compris chez vous,
07:09 et encore récemment, Thierry Cotillard d'Intermarché et même Michel Biraud de Lidl,
07:16 nous avons dénoncé cette inflation d'hier.
07:20 - Ce que je ne comprends pas dans votre...
07:22 - Pour le coup, je pense qu'il faudrait en retenir des leçons pour que ça ne se redéroule pas.
07:29 Parce qu'effectivement, maintenant, on va vers une augmentation des coûts de production dues à la nouvelle économie,
07:35 à une économie plus vertueuse dans l'alimentaire, plus saine, à une économie plus décarbonée.
07:40 Et celle-là, ça ne va pas générer des bouffées d'inflation.
07:44 C'est une inflation qui fait que les coûts de production vont augmenter sur des marchés plus restreints,
07:50 sur des marchés plus aléatoires.
07:52 Je ne sais pas quelle est la valeur de revente d'une voiture électrique aujourd'hui.
07:56 Vous voyez ?
07:57 Les industriels vont avoir des amortissements plus aléatoires,
08:03 et donc la tentation aussi de les amortir plus vite.
08:06 Et ça, c'est la nouvelle inflation.
08:07 - Si c'était de l'inflation spéculative, comme vous dites,
08:10 normalement, passé cette inflation, elle doit disparaître, puisque c'était une spéculation.
08:14 Là, elle n'a pas disparu, puisque les prix continuent d'augmenter.
08:17 - Mais ce n'est pas la même.
08:18 - Ah, ce n'est pas la même ?
08:20 On a vécu cette inflation-là, les prix ne sont pas normales.
08:24 - L'inflation sur un marché de matières premières aujourd'hui n'a rien à voir avec l'inflation sur les marchés des matières premières hier.
08:30 C'est la loi de l'offre et d'attente.
08:32 - Très concrètement, qu'est-ce qui va augmenter, qu'est-ce qui va baisser dans les mois à venir ?
08:36 - J'ai un système, donc 2024, moins d'inflation sur tout.
08:42 D'accord ? C'est déjà une première chose.
08:45 On était près de 10% et dans l'alimentaire, on était bien plus.
08:49 Là, aujourd'hui, on va descendre à 2-3%.
08:51 Sur les produits d'entretien, on va avoir des baisses, qui ne seront pas toujours applicables en magasin.
08:57 J'expliquerai tout à l'heure.
08:59 - On parlera sur la loi.
09:00 - Des creusailles.
09:01 Nous allons avoir, du fait aussi que l'Asie, les produits asiatiques, ce qui était fabriqué dans les petits dragons,
09:11 Vietnam, Cambodge, Laos, et même en Chine, Philippines, tout ça,
09:16 il y a une panne de croissance, ou il y a une moindre croissance, et donc ils ont besoin de vendre.
09:21 Donc aujourd'hui, sur le textile, sur le jouet, sur le multimédia,
09:26 aujourd'hui, ces approvisionnements sont moins chers que l'année dernière.
09:31 - Et dans l'alimentaire ?
09:32 - Et dans l'alimentaire, il y aura des baisses sur les céréales.
09:36 Je dis "il y aura" parce qu'elles ont eu lieu sur les marchés internationaux de matières premières.
09:41 Il faut prendre le temps de transformer ça en biscuit, par exemple,
09:46 et après, il faut encore qu'on passe de nouvelles commandes pour que les nouveaux tarifs soient applicables.
09:51 Donc 2024, deuxième trimestre, on aura une inflation qui sera devenue plus raisonnable,
09:58 qui, évidemment, du point de vue consommateur, c'est toujours des hausses de prix,
10:01 et c'est toujours à corréler avec la hausse du pouvoir d'achat ou pas, du salaire ou des retraites.
10:08 Donc ça, c'est un vrai sujet d'étude d'impact.
10:12 Mais pour parler du mécanisme général, oui, je pense qu'on a maîtrisé cette vague d'inflation spéculative.
10:18 - Michel-Edouard Leclerc, vous savez qu'on vous surveille, on a lancé un panier RTL au tout début de l'inflation,
10:22 donc c'est un bon repère. Une question de Pierre Herbulot.
10:25 - Oui, alors notre tout dernier panier du mois de mars baisse très légèrement, -9 centimes sur l'ensemble de la France,
10:31 mais dans l'hypermarché Leclerc, c'est l'inverse. Les prix augmentent de 11 centimes. Comment est-ce que vous l'expliquez ?
10:36 - Ah, vous avez mal acheté !
10:38 - On achète les mêmes produits partout !
10:40 - Je pense que, comme vous avez l'habitude de recevoir ici l'économiste Olivier Dauvert, vous lui demanderez à d'autres moments,
10:47 mais non, je pense qu'en ce moment...
10:50 - Est-ce que vous payez un peu le prix d'avoir étalé les hausses de l'année précédente, peut-être ?
10:54 - En fait, aujourd'hui, Leclerc s'est beaucoup écarté de ses concurrents.
11:00 Alors, il y a des pubs comparatifs, ce sont des pubs, hein, j'ai vu que même Systemus s'est mis à faire de la pub comparative,
11:06 il y a un écart quand même de 7% à 8% entre un Leclerc et un Carrefour et un Auchan,
11:13 sachant que cet écart est monté jusqu'à 20% quand on se comparait à Casino.
11:18 Donc, aujourd'hui, rien que pour vous donner ce chiffre, en un an, il y a un million de consommateurs supplémentaires
11:26 qui sont venus fréquenter les centres Leclerc.
11:29 - Mais vous n'avez pas répondu à la question de Pierre Herbulot, qui était précise...
11:32 - Oui, mais j'avais fait un panier...
11:34 - Non, non, non, mais sur le fait que vous avez peut-être moins augmenté que les autres l'an dernier,
11:38 et que là, finalement, vous avez quelque part lissé un peu cette inflation qu'on a su...
11:43 - Non, je ne crois pas. Je ne suis pas, honnêtement, je ne suis pas au cœur de la détermination du prix
11:49 qui est le fait de chaque magasin chez nous, parce que chaque magasin est indépendant,
11:54 mais toutes les statistiques qui me sont remontées, y compris ce week-end,
12:00 me laissent à penser que l'écart même se recreuse.
12:03 - Ce qui augmente particulièrement dans notre panier, c'est le soda, et notamment le soda de grande marque,
12:07 vous voyez duquel je parle...
12:09 - Brescola !
12:11 - Voilà, probablement !
12:13 - Est-ce que vous pensez que les hausses sont justifiées ?
12:15 - Je ne sais pas vous répondre. Je ne sais pas vous répondre.
12:17 Je connais 150 prix, je ne suis pas comme ça spontanément...
12:23 Un dimanche matin, avant l'apéro, je ne commence pas par le coca, donc je ne sais pas vous répondre.
12:29 - Et qu'est-ce que vous répondez aux industriels qui disent que c'est vous qui tardez, quelque part,
12:33 à baisser les prix par rapport aux négociations qui ont eu lieu il y a quelques semaines ?
12:37 - Il y a une chose, dans le mouvement Leclerc, dès qu'on peut baisser, on baisse.
12:41 Notre historique plaide pour nous, sur les carburants.
