• il y a 7 mois
Après dix jours d’examens, parfois houleux, plus de 4.000 amendements, le projet de loi a été voté mardi après-midi à l’Assemblée nationale. Il suscite de vives critiques à gauche et chez les écologistes. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-29-mai-2024-8232200

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00:00 France Inter, le 7 décembre.
00:04 Et Sonia De Villers, votre invitée ce matin, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté
00:09 Alimentaire.
00:10 Bonjour Marc Fesneau.
00:11 Après 10 jours d'examen, parfois houleux, et plus de 4000 amendements, le projet de
00:15 loi d'orientation agricole a été voté hier après-midi à l'Assemblée.
00:19 Il suscite de vives critiques à gauche et chez les écologistes, quelques-unes à droite
00:22 aussi, on y reviendra.
00:23 Selon vous, cette loi répond-elle d'abord à l'énorme crise des agriculteurs au mois
00:26 de janvier qui a entraîné, on s'en souvient, manifs, barrages et destructions en tout genre.
00:31 Écoutez, la crise, on y a répondu dans l'urgence sur un certain nombre de mesures.
00:34 Je pense à la crise viticole, la crise de l'AMHE, la maladie hémorragique épisodique
00:39 qui touche les bovins.
00:40 On y a répondu par un certain nombre de mesures fiscales, on y a répondu par des mesures
00:44 sur l'agriculture biologique.
00:45 C'est plus de 600 millions d'euros qu'on a mis sur la table pour répondre à une crise
00:48 conjoncturelle souvent, structurelle parfois, je pense à la viticulture.
00:52 Deuxième élément, ce texte, il avait été préparé depuis une quinzaine de mois.
00:56 En amont de cette crise, sur un sujet central qui était pour nous le renouvellement des
01:00 générations.
01:01 Juste un chiffre, 40 à 50% des agriculteurs d'ici 2030 pourront partir à la retraite.
01:06 C'est 200 000 exploitations qui vont chercher un repreneur dans un contexte de crise et
01:10 dans un contexte aussi de trouver des outils.
01:13 Donc, ce texte, il a d'abord visé à répondre à ce sujet-là, le renouvellement des générations
01:17 et c'est du moyen et du long terme.
01:18 Deuxièmement, à répondre à des sujets de crise.
01:21 L'un des sujets de crise pour moi, il y avait deux sujets de crise au-delà des sujets
01:25 conjoncturels que j'ai évoqués, mais deux sujets principaux.
01:27 Un, le sens qu'on donne à l'agriculture.
01:29 C'est qu'est-ce qu'on attend des agriculteurs ? Et peut-être qu'on avait un peu perdu
01:32 le fil collectivement de qu'est-ce qu'on attendait, qu'est-ce qu'on veut avec des
01:36 injonctions contradictoires.
01:38 Et puis deux, les sujets de simplification.
01:39 Et c'est ça qui est venu s'adjoindre au texte.
01:41 Article 1, plutôt sur la souveraineté.
01:43 Qu'est-ce qu'on entend par la souveraineté et donc qu'est-ce qu'on attend de l'agriculture.
01:47 Et puis les articles de simplification à la fin du texte.
01:49 Monsieur le ministre, précisément, c'est-à-dire en termes de quelle vision le gouvernement
01:53 a-t-il de l'agriculture et quelles sont les conséquences de la simplification, est-ce
01:59 que les grandes exploitations et notamment les céréaliers en sortent vainqueurs ? C'est
02:04 vraiment la critique qui revient le plus.
02:07 Est-ce que ça favorise une vision productiviste de l'agriculture ?
02:10 J'entendais ça sur votre antenne ce matin.
02:12 J'ai du mal à discerner, mais je vais relire le texte qui a été adopté hier dans les
02:16 45 articles qui accréditerait la thèse que c'était une loi pour les gros céréaliers
02:22 comme on dit.
02:23 Par exemple, le texte facilite les grands projets.
02:25 On va donner des exemples très concrets.
02:27 La construction des retenues d'eau, l'agrandissement des élevages qui seront désormais plus simples
02:31 puisque les recours administratifs, les contentieux vont être accélérés et vont être restreints.
02:36 Est-ce que vous n'avez pas entendu les alertes du Conseil d'Etat à ce sujet ?
02:40 D'abord, premier sujet, ce n'est pas les grands projets, c'est les projets de retenues
02:44 collinaires qui sont parfois et souvent pour de petites exploitations.
02:48 L'objectif, ce n'est pas d'en rabattre sur les nécessités environnementales, les
02:53 études d'impact.
02:54 Simplement, c'est quand vous êtes éleveur ou quand vous êtes producteur et que vous
02:57 avez besoin, y compris pour faire du maraîchage, d'avoir une retenue collinaire, si on vous
03:01 donne entre 3 et 7 ans pour que votre projet aboutisse compte tenu des contentieux, vous
03:05 abandonnez.
03:06 C'est ça ce qui se passe.
03:07 J'étais l'autre jour dans le Finistère où il n'y avait plus un projet d'élevage.
03:12 Ce n'est pas un projet d'agrandissement, c'est un projet d'un jeune.
