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Regardez Le Grand Jury du 07 avril 2024 avec Olivier Bost.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 ...présenté par Olivier Bost.
00:04 [Musique]
00:14 Le Grand Jury, présenté par Olivier Bost.
00:16 Bonjour à tous, bienvenue dans ce Grand Jury en direct sur RTL et sur Paris 1ère.
00:21 Bonjour Raphaël Glucksmann.
00:23 Bonjour.
00:24 Deputé sortant, tête de liste pour le Parti Socialiste et pour place publique aux élections européennes.
00:31 Vous êtes actuellement le troisième homme des sondages, loin dernière Jordan Bardella,
00:36 mais plus si loin de Valérie Ayé, la candidate d'Emmanuel Macron.
00:40 Nous allons tenter de voir ce qui séduit une part des électeurs d'Emmanuel Macron
00:45 et de ceux de Jean-Luc Mélenchon.
00:47 Taxer les riches, créer des voies légales d'immigration et mettre le paquet sur l'écologie,
00:53 c'est votre programme.
00:54 Êtes-vous le en même temps de gauche, le candidat des bobos ou le grand retour de la social-démocratie ?
01:01 Bienvenue dans ce Grand Jury, Raphaël Glucksmann.
01:04 Merci à vous.
01:05 À mes côtés pour vous interroger ce dimanche, Claire Conritte du Fidiaro.
01:08 Bonjour.
01:09 Et Pauline Buisson de la rédaction de M6.
01:11 Bonjour.
01:12 Nous sommes donc à deux mois des élections européennes et une première question de Pauline Buisson.
01:16 Oui, Raphaël Glucksmann.
01:17 Dans les sondages, vous êtes le seul candidat qui progresse,
01:20 troisième largement derrière Jordan Bardella et à quatre points,
01:24 la candidate d'Emmanuel Macron, Valérie Ayé.
01:26 Comment expliquez-vous cette dynamique qui vous est favorable ?
01:30 Cette dynamique, on la ressent partout.
01:32 J'étais à Clermont-Ferrand, à Rouen, à Nancy.
01:36 Et partout, en fait, il y avait la même attente, le même enthousiasme.
01:40 Et moi, j'ai le souvenir d'une parole d'un homme d'un certain âge qui est venu me voir et qui a dit
01:47 « Mais enfin, je vais pouvoir voter avec mon cœur. J'en ai marre de calculer au moment où je me rends dans l'isoloir. »
01:53 Et je crois que le fait qu'on parle d'Europe, déjà qu'on parle du sujet de cette élection,
01:58 et qu'on ait un cap clair, ça suscite une forme d'entrain.
02:03 Après, c'est encore fragile.
02:05 Et moi, j'essaye toujours de modérer les ambitions et les enthousiasmes.
02:09 C'est encore fragile. On n'en est qu'au début.
02:11 La prochaine étape, ce n'est pas le croisement des courbes.
02:14 Vous n'envisagez pas de rattraper Valérie Ayé, de passer deuxième ?
02:17 La prochaine étape, c'est d'aller à Nantes pour parler de transition écologique et d'industrie, de liberté.
02:23 La prochaine étape, c'est de parler de justice sociale, de justice fiscale.
02:28 La prochaine étape, c'est de parler de ce défi immense qui se pose à nous,
02:32 qui est la solitude possible de l'Europe.
02:34 Vous vous rendez compte ? Le 5 novembre 2024, pour la première fois depuis des décennies,
02:39 l'Europe pourrait se retrouver seule en cas de victoire de Donald Trump.
02:42 Cette élection pose une question existentielle.
02:45 Est-ce que l'Europe peut assumer d'être une puissance ?
02:47 Je veux parler de cet enjeu-là, de cet enjeu existentiel.
02:52 L'Europe, c'est le combat de ma vie.
02:54 Je pense que dans la dynamique qui se crée, il y a aussi un impact de cette forme de sérieux qu'on incarne.
03:00 Il y a une élection européenne qui pose une question.
03:03 Quelle Europe nous voulons ? Nous, nous répondons à la question.
03:06 Au départ, tout le monde nous disait que quand on parle d'Europe, ça n'intéressera personne.
03:10 En réalité, ça passionne l'Europe.
03:12 On va parler de ces enjeux, mais pour l'instant, il y a un phénomène qu'on observe sur 100 personnes
03:17 qui disent qu'elles vont voter pour vous.
03:20 38 ont voté Jean-Luc Mélenchon et 30 se sont rangées derrière Emmanuel Macron
03:25 lors de la dernière élection présidentielle.
03:27 C'est une étude de la Fondation Jean Jaurès.
03:30 Êtes-vous finalement, comme je le disais, en même temps de gauche,
03:34 et comme le dit aussi la Fondation Jean Jaurès ?
03:36 Je pense que beaucoup de gens se sont scindés intérieurement.
03:41 Ils se sont posé une question.
03:43 Ils se sont dit, mais auquel principe j'accorde la plus grande importance ?
03:49 Si c'est la solidarité sociale et la transformation écologique,
03:53 je vote Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles malgré ses positions sur l'Europe,
03:57 malgré ses positions sur la démocratie et les régimes autoritaires.
04:01 Et si par contre, ce qu'il y a de plus important en moi,
04:05 c'est l'attachement à l'Europe et à la démocratie libérale,
04:09 je vote pour Emmanuel Macron malgré ses positions sur le social,
04:12 malgré la réforme des retraites qu'il avait déjà annoncée.
04:15 Et là, le message que nous, on envoie à ces électrices et électeurs,
04:18 c'est de dire que vous pouvez voter sans sacrifier la moindre partie de vous-même.
04:22 Vous pouvez voter en accord avec vous-même.
04:24 Vous pouvez voter même heureux, heureux de vous réconcilier avec vous-même.
04:28 Et je pense que c'est ça qui plaît à des électrices et électeurs
04:31 qui ont fait des choix très différents aux présidentielles.
04:33 Donc vous êtes le pont entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ?
04:36 Mais en fait, on ne segmente pas le discours. C'est ça l'enjeu.
04:38 Je sais qu'il y a beaucoup de communicants qui expliquent qu'il faut avoir des cibles quand vous parlez.
04:42 Moi, je ne sais pas faire. Je n'y arrive pas.
04:44 C'est aussi simple que ça, je n'y arrive pas.
04:46 Donc on tient le même discours partout, mais ce cap clair peut aimanter des gens
04:49 qui avaient fait des choix très différents.
04:51 Et je crois qu'il faut qu'on tienne ce cap,
04:53 sans se soucier de parler à tel ou tel segment de l'électorat,
04:56 mais en exposant une vision de l'Europe.
04:58 Et en montrant qu'en fait, on peut être viscéralement attaché à la solidarité sociale,
05:02 viscéralement attaché à la transformation écologique
05:04 et viscéralement attaché au progrès de la construction européenne.
05:07 Justement, pour comprendre votre positionnement européen,
05:10 qu'est-ce que vous enleveriez du discours d'Emmanuel Macron de la Sorbonne ?
05:13 Un discours en 2017, où il défendait une forme de souveraineté européenne
05:17 sur la défense et sur la sécurité, pour la maîtrise des frontières
05:20 et puis pour la transition écologique et également pour la réindustrialisation.
05:24 Qu'est-ce que vous ne prenez pas dans ce discours ?
05:27 J'enlèverais toute la suite.
05:28 Moi, le discours de la Sorbonne, en tant qu'européen, il me convient.
05:32 Il y a des manques dans son discours.
05:34 Je rajouterais des choses.
05:35 Je rajouterais la justice fiscale.
05:37 Je rajouterais la solidarité sociale,
05:39 qui était absente et qui sont toujours absentes de son discours.
05:42 Mais sur la perspective de l'Europe, ce que je regrette...
05:45 Ça, vous partagez cette vision-là d'Emmanuel Macron ?
05:47 Mais ce que je regrette, c'est la suite.
05:49 C'est la suite.
05:50 C'est le fait que, à l'échelle européenne,
05:52 le président Macron s'est opposé à toutes les directives
05:56 qui permettaient justement le progrès de l'Union européenne.
05:59 Je prends juste un exemple.
06:01 La directive sur les travailleurs des plateformes.
06:03 C'était une directive qui permettait de donner des droits,
06:06 qui permet de donner des droits à des millions de travailleurs en Europe
06:10 qui, aujourd'hui, sont privés de tout droit
06:12 et qui sont les véritables forçats du 21e siècle.
06:14 Qui s'y est opposé ?
06:16 C'est les plateformes, c'est Uber, c'est Deliveroo,
06:18 c'est ces gens qui travaillent sans aucune forme de droit,
06:20 qui sont les nouveaux journaliers, si vous voulez, de notre époque.
06:24 Et bien, qui s'est opposé à cette mesure
06:26 qui permettait le progrès du droit pour les travailleurs à l'échelle européenne ?
06:29 C'est la France d'Emmanuel Macron.
06:31 Mais je pourrais citer nombre de sujets sur lesquels j'ai travaillé,
06:33 sur le devoir de vigilance des entreprises
06:35 et l'exemption du secteur bancaire et financier,
06:37 ou sur la question de la définition européenne du viol.
06:41 C'est la France d'Emmanuel Macron qui a bloqué ces progrès de l'Europe.
06:44 En fait, ce n'est pas le discours de la Sorbonne le problème.
06:46 C'est l'application d'une politique européenne
06:49 qui n'a pas eu lieu.
06:51 Et Emmanuel Macron, il est contre les progrès de l'Europe
06:53 quand les progrès de l'Europe remettent en cause des intérêts puissants dans nos sociétés.
06:56 Or, l'affirmation de la puissance européenne,
06:59 ça passera par la remise en cause de certains intérêts particuliers,
07:01 et moi je les assumerai.
07:03 Claire Conritte.
07:04 Oui, Raphaël Glucksmann, pour revenir à vos adversaires dans cette campagne,
07:07 il en est un qui la survole largement, c'est Jordan Bardella,
07:10 qui reste stable autour des 30%.
07:14 Comment est-ce que vous expliquez que personne ne parvienne à l'atteindre ?
07:20 C'est une vague extrêmement profonde, c'est l'échec,
07:23 d'ailleurs c'est un échec collectif,
07:25 c'est l'échec d'abord du gouvernement, du pouvoir en place,
07:30 d'Emmanuel Macron lui-même qui avait promis de supprimer
07:33 toutes les raisons du vote Rassemblement National.
07:36 Et c'est une vague qui traverse l'Europe, au-delà de la France.
07:41 Une vague d'extrême droite extrêmement profonde.
07:43 Moi je l'explique d'abord par le sentiment d'impuissance
07:47 qui mine nos démocraties partout en Europe.
07:49 Cette idée que finalement on ne contrôle plus notre destin.
07:53 Et tout l'enjeu de cette campagne, c'est de montrer que c'est à l'échelle européenne
07:57 qu'on peut reprendre en main les choses.
07:59 C'est à l'échelle européenne qu'on peut réindustrialiser les régions
08:02 qui ont été les plus victimes de la globalisation et des délocalisations.
08:05 C'est à l'échelle européenne et que donc, finalement,
08:08 M. Bardella, quand il est à Strasbourg, il vote contre tout
08:11 ce qui permet de protéger les citoyens et les producteurs européens.
08:16 Mais qu'est-ce que vous faites pour aller chercher cet électorat-là ?
08:19 Pour lui parler ?
08:20 Eh bien je vais dans les usines, je vais dans les fermes.
08:23 Je parle production, je parle rupture avec des politiques commerciales
08:27 qui ont conduit à la désindustrialisation,
08:29 qui ont transformé le continent européen en continent de consommateurs
08:33 et non plus de producteurs.
08:34 Je parle de régions qui sont complètement laminées
08:38 par des décennies de délocalisation.
08:41 Et ce que je dis aussi, c'est que le vote Rassemblement National,
08:46 ce n'est pas un vote anodin, surtout dans la période qu'on traverse,
08:50 en temps de guerre.
08:51 Ce n'est pas de la morale, ça.
08:52 C'est du réalisme politique.
08:55 Le Rassemblement National, comme toutes les extrêmes droites européennes,
08:58 ont pris le parti depuis plus de 10 ans
09:02 de la tyrannie étrangère de Vladimir Poutine
09:04 qui attaquait nos intérêts vitaux,
09:08 qui attaquait méthodiquement nos nations et nos démocraties.
09:12 Et donc, je répèterai partout la même chose,
09:15 ces gens-là sont des patriotes de pacotille.
09:17 Ils sont en réalité des idéologues qui servent des intérêts étrangers.
09:22 Et ce n'est pas de la morale, encore une fois.
09:24 Ce n'est pas les renvoyer au passé vieux de 80 longues années.
09:28 C'est actuellement ce qu'ils font.
09:31 Et donc, il faut à la fois expliquer qui ils sont,
09:35 ce qu'ils font dans les institutions européennes,
09:38 et répondre aux véritables angoisses, questions,
09:43 qui sont posées et qui nourrissent le vote du Rassemblement National.
09:46 Et en particulier sur la question de la maîtrise de notre destin et de la souveraineté.
09:50 En fait, le vrai enjeu de cette élection européenne,
09:53 c'est quelle est notre définition de la souveraineté.
09:55 Tout le monde va vous dire qu'il faut reprendre en main notre destin
09:57 et qu'il faut être souverain.
09:58 Mais c'est à l'échelle européenne qu'on peut le faire.
10:01 La France seule n'aura pas les moyens de remettre des règles dans la globalisation,
10:07 de protéger nos marchés, de protéger nos productions.
10:10 La France seule ne peut pas imposer de règles à des multinationales
10:13 trop puissantes pour obéir à des États isolés.
10:16 La France seule, c'est de la vassalité.
10:20 Et l'Union européenne, c'est la capacité à reprendre en main notre destin.
10:24 Et donc, le grand débat, il doit être celui-là.
10:25 Parce que finalement, même s'ils ne veulent plus le Frexit,
10:28 les politiques que propose le Rassemblement national
10:31 et leurs actions dans les institutions européennes,
10:34 c'est le démantèlement du projet européen.
10:36 C'est la déconstruction de la possibilité même de reprendre en main notre destin.
10:39 Une campagne déseuropéenne est aussi alimentée par l'actualité et l'actualité nationale.
10:44 Jordan Bardella est-il aussi servi par l'actualité de l'ultra-violence entre les jeunes ?
10:51 Après les agressions d'adolescents et la mort de l'un d'entre eux la semaine dernière,
10:56 et après aussi les émeutes urbaines qu'on a connues l'été dernier,
11:00 faut-il répondre à la demande d'autorité des Français ?
11:04 Cette demande, elle est légitime.
11:06 Et d'abord, il faut que j'exprime ma compassion absolue à l'égard des proches des victimes.
11:13 Mais au-delà de cela, il y a une grande question qui est posée à notre société.
11:19 Et ce n'est pas simplement une question qui est posée à l'école.
11:21 Parce que ce que je vois aujourd'hui, c'est que tout le monde focalise le débat sur l'école.
11:24 Comment rendre l'école plus autoritaire ?
11:26 Comment rendre l'autorité plus forte à l'école ?
11:29 Mais si vous n'avez que l'école, et que tout le reste de la société est une jungle,
11:34 l'école ne pourra pas assumer sa mission.
11:36 Et finalement, la crise de l'école aujourd'hui, c'est largement une crise de la société dans son ensemble.
11:41 J'entends quand on rappelle l'autorité de l'école de la Troisième République.
11:44 Mais autour de l'école, il y avait quoi ?
11:46 Il y avait des institutions qui fonctionnaient.
11:48 Il y avait un écosystème dans la société qui tendait vers l'intégration,
11:52 à un projet collectif, à un projet commun.
11:54 Aujourd'hui, le service militaire a disparu.
11:57 Aujourd'hui, les syndicats qui avaient un vecteur d'intégration...
12:00 Mais cette demande d'autorité, vous y répondez comment ?
12:04 En reconstruisant les institutions qu'on a perdues.
12:07 En reconstruisant ce sens collectif et cette autorité des institutions publiques qu'on a perdues.
12:12 Mais par exemple, je vais vous dire une chose très évidente.
12:16 Aujourd'hui, il n'y a plus d'institutions qui garantissent la mixité dans notre pays.
12:21 Des jeunes qui naissent à Trappes, à Paris, dans le 7ème arrondissement, ou en Picardie.
12:26 Mais ça, c'était toute la promesse de l'école républicaine de la Troisième République.
12:30 Mais l'école seule ne peut pas, parce que l'école reproduit le quartier.
12:34 C'est-à-dire que si vous avez une ségrégation géographique,
12:36 l'école du quartier, l'école publique du quartier,
12:38 elle va correspondre à la sociologie du quartier.
12:41 Elle va être inscrite dans cette sociologie.
12:43 Donc il faut que les gens se croisent dans notre pays.
12:45 La réponse à la violence, c'est la mixité sociale pour vous ?
12:47 Il y a la mixité sociale et il y a des institutions qui brassent et qui expliquent un cap commun,
12:52 qui intègrent. Et ces institutions-là, soit on les a supprimées, comme le service militaire,
12:56 sans se poser la question de par quoi on les remplace, soit elles sont en crise.
13:00 Et même les partis politiques qui sont en crise, vous savez,
13:02 les partis politiques étaient aussi un vecteur d'intégration, étaient aussi un vecteur de mixité.
13:06 Ou des gens venant de quartiers différents se rencontraient et participaient à l'élaboration d'un projet commun.
13:11 Et la crise de tous ces corps intermédiaires, ça a comme conséquence l'archipélisation et la désintégration de la société.
13:18 Et par exemple durcir les peines sur un certain nombre de faits pour réaffirmer l'autorité,
13:23 ça c'est pas une idée que vous suivez ?
13:25 Que la justice soit intraitable, je suis évidemment pour.
13:28 Mais simplement le durcissement des peines seules ne suffira pas à répondre à une crise qui est d'ampleur,
13:34 une crise qui est une crise démocratique, une crise sociale, une crise de représentation de soi,
13:39 de ce que ça veut dire qu'être français.
13:41 Et ça, ça passera par la réactivation de tout ce qui permettait justement de faire France ensemble.
13:46 Vous parlez d'intégration, pour revenir sur le plan européen,
13:49 est-ce que vous voterez le pacte sur l'immigration la semaine prochaine à Strasbourg ?
13:54 Non, parce qu'il ne répond pas à l'objectif qui a été fixé,
13:57 c'est-à-dire de faire une véritable politique migratoire commune à l'échelle du continent européen.
14:02 Mieux contrôler les frontières et partager les demandes d'asile entre les différents pays européens,
14:07 ça c'est pas une politique migratoire ?
14:09 Eh bien justement, ce n'est pas assumé jusqu'au bout du tout.
14:14 C'est-à-dire ?
14:15 Aujourd'hui, par exemple si on prend la question de la répartition, de l'effort,
14:18 puisque pourquoi il y a eu besoin de cette discussion autour d'un pacte ?
14:23 Parce qu'il y a des pays d'accueil qui prennent une part de l'immigration.
14:26 Nous sommes dans un système qui s'appelle Dublin, pour entrer dans les détails,
14:29 qui s'appelle Dublin et qui fait peser tout l'effort sur les pays d'accueil.
14:33 Or, les gens qui prennent leur bateau au péril de leur vie pour rejoindre l'Europe,
14:36 ils ne veulent pas rejoindre l'Italie ou la Grèce, ils veulent rejoindre l'Europe.
14:39 Donc ça doit être une gestion qui doit être une gestion européenne.
14:42 Or, dans ce pacte, justement, on ne sort pas de Dublin,
14:45 on ne sort pas du fait que c'est les pays d'accueil qui vont assumer le poids.
14:51 Il n'y a pas de répartition.
14:52 Par exemple, on a cédé en fait.
14:54 Ce qui s'est passé c'est que dans les négociations, on a cédé à Orban et à la Hongrie.
14:58 Le fait est qu'aujourd'hui, par exemple, Orban peut décider
15:01 de construire des barbelés tout autour de la Hongrie,
15:03 s'est participé à une politique migratoire européenne,
15:06 sans accepter le moindre référence sur la question des répartitions.
15:09 Donc la semaine prochaine, vous préférez ne pas avoir de réponse à ces questions-là ?
15:13 Moi, ce que je vous dis, c'est que dans deux ans, on aura à nouveau,
15:17 ici sur ce plateau si vous voulez, un débat sur le nouveau pacte migratoire européen,
15:21 parce que celui-ci ne répond à aucune des questions posées.
15:24 Donc vous ne préférez rien avant les élections européennes ?
15:26 Et donc, ce qui se passe aujourd'hui, c'est que par exemple, dans ce pacte,
15:30 on évacue complètement, mais complètement, l'un des deux grands piliers.
15:34 Il y a la question de l'asile, des demandeurs d'asile,
15:36 et l'autre grand pilier qui est la question des migrations liées au travail.
15:40 Vous savez, il faut arrêter l'hypocrisie.
15:42 Et aujourd'hui, on vit dans l'hypocrisie.
15:44 La vérité, elle est très simple, même si elle est difficilement acceptable aujourd'hui
15:48 par toute une partie de l'opinion.
15:50 C'est qu'il y a besoin d'une immigration de travail,
15:54 parce que l'Europe vieillit, et que nous ne sommes plus capables
15:59 d'assumer nos économies et nos besoins en termes de travail
16:02 sans une forme d'immigration légale.
16:04 Donc, c'est ce que vous souhaitez, des filières d'immigration légale ?
16:07 Concrètement, ça pourrait...
16:08 Des voies légales d'immigration, c'est-à-dire que les gens,
16:10 au lieu de risquer leur peau en traversant la Méditerranée,
16:13 qui s'est transformée en cimetière,
16:15 peuvent, de manière totalement légale et contrôlée,
16:20 accéder au marché du travail en Europe,
16:23 et même pouvoir faire des mouvements qu'on appelle pendulaires,
16:27 c'est-à-dire venir travailler ici, repartir dans leur pays.
16:30 Et c'est ce qui est aujourd'hui rendu impossible par l'hypocrisie générale.
16:34 Et nous, ce que nous proposons, c'est très simple,
16:36 c'est à la fois mettre fin à l'indignité de ces gens qui meurent en Méditerranée,
16:41 qui sont exploités par des filières de mafieux,
16:44 et qui ensuite dorment dans les rues de nos villes,
16:47 et de mettre fin au désordre qui est généré par le fait
16:50 qu'on n'affronte pas cette question par peur des éclas de droite.
16:54 - Avec votre raisonnement, combien l'Europe peut-elle accueillir
16:58 de migrants de manière légale comme ça ?
17:01 - Je ne peux pas vous donner un chiffre comme ça,
17:04 qui va varier en fonction aussi des besoins qu'on identifie
17:06 pour les économies européennes.
17:08 - Pour vous, le principe, c'est bien ça,
17:09 on détermine le nombre de personnes qu'on veut venir.
17:12 - Oui, et je vais vous dire une autre chose.
17:14 Aujourd'hui, l'hypocrisie, elle conduit à quoi ?
17:16 À ce que les gens risquent leur vie pour traverser la Méditerranée,
17:19 et qu'ensuite, ils vivent pendant 2 ans, 3 ans,
17:22 dans un trou noir légal, qu'ils dorment porte de la chapelle,
17:26 dans des tentes, et que finalement, ils sont employés
17:29 de manière complètement illégale, en dehors de toute forme de droit,
17:33 par des enthousiastes qui ont besoin de main-d'oeuvre,
17:35 et finalement, ils vont finir par être régularisés.
17:38 - Donc ce que vous proposez, c'est une forme de carte verte,
17:40 c'est ça, sur le modèle un peu américain,
17:42 ou quelque chose comme ça ?
17:43 - Oui, et ce qu'on propose, c'est surtout des visas multi-entrées de travail,
17:47 et en plus, ça résoudra une autre question,
17:49 parce qu'il y a une autre question qui est posée.
17:51 C'est la question des réadmissions.
17:53 Quand vous émettez ce qu'on appelle une obligation
17:56 de quitter le territoire français,
17:57 ensuite, la réadmission dépend des laissés-passés consulaires
18:00 des pays d'où viennent ces gens.
18:03 Et ce que nous proposerons à ces pays, c'est un contrat.
18:07 La possibilité d'avoir des visas, d'avoir des visas multi-entrées de travail,
18:12 et en échange, l'obligation de produire ces laissés-passés consulaires.
18:16 - En forme de donnant-donnant ?
18:17 - Eh bien, c'est ça qu'il faut faire.
18:18 Mais pour aboutir à ce donnant-donnant,
18:20 qui est parfaitement rationnel et réaliste,
18:23 il faut quoi ?
18:24 Il faut simplement que nous assumions de nous confronter à notre propre réalité.
18:28 - Votre discours pro-immigration,
18:31 vous ne vous doutez pas qu'aujourd'hui, il fasse encore monter...
18:34 - Ce n'est pas un discours pro-immigration,
18:36 c'est un discours qui est hostile à l'indignité et au désordre
18:39 dans lequel nous plonge l'absence de politique migratoire.
18:42 - Quand vous allez monter d'une destination d'Algérie en Europe...
18:43 - Et ce que je explique, moi, de manière très simple,
18:45 c'est que tous les slogans d'Estrade, de l'extrême droite,
18:48 sur l'immigration zéro, ça produira quoi ?
18:51 Ça produira la mort des économies européennes,
18:55 l'enfermement des sociétés européennes,
18:58 et au-delà de ça, ça produira des déceptions immenses
19:01 chez ceux qui y croient,
19:02 parce que finalement, ils vont faire l'inverse
19:04 quand ils seront confrontés à la réalité.
19:06 Regardez Mme Mélanie, qui a fait campagne en Italie
19:09 pour nous expliquer qu'elle allait mettre des sous-marins,
19:11 quasiment, pour couler les bateaux et faire un blocus naval.
19:14 Eh bien, en réalité, confrontée à la réalité,
19:16 qu'est-ce qu'elle fait ?
19:18 Elle invite 400 000 travailleurs étrangers en Italie.
19:22 Et que donc, il faut arrêter avec cette hypocrisie,
19:25 puisque finalement, ce que cela produit,
19:27 c'est de l'irréalisme, c'est de l'indignité,
19:30 et c'est du désordre.
19:32 - Est-ce que... Jusqu'où va votre envie d'Europe ?
19:35 Vous êtes fédéraliste ?
19:36 Vous voudriez que, sur le sujet de l'immigration
19:38 qu'on vient d'évoquer, mais sur d'autres sujets aussi,
19:40 les pays soient finalement derrière
19:43 ce qui se passe en partie sur les questions européennes ?
19:46 - Moi, je suis réaliste.
19:47 Ce que je veux, c'est que les citoyennes et les citoyens
19:50 soient capables de reprendre en main leur destin.
19:52 Et donc, le débat théorique entre fédéralisme et souverainisme...
19:55 - Et pourquoi prendre leur destin ?
19:56 Ils mettent une plus grande partie de leur destin
19:58 dans les mains de l'Europe.
20:00 - On identifie les chantiers sur lesquels la taille européenne
20:03 est la bonne taille, la bonne échelle,
20:05 et on délègue de la souveraineté à l'échelle européenne,
20:08 et donc, on assume des sceaux fédéraux.
20:10 Dans la lutte contre le réchauffement climatique,
20:12 dans les règles qu'on veut imposer aux multinationales,
20:15 dans la mise en place, ce que j'appelle de mes voeux,
20:18 d'un protectionnisme écologique,
20:20 eh bien, ça se fera où, ce protectionnisme écologique,
20:22 pour protéger nos productions et protéger le climat ?
20:24 Ça se fera où ?
20:25 Ça ne sera pas aux frontières de la nation,
20:27 ça sera aux frontières de l'Union Européenne.
20:29 - Vous allez dire que pour reprendre le contrôle,
20:31 il faut abandonner en grande partie le contrôle national
20:33 qu'on a aujourd'hui au niveau européen ?
20:35 - Il faut assumer de construire l'Europe.
20:37 Et il faut identifier les chantiers
20:39 dans lesquels c'est rationnel, réaliste,
20:42 et de toute façon, la seule solution,
20:44 d'augmenter la puissance de l'Europe.
20:46 - Mais avec la situation politique européenne actuelle,
20:48 c'est quelque chose de réaliste, d'envisageable,
20:50 même par rapport aux fonctionnements d'aujourd'hui l'Europe ?
20:52 - Mais regardez ce qu'on a fait.
20:53 Est-ce que si on vous avait dit,
20:55 un an avant le Covid,
20:57 ou quelques mois avant la pandémie,
20:59 si on vous avait dit que les pays européens
21:01 mutualiseraient leur emprunt et leur dette ?
21:04 - C'est des circonstances exceptionnelles.
21:06 - Vous n'y aurez pas cru.
21:08 - C'était un discours profondément idéaliste.
21:10 Ça a été fait, et ça a sauvé l'Italie,
21:12 la Grèce et l'Europe en général.
21:14 - Mais aujourd'hui, vous avez le sentiment
21:16 que les 27 sont prêts à s'engager plus sur ces thématiques ?
21:18 - Et regardez ce qui se passe au moment où on se parle.
21:20 J'ai pris un exemple sur la pandémie.
21:22 Regardez ce qui se passe au moment où on se parle.
21:24 On se rend tous compte qu'on est incapables
21:26 de produire les munitions qui sont nécessaires
21:28 à la résistance ukrainienne.
21:30 Que la France seule n'est capable
21:32 de livrer que 3000 obus par mois
21:35 après deux ans de guerre à la résistance ukrainienne,
21:37 alors que les Russes en tirent 20 000 par jour.
21:39 Qu'est-ce qui se passe ?
21:41 Aujourd'hui, on va progressivement aboutir
21:43 à un emprunt commun, c'est ce que nous proposons
21:45 à l'échelle européenne,
21:47 et à la transformation de la Commission européenne
21:50 en centrale d'achat, comme elle l'a fait pour les vaccins,
21:53 en centrale d'achat pour les armements.
21:55 C'est un saut fédéral qui va aboutir
21:57 sous la pression des événements.
21:59 La même chose va se produire sur la question
22:01 de la transition énergétique.
22:03 La transition énergétique, c'est l'immense défi
22:05 qui est devant nous.
22:07 C'est d'ailleurs pas simplement un défi écologique,
22:09 c'est aussi un défi géopolitique.
22:11 C'est la capacité à reprendre le contrôle
22:13 sur notre production d'énergie.
22:15 Et cela, ça va supposer quoi ?
22:17 Laissez-moi finir juste ça.
22:19 Ça va supposer un grand plan d'investissement
22:21 à l'échelle européenne.
22:23 Donc, un saut, oui, de délégation de souveraineté
22:25 à l'échelle européenne, parce que c'est comme ça
22:27 qu'on arrivera à faire cette transition écologique.
22:30 Justement, à propos de transition écologique,
22:32 le pacte vert, ce qu'on appelle le Green Deal,
22:34 connaît quand même un sévère retour de bâton
22:36 avec la crise agricole
22:38 et les objectifs écologiques de la PAC,
22:40 de la politique agricole commune, ont été revus
22:42 à la baisse. Est-ce que c'est
22:44 votre échec, ce pacte vert ?
22:46 C'est notre réussite, ce pacte vert.
22:48 Simplement, si on en reste simplement
22:50 à l'édification de normes
22:52 contraignantes et d'objectifs contraignants,
22:54 c'était en grande partie le pacte vert.
22:56 Eh bien, ça ne fonctionnera pas et on fera face
22:58 à une insurrection partout.
22:59 Et ça, vous avez changé sur ce sujet-là ?
23:01 Parce que le pacte vert, vous l'avez soutenu,
23:03 comme une première étape.
23:05 C'était quand même principalement des contraintes et des normes.
23:07 Aujourd'hui, vous dites qu'il faut qu'on arrête de faire des normes
23:09 et des contraintes.
23:10 Non, il ne faut pas qu'on arrête de faire des normes et des contraintes.
23:12 C'est d'ailleurs un des grands sujets de cette élection.
23:14 Est-ce qu'on va détricoter le pacte vert ou pas ?
23:16 Non, parce que les objectifs fixés par le pacte vert
23:18 répondent à une urgence, qui est l'urgence climatique
23:20 et on ne reniera pas sur le pacte vert.
23:22 C'est en cours de détricotage.
23:24 Et c'est une erreur.
23:26 Et on reviendra sur la question agricole
23:28 juste après.
23:30 C'est une erreur parce qu'en fait, ce qu'il faut,
23:32 ce n'est pas renier sur les objectifs.
23:34 Ce qu'il faut, c'est mettre les moyens derrière.
23:36 C'est transformer ce pacte vert
23:38 en grand plan d'investissement industriel.
23:41 C'est faire, en fait, simplement
23:43 ce que les Américains ont fait avec l'Inflation Reduction Act.
23:46 C'est-à-dire, si vous voulez réussir cette transformation écologique,
23:49 si vous voulez qu'elle signifie une réindustrialisation de nos pays,
23:52 si vous voulez qu'elle signifie plus d'usines et pas moins d'usines,
23:55 plus d'emplois et pas moins d'emplois,
23:57 il faut avoir un grand plan d'investissement
23:59 avec un cap clair.
24:01 Oui, ça s'appelle de la planification à l'échelle européenne.
24:03 Et il faut faire ce que les Américains ont fait.
24:06 Il faut le faire. Pourquoi ?
24:08 Parce que sinon, on perdra tout sur la transformation écologique.
24:11 Et on ne la fait pas par gaieté de cœur, cette transformation simplement.
24:13 C'est absolument nécessaire.
24:15 Sinon, nous aurons à subir les conséquences
24:17 de l'effondrement climatique.
24:19 - Mais par exemple, la fin des ventes de voitures thermiques en 2035,
24:22 ça, ça vous semble toujours réaliste ?
24:24 - Eh bien, il faut un grand plan de reconversion, justement,
24:27 des industries automobiles.
24:29 Et ce qu'il faut aussi, c'est un grand...
24:31 - Donc on n'est pas prêt pour l'instant, c'est ce que vous dites.
24:33 - Mais bien sûr qu'on n'est pas prêt pour l'instant.
24:35 Et c'est ça l'alerte que je lance.
24:37 Et c'est pour ça qu'avec notre grande famille sociale démocrate européenne,
24:40 celle qui doit gagner les élections
24:42 et fixer l'agenda des cinq prochaines années,
24:44 puisque c'est ça d'abord l'enjeu politique,
24:46 c'est quelle force politique va dominer les politiques européennes.
24:48 Eh bien, avec notre groupe,
24:50 nous préparons un grand plan d'investissement
24:53 qui soit l'étape 2 du pacte vert,
24:55 qui soit un plan d'accompagnement des industries,
24:57 de réindustrialisation,
24:59 mais ça, ça suppose aussi une rupture avec certaines pratiques commerciales de l'Union Européenne.
25:02 - Donc si les élections européennes ne se passent pas comme vous le souhaitez,
25:04 ça met en danger le pacte vert, la deuxième étape ?
25:06 - Mais la droite européenne a été très claire là-dessus.
25:10 Elle entend détricoter ce pacte.
25:12 Et nous, ce que nous entendons faire,
25:14 c'est lui donner un débouché positif pour les sociétés européennes,
25:16 qui soit socialement juste et qui nous permette d'assurer notre souveraineté industrielle.
25:20 Et donc, c'est un choix massif.
25:22 Et c'est d'ailleurs le grand choix de ces élections,
25:24 puisque à l'échelle européenne,
25:26 le débat, il n'est pas entre Emmanuel Macron et Jordane Bardella,
25:30 qui sont dans des petits groupes au Parlement européen.
25:32 Il est entre mon groupe, le groupe social-démocrate,
25:35 et la droite européenne du Parti Populaire Européen.
25:38 Et la question écologique est centrale dans cette confrontation.
25:41 Et c'est ça qui va être décidé le 9 juin.
25:44 En fait, si vous voulez, ce n'est pas la même chose
25:46 d'avoir à la tête de la Commission Européenne,
25:49 puisque c'est ça qui se décide,
25:51 un Jacques Delors ou un Barrozo.
25:54 Ce n'est pas la même chose d'avoir l'esprit de la CFDT
25:56 à la tête de l'Union Européenne
25:58 et l'esprit de Goldman Sachs.
26:00 Ça débouchera sur des politiques sociales différentes,
26:02 ça débouchera sur des politiques environnementales différentes,
26:04 ça débouchera sur des politiques industrielles différentes.
26:06 - Vous visez la liste d'Emmanuel Macron quand vous dites ça ?
26:08 - Emmanuel Macron, sa liste, ne présente même pas de Spitzenkandidat,
26:12 comme on dit, de candidat à la présidence de la Commission Européenne,
26:15 puisqu'ils ont intégré le fait que de toute façon,
26:17 il ferait en soutien à Ursula von der Leyen
26:20 et qu'ils agissent comme une force d'appoint au Parlement Européen.
26:22 C'est ça qu'il faut répéter.
26:24 J'ai entendu Mme Meillet qui répète partout
26:27 qu'en termes d'influence, il était utile de voter pour elle.
26:30 Mais la vérité, c'est que son groupe est très peu influent comparé au nôtre.
26:34 - C'est qui Goldman Sachs alors, juste pour comprendre, au niveau européen ?
26:37 - C'est la droite européenne,
26:39 c'est cette politique fondée sur le pur libre-échange,
26:42 sur la concurrence libre et non faussée,
26:44 sur le dogme de l'austérité,
26:46 et c'est ça qu'il faut empêcher à l'échelle européenne.
26:48 Si on veut retrouver la main,
26:50 si on veut mener à bien la transformation écologique,
26:52 si on veut réindustrialiser nos régions,
26:54 eh bien on a besoin d'investissements massifs
26:56 et on a besoin de protection.
26:58 Il faut arrêter d'avoir des mots tabous.
27:00 Le protectionnisme ne doit plus être un mot tabou.
27:02 - Raphaël Glucksmann, on va se retrouver pour la seconde partie de ce grand jury.
27:06 Pas d'austérité dites-vous.
27:08 Et l'une de vos idées, c'est de taxer les riches.
27:10 On va y revenir, à tout de suite.
27:12 [Musique]
27:22 - Suite du grand jury, présenté par Olivier Bost.
27:24 - Raphaël Glucksmann, candidat tête de liste aux européennes
27:28 pour le Parti Socialiste et pour Place Publique,
27:30 est notre invité ce dimanche.
27:32 Alors avant de parler de votre idée de taxer les riches,
27:36 on va revenir sur l'une des critiques qui revient souvent
27:38 de la part de vos adversaires, Claire Conruyt.
27:40 - Oui, une critique qui vient notamment de la part de la France Insoumise
27:44 qui estime que vous êtes un candidat, un homme politique déconnecté,
27:47 le candidat des centres-villes et des bobos.
27:50 Que leur répondez-vous ?
27:52 - Tout le projet que je porte vise justement à permettre aux régions
27:56 qui ont été les victimes de la globalisation
27:58 de retrouver leur dynamisme, de retrouver des usines,
28:03 de retrouver des emplois, de retrouver finalement
28:06 ce qui fait le sel de la vie ensemble.
28:08 Donc que notre projet, si vous voulez, c'est une réponse justement
28:12 à ces 30 dernières années qui ont conduit au fait que
28:17 notre tissu social a été tailladé par la globalisation.
28:21 Et je leur réponds aussi que notre campagne,
28:24 elle a lieu dans les usines, que ce soit en Lorraine ou en Normandie.
28:30 On ne va pas simplement dans les centres-villes justement,
28:33 on va dans les usines.
28:34 On essaye de voir les usines qui sont confrontées
28:37 à une concurrence absolument déloyale, en particulier de la Chine.
28:41 Donc comment on répond à cette concurrence déloyale
28:44 et comment certaines usines se réimplantent
28:46 dans des territoires qui ont été dévastés
28:48 et comment c'est la transition énergétique
28:50 et la transition écologique justement dont on parlait juste avant la pause
28:53 qui permet cette réindustrialisation.
28:56 Et que donc tout notre projet, toute notre campagne
29:00 vise à s'adresser à cette France qui a été victime de la globalisation.
29:04 - En fait, la gauche aujourd'hui est largement absente dans les campagnes,
29:08 dans la ruralité et très présente dans les zones urbaines.
29:12 Donc à qui la faute ?
29:15 - La faute à la gauche ?
29:16 Sans embâche, mais moi je dis de toute façon toujours ce que je pense.
29:20 On a des laissés, moi j'ai encore le souvenir d'une dame,
29:23 vous savez quand il y avait ce qu'on appelait la jungle à Calais
29:26 où 10 000 exilés étaient entassés dans un camp de tentes.
29:30 Et j'ai passé beaucoup de temps dans ce camp de tentes
29:33 avec les exilés et aussi avec les riverains.
29:35 Et j'ai noué une relation avec une dame
29:38 qui était une activiste du Front National je crois à l'époque,
29:42 ça s'appelait comme ça.
29:43 Et à la fin de nos échanges, je lui ai demandé
29:46 mais pourquoi au fond cet engagement aussi volontaire derrière Marine Le Pen ?
29:52 Parce qu'elle n'était pas xénophobe, elle n'était pas raciste,
29:54 elle était vraiment traversée de sentiments contradictoires.
29:57 Et elle m'a répondu cette chose, elle m'a dit
29:59 vous savez Marine c'est la seule qui n'a pas honte de nous sur la photo.
30:02 Et je pense que ça doit nous interroger,
30:04 ça doit nous interpeller de manière extrêmement profonde.
30:07 Que la gauche soit devenue, pour beaucoup de françaises et de français,
30:11 le camp de la condescendance en fait, le camp du mépris social.
30:15 Et ça c'est vraiment ce qu'il faut inverser,
30:17 ça ne s'inversera pas en deux mois de campagne là aux européennes.
30:21 On n'a pas de baguette magique pour revenir sur cette perception là.
30:25 Mais ça doit être quelque chose qui doit nous empêcher de dormir en fait,
30:28 qui doit nous prendre aux tripes et qui doit nous interroger.
30:31 Parce que si on s'engage en politique, c'est pas pour défendre ceux qui vont déjà bien,
30:35 c'est pour défendre ceux qui ont réellement besoin de la politique.
30:38 Parce qu'ils se retrouvent dans une situation injuste,
30:40 parce qu'ils se retrouvent dans une situation bloquée,
30:42 parce qu'ils se retrouvent dans une situation d'exclusion.
30:45 Et que la politique devrait être l'inversion de cela.
30:49 Et elle devrait être faite pour eux.
30:51 Et donc oui c'est une question majeure.
30:53 Moi vous pensez que ça ne travaille pas tout le temps
30:56 de voir dans tous les sondages les uns après les autres,
30:58 ces données qui disent que les ouvriers en France,
31:01 soit ils s'abstiennent, soit ils votent majoritairement pour le rassemblement national.
31:05 Dans les solutions que vous aviez défendues dans la première partie du grand jury,
31:09 c'était notamment des investissements massifs de la part de l'Europe,
31:13 que ça soit pour la transition écologique ou pour l'industrie.
31:17 Et votre solution pour trouver de l'argent...
31:19 Les deux sont liés, transition écologique et industrie.
31:21 Et les deux pour... Votre solution pour financer tout ça,
31:26 c'est de taxer les super riches.
31:28 Alors les 0,1% des plus riches,
31:31 et puis également de taxer les super profits.
31:35 La mise en place de cette taxe au niveau européen,
31:39 ça rapporterait combien ?
31:41 Parce que des taxes sur les riches,
31:43 notamment le gouvernement a essayé récemment d'en faire sur les super profits,
31:48 ça n'a pas du tout rapporté ce qui était attendu.
31:50 Ils ont transposé la directive européenne sur la taxation des super profits,
31:54 de telle manière qu'en réalité,
31:56 elle apporte finalement un PQ extrêmement limité.
32:00 Ils attendaient 12 milliards, ça a été 300 millions à la fin.
32:03 300 millions, exactement.
32:04 Et selon tous les fiscalistes et les experts de la Commission européenne,
32:07 si ça avait été appliqué différemment en France,
32:09 s'il n'y avait pas eu tous ces cadeaux offerts aux grandes entreprises,
32:13 et bien ça aurait rapporté 10 fois plus au minimum.
32:16 Vous dites que c'était volontaire de la part du gouvernement français ?
32:19 C'était volontaire, en tout cas c'était un échec de plus.
32:21 Mais la taxation sur les plus hauts patrimoines à l'échelle du continent européen,
32:25 selon les experts européens qui ont travaillé avec nous,
32:28 ça rapporterait jusqu'à 200 milliards à l'échelle du continent.
32:32 Et aujourd'hui on est dans une situation, si vous voulez,
32:35 où on a un problème budgétaire,
32:38 le gouvernement s'attaque directement aux droits des chômeurs
32:42 pour répondre à une question budgétaire,
32:44 et nous ce que nous proposons, c'est au contraire,
32:46 de déporter la question à l'échelle européenne
32:48 pour construire des solidarités fiscales.
32:50 Aujourd'hui, ce n'est pas taxer les riches, comme vous dites,
32:53 c'est taxer les multimillionnaires et les milliardaires,
32:57 qui sont aujourd'hui ceux qui ont un taux d'imposition réel sur leur patrimoine
33:00 le plus faible, les ultra-riches, si vous voulez.
33:03 Et ce que je veux dire ici, c'est que,
33:06 à l'origine de cette initiative citoyenne européenne
33:09 que nous avons lancée avec nos amis sociodémocrates,
33:12 avec ma collègue, eurodéputée de place publique,
33:14 Aurore Laluc, à l'échelle du continent européen,
33:16 eh bien, il y a, comme premier signataire,
33:19 des multimillionnaires qui disent
33:22 "Nous voulons payer notre juste dû à la solidarité de nos sociétés".
33:26 Bruno Le Maire, le ministre de l'économie,
33:29 lui aussi, il souhaite taxer les milliardaires à l'échelle internationale.
33:32 Vous êtes d'accord, finalement ?
33:34 Alors, on a un projet européen.
33:36 A chaque fois, les représentants de Bruno Le Maire,
33:38 c'est-à-dire de la majorité présidentielle au Parlement européen,
33:40 votent contre les amendements que notre groupe dépose
33:43 sur cette taxation des ultra-riches à l'échelle européenne.
33:46 Donc, repousser la chose en disant
33:48 "Il faut un impôt mondial sur les plus riches",
33:51 pourquoi pas ? C'est tout à fait bien.
33:53 Mais c'est très lointain.
33:55 Et nous, ce que nous proposons, c'est de le faire
33:57 dans un endroit où nous avons la main,
33:59 c'est-à-dire à l'échelle du continent européen.
34:02 Vous vous dites "C'est pas symbolique, c'est 200 milliards d'euros",
34:05 mais ça donne quand même le sentiment
34:07 que vous refaites un peu le coup de François Hollande en 2012,
34:10 qui avait dit "Mon ennemi, c'est la finance",
34:12 et qui a taxé à 75% les plus riches.
34:14 Est-ce que ce n'est pas non plus très électoraliste,
34:17 ce que vous proposez ?
34:18 Ce n'est pas électoraliste, puisqu'on l'avait lancé
34:20 bien avant la campagne électorale,
34:21 et c'est un projet qu'on porte depuis toute la mandature.
34:24 De la même manière que s'il y a des taxations
34:26 sur les super-profits que le gouvernement français,
34:28 comme vous avez souligné, n'est pas capable
34:30 de traduire de manière efficace en France,
34:32 s'il y a cette taxation sur les super-profits
34:34 qui sont, on peut le dire, des profits de guerre,
34:36 puisqu'ils sont liés à la guerre en Ukraine,
34:38 c'est grâce à notre groupe,
34:40 parce que nous avons travaillé dessus à l'échelle européenne
34:42 de manière invincible.
34:44 Et donc, ce que je veux dire, c'est qu'en fait,
34:46 ce n'est pas du tout électoraliste, c'est un projet de société.
34:48 Est-ce que vous trouvez normal que 67 milliards de dividendes
34:51 soient versés par les entreprises du CAC 40,
34:53 que chaque année on batte un record,
34:55 et que dans le même temps, il y a 3000 enfants
34:56 qui dorment dans les rues ?
34:57 Est-ce que vous trouvez normal qu'on s'attaque
34:59 aux droits des chômeurs, quand dans le même temps,
35:01 on peut constater, tous les fiscalistes le disent,
35:03 que les dividendes versés aux actionnaires
35:06 sont moins taxés que le travail.
35:09 Et donc, nous, on veut moins de taxes sur le travail
35:12 que sur les dividendes.
35:13 Ça nous semble absolument logique.
35:15 Ce n'est pas ce qui est fait aujourd'hui.
35:17 Et d'ailleurs, ce n'est pas la seule source de financement
35:20 de tous ces projets.
35:22 Il y a aussi ce qu'on a montré pendant la pandémie,
35:24 c'est-à-dire cette capacité d'endettement mutuel,
35:27 et notamment sur les questions d'industrie de la défense,
35:29 c'est la piste qui est creusée par la Commission européenne
35:31 sous l'impulsion de notre groupe et de Thierry Breton,
35:34 et nous, nous soutenons cela de manière résolue.
35:37 Ce que je veux dire pour conclure,
35:39 c'est que c'est une question à la fois de crédibilité,
35:42 de réalisme, quand les démocraties sont en crise,
35:45 quand elles sont face à une situation de guerre,
35:47 quel est leur mécanisme d'autodéfense ?
35:50 C'est d'assurer la solidarité à l'intérieur de nos nations.
35:53 C'est d'assurer la solidarité au sein des démocraties.
35:56 Un conservateur comme Churchill l'avait compris
35:59 pendant la Deuxième Guerre mondiale,
36:00 puisqu'il a créé la NHS, c'est-à-dire la Sécurité sociale anglaise.
36:04 Et donc, ce que je veux dire, c'est que c'est du réalisme.
36:07 Si on veut que nos démocraties tiennent,
36:09 il faut qu'on rétablisse des solidarités en leur sein.
36:12 Ce n'est pas une lubie de se dire...
36:15 - Créer des nouveaux impôts, ça peut être parfois une lubie de gauche.
36:18 - Mais ce n'est pas des impôts qui viseront les classes moyennes européennes.
36:22 Ce n'est pas des impôts...
36:24 - C'est un peu la solution magique.
36:27 - Et ce n'est même pas quelque chose qui est contre les riches.
36:29 C'est simplement une mesure contre l'injustice
36:32 et une mesure pour l'efficacité.
36:34 Aujourd'hui, le fait est que les multimillionnaires et les milliardaires
36:39 ont un taux d'imposition sur leur fortune
36:41 qui est bien moindre que la moyenne des citoyens européens.
36:44 Et c'est pour mettre fin à cette injustice
36:46 que nous proposons ce que nous proposons.
36:48 Et je crois que ça emportera l'assentiment de millions et de millions
36:51 de citoyens et de citoyennes européennes,
36:53 qu'on le fera et que vous verrez,
36:55 ce sera en plus pour ces ultra-riches totalement indolorent.
36:59 - Vous évoquiez tout à l'heure quand vous parliez des usines,
37:02 la concurrence chinoise.
37:04 C'est quoi votre solution pour faire face à cette concurrence chinoise ?
37:08 - C'est la mise en place d'instruments commerciaux.
37:10 Moi, pendant tout mon mandat, je me suis battu
37:14 pour qu'on mette en place un instrument commercial simple
37:17 qui est le bannissement des produits de l'esclavage de nos marchés.
37:20 Ça a commencé par une grande mobilisation
37:22 de centaines de milliers de citoyennes et de citoyens français,
37:24 en particulier des jeunes, sur la question de la réduction...
37:26 - Mais la question de la concurrence avec la Chine,
37:28 elle va au-delà de la question des Ouïghours.
37:30 - Je vais y venir. Ce n'est pas simplement la question des Ouïghours.
37:32 C'est la question d'une concurrence fondamentalement déloyale.
37:34 Vous savez aujourd'hui pourquoi on a une faillite totale
37:38 de tous nos producteurs de panneaux photovoltaïques ?
37:41 Pourquoi ? Parce qu'on a laissé ces champions
37:43 se faire ratiboiser par une concurrence chinoise
37:45 absolument déloyale. Qui est reposée sur quoi ?
37:48 L'esclavage des Ouïghours dans la production de polysilicium.
37:50 A 97% des subventions massives à la production chinoise
37:55 et une stratégie de vente à perte en Europe.
37:58 On a laissé faire cela par naïveté et par fictice.
38:01 - Vous savez aussi qu'on est dans une dépendance avec la Chine
38:03 sur un certain nombre de sujets.
38:05 - Mais il faut sortir de cette dépendance.
38:07 - Qu'est-ce que vous proposez ? C'est d'augmenter les droits de douane ?
38:09 - Non, c'est de bannir les produits de l'esclavage.
38:11 C'est d'augmenter ce qui a été mis en place,
38:13 le mécanisme d'ajustement carbone à nos frontières.
38:15 Et c'est donc ensuite de développer une politique
38:19 de soutien à nos productions.
38:21 Par exemple, nous nous proposons un "Buy European Act".
38:24 C'est-à-dire de réserver la commande publique européenne
38:28 aux producteurs européens.
38:30 - Vous savez que la Chine menace de rétorsions commerciales
38:33 vis-à-vis de cela et qu'on est très dépendants
38:37 vis-à-vis d'un certain nombre de produits.
38:39 - La Chine a tout intérêt à ce que nous ne fassions rien
38:41 parce que là nous allons creuser notre tombe
38:43 dans des dépendances absolues.
38:45 Mais les rétorsions commerciales arriveront de toute manière
38:47 à chaque fois que nous voudrons reprendre notre souveraineté
38:49 que nous avons volontairement perdu.
38:51 - Vous menacez d'autres secteurs.
38:53 - Le secteur du luxe...
38:55 - Laissez-moi vous faire une expérience.
38:57 Vous avez vu à quel point ça a été difficile
38:59 de s'émanciper du gaz et du pétrole russe.
39:02 Faites une expérience.
39:04 Il y a une crise géopolitique majeure avec la Chine.
39:06 Ils envahissent Taïwan, c'est du domaine du possible.
39:08 Ça entraîne des sanctions européennes
39:10 et une crise géopolitique majeure.
39:12 La Chine décide de cesser ses approvisionnements
39:15 dans les secteurs stratégiques.
39:16 Nos économies s'effondrent
39:18 parce que nous avons laissé un pacte faustien s'établir
39:22 entre les plus grands groupes européens
39:24 qui ont délocalisé leur production en Chine
39:26 pour augmenter leurs marges
39:28 et qui nous ont laissé dans une dépendance totale.
39:30 - Vous pensez qu'on a des moyens de partir dans une guerre
39:32 commerciale aujourd'hui avec la Chine ?
39:34 - Il ne s'agit pas de partir dans une guerre commerciale
39:36 avec la Chine.
39:37 Il s'agit d'établir des instruments qui sont universels.
39:39 Ils ne visent pas spécifiquement la Chine
39:41 même si le principal résultat sera
39:43 la limitation des importations chinoises
39:45 et de récupérer notre souveraineté.
39:46 Vous voulez que ce qui est arrivé aux photovoltaïques européens
39:49 arrive aussi à l'éolien, aux batteries,
39:51 à l'ensemble des technologies éthiques ?
39:53 Parce que c'est ça qui est en train de se passer.
39:55 C'est ça qui est en train de se passer.
39:57 Nous sommes aujourd'hui totalement dépendants
40:00 de la Chine, du régime communiste chinois
40:03 dont les intérêts et les principes sont hostiles
40:06 aux intérêts et aux principes de notre démocratie
40:08 dans tous les secteurs stratégiques de notre économie.
40:10 Est-ce que c'est réaliste ?
40:12 Moi je vous dis que ce n'est pas réaliste.
40:14 Et je sais que mon activisme sur cette question
40:16 pour protéger à la fois les droits humains
40:18 et nos producteurs
40:19 m'a valu d'être sanctionné par le régime communiste chinois.
40:23 Je suis un des dix Européens
40:25 qui a été sanctionné par le régime communiste chinois.
40:27 Quel type de sanctions ?
40:28 Interdiction d'aller en Chine,
40:29 interdiction de toute forme de contact pour moi
40:31 ou ma famille avec le moindre officiel chinois
40:33 y compris des universités ou des think tanks.
40:35 Donc c'est un brevet de votre résistance ?
40:37 Non mais c'est le brevet pour les gens qui se battent
40:41 pour qu'on récupère de la souveraineté.
40:43 Aujourd'hui nous sommes dépendants.
40:46 Et être dépendant c'est le contraire d'être libre.
40:49 Je ne dis pas qu'il ne faut plus commercer avec la Chine.
40:51 Ce que j'explique c'est qu'on ne peut pas dépendre
40:54 dans des secteurs qui définissent notre survie
40:57 d'un régime comme le régime chinois.
40:59 Et qu'on ne peut pas exposer nos productions.
41:01 Tout l'argent que vous allez investir dans les industries,
41:04 si vous ne filtrez pas ce qui rentre sur notre marché,
41:07 ça sera de l'argent investi dans un panier percé.
41:10 Et franchement pourquoi nous serions les derniers sur Terre
41:13 à être naïfs ?
41:14 Pourquoi nous sommes les derniers sur Terre
41:16 à ne pas assumer de protéger les intérêts européens ?
41:19 Parce que les Américains ont décidé de le faire
41:22 parce qu'ils avaient vu que la désindustrialisation
41:24 des Etats-Unis au profit des Chinois
41:26 était une catastrophe pour leur sécurité.
41:28 Et nous, c'est une catastrophe pour notre sécurité aussi,
41:31 mais nous n'avons pas le courage politique de le faire.
41:34 Et donc il faut qu'on se réveille.
41:36 Et c'est pour ça qu'on a appelé notre liste "Réveiller l'Europe"
41:38 parce qu'en fait c'est des décisions assez simples,
41:40 qui auront des conséquences mais qui sont vitales
41:43 pour l'avenir de nos nations.
41:44 - Pour parler à présent de la menace russe,
41:46 vous pensez que l'Europe peut s'engager jusqu'où ?
41:49 Dans la guerre en Ukraine,
41:51 jusqu'à l'envoi de troupes françaises,
41:53 ça a été l'un des débats de ces dernières semaines.
41:55 Est-ce que vous êtes un "vat en guerre" ?
41:57 - Le "vat en guerre" c'est Vladimir Poutine.
42:00 Et moi je le dénonce ce "vat en guerre" depuis 20 ans.
42:03 Et j'étais seul, ou presque seul,
42:05 à expliquer au moment par exemple de l'invasion de la Géorgie
42:09 qui a été démembrée par les troupes de Poutine
42:12 qu'en 2008, que c'était un danger
42:14 pas simplement pour la Géorgie,
42:15 mais que c'était un danger pour l'Europe,
42:17 ce qui était en train de se construire à Moscou.
42:19 Et ensuite en 2014, quand il y a eu l'annexion de la Crimea...
42:21 - En l'occurrence la France était intervenue à cette époque-là.
42:23 - Non, la France était intervenue pour, in fine,
42:26 avaliser l'annexion par la Russie, le démembrant,
42:30 et vendre des armes à la Russie
42:32 dans la foulée de l'invasion de la Géorgie.
42:34 Je ne sais pas si vous vous souvenez de l'épisode des Mistrals,
42:36 des bateaux d'invasion,
42:37 et heureusement d'ailleurs que François Hollande
42:39 les a annulés, ces ventes,
42:40 sinon ils auraient été utilisés pour envahir Odessa.
42:42 - Pour revenir à la situation actuelle,
42:44 quel serait finalement le point de bascule
42:46 qui ferait, selon vous, qui nous obligerait
42:48 à engager des troupes françaises en Ukraine ?
42:50 - Ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui,
42:52 nous ne faisons pas ce qu'il faut
42:54 pour que ce moment n'arrive jamais.
42:56 Et donc, ce débat-là...
42:58 - Vous disiez, on ne produit pas suffisamment d'armement,
43:00 et on n'a globalement pas de finances pour financer cette guerre.
43:02 - On n'est pas capables, aujourd'hui,
43:04 parce qu'on a tardé depuis deux ans,
43:07 depuis vingt ans, mais depuis deux ans,
43:09 à relancer notre production,
43:11 on n'est pas capables d'aider les Ukrainiens à résister.
43:13 Ce que les Ukrainiens nous demandent,
43:15 ce ne sont pas des troupes françaises,
43:17 ce ne sont pas des troupes américaines ou anglaises.
43:19 - Ce sont des armes qu'on ne produit pas.
43:21 - Ce sont des armes pour leurs troupes,
43:23 parce qu'aujourd'hui, ce sont les soldats ukrainiens,
43:25 sur le front, qui sont la première ligne de défense des européens.
43:28 Et ce que je veux dire aux Françaises et aux Français qui nous écoutent,
43:31 c'est que ce n'est pas simplement là
43:33 un enjeu de solidarité avec un peuple
43:35 qui veut sa liberté,
43:37 c'est notre propre sécurité qui est en jeu.
43:39 Et chaque euro qu'on investit dans la résistance ukrainienne,
43:42 c'est un euro qu'on investit dans notre propre sécurité.
43:44 Parce que Vladimir Poutine, sa guerre,
43:46 elle ne vise pas le Donbass ou la Crimée,
43:48 ce n'est pas une guerre pour des territoires ukrainiens,
43:50 elle vise nos démocraties.
43:52 Moi, j'ai présidé au Parlement européen,
43:54 pendant tout mon mandat,
43:56 la commission spéciale sur les ingérences étrangères
43:58 dans nos démocraties.
44:00 J'ai analysé méthodiquement la guerre hybride
44:02 que Vladimir Poutine mène contre nos démocraties.
44:04 Et quand il attaque, quand ses cyber
44:06 hackers
44:08 attaquent l'hôpital de Corbeil-Esson,
44:10 pas loin d'ici,
44:12 et que les médecins français n'ont plus accès
44:14 aux dossiers médicaux des patients français,
44:16 ça ne se passe pas en Ukraine, ça se passe en France.
44:18 Quand il envoie des agents moldaves
44:20 taguer des étoiles de David sur les murs de nos rues
44:22 juste après le 7 octobre,
44:24 pour créer une atmosphère de guerre civile dans notre pays,
44:26 entre juifs et arabes, ça ne se passe pas en Ukraine,
44:28 ça se passe en France.
44:30 - Pour ça, ce sont les agences étrangères que vous craignez,
44:32 des Russes, des Chinois également ?
44:34 Les Qataris aussi ?
44:36 Eh bien, moi, ce que je veux, c'est qu'on arrête
44:38 de faire en sorte que nos démocraties
44:40 soient traitées par des régimes autoritaires
44:42 comme des serpillères.
44:44 Vous savez que dans le 13e arrondissement de Paris,
44:46 il y a un commissariat secret chinois qui s'est installé
44:48 sans réaction, et que cela,
44:50 ce n'est plus possible. Que des opposants
44:52 russes ont été assassinés
44:54 sur notre sol, alors qu'ils étaient sous notre
44:56 protection, en Europe.
44:58 Que, finalement, nos débats publics
45:00 ont été manipulés par des
45:02 fermatrolles et des stratégies
45:04 qui sont des stratégies qui mettent
45:06 le chaos dans nos démocraties. Vous savez, moi, j'ai
45:08 analysé comment en Espagne, pour prendre un exemple
45:10 qui n'est pas français, en Espagne,
45:12 la stratégie des Russes a été de soutenir
45:14 en même temps les ultra-indépendantistes
45:16 catalans les plus radicaux
45:18 et les ultra-nationalistes castillans de Vox,
45:20 c'est-à-dire les deux pôles les plus opposés du débat.
45:22 Et quel était le but ? Eh bien,
45:24 de créer le chaos dans la démocratie
45:26 espagnole. - Vous venez quitter le
45:28 réseau social TikTok, vous venez
45:30 de le quitter, vous avez 60 000 abonnés
45:32 environ, c'est par crainte, justement, de ces
45:34 ingérences chinoises ? - Moi, j'ai
45:36 des abonnés, mais j'ai surtout des principes.
45:38 Et donc, bien sûr qu'on m'a dit
45:40 "mais avant une campagne électorale, pourquoi quitter un réseau
45:42 social ?" Mais quand la présence
45:44 sur ce réseau social, qui permet
45:46 des ingérences massives, où
45:48 on n'a aucune certitude
45:50 sur le siphonnage des données par
45:52 le parti communiste chinois,
45:54 eh bien, ma présence devenait
45:56 impossible, et je préfère sacrifier
45:58 l'audience que ça constitue,
46:00 plutôt que de sacrifier ma cohérence et mes principes.
46:02 Et je vais vous dire une chose, moi j'en ai marre
46:04 de ce double standard. La Commission européenne
46:06 nous a dit,
46:08 à nous députés, aux membres de la
46:10 commission, aux fonctionnaires de la commission,
46:12 qu'ils n'avaient plus le droit d'avoir TikTok sur tous
46:14 les ordinateurs ou les iPads ou
46:16 les téléphones qui sont liés aux institutions.
46:18 Parce qu'il y avait un risque majeur
46:20 pour notre sécurité, pour la sécurité
46:22 de ces institutions. Et on laisse
46:24 le reste des citoyens
46:26 comme ça, complètement sans
46:28 protection. Et donc ce que je demande,
46:30 et ce que je poserai comme acte au premier
46:32 jour de notre mandat, c'est une
46:34 commission d'enquête sur TikTok.
46:36 Sur la manière dont TikTok permet des ingérences
46:38 dans nos sociétés, et le bouleversement
46:40 de notre débat public. Et ça,
46:42 c'est quelque chose que j'aimerais qu'on comprenne, c'est que
46:44 la démocratie est fragile.
46:46 Donc si on laisse
46:48 des forces hostiles, qui d'ailleurs ont banni
46:50 TikTok chez eux,
46:52 cet algorithme, les Chinois n'en veulent pas
46:54 dans leur propre pays, parce qu'ils savent la puissance
46:56 de déstabilisation. Et donc si on laisse
46:58 des régimes autoritaires
47:00 avancer, comme dans du beurre
47:02 dans nos démocraties, nos démocraties vont s'effondrer.
47:04 Il faut qu'on soit capable de se défendre, il faut que la
47:06 démocratie ne rime plus avec la faiblesse.
47:08 Il faut que l'Europe ne rime plus
47:10 avec l'impotence. - Une question sur la situation au
47:12 Proche-Orient, Claire Canvit. - Oui, Raphaël Glucksmann.
47:14 La France insoumise, les communistes
47:16 et les écologistes accusent régulièrement Israël
47:18 d'apartheid ou de génocide.
47:20 Ce sont des termes que vous, vous refusez
47:22 d'employer, pourquoi ?
47:24 - Parce que, moi, ce que je veux,
47:26 c'est que le carnage s'arrête.
47:28 Et donc je fais quoi ? Je fais pression
47:30 avec mon groupe,
47:32 avec les députés européens qui se
47:34 joignent à nous, pour qu'on ait des
47:36 mesures concrètes de pression sur le gouvernement
47:38 Netanyahou. L'enjeu principal,
47:40 c'est d'arrêter,
47:42 d'arrêter ce carnage. Et donc
47:44 il faut la suspension
47:46 de l'accord d'association avec Israël. Il faut
47:48 qu'enfin nos paroles soient suivies d'actes.
47:50 Et donc, les termes, moi j'ai une
47:52 double attention. - Cet accord, attendez,
47:54 ça veut dire quoi ? Qu'est-ce
47:56 qu'il comprend ? - Déjà, il comprend une clause
47:58 droit-humain. C'est un accord d'association,
48:00 donc de coopération, il compose une
48:02 clause, il comporte une clause droit-humain.
48:04 Et cette clause droit-humain doit être activée, parce que
48:06 ce qui se passe en ce moment
48:08 à Rafa et à Gaza est proprement
48:10 inacceptable. - Et sur des
48:12 rétorsions économiques, ou
48:14 sur ça, là-dessus,
48:16 il faut aussi agir ? - Il faut utiliser
48:18 tous les moyens qui sont à notre disposition. - Mais vous êtes favorable
48:20 à ça ? - Je suis favorable à ça,
48:22 parce qu'il faut que nos paroles soient crédibles.
48:24 Quand on appelle à un cessez-le-feu, il faut
48:26 que derrière, on puisse mettre sur
48:28 la table des moyens de faire respecter
48:30 notre parole. Et sur la question du génocide, moi j'ai une double
48:32 attention
48:34 à la question du génocide. Et je reprends
48:36 à mon compte les termes qui ont été posés
48:38 par la Cour internationale de justice.
48:40 J'ai une attention particulière à tous les
48:42 signes annonciateurs. Et donc
48:44 il y a un risque de génocide,
48:46 a dit la Cour internationale de justice,
48:48 et il est du devoir du gouvernement
48:50 israélien et de l'ensemble
48:52 des acteurs de la communauté internationale de prévenir
48:54 ce risque. Voilà le langage
48:56 du droit international. Voilà le
48:58 langage de la responsabilité
49:00 et de l'humanisme. Mais j'ai aussi
49:02 une attention particulière aux termes
49:04 de génocide lui-même. Vous savez,
49:06 moi j'ai été
49:08 au Rwanda, déterrer
49:10 des cadavres dans les fausses communes et travailler pendant des années
49:12 sur le génocide des Tutsis du Rwanda.
49:14 Et ce que je veux dire
49:16 c'est que ce mot,
49:18 ce terme, je ne l'utilise
49:20 pas facilement.
49:22 Je ne l'ai pas utilisé
49:24 dans toute ma mobilisation sur la question
49:26 de la Syrie et des 500 000 morts
49:28 en Syrie tués par Bachar
49:30 et l'Assad. Je ne l'ai pas utilisé non plus sur l'Ukraine
49:32 et vous ne pouvez pas questionner mon engagement
49:34 auprès des Ukrainiens, même après Boucha,
49:36 même après Yerkin. Et donc
49:38 ma double attention me conduit
49:40 à épouser le droit international
49:42 et la Cour internationale de justice.
49:44 - Et entre toutes ces critiques que la France insoumise
49:46 notamment vous fait, cette critique
49:48 de Jean-Luc Mélenchon qui vous accuse de
49:50 déshumaniser les Palestiniens, est-ce que vous percevez
49:52 derrière tous ces propos des relents
49:54 antisémites de la part de la France insoumise ?
49:56 - Je n'ai pas un père-m'entend sur ces critiques
49:58 de la France insoumise. Nous, nous n'avons pas
50:00 bégayé pour condamner
50:02 l'attentat terroriste ignoble
50:04 du 7 octobre et qualifier le Hamas
50:06 d'organisation terroriste.
50:08 Et nous n'avons pas bégayé
50:10 pour condamner la réduction au cendre
50:12 de la bande de Gaza. Et nous ne bégayons pas
50:14 et nous n'avons pas de poids de mesure.
50:16 Et nous ne bégayons pas quand il s'agit
50:18 de défendre les droits humains et le droit international.
50:20 - Donc Jean-Luc Mélenchon n'est pas clair ?
50:22 Sur ces sujets-là ?
50:24 Ou en tout cas il peut y avoir...
50:26 - Vous savez, moi mon problème n'est pas Jean-Luc Mélenchon.
50:28 Je remarque qu'il parle beaucoup de nous,
50:30 qu'il parle beaucoup de moi,
50:32 et que moi je parle beaucoup d'Europe, de démocratie.
50:34 Les divergences, je les assume,
50:36 elles sont ultra claires pour tout le monde.
50:38 Pour nous notre cap, il est clair.
50:40 La gauche de Jacques Delors et de Robert Badinter
50:42 n'est pas morte, elle est là,
50:44 elle est en dynamique et elle défendra le projet européen
50:46 et elle assumera la démocratie, la solidarité,
50:48 la transformation écologique jusqu'au bout.
50:50 - Merci beaucoup, merci Raphaël Glucksmann
50:52 pour ce grand jury.
50:54 A dimanche prochain, bon dimanche à tous.
50:56 [SILENCE]