12:47 Personne ne nous conteste d'avoir été le plus longtemps à prix coûtant.
12:52 Certes, je n'étais pas trop d'accord avec Mme Born qui incitait à vendre à perte,
12:58 mais je vous fais remarquer que les Leclerc, si on n'est pas les moins chers, en moyenne, sur le site du gouvernement,
13:04 on a au moins tout le temps, qu'on soit premier ou deuxième, on est tout le temps sur le podium,
13:08 et il y a toujours 12 à 15 centimes d'écart avec Total.
13:12 Donc, quand on m'interroge sur ma politique de prix, je voudrais...
13:16 comme ça, est-ce que vous vous interrogez autant sur les milliards que Total a réalisés,
13:21 alors qu'il est aussi mon fournisseur, les milliards qu'il a réalisés de profits,
13:25 qui n'ont pas l'air d'interpeller considérablement le politique, les décideurs économiques,
13:31 et de l'autre côté, Leclerc qui est à prix coûtant.
13:33 - Vous voyez, Leclerc, on est vraiment...
13:36 dans notre philosophie, dès qu'on peut pratiquer une baisse, on la pratique.
13:39 L'année dernière, je crois que c'est le...
13:43 enfin, plusieurs analystes ont aggloméré les efforts que nous avons faits en magasin,
13:50 et ont calculé que Leclerc avait investi 1,5 milliard de marge dans les baisses de prix.
13:57 C'est ce qui a expliqué d'ailleurs qu'on a été très peu cher et très écarté par rapport à nos concurrents.
14:02 Mais on était en période d'inflation, et dans cette période d'inflation,
14:06 les baisses de prix, il faut qu'elles soient fortes pour qu'elles soient vues.
14:10 - Ça a vraiment servi d'augmenter les négociations commerciales d'un mois ?
14:13 - Un mois, non.
14:14 - C'était justement...
14:15 - Un mois, bon. Après, voilà.
14:17 Moi, je suis homme d'action, j'essaie d'être constructif,
14:21 je ne me présente pas aux européennes, je ne me présente pas aux élections aux chambres d'agriculture.
14:25 Donc, ce qui m'intéresse, c'est de résoudre les choses.
14:29 - Vous décrivez plein de gens en y apportant.
14:31 - Et parmi les choses que je trouve qu'il faut arrêter,
14:34 c'est cette date unique de négociation commerciale.
14:38 - Faudra négocier toute l'année ?
14:39 - Oui, mais comme le font pour vous ici sur RTL,
14:43 tous les gens qui s'occupent d'intendance, d'acheter du matériel, etc.
14:46 Cette idée de baliser et de limiter la négociation commerciale sur des milliards,
14:52 juste une fois dans l'année.
14:54 D'abord, c'est très compliqué après d'avoir des clauses de révision de prix,
14:58 on a plus de juristes que de négociateurs commerciaux derrière, vous voyez.
15:02 Donc, c'est ma première proposition.
15:05 Et elle rejoint d'ailleurs celle du dynamique patron de Système U,
15:08 c'est de lever cette spécificité française d'avoir à négocier qu'une seule fois par an.
15:13 - C'est une proposition que vous refaites, vous reformulez ?
15:15 - Je la reformule, je la refais.
15:18 Leclerc, c'est à peu près 50 milliards de chiffre d'affaires,
15:23 160 000 salariés répartis dans 700 hyper, 800 drive,
15:30 près de 2000 magasins spécialisés, parapharmacie, voyage,
15:36 multimédia, culture, location automobile, etc.
15:42 Nous achetons dans le monde entier, vous voyez.
15:45 Et dans le monde entier, nous sommes en compétition,
15:47 pas simplement avec nos concurrents français,
15:49 nous sommes en compétition pour bien acheter avec des Wal-Mart,
15:53 des Tesco, des Costco, avec Amazon.
15:56 Et donc, dès que vous trouvez un jouet,
16:01 dès que vous trouvez un écran plat de bonne qualité
16:04 qui rentre dans votre assortiment,
16:06 il faut le prendre avant Wal-Mart, avant Tesco.
16:10 Et donc, cette idée que nous négocions à l'échelle mondiale,
16:16 cette idée d'isoler la France sur ce marché et les pratiques
16:19 de négociations commerciales n'a pas de sens.
16:21 Elle n'a pas de sens s'agissant des multinationales,
16:24 elle n'a pas de sens s'agissant de tout ce qui est du non-alimentaire.
16:29 On reviendra sur cet aspect des négociations commerciales,
16:31 mais pour revenir vraiment au rayon de vos hyper et supermarchés,
16:35 sur les marques distributeurs, chez vous c'est Eco+ et Markreper,
16:40 ça représente aujourd'hui plus d'un tiers des ventes.
16:43 Est-ce que vous vous êtes fixé une limite en la matière ?
16:46 Est-ce que vous vous êtes dit qu'il n'y a pas un moment
16:48 où il ne faut pas aller jusqu'à un certain pourcentage ?
16:52 L'objectif stratégique c'est de proposer le choix aux consommateurs.
16:56 Donc, ce n'est pas de n'avoir qu'une marque de distributeurs.
17:01 Il y a des enseignes, notamment les Hardisk Hunters,
17:04 quand ils sont arrivés en France, ils nous ont réveillés,
17:06 parce qu'on n'en avait pas, Aldi, Lidl, aujourd'hui encore Action,
17:10 Primark, etc. avec des succès plus ou moins mitigés,
17:14 mais leur arrivée nous a réveillés.
17:16 À partir du moment où les grandes marques étaient chères,
17:19 c'était intéressant, il y avait 20% de baisse de prix à aller chercher
17:23 en maîtrisant nos propres frais de marketing,
17:26 nos frais de conception, en s'assurant sur des volumes.
17:30 Mais c'est une stratégie qui a ses limites.
17:32 C'est une stratégie qui a ses limites.
17:34 Pour moi, vraiment, c'est le consommateur qui doit choisir.
17:37 Donc aujourd'hui, vous avez des produits d'entrée de gamme,
17:40 comme par exemple chez Leclerc avec la marque Eco+,
17:43 chez d'autres ça s'appelle Simpli, etc.,
17:45 qui correspondent à des cahiers des charges.
17:47 Même nos premiers prix affichent le Neutri-Score.
17:51 Donc il ne s'agit pas d'une dégradation de la qualité,
17:54 il s'agit d'une dégradation des coûts de production
17:56 et des frais de conception du produit.
17:59 Après, vous avez la marque Repair.
18:01 On l'a conçue pour challenger la marque nationale
18:03 ou la marque internationale.
18:05 Et là, on garde toujours un espace entre 20 et 25% d'écart.
18:09 Si cet écart est trop minime,
18:11 on n'a pas de raison de l'investir plus que ça.
18:13 Reconnaissons une chose, c'est que dans la période actuelle,
18:16 nos marques premier prix ont fait un carton.
18:18 Et même par rapport à Lidl ou à Aldi,
18:21 Lidl, qui nous a pourtant apporté cette vision
18:25 un peu de segmentation du marché,
18:27 était partie dans une politique d'emballissement de ses magasins,
18:31 d'embourgeoisement de son offre,
18:33 n'avait plus de premier prix ou avait moins de premier prix.
18:36 Le succès de Leclerc, les deux dernières années,
18:39 c'est en grande partie qu'on a mis nos premiers prix en avant
18:44 et on les a mis sur le Drive notamment.
18:46 Ce qui est très important, parce que le Drive,
18:48 c'est cet écran que tout consommateur consulte.
18:51 Chez nous, le Drive est au prix de l'Hyper.
18:53 Et donc, avant de se déplacer, il compare pas simplement
18:55 entre les concurrents et Leclerc,
18:57 il regarde ses gammes et il regarde les écarts de prix sur les gammes.
19:00 - Est-ce que vous dites "on fait nous aussi du hard discount" ?
19:03 Ou est-ce que le mot ne vous va pas ? Pourquoi ?
19:06 - Parce que le hard discount...
19:08 En fait, vous avez raison de me prendre un peu,
19:10 parce que quand je viens de vous dire que la marque Repair
19:12 se veut 20 à 25% moins cher que la marque nationale,
19:16 je me situe dans une décote.
19:19 Dans la réalité, chaque segment correspond à une analyse de marché
19:23 et non pas contre le marché.
19:25 Chaque segment... C'est comme les foireaux vins.
19:28 Les foireaux vins, vous avez des vins d'entrée de gamme,
19:30 vous avez des vins découvertes, vous avez des petits vins de pays,
19:33 vous avez les vins que vous allez boire sur une étape du Tour de France
19:35 en regardant passer le maillot à poids,
19:37 et puis vous avez les grands crus,
19:40 que vous allez peut-être garder,
19:42 dont vous allez garder l'ésime pour une grande occasion.
19:45 Vous voyez...
19:47 - Vous dites le soir au matin que vous êtes le moins cher,
19:49 Michel-Édouard Leclerc, et moins cher que certains hard discounteurs.
19:52 Alors qu'est-ce qui vous dérange dans ce terme-là ?
19:54 - Dans la notion de hard discount ?
19:56 Parce que le discount,
19:59 dans sa formulation en français,
20:02 la décote,
20:04 veut dire que vous n'êtes pas créateur de valeur,
20:06 veut dire simplement que vous prenez la valeur de l'autre
20:08 et vous la dégradez. - C'est dévalorisant.
20:10 - Oui, dans la sémantique, c'est une grammaire dévalorisante.
20:13 Et or, en l'occurrence, par exemple,
20:15 Leclerc est devenu leader dans les foireaux vins
20:17 en devenant le plus grand distributeur
20:20 des grands vins de Bordeaux.
20:22 Donc vous voyez, on vend moins cher nos grands crus,
20:25 sans les dégrader, sans les décoter.
20:27 Et donc c'est pour ça que je n'utilise pas cette expression.
20:30 - Pendant la crise agricole,
20:32 le ministère de l'économie a ordonné une enquête
20:34 sur le label Origin France.
20:37 Résultat de l'enquête, 372 infractions
20:40 sur 1000 contrôles.
20:42 Donc ça fait presque 4 produits sur 10
20:44 qui ont trompé le consommateur dans les grandes surfaces.
20:47 Est-ce que vous êtes suffisamment vigilant ?
20:49 Est-ce que vous estimez que vous êtes en partie responsable ?
20:52 - Alors, co-responsable certainement.
20:54 Beaucoup des produits qui ont été relevés
20:56 sont des produits de marques industrielles
20:58 et même quelquefois artisanales.
21:00 Donc il y a un vrai sujet.
21:02 Et on est tous co-responsables.
21:04 Et c'est pour ça que je souscris à la démarche
21:07 de notre ministre du commerce,
21:09 madame Olivia Grégoire,
21:11 qui est de rebalayer un petit peu tout ça.
21:13 - De créer un nouveau label.
21:15 - En tout cas,
21:17 je vais revenir là-dessus,
21:19 nouveau ou pas,
21:21 mais en tout cas, il faut rendre les choses transparentes, visibles,
21:23 et ne pas être hypocrite.
21:25 Par exemple,
21:27 je vais donner acte à un certain nombre d'agriculteurs de l'Aude
21:31 qui trouvaient que les vins espagnols
21:33 ressemblaient trop avec leurs étiquettes
21:35 aux vins de l'Ero, par exemple.
21:37 Donc là, il y a un vrai sujet.
21:39 Un vrai sujet qui nous amène...
21:41 Alors, ce sont des vins de marques.
21:43 Nous ne sommes pas responsables,
21:45 au sens juridique, du choix des étiquettes.
21:47 Mais c'est quand même un vrai sujet.
21:49 Si les étiquettes se ressemblent,
21:51 on fait passer un vin espagnol pour un vin de l'Ero,
21:53 et ce n'est pas bien.
21:55 Donc je pense qu'il faut revisiter tout ça.
21:57 - Et avec une proposition que vous venez de mentionner,
21:59 ce projet de nouveau label,
22:01 Origine Info, c'est ce qu'a annoncé
22:03 la ministre Olivia Grégoire,
22:05 avec un nouveau label,
22:07 pour les produits transformés.
22:09 Ce serait un label inspiré du Nutri-Score,
22:11 et avec l'idée d'afficher les origines
22:13 de la liste des ingrédients,
22:15 sous forme de pourcentage,
22:17 Origine France, Union Européenne, Or Union Européenne.
22:19 C'est ce projet de label que vous soutenez ?
22:21 - Non seulement on le soutient,
22:23 mais on en est aussi un peu à l'origine.
22:25 Ce n'est pas pour piquer à Olivia Grégoire
22:27 son idée, parce que c'est très bien son idée,
22:29 mais dans notre marque de distributeurs,
22:31 nous avons
22:33 un label qui s'appelle "Savoir d'achat",
22:35 qui affiche très clairement l'origine du produit,
22:37 très clairement l'origine des ingrédients,
22:39 dès qu'ils ont une certaine
22:41 consistance dans le produit.
22:43 Le grain de sel, je ne sais pas,
22:45 mais en tout cas la sauce tomate, il faut savoir d'où elle vient.
22:47 - Vous voulez abrouer le message avec toute une succession
22:49 de labels qui existent ? L'origine info,
22:51 projet que je viens d'évoquer, le Nutri-Score,
22:53 l'Eco-Score, le Planet-Score,
22:55 est-ce qu'on ne risque pas de perdre le consommateur au milieu de tous ces labels ?
22:57 - Franchement, ce sera déjà
22:59 un... même si le consommateur est perdu,
23:01 ce regain de transparence,
23:03 dans un premier temps, est nécessaire.
23:05 Il est nécessaire aussi
23:07 pour lever des tabous. On a vu
23:09 beaucoup d'agriculteurs dénoncer des importations
23:11 de produits comme s'ils le découvraient
23:13 aujourd'hui, mais eux-mêmes en importent.
23:15 On a vu beaucoup de consommateurs
23:17 aussi faire des fixations sur tel pot de miel,
23:19 sur tel produit.
23:21 Alors, vaut mieux donner plus d'informations
23:23 que pas assez. Et après, on nettoiera
23:25 et on simplifiera. - Il reste de la place sur vos étiquettes ?
23:27 - Non, non.
23:29 On peut faire ça intelligemment.
23:31 Et puis, l'idée d'Olivier Grégoire
23:33 n'est pas que la loi définisse
23:35 un format,
23:37 une étiquette ou autre. C'est de mettre
23:39 chaque importateur, producteur,
23:41 transformateur
23:43 en responsabilité
23:45 de donner cette transparence. Ça peut être que
23:47 chacun fait son étiquette.
23:49 - On peut l'imposer au niveau européen ?
23:51 - Alors, ça pose
23:53 des problèmes. - Des informations sur l'origine
23:55 des matières premières ? - Oui, ça impose
23:57 pour notamment les distributeurs
23:59 qui sont présents à l'étranger.
24:01 Leclerc est en Pologne,
24:03 mais Carrefour, par exemple, qui est présent
24:05 dans beaucoup d'autres pays.
24:07 Afficher Label France
24:09 en Espagne, au Brésil,
24:11 ça peut être
24:13 mal vendeur
24:15 et mal vu
24:17 de la part des agriculteurs de ces pays-là.
24:19 Donc, il faut faire attention à ne pas se tirer une balle
24:21 dans le pied. Je pense que
24:23 on est beaucoup dans des polémiques
24:25 et dans des sujets qu'on aborde
24:27 de manière très franco-française.
24:29 Mais,
24:31 mettre un Label France très fort sur un pays
24:33 qu'on exporte, c'est pas forcément bien reçu
24:35 par les agriculteurs dans le pays
24:37 où on exporte. Or, je vous rappelle que les trois
24:39 pays principalement
24:41 débouchés de l'agriculture française, c'est l'Allemagne,
24:43 l'Italie et l'Espagne, je crois.
24:45 En tout cas, l'Allemagne
24:47 et l'Italie. Donc, il faut
24:49 être malin. Il faut
24:51 valoriser. Moi, je suis
24:53 très clairement pour la préférence française.
24:55 Ça ne vous étonnera pas à la part d'un breton.
24:57 Je suis pour la préférence
24:59 française. Au siège du groupement
25:01 d'achat des centres Leclerc, vous avez
25:03 d'énormément des Alsaciens,
25:05 des Basques, des Corses, qui se
25:07 revendiquent comme tels, des Charentais,
25:09 et donc, qui choisissent
25:11 d'abord les produits qui sont
25:13 faits dans leur terroir. Ils s'en sentent
25:15 ambassadeurs. Ils prennent les mêmes
25:17 TGV, les mêmes trains que
25:19 leurs industriels ou leur PME local.
25:21 Leurs enfants vont dans
25:23 les mêmes écoles. Nous sommes des patriotes.
25:25 Nous sommes pour la préférence française.
25:27 - Vous dites que vous êtes patriote, mais un rapport parlementaire
25:29 avait pointé le fait que 40 à 50%
25:31 de ce que vous vendez, la grande distribution en général,
25:33 est négociée par des centrales d'achat hors de France.
25:35 Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
25:37 - 40% de ce qui est négocié
25:39 hors de France ne fait pas
25:41 40% de ce qu'il y a en magasin.
25:43 - Vous entendez ces critiques sur le fait que vous
25:45 traiteriez trop à l'étranger.
25:47 - Vous savez, toute ma vie,
25:49 toute ma vie, c'est ça.
25:51 J'ai commencé à apprendre
25:53 à parler dans les médias, ici
25:55 à RTL et à Europe 1,
25:57 parce que vous étiez deux chaînes
25:59 de grand public qui vous intéressaient
26:01 aux problèmes de consommation.
26:03 - Je n'ai fait que répondre à des critiques.
26:05 - Là, en l'occurrence,
26:07 vous contournez les lois
26:09 qui encadrent les négociations commerciales.
26:11 - Non seulement je suis patriote,
26:13 mais je suis légaliste. Non seulement je suis patriote,
26:15 mais Leclerc, en plus,
26:17 est légaliste. Donc si on a fait des conneries
26:19 et qu'un tribunal dit qu'on a fait des conneries,
26:21 on réparera. Pour le moment,
26:23 vous n'avez connaissance d'aucun dossier
26:25 industriel français
26:27 qui se serait plaint,
26:29 et d'ailleurs,
26:31 ou qui est co-coupable
26:33 d'avoir souscrit des contrats avec nous
26:35 qui ne respectent pas la loi.
26:37 - Michel-Édouard Leclerc, on va continuer de parler
26:39 de ces négociations commerciales
26:41 au service de tout le monde.
26:43 On parlera aussi un tout petit peu de politique.
26:45 Ça sera dans la seconde partie du Grand Jury.
26:47 À tout de suite.
26:49 [Musique]
26:57 - Suite du Grand Jury,
26:59 présentée par Olivier Bost.
27:01 - Michel-Édouard Leclerc est notre invité
27:03 ce dimanche. Michel-Édouard Leclerc,
27:05 vous êtes un observateur, on va dire, au premier plan
27:07 sur la situation économique
27:09 de notre pays. Une question de Pierre Herbulot.
27:11 - Alors, est-ce que vous voyez, Michel-Édouard Leclerc,
27:13 dans la consommation, dans
27:15 les bassins où vous avez des magasins,
27:17 un ralentissement de l'économie ? Est-ce que vous le constatez ?
27:19 - Alors, il y a eu
27:21 au dernier trimestre, je trouve,
27:23 une baisse considérable de la consommation
27:25 en volume.
27:27 Elle se tient. J'avais peur
27:29 de la récession.
27:31 Il faut voir que le contexte est
27:33 très anxiogène. Aujourd'hui,
27:35 on vit qu'avec des nouvelles.
27:37 On est dans une dramaturgie.
27:39 Et ça pénalise
27:41 énormément
27:43 la spontanéité de la consommation,
27:45 ça pénalise la consommation plaisir.
27:47 Mais j'ai l'impression
27:49 quand même qu'avec
27:51 justement le fait que les prix vont
27:53 moins augmenter, avec le fait aussi
27:55 que les industriels font des efforts
27:57 considérables en matière d'innovation de produits,
27:59 j'ai l'impression quand même que le fil conducteur
28:01 renoue
28:03 avec la confiance. En tout cas,
28:05 dans nos magasins, nous continuons...
28:07 Nous sommes le seul distributeur, Leclerc,
28:09 à être en croissance en volume.
28:11 Mais
28:13 la dynamique, en tout cas dans mon secteur,
28:15 la consommation courante,
28:17 la consommation des contrôles dans un hyper,
28:19 je trouve que la compétition entre Leclerc,
28:21 System U, Intermarché, Lidl,
28:23 la compétition dans le bricolage, entre
28:25 le Roi Merlin...
28:27 - La guerre des prix ? Comment ? La guerre des prix ?
28:29 - C'est pas que la guerre des prix, c'est la guerre des offres
28:31 aussi, la guerre des services.
28:33 Je pense que ça entretient
28:35 un désir d'achat,
28:37 ça entretient en tout cas
28:39 le plaisir d'aller voir, voir sur l'écran
28:41 ou voir dans les magasins.
28:43 On a beaucoup de monde en magasin, énormément de monde
28:45 en magasin.
28:47 - Et c'est donc le panier moyen qui baisse,
28:49 en fait, c'est ça ? - Oui, le panier
28:51 moyen a baissé un petit peu
28:53 pendant deux ans.
28:55 Là, il se stabilise. - De quel ordre ?
28:57 - Oh, c'est des...
28:59 C'est des...
29:01 C'est par euro par euro
29:03 que le panier
29:05 descend. Après, vous savez, le panier moyen, il est différent
29:07 entre un magasin de ville et un magasin de
29:09 périphérie ou sur
29:11 le net. Mais ce que je voulais
29:13 vous dire, c'est que je suis assez optimiste
29:15 quand même. Je ne suis pas très optimiste,
29:17 mais j'avais tellement peur de la récession
29:19 et même quand
29:21 Bruno Le Maire annonce, ou le gouvernement
29:23 annonce des prévisions de croissance
29:25 très faibles,
29:27 c'est pratiquement flat,
29:29 moi, je ne suis pas si pessimiste
29:31 que ça. Je suis même
29:33 optimiste, mais c'est aussi parce que
29:35 par caractère, je suis volontariste.
29:37 - Sur les secteurs, vous citiez
29:39 le bricolage, il y a également les loisirs,
29:41 là, la tendance est laquelle ?
29:43 - Par exemple, sur les jouets, à Noël,
29:45 je trouve que ça n'a pas trop mal marché, alors que
29:47 les jouets étaient assez chers,
29:49 notamment les jouets de licence, c'était
29:51 tout lié au film Barbie
29:53 et tout ça, la diffusion
29:55 de films manga, c'était assez
29:57 cher et pourtant ça s'est vendu.
29:59 Les jouets...
30:01 C'est un bon baromètre,
30:03 ces ventes de jouets. - Alors, dans ce contexte
30:05 de l'inflation, il y a un Français sur deux
30:07 qui saute des repas, selon
30:09 une étude IFOP, alors ces repas
30:11 sautés ne sont pas entièrement le fait de l'inflation,
30:13 mais l'inflation y contribue.
30:15 Est-ce que ce phénomène vous inquiète ? - Oui.
30:17 Il y a plus de pauvres
30:19 en 2024 qu'il n'y en avait en
30:21 2019. Je ne sais pas chiffrer,
30:23 je lis les mêmes journaux que vous et j'écoute les mêmes stations de radio,
30:25 mais
30:27 je crois qu'on dit à peu près
30:29 qu'il y a un peu moins d'un million
30:31 de Français,
30:33 ou presque un million de Français
30:35 qui sont arrivés au seuil
30:37 de pauvreté et on rejoint ce qui était
30:39 déjà les restos du cœur, les banques
30:41 alimentaires alertes. D'ailleurs,
30:43 nous sommes très proches
30:45 des banques alimentaires. Je crois que Leclerc est le premier
30:47 contributeur des banques alimentaires.
30:49 Mais oui, ça fait peur.
30:51 L'inflation a évidemment
30:53 joué un rôle important,
30:55 peut-être aussi
30:57 en termes de chômage,
30:59 en termes d'inadéquation
31:01 entre les revenus du travail
31:03 et les besoins de dépenses.
31:05 Il y a beaucoup de gens qui sont touchés au pouvoir d'achat.
31:07 Et le pouvoir d'achat,
31:09 c'est aussi les retraites,
31:11 c'est aussi des
31:13 seniors qui ont du mal à trouver du boulot.
31:15 Il n'y a jamais eu autant de seniors
31:17 à la recherche de boulot.
31:19 - Ça amène parfois à des phénomènes
31:21 étonnants. Il y a l'histoire du
31:23 panier mystère.
31:25 - Oui, c'est un panier qui est vendu chez
31:27 l'un de vos concurrents, Auchan, inspiré
31:29 des États-Unis et qu'on voit désormais aussi
31:31 chez Carrefour. C'est un panier qui est vendu
31:33 couvert. Les consommateurs
31:35 ne savent pas ce qu'il y a à l'intérieur. Il coûte
31:37 souvent un tiers de son prix.
31:39 Et on voit les consommateurs se ruer
31:41 vers ce type de produit-là. Est-ce que vous,
31:43 dans les magasins Leclerc, comptez
31:45 vendre ce type de produit ? Et comment vous comprenez
31:47 ce phénomène ?
31:49 - Il se passe toujours quelque chose
31:51 au Galerie Lafayette. C'est une
31:53 animation, c'est un peu fun.
31:55 - Ça ne dit pas quelque chose
31:57 des consommateurs qui sont
31:59 prêts à acheter sans savoir pour avoir des promotions ?
32:01 - Non, ça reste marginal.
32:03 Ça participe un peu du loto,
32:05 du bingo.
32:07 Dans le monde anglo-saxon,
32:09 beaucoup de consommateurs jouent une fois
32:11 par semaine, comme ça,
32:13 en collectif, dans des grandes salles.
32:15 On ne sait pas ce qu'il y a au bout, mais on est ensemble.
32:17 Là, le colis mystère, c'est ça,
32:19 c'est le mystère. Non, je pense que c'est vraiment marginal.
32:21 Il ne faut pas y voir un signe
32:23 de l'évolution de la consommation.
32:25 - On va parler maintenant de quelque chose qui peut
32:27 largement énerver les consommateurs, c'est la
32:29 "shrinkflation", c'est-à-dire
32:31 on dit "réduflation" en bon français, si on a envie.
32:33 En tout cas, le principe, ça consiste
32:35 à réduire la quantité
32:37 d'un produit sans réduire son prix
32:39 et parfois même sans réduire la taille
32:41 de son emballage. Est-ce que
32:43 c'est quelque chose
32:45 contre lequel vous voulez lutter,
32:47 ou ça fait partie finalement du commerce ?
32:49 - Ça fait partie du commerce.
32:51 Ceux qui la dénoncent, même du côté
32:53 politique, ne voient pas que dans les
32:55 cantines, dans leur propre municipalité,
32:57 on change les catégories de poissons
32:59 quand les poissons sont trop chers, on change les catégories
33:01 de viandes quand les viandes sont trop chères.
33:03 Et notamment ces deux dernières années,
33:05 dans les cantines, on a beaucoup changé les menus. C'est vrai
33:07 dans les restaurants aussi.
33:09 Moi, je pense que ce qui est important,
33:12 c'est que ce soit transparent pour celui qui paye.
33:14 C'est ça qui est important.
33:16 Après, là aussi,
33:18 je ne dis pas que c'est marginal,
33:20 c'est l'opacité
33:22 de la chose doit être dénoncée.
33:24 Si c'est clairement affiché,
33:26 si c'est un petit resto qui dit
33:28 "je ne peux plus offrir ça à mes clients,
33:30 je prends la catégorie en dessous",
33:32 si c'est clairement dit, on ne va pas reprocher
33:34 quand même au chef d'entreprise d'aller chercher
33:36 de faire des menus avec le pouvoir d'achat qu'il a.
33:39 Pour l'industriel, c'est vrai.
33:41 Après, quand c'est des grandes boîtes
33:43 internationales qui jouent avec les dimensions des boîtes
33:45 sans qu'on le voit trop, ça je trouve que c'est pas bien.
33:47 - Et pour vos produits, vos marques distributeurs ?
33:49 - Non, non, non.
33:51 Surtout après ces polémiques,
33:53 il n'est pas question.
33:55 En tout cas, ce qui est très important, c'est la transparence.
33:57 - On a parlé d'agriculture un petit peu dans la première partie.
34:02 Est-ce que les prix planchers dans l'agriculture,
34:05 pour vous, c'est une bonne idée ou une très mauvaise idée ?
34:08 Les prix planchers, c'est un prix d'achat minimum
34:12 pour les agriculteurs.
34:14 - Je pense que quand le président de la République
34:16 a proposé ça,
34:18 je ne sais plus si c'était en quittant le salon
34:20 de l'agriculture, et puis après quand il est allé
34:22 à une réunion européenne,
34:24 c'est une manière aussi de dire aux agriculteurs
34:29 "Dites ce que vous voulez quoi."
34:31 Parce que dans les demandes, il y a beaucoup de demandes.
34:35 Et il faut trouver ce qui est lisible
34:37 et pour être pragmatique, pouvoir y répondre.
34:40 En fait, quand un producteur industriel ou agricole
34:45 vous dit "Il faut couvrir, je veux couvrir mes coûts,
34:48 je veux pouvoir faire un prix qui couvre mes coûts,
34:51 mes coûts de matière première, mes coûts salariaux,
34:53 mes coûts énergétiques."
34:55 C'est quand même bien d'un prix plancher
34:58 dont on parle. En tout cas, c'est un prix
35:01 dont on ne voudrait pas qu'on descende en dessous.
35:03 Je ne sais pas si vous appelez ça plancher
35:05 ou si on est déjà dans la cave.
35:07 Mais je pense que, en droit,
35:09 aujourd'hui, contrairement à ce qui est écrit ici ou là,
35:12 on peut faire des prix minimum.
35:14 Ça ressort d'encore plus de gestion de crise.
35:18 Notre droit de la concurrence autorise des prix minimum.
35:22 En cas de gestion de crise, ça suppose un mécanisme
35:25 de transparence, de justification, etc.
35:28 Il y a aussi, en France, des prix qui sont décidés
35:31 par des producteurs. Tout le monde l'a oublié.
35:33 Moi, ça m'avait fait connaître à l'époque,
35:35 dans les médias. Je m'étais opposé à la loi langue
35:38 dite "Prix unique du livre".
35:40 Aujourd'hui, ce sont les éditeurs qui fixent
35:42 les rabais maximum et les prix sur lesquels
35:45 les livres sont mis en marché.
35:47 Donc, il y a bien, dans la législation française,
35:51 une possibilité de réaliser ce type de prix plancher.
35:56 Après, il faut savoir que décider d'un prix
36:00 sans avoir la vente, ça ne fait pas une rémunération.
36:03 Donc, vous avez beau, par la loi, dire
36:06 "Vous avez le droit, vous, monsieur producteur,
36:09 à tel prix", si vous ne trouvez pas preneur,
36:11 ça ne vous arrange pas.
36:13 Mon autre proposition serait de dire
36:16 d'arrêter de donner cette place-là à la loi.
36:18 Ce n'est pas à la loi de définir les prix.
36:20 Ce n'est pas à la loi de définir les rémunérations.
36:22 - Il faut déréguler ?
36:23 - Il faut réguler, fixer les cadres,
36:25 et après, c'est aux interprofessions
36:27 de régler leurs problèmes.
36:29 Et les problèmes ne sont pas les mêmes
36:31 s'agissant de la culture de betterave ou de céréales,
36:33 ou d'entreprise... Ce n'est pas la même chose
36:36 pour l'agrobusiness et la petite entreprise familiale.
36:38 - Donc, vous êtes très fixant à une prochaine loi
36:40 EGalim 4, qui sera négociée
36:44 pour le secteur agricole, notamment ?
36:46 - Ce sera la quatrième loi en 5 ans, c'est ça ?
36:48 - Oui, depuis 2010.
36:50 - Je ne fais pas de procès d'intention,
36:52 je n'ai pas de règlement de compte personnel.
36:54 Je dis simplement qu'à force de vouloir répondre
36:57 à ces demandes de prix par la loi,
37:00 ça me semble être une impasse.
37:02 Parce que la loi, d'abord, n'est que française,
37:04 et je vous ferai remarquer d'ailleurs...
37:07 - Pardonnez-moi, mais il y a des questions précises
37:09 qui se posent. Quand une bouteille de Bordeaux,
37:11 par exemple, est vendue 1,99€ chez Leclerc,
37:15 comment font les viticulteurs pour rémunérer ?
37:18 - Ça, c'est avec leur accord. C'est un coup de pub.
37:20 C'est comme la côtelette de porc,
37:22 quand un éleveur a trop de porc,
37:26 et que ça lui coûte trop cher de nourrir l'engraissement,
37:29 il propose ce qu'on appelle des opérations de dégagement.
37:32 Je le dis, je n'ai pas eu le temps d'en discuter
37:35 au siège des centres Leclerc.
37:37 Je trouve qu'on aurait pu se passer de cette...
37:39 Il y a un cas qui va servir de démonstration
37:43 et d'illustration pour une politique générale
37:45 qui dit le contraire.
37:47 - Mais en concurrence, il est pris sur votre drive.
37:49 - Oui, c'est ce que je dis, c'est un cas.
37:51 Et la côtelette de porc, c'est un cas.
37:55 Je pense qu'il y a des prix en dessous duquel
37:58 il ne faudrait pas aller,
37:59 mais même pour des raisons psychologiques,
38:01 parce que ça ne dit pas la qualité,
38:02 ou ça s'oppose à la perception de la qualité.
38:05 Maintenant, le producteur, c'est un chef d'entreprise.
38:09 Celui qui a besoin de trésorerie,
38:11 à un moment donné, c'est plus son prix sur lequel il compte,
38:14 c'est le dégagement.
38:16 Ça ne fait pas une politique, mais ça peut être une opportunité.
38:20 - Dans votre rapport avec le monde agricole,
38:22 expliquez-nous pourquoi Lidl,
38:24 qui est présent au Salon de l'Agriculture
38:26 avec un stand important, n'est jamais embêté.
38:30 C'est parce que vous avez des mauvais rapports,
38:32 vous, avec les agriculteurs ?
38:34 En tout cas, ils sont plus critiques avec vous qu'avec Lidl ?
38:37 - En fait, dans la vie privée, non.
38:41 Après, on n'a pas payé notre stand non plus
38:44 au Salon de l'Agriculture.
38:45 - Vous voulez dire que Lidl achète un peu la...
38:47 - Oui, c'est sa politique de relations publiques,
38:49 et il a fait sa politique de relations publiques sur cette...
38:52 - Les agriculteurs disent que Lidl achète à des prix corrects.
38:55 - Oui, mais il achète peu.
38:56 Lidl, c'est quand même une des plus grosses entreprises européennes
38:59 dont le siège est à l'étranger.
39:01 C'est pour ça que ça nous avait donné un peu des boutons
39:04 à Intermarché, System U...
39:07 Quand le Président de la République était, il y a 2-3 ans,
39:09 allé au Salon de l'Agriculture, il avait été salué
39:13 le Président de Lidl, qui est un type très bien,
39:15 que j'apprécie, Michel Birault.
39:17 Mais quand vous voyez qu'Intermarché
39:20 est lui-même industriel dans l'agriculture française,
39:22 il est certes distributeur, mais il doit avoir 10 000 emplois
39:25 dans les abattoirs, dans l'industrie agroalimentaire...
39:29 Vous voyez la préférence française.
39:31 Là, le Président ne l'avait pas.
39:33 Et après, quand on vient nous dire "Leclerc, vous êtes associé
39:36 avec des Allemands en Belgique, et avec des Hollandais,
39:39 c'est pas bien, mais qu'on nous dit que Lidl, c'est bien,
39:41 alors que son siège est à Düsseldorf ou quelque part par là...
39:45 Je me dis, la politique, quelquefois, ça fait dire des choses
39:48 qui ne sont pas très rationnelles.
39:50 - Justement, Loris Boéchaud.
39:51 - Pendant la crise agricole, le gouvernement a promis
39:54 des contrôles pour vérifier si la loi sur la juste rémunération
39:58 des agriculteurs, la loi EGalim, était respectée.
40:01 Est-ce que vous avez, vous-même, subi ce type de contrôle ?
40:04 - Oui, absolument. Tous les ans.
40:07 - La promesse de la multiplication...
40:09 - Après, c'est le ton...
40:10 - Il y a eu des sanctions, des rappels à l'ordre...
40:12 - Ce qui fait la différence d'année en année, c'est le ton sur lequel c'est dit.
40:15 - Vous avez eu des sanctions, des rappels à l'ordre...
40:17 - Dès qu'on a fini une négociation, l'administration vient pomper
40:20 les ordinateurs pour essayer de lire les accords que nous-mêmes,
40:23 on n'a pas encore eu la chance de pouvoir lire, décrypter
40:26 sur le terrain et en faire la pédagogie.
40:29 Non, non, ils ont tout, l'administration a tout.
40:32 Et c'est un système...
40:35 Alors, c'est pas l'équipe de Macron qui a lancé ça,
40:38 c'est depuis les années 2012, 2013.
40:43 Systématiquement, tous les ans, on met en scène un rapport d'autorité
40:46 à l'égard de la distribution.
40:48 - Et là, pendant la crise agricole, Bruno Le Maire avait dit
40:50 "Plus de contrôle"...
40:52 - Oui, il y a eu plus de contrôle.
40:54 - Vous avez des... vous vous entendez ?
40:56 - Non mais, franchement, quand même...
40:59 Vous seriez contrôlés comme nous, ça vous donnerait des boutons.
41:05 Vous vous rendez compte ?
41:07 On a 160 000 salariés, dont des fils d'agriculteurs,
41:12 des filles d'agriculteurs, mais aussi des fils et des filles de fonctionnaires.
41:15 On a autour de nous, moi aussi, j'ai des gens qui travaillent à Bercy, etc.
41:19 Quand ils voient ça, ils se disent "mais quelle énergie gaspillée
41:23 et quel temps gaspillé, tout ça pour un bout de com' quoi".
41:26 - Oui, mais on entend les agriculteurs se plaindre de contrat
41:29 qui les rémunère pas suffisamment.
41:31 - Mais la distribution n'achète pas à la ferme.
41:33 Mais vous comprenez ça ?
41:35 La distribution n'achète que très peu à la ferme.
41:37 Elle achète aux maraîchers de la région Nantes, de la plaine de Montaisson, etc.
41:41 Mais la bouteille de lait qu'on me montre tout le temps,
41:44 qu'on m'a montré ici à RTL l'autre jour,
41:46 j'achète pas ma bouteille de lait à la ferme, derrière chez moi.
41:50 J'achète ma bouteille de lait à Danone, à Lactalis.
41:52 Et le prix auquel...
41:54 La loi exige, normalement, que ces grandes boîtes,
41:58 la loi Egalim, exige le prix qu'ils payent aux producteurs.
42:01 Je ne le sais pas.
42:02 Parce que dans la loi, qui est très hypocrite,
42:05 il y a une option où l'industriel n'est pas obligé de le dire.
42:08 Donc ça veut dire, même pour faire des clauses de révision de prix,
42:11 je sais pas sur quelle base les fixer. Vous comprenez ?
42:13 Donc, moi je veux bien que la distribution porte tous les mots de la Terre.
42:18 De toute façon, depuis que je suis dans la distribution, je réponds de ça.
42:22 J'accepte la co-responsabilité, j'accepte une part de responsabilité.
42:26 Mais enfin, le débouché principal de l'agriculture française,
42:30 c'est pas la distribution, c'est la restauration, c'est Rungy, c'est les grossistes.
42:34 Et la restauration et les grossistes ne sont pas soumis à la loi.
42:37 Et même certaines filières agricoles ont demandé à être exonérées de la loi Egalim.
42:43 Alors avant d'aller chercher un tel ou un tel,
42:46 j'espère que les commissions chargées d'améliorer la loi, déjà,
42:50 élargiront le champ d'application de la loi, on y verra plus clair.
42:52 Michel Edouard, le clair-on-dit, parfois vous avez plus de pouvoir qu'un politique.
42:57 C'est vrai que vous jugez parfois sévèrement les politiques,
43:00 vous avez une aura médiatique importante,
43:02 vous avez de l'influence, ou vous tentez d'avoir de l'influence sur des lois,
43:07 et puis vos adhérents sont des acteurs locaux importants.
43:10 Est-ce que les hyper- et les supermarchés ont quelque part un pouvoir ?
43:14 Un vrai pouvoir, ou ont pris le pouvoir ?
43:16 On a une cote auprès des usagers, auprès des consommateurs.
43:20 Les marques les plus populaires en France sont...
43:26 Il y a deux grandes marques industrielles qui me viennent à l'autre.
43:29 Il y a L'Oréal, Danone, La Poste, qui est très populaire.
43:33 Et autrement c'est Leclerc, Le Roi Merlin, Lafnac, Decathlon.
43:39 Oui, ce sont des marques de distribution.
43:41 Si vous dites "la grande distribution", on n'est pas populaire.
43:44 Si vous dites "Leclerc, intermarché", on est populaire.
43:47 Tout simplement parce qu'on rend service.
43:49 On a une utilité sociale qui est perçue par le public.
43:52 Et c'est là qu'est le clivage avec la politique.
43:54 La classe politique française a eu la même éducation que moi.
43:57 Moi je viens de la fac, je ne vais pas dire de la même caste,
44:03 parce qu'on va dire que j'utilise des termes éculés du lupénisme,
44:07 mais dans la réalité, les élites françaises,
44:11 mais aussi bien patronales que politiques,
44:14 elles sont industrialistes.
44:16 Elles considèrent que seule l'industrie,
44:18 accessoirement l'agriculture, crée de la valeur.
44:20 Et pour tous ces gens, dans une école de formation,
44:23 le commerce est un parasite.
44:25 Le commerce, ce n'est que le chemin obligé
44:27 de la vente, par la vente, des biens industriels.
44:31 Et donc, ça vous explique que, moi ça fait 45 ans que je suis dans le métier,
44:36 depuis 45 ans, j'essaye de montrer l'utilité sociale du commerce.
44:40 Alors on le voit, on le voit pendant le Covid,
44:42 ils sont pris de court, ils ne savent pas acheter des masques,
44:44 personne ne sait acheter des masques, ni les industriels,
44:46 ni ceux dont c'est le boulot, les pharmaciens,
44:50 ni le ministère de la Santé, ni les présidents de région.
44:53 Et comme par hasard, c'est Carrefour, Leclerc, Intermarché,
44:55 qui en un week-end, à partir du moment où ils sont autorisés, les ramènent.
44:59 Ça, ça donne la lutte contre l'inflation.
45:02 Vous n'avez pas entendu beaucoup d'expressions du patronat français
45:05 contre l'inflation. Le Medef n'a pas été un Robin des bois
45:09 contre l'inflation.
45:10 Donc c'est pour vous expliquer que le politique a un problème
45:13 avec le commerce, c'est un problème culturel,
45:16 et c'est principalement en France, parce que même dans des pays latins
45:19 comme en Italie et en Espagne, il n'y a pas ça.
45:21 Et bien sûr, dans les pays anglo-saxons, la fonction commerciale
45:24 est complètement accolée à la fonction industrielle.
45:27 Un politique qui avait l'habitude de faire campagne sur les marchés,
45:31 s'il va faire campagne sur le parking de votre supermarché
45:34 ou d'un hypermarché, ça vous semble normal ou pas ?
45:37 Oui, mais ils viennent, bien sûr.
45:39 Mais le rapport au peuple se fait en partie sur les marchés
45:45 et dans les hypermarchés, bien sûr.
45:49 Mais parce que c'est le moment où, à cause de la loi sur le cumul des mandats,
45:55 qui interdit le cumul des mandats, nos élus qui ne sont plus
45:58 directeurs de cantine, qui ne sont plus maires,
46:00 qui ne sont plus sur les appels d'offres,
46:03 c'est le moment où ils peuvent revenir, se rassembler,
46:08 se reconnecter avec la population de retraités, de salariés
46:12 qui achètent, qui payent et qui disent ce qu'ils veulent avec son portefeuille.
46:16 Les Leclerc sont aussi employeurs, une question de Pierre Herbulot.
46:20 Oui, absolument.
46:21 Vous allez lancer une opération géante de recrutement.
46:24 5 000 recrutements à pourvoir, ce sera le 23 mars.
46:27 Est-ce que vous avez du mal à recruter ?
46:29 Est-ce que vous avez beaucoup de turnovers dans les magasins, de démissions ?
46:32 Est-ce que c'est un moyen de communiquer positivement ce type d'opération
46:35 pour recruter massivement ?
46:37 La communication est par conséquence positive,
46:40 mais nous avons beaucoup de besoins.
46:42 L'enseigne Leclerc marche bien.
46:44 Je répète, c'est une association de chefs d'entreprise
46:48 qui dirige des entreprises familiales
46:50 et qui se regroupe en coopérative pour acheter, pour grandir ensemble.
46:53 Il y a 16 coopératives régionales,
46:55 et puis il y a des coopératives spécialisées.
46:57 On est dans la bijouterie, on est dans le voyage,
46:59 on est dans les espaces culturels.
47:01 Vous avez aujourd'hui des hyper et des supermarchés,
47:03 ou est-ce que, notamment la loi qui empêche l'artificialisation des territoires,
47:08 vous embête déjà ?
47:10 Elle va limiter l'expansion des centres commerciaux et des hyper,
47:14 ce qui fait qu'on retravaille ce pour quoi nous avons obtenu l'autorisation,
47:18 pour le moderniser.
47:19 On a un programme très lourd, près d'un milliard 5.
47:21 Vous avez des objectifs d'ouverture et d'expansion pour cette année 2024 ?
47:26 Oui, il y a déjà de l'acquis, il y a déjà du visible.
47:29 Je pense qu'on est le troisième libre-art de France,
47:31 mais parce qu'on continue à ouvrir des espaces culturels.
47:34 Je crois qu'on doit en avoir 210 ou 215.
47:38 On a ouvert des magasins l'occasion, pour la seconde vie des objets.
47:44 Alors, quelquefois c'est dans le rayon textile,
47:47 une partie du rayon qui propose la deuxième vie du produit textile,
47:52 ou ce sont des magasins qui carrément,
47:54 en travaillant avec des brokers, proposent...
47:56 Toujours dans votre secteur, la chute de casinos,
47:59 quel enseignement en tirez-vous ?
48:00 Vous êtes dans un secteur fragile ?
48:02 Je réponds juste à votre question.
48:04 Le 23 mars, on a un grand moment de communication.
48:10 450 centres Leclerc vont recevoir entre 20 000 et 30 000 personnes
48:17 qui peuvent venir sans CV,
48:19 parler au personnel, parler à des recruteurs.
48:22 On a des besoins à peu près pour 5 500 postes à pourvoir.
48:28 L'année dernière, dans une journée de ce type,
48:31 on a eu 44 000 propositions.
48:34 Nous sommes créateurs d'emplois en vendant moins cher.
48:37 Parce qu'en vendant moins cher, on fait de la croissance.
48:40 On arrive à la fin de ce grand jury.
48:41 La chute de casinos, qu'est-ce que vous en retenez ?
48:43 C'est la chute du prix élevé.
48:46 Ils avaient des bons emplacements, c'était une belle boîte.
48:49 Je pense qu'au départ, le casino c'est une très belle enseigne française.
48:54 Je pense qu'elle est séculaire.
48:56 C'est la famille Guichard-Perrachon à Saint-Etienne.
48:58 Elle faisait partie du paysage français.
49:00 Mais voilà, dirigée par des financiers,
49:02 moins de commerciaux sur le terrain,
49:05 pas le sens du public, pas le sens du besoin de satisfaire le besoin payé.
49:10 La concentration dans le secteur, pour les consommateurs,
49:13 ce n'est pas forcément une bonne nouvelle ?
49:15 Ce n'est pas une concentration, il y a une dilution.
49:17 Les concurrents rachètent les magasins.
49:19 Pour étayer mon discours,
49:21 casinos et intermarchés sont dans la même centrale d'achat.
49:24 Donc ils achètent au même prix.
49:26 Mais il y en a un qui est 20% plus cher que l'autre.
49:29 Et c'est celui-là qui disparaît.
49:30 Donc ça vous montre bien qu'à condition d'achat égale,
49:33 la marge que prend le distributeur n'est pas l'affaire de l'agriculteur,
49:36 n'est pas l'affaire de l'industriel.
49:38 Il y a bien des distributeurs qui ont choisi,
49:40 à condition d'achat rémunératrice pour l'agriculteur,
49:44 de vendre très cher.
49:45 Et d'autres qui disent "Laissez-moi vendre moins cher que mon collègue".
49:49 Ça c'est quand même une belle leçon.
49:51 Voilà pour la chute d'un concurrent.
49:54 Merci beaucoup Michel.
49:55 Je crois à la nécessité de surveiller les prix.
49:57 Il ne faut pas lâcher l'inflation.
49:59 Merci beaucoup Michel-Édouard Leclerc pour ce grand jury.
50:01 Bon dimanche à tous, à la semaine prochaine.
50:03 [SILENCE]