03:13 Avec centrui, ce qui n'est quand même pas, me semble-t-il, un élevage hyper industriel
03:18 qui n'avait pas pu s'installer 7 ans plus tard.
03:21 Bon, on a fait ça.
03:23 Donc, il est un objet de tenir compte des questions environnementales parce qu'on a
03:28 besoin d'études d'impact, on a besoin de voir ce que ça donne, mais on a besoin de
03:30 faire dans le fond.
03:31 Quand c'est oui, c'est oui, quand c'est non, c'est non, mais vite.
03:33 Les haies, parce que c'est une question cruciale.
03:35 Les haies.
03:36 Supprimer les haies, déplacer les haies.
03:37 Jusqu'ici, les démarches étaient multiples, elles étaient complexes.
03:40 Désormais, un guichet unique.
03:41 Moins de paperas, qui en s'en regagne ?
03:43 Elles étaient tellement efficaces, ces mesures-là, que c'était 20 000 km linéaires de haies
03:46 qui disparaissaient chaque année.
03:47 On avait sans doute la réglementation la plus compliquée du monde.
03:50 Donc, ça ne marchait pas.
03:52 Par ailleurs, on met 100 millions d'euros chaque année, c'est dans le budget du ministère
03:57 de la Culture, c'est moi qui les souhaitais parce que c'est un peu une obsession chez
03:59 moi, chez la haie.
04:00 Certains disent que c'est une obsession et que j'en fais trop sur la haie.
04:03 On peut avoir des obsessions, ce n'est pas une obsession malsaine.
04:06 D'autres vous répondent que les grands céréaliers aussi ont des obsessions sur les haies parce
04:09 qu'ils ont besoin d'agrandir.
04:10 Mais il n'y en a pas dans les pleines céréalières.
04:12 L'objectif, c'est qu'on ait et qu'on ne soit pas dans un process où quand on plante
04:15 une haie, le premier réflexe qu'on a, c'est que les ennuis, pour ne pas prendre un autre
04:19 mot, commencent.
04:20 Et que quand on a une haie, on se dit "j'ai une haie, c'est bien parce que la haie, c'est
04:24 bien pour la biodive, c'est bien pour l'eau, c'est bien pour les sols, c'est bien pour
04:26 le climat, c'est le stockage carbone, etc."
04:29 Mais si vous passez votre temps à dire à quelqu'un "quand tu plantes une haie, la
04:32 première chose qu'on va faire c'est ennuyer", je répète pour ne pas employer un autre
04:36 mot, et bien vous ne plantez pas de haie parce que personne ne peut obliger quelqu'un à
04:40 planter des haies.
04:41 Donc on a fait un mécanisme dans l'AIEC avec un guichet unique de faire en sorte qu'on
04:44 a 14 réglementations sur la haie.
04:46 Donc vous plantez une haie, vous ne savez pas à quoi…
04:48 Oui, Dominique Seux, c'était passionné pour le sujet pendant la crise des agriculteurs.
04:52 Les espèces protégées, Marc Fesneau, parce que là aussi ça secoue beaucoup.
04:56 On reconnaît un droit manifestement à l'erreur aux agriculteurs lorsque des espèces protégées,
05:01 des oiseaux, des gibiers, des grenouilles ou leur habitat naturel sont atteints, sont
05:04 abîmés, sont détruits.
05:05 On crée une sorte de présomption de non-intentionnalité si j'ai bien compris.
05:10 Est-ce que c'est supposer l'innocence a priori ? Est-ce que ça ne risque pas de
05:14 tourner à l'impunité ?
05:15 C'est le droit français.
05:16 Non, mais ça c'est le droit français.
05:18 Tout justiciable, il est présumé innocent, il n'est pas présumé coupable en France.
05:22 Or, le mécanisme était celui de suivant, c'est qu'on commençait par préjuger
05:28 d'une intentionnalité, ce qui donnait lieu à des procédures qui étaient extrêmement
05:33 lourdes pour des gens dont on ne savait pas à issue s'ils étaient intentionnels.
05:36 Donc on ne remet pas en cause la question intentionnelle ou non.
05:39 On ne remet pas en cause cette question-là.
05:40 On dit simplement qu'on juge et qu'on jauge la gradation des peines en fonction de l'intentionnalité.
05:45 Quand vous avez un acte qui est un acte non-intentionnel, il n'est pas normal, me semble-t-il, que
05:50 la peine soit la même que pour quelqu'un qui sciemment, y compris parfois en récidive,
05:55 acte l'intentionnalité.
05:56 On n'en rabat pas non plus, je répète.
05:58 On a eu des débats assez nourris sur ce sujet-là.
06:00 Très nourris ! Vous voyez la colère que ça fait monter, les critiques que ça suscite.
06:04 Quand Delphine Bateau, qui est députée écologiste, dit « c'est un permis de détruire la nature
06:10 ».
06:11 Ça n'est pas un permis de détruire la nature, parce que ça voudrait dire qu'on
06:13 donnerait le droit à ceux qui intentionnellement détruisent la nature.
06:16 Et vous me trouverez dans le texte, ceux qui intentionnellement détruisent la nature et
06:20 qui ne seraient pas confrontés à la justice.
06:21 En tout cas, en cas de négligence grave, plus sanction pénale.
06:24 La négligence grave est une question, effectivement, on verra dans la navette.
06:28 Parce que je pense que la question de la négligence grave, ce n'est pas la non-intentionnalité
06:31 de la négligence grave.
06:32 La négligence grave, c'est « je m'en fiche ».
06:34 Ce qui n'est pas pareil que « je ne savais pas vraiment » ou « je n'avais pas vu
06:37 que je produisais cet acte-là ».
06:38 Vous avez des gens, l'autre jour on me le signalait, qui ont pu mettre des produits
06:43 phytosanitaires sur ce qu'ils pensaient être un fossé et pas un cours d'eau.
06:46 Bon, de bonne foi, manifestement.
06:48 Des gens qui n'ont jamais eu de problème avec qui que ce soit, y compris la police de
06:52 l'environnement, dont on a aussi besoin pour faire respecter la loi.
06:56 Ce n'est peut-être pas pareil que celui qui le fait exprès.
06:58 Peut-être qu'on peut distinguer dans la société française, y compris chez les agriculteurs,
07:02 ceux qui font des actes intentionnels et ceux qui ne le font pas.
07:05 400 000 exploitations agricoles, c'est votre objectif.
07:08 Et 500 000 exploitants qui travaillent sur ces terres d'ici 2035.
07:13 Est-ce que c'est un chiffre magique, sachant que, vous l'avez dit, la moitié des agriculteurs
07:17 auront atteint l'âge de la retraite dans 10 ans, que le nombre d'exploitations a
07:22 lourdement baissé ? Comment vous incitez les jeunes à s'installer ?
07:25 Alors c'est la question de la rémunération.
07:27 C'est la question de l'image du métier.
07:29 Moi je m'attache à essayer de donner une image du métier qui soit pondérée.
07:33 D'abord c'est ma nature plutôt.
07:34 Là c'est les critiques de la droite.
07:35 Les critiques de la droite dites que le texte est trop faible sur la dignité, sur le revenu,
07:39 sur l'image.
07:40 Non, sur la dignité, je ne crois pas.
07:41 Je pense qu'on a essayé d'avoir un débat.
07:42 Sur le revenu, on a les lois Egalim.
07:44 Il ne faut les pas refaire.
07:45 Ce n'était pas l'objet du texte pour les raisons que je viens d'évoquer.
07:47 Il ne faut pas les refaire sans aucun...
07:48 Donc ça viendra ?
07:49 Ça viendra dans l'été, comme conformément à ce qu'on a dit.
07:51 Trois, il faut essayer de leur simplifier l'avis.
07:53 De faire en sorte que ceux qui ont des projets puissent les porter.
07:56 Et puis quatre, on n'en a pas beaucoup parlé, mais c'est un élément très important pour
08:00 moi, il faut qu'on assume les transitions.
08:02 Le système sur lequel les agriculteurs seront à être appelés à s'installer et à produire,
08:07 c'est un système sous des règlements climatiques entre 1 et 4 degrés.
08:10 Et je vois tous les jours des exploitations qui sont en situation d'impasse.
08:12 Donc ceux qui disent qu'il n'y a pas de transition à faire se trompent.
08:15 Il y a eu des débats avec l'extrême droite sur ce sujet-là.
08:17 C'est une erreur de faire croire qu'un à quatre degrés, moi je le vois tous les jours
08:20 dans les fonctions que j'exerce, des gens qui sont en situation d'impasse, qui ne peuvent
08:24 plus produire.
08:25 Et donc ça prouve bien d'ailleurs que la transition et la production, ça peut se combiner.
08:28 Marc Fesneau, je ne résiste pas, vous êtes du modem.
08:31 François Bayrou, Yalkoz vient de le rappeler, disait à notre micro dimanche "je plaide
08:36 pour qu'à partir du 10 juin, on dessine un paysage politique nouveau".
08:40 Et vous, vous plaidez pour un paysage politique nouveau ?
08:44 Oui, mais sans faire de jeu de mots, ce n'est pas très nouveau comme modem.
08:49 On pense qu'il y a un moment où on a besoin de dépasser un certain nombre de clivages.
08:53 J'ai essayé de le faire d'ailleurs sur ce texte, sans revenir au texte lui-même.
08:57 Je pense qu'il y a un moment, est-ce qu'il y a des sujets sur lesquels on ne pourrait
08:59 pas essayer de trouver un terrain de compromis, un terrain d'entente, compte tenu des défis
09:03 internationaux, européens.
09:04 Donc ça veut dire un remaniement ?
09:05 Ça c'est l'écume des choses.
09:07 Le remaniement, alors on peut en être tous victimes d'un remaniement, mais ça c'est
09:10 plutôt l'écume des choses.
09:11 Le sujet c'est quels sont les grands sujets qu'on a à traiter et est-ce qu'on peut
09:14 essayer, entre républicains si je peux dire, de trouver des terrains d'entente.
09:17 Merci Marc Ferrