• il y a 11 mois
La secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier explique son soutient au mouvement de colère du monde agricole, qu'on présent pourtant souvent comme opposé aux idées écologistes. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-29-janvier-2024-3788159

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00:00 7h48, et bien tiens Sonia De Viller, votre invitée ce matin est secrétaire nationale des écologistes
00:07 et conseillère régionale EELV des Hauts-de-France.
00:12 Gabriel Attal n'a pas hésité à désigner les écologistes comme ennemis du monde paysan.
00:17 Pour lui répondre, ce matin, 50 organisations écologistes se joignent à la mobilisation des agriculteurs
00:22 dont ils affirment ne pas être les adversaires.
00:25 Seulement voilà qu'on parle pesticides, gazole ou encore mégabassines,
00:28 tous ces gens s'opposent parfois catégoriquement.
00:30 Alors les imaginer tous ensemble sur un tracteur, il y a de quoi en perdre son latin.
00:35 Bonjour Marine Tondelier.
00:36 Bonjour.
00:37 Les Amis de la Terre, Greenpeace, Extinction Rebellion,
00:41 main dans la main avec les céréaliers d'Ile-de-France, ça vous semble cohérent ?
00:45 Oui, totalement.
00:47 Je ne vois même pas ce qui vous étonne.
00:48 Le premier candidat écologiste à la présidentielle, c'était il y a pile 50 ans, en 1974,
00:53 René Dumont était ingénieur agronome.
00:55 Et c'est parce qu'il était ingénieur agronome qu'en étudiant cette science de l'agriculture,
00:59 il était venu à l'écologie.
01:00 Ça lui paraissait logique que si on ne protégeait pas les sols, que si on ne protégeait pas l'eau,
01:04 alors on ne pouvait pas protéger l'agriculture.
01:07 Et dans les premiers moments de ce mouvement de colère agricole,
01:10 il y a eu un sondage qui a été fait, 84% des sympathisants des écologistes
01:14 soutenaient spontanément le mouvement.
01:16 Alors pas en 1974, aujourd'hui.
01:17 Aujourd'hui. Et c'est logique parce que ça fait des années, des décennies,
01:20 que pied à pied, agriculteurs et écologistes ensemble combattent sur des sujets,
01:25 contre les traités de libre-échange, de manière constante,
01:28 seuls au départ, nous avons dit que ce n'était pas possible.
01:32 Sur l'histoire de préserver les terres agricoles,
01:34 des entrepôts logistiques et autres, ça fait des années qu'on se bat ensemble.
01:37 Sur l'histoire de mettre des produits locaux dans les cantines,
01:40 c'est les maires écologistes qui sont en pointe là-dessus.
01:43 Et si tout le monde faisait comme dans les villes écolo,
01:45 on en serait peut-être pas là, c'est 3,4 milliards de repas chaque année.
01:48 - Les discours et les revendications de la FNSEA et de la coordination rurale,
01:52 syndicats du monde agricole, sont-ils compatibles avec ces collectifs écologistes ?
01:57 - Je pense qu'on a beaucoup de combats convergents,
01:59 et notamment celui sur le partage de la valeur.
02:01 On n'est pas d'accord sur tout. Et peut-être que dans notre histoire,
02:04 il y a eu des préjugés mutuels entre les agriculteurs et les écologistes.
02:07 Et qu'on n'est pas d'accord sur le rythme auquel il faut aller.
02:10 Mais vous savez, moi je discute depuis des années,
02:12 bien avant d'être secrétaire nationale des écolos, avec beaucoup d'agriculteurs.
02:16 Personne ne réfute le fait que c'est un problème,
02:18 que 60% des oiseaux des champs aient disparu en 40 ans.
02:22 Personne ne réfute que c'est un problème, que les pesticides rendent malades
02:26 les riverains, les français, mais aussi les agriculteurs.
02:28 Ils le savent. Le problème de base, c'est le problème du revenu.
02:31 S'il n'y avait pas autant de problèmes de revenus,
02:33 18% des agriculteurs vivent en dessous du seuil de pauvreté.
02:36 Alors ils seraient prêts à faire des efforts sur autre chose.
02:38 Quand on est étranglé, on ne peut pas. C'est aussi simple que ça.
02:41 - Mais la coordination rurale, vous avez personnellement menacé,
02:44 vous avez réservé un accueil, un comité d'accueil...
02:47 - Des militants d'extrême droite, du Lot et Garonne,
02:49 dont chacun a bien vu depuis quelques jours qu'ils n'étaient peut-être pas
02:51 dans la ligne de tout le reste des agriculteurs de France.
02:53 Et ce n'est pas grave, j'y suis allée quand même.
02:55 Voilà, qu'est-ce que je veux que je vous dise ?
02:57 On n'est pas d'accord avec tout le monde,
02:58 mais les écolos sont aux côtés des agriculteurs.
03:01 Et je vais même vous dire, tous les consommateurs devraient l'être.
03:03 Parce qu'aujourd'hui, quand vous achetez un litre de lait Lactalis,
03:06 vous payez 1,26€. Sauf que l'agriculteur, il est payé à peine 40 centimes.
03:11 Lactalis achetait les 1 000 litres de lait 455€ il y a un an,
03:15 aujourd'hui c'est 405€.
03:17 Et donc il y a 80 centimes de marge, on ne sait pas où ils vont.
03:19 Mais en fait on sait, les 3 frères Lactalis, c'est 43 milliards de fortune.
03:23 C'est ce que gagnerait un éleveur bovin en 2 500 000 années.
03:27 Comment voulez-vous que ça se passe bien ?
03:29 Et donc évidemment, quand les gens sont étranglés financièrement,
03:31 font l'objet de mépris, sont pas reconnus dans leur travail,
03:34 alors qu'ils nous nourrissent, qu'ils façonnent nos paysages.
03:36 Et à la fin, vous leur dites "on va vous rajouter des exigences,
03:39 des papiers, des normes, et puis on va dire que c'est vous le problème".
03:41 Évidemment qu'ils se révoltent. Et je vais vous dire, si les profs,
03:44 si les infirmières, si les AESH, si tous ces métiers avaient des tracteurs,
03:48 sans doute auraient-ils aussi bloqué Paris depuis longtemps.
03:50 Et alors pour calmer justement la colère du monde paysan,
03:53 Gabriel Attal, il commence par annoncer quoi ?
03:55 L'annulation de la hausse de la taxe sur le gazole non routier.
03:59 Ça a bien marché, ça a bien mis fin au mouvement.
04:01 Non mais d'accord, mais c'est pas ça le problème.
04:04 Le retour d'une fiscalité brune, ça montre bien quand même que
04:07 vous ne convergez pas dans vos luttes et vos combats.
04:11 Ce que ça montre, c'est que l'écologie n'est pas acceptable,
04:14 et ne le sera jamais, socialement, si elle n'est pas juste.
04:17 Quand vous dites à un agriculteur qui a besoin de son carburant pour aller travailler,
04:20 que vous allez taxer plus, il ne peut pas avoir recours à autre chose.
04:24 Une fiscalité incitative, c'est quand vous dites "je taxe les cigarettes,
04:27 les gens vont arrêter de fumer. Je taxe les voitures,
04:30 des gens qui habitent en centre-ville, ils vont prendre le métro".
04:32 L'agriculteur, il ne va pas aller moissonner en vélo en fait.
04:35 Il a besoin de son tracteur, et la filière des tracteurs électriques, ça n'existe pas.
04:38 Et donc, tous les agriculteurs allaient être taxés 3 centimes le litre,
04:42 c'était 70 millions en tout de recettes,
04:44 et le gouvernement avait promis que ce serait réaffecté,
04:47 ces 70 millions aux agriculteurs. Sauf que quand on a été regarder de près,
04:50 ce sur quoi avait topé la FNSEA, c'était des contreparties
04:52 qui allaient bénéficier aux plus riches. Par exemple,
04:55 quand vous vendez votre ferme, vous avez une exonération de droit de succession
04:57 sur les 350 000 premiers euros, bah c'est la dette 450 000.
05:01 Mais qui vend 450 000 euros sa ferme ? Pas les petits.
05:03 Et donc, quand la FNSEA est revenue vers sa base,
05:06 la réalité, c'est qu'ils se sont fait jeter.
05:08 C'est ça, cette histoire. Bercy et FNSEA avaient topé
05:11 dans le dos de la majeure partie de la profession,
05:14 et ça ne pouvait pas fonctionner. L'écologie ne marchera jamais comme ça.
05:17 Ce n'est pas notre écologie, c'est l'écologie des macronistes.
05:19 Marine Tondelier, justement, à propos des macronistes,
05:21 quand Gabriel Attal désigne, s'en prend à ceux qui désignent les agriculteurs,
05:26 selon lui, parce que je reprends ces mots,
05:28 comme des bandits, comme des pollueurs de notaires,
05:30 comme des tortionnaires d'animaux,
05:32 qu'est-ce qu'il fait, Gabriel Attal ?
05:34 Premièrement, "bandit", vous savez ce que ça veut dire ?
05:36 Ça veut dire "homme malhonnête et sans scrupule".
05:38 J'en connais pas chez les agriculteurs,
05:40 j'en vois par contre quelques-uns au gouvernement.
05:42 Donc si c'est ça qu'ils cherchent, ils savent où les trouver.
05:44 Et puis, on voit bien ce qu'il fait.
05:46 Il n'a pas de solution. Il ne sait plus quoi dire.
05:48 Et donc, comme c'est le cas des politiques depuis l'Antiquité,
05:50 quand ils ne savent plus quoi dire, ils choisissent un bouc émissaire.
05:53 Le principe du bouc émissaire, c'est que par nature,
05:55 il est innocent, donc moi ça me va,
05:57 et il y a bien qui cherchent à détourner l'attention,
05:59 mais c'est quand même pas nous qui sommes ministres de l'Agriculture.
06:01 Ça ne vous aura pas échappé.
06:03 Le modèle productiviste, l'impasse dans lequel est le secteur,
06:05 ce n'est pas nous qui l'avons mis en place.
06:07 Ça fait même plutôt quelques décennies qu'on le combat.
06:09 Donc je pense que sa manœuvre s'est vue un petit peu,
06:11 et très sincèrement, de la manonneté intellectuelle...
06:13 Vous vous êtes vue, Adéle Gabriel Attal ?
06:15 Non mais ça existe en politique.
06:17 Mais normalement, quand on est Premier ministre,
06:19 on élève un peu le niveau, donc oui c'est décevant.
06:21 Vous vous êtes vue ?
06:23 Ça s'est passé comment ?
06:25 Aucun intérêt pour la question environnementale,
06:27 totale incompréhension de la question sociale,
06:29 et pas que celle des agriculteurs.
06:31 On était avec Cyrille Chatelain,
06:33 Guillaume Gontard, qui sont présidents du groupe Écolo
06:35 à l'Assemblée Nationale et au Sénat,
06:37 et on est sortis en se disant,
06:39 c'est un échange poli, on lui a expliqué nos idées,
06:41 nous a expliqué les siennes,
06:43 on n'a quand même pas grand-chose à voir les uns avec les autres,
06:45 et c'est tout à notre honneur, je pense.
06:47 Vous soutenez la méthode,
06:49 pour le coup, des agriculteurs,
06:51 du monde paysan en colère.
06:53 Vous approuvez les saccages,
06:55 les feux, vous approuvez
06:57 le sanglier pendu
06:59 par les pieds, vous approuvez
07:01 les blocages de routes ?
07:03 A votre avis ? Tout ce qui touche aux vivants,
07:05 dans une lutte, est un problème.
07:07 Je ne vois pas ce que ça amène à la lutte d'aller pendre
07:09 et éventrer un sanglier en place publique,
07:11 sanglier qui n'est pour rien dans le manet des agriculteurs.
07:13 Je pense qu'on ne s'en prend pas au bâtiment public.
07:15 Parce que les agents de l'Adréal,
07:17 dont le futur bâtiment a été explosé
07:19 à Carcassonne,
07:21 je pense qu'on doit pouvoir travailler en sécurité dans ce pays
07:23 et ne pas être pris pour cible parce qu'on est agent de l'OFB,
07:25 de la DDTM ou
07:27 de l'Adréal, quel que soit le mal-être agricole.
07:29 Et puis les blocages, c'est une lutte.
07:31 Donc dans une lutte,
07:33 on a des moyens à sa disposition.
07:35 Moi je pense qu'il ne faut pas recourir à la violence
07:37 contre les personnes, qu'il ne faut pas recourir à la violence
07:39 contre les biens matériels, surtout
07:41 quand on répand des vissères dans toute la ville
07:43 comme ça a été fait à Jean. Je peux vous dire que
07:45 ceux qui nettoient, ce n'est pas des gens
07:47 dont les qualités de vie au travail
07:49 sont beaucoup plus amiables que celles des agriculteurs.
07:51 Par contre à un moment, il y a des manières
07:53 de se faire entendre et on voit qu'ils ont raison puisqu'on n'a jamais autant
07:55 parlé d'eux et ils obtiennent des choses
07:57 en ayant recours à ça. Peut-être que c'est ça
07:59 qu'on aurait dû faire pendant les retraites.
08:01 Et les deux militantes écologistes qui ont aspergé
08:03 la Joconde au Louvre hier matin
08:05 de soupe à la citrouille.
08:07 C'était du butternut déjà pour être exact.
08:09 Et puis
08:11 c'était la vitre de la Joconde.
08:13 Je tiens à signaler que c'est vraiment de la désobéissance
08:15 civile, c'est vraiment très très symbolique
08:17 comme action et ce n'est pas très grave.
08:19 Je note par contre qu'elles sont en garde à vue
08:21 depuis, qu'elles y sont toujours
08:23 à l'heure où je vous parle et donc on voit bien
08:25 un moment qu'aujourd'hui, si vous êtes agriculteur
08:27 et en colère, vous avez raison de l'être
08:29 et vous avez raison de lutter. Mais quand vous êtes jeunes
08:31 inquiets pour l'avenir du climat
08:33 et en fait c'est logique. On est
08:35 en 2024, les enfants qui naissent cette année
08:37 on ne sait pas leur garantir que la planète sera encore
08:39 habitable dans 30 ans. Et cette colère-là
08:41 elle est aussi légitime et tant qu'ils ne font pas
08:43 exploser l'Adriel de Carcassonne
08:45 ou qu'ils ne mettent pas le feu au centre des impôts
08:47 de Morlaix, je ne vois pas très bien le problème que ça pose.
08:49 Marine Tondelier, en octobre, vous avez réuni
08:51 vos troupes dans la Drôme et au site
08:53 d'un faux reporter, qui est plutôt
08:55 de votre bord, vous expliquez, jusqu'à
08:57 l'il y a quelques mois, la plupart des membres
08:59 Europe Écologie Les Verts qui passaient à la télé
09:01 habitaient à Paris entre Bastille et République.
09:03 On ne peut pas demander aux gens de se sentir représentés
09:05 par des personnes qui ne leur ressemblent
09:07 pas. C'est vrai. C'est un
09:09 des constats que j'ai fait en me présentant à la direction de ce parti
09:11 moi qui ai grandi dans le bassin minier du Pas-de-Calais
09:13 qui est une petite fille d'agriculteur.
09:15 Non, c'est juste que mécaniquement
09:17 ceux qui sont invités, souvent,
09:19 habitent à Paris parce que c'est plus pratique, que c'est eux
09:21 qui ont un peu l'audience des médias.
09:23 Et je peux vous dire que depuis que je suis secrétaire nationale
09:25 ça ne me régarde enlevé aux convictions écolos
09:27 des personnes qui habitent et qui sont élus
09:29 dans ces arrondissements, qui sont de vrais écolos
09:31 aussi, mais Marie Pochon qui est
09:33 fille et petite fille de viticulteur ouvrier agricole
09:35 on l'entend beaucoup plus, elle porte les questions agricoles
09:37 à l'Assemblée. Benoît Biteau, qui défend
09:39 la PAC et qui est lui-même éleveur en Charente
09:41 on l'entend beaucoup plus dans les médias. C'est un travail qu'on fait
09:43 collectivement et c'est extrêmement important
09:45 parce que ce mouvement est divers et il faut qu'on fasse valoir
09:47 toute cette diversité.
09:49 Merci à vous.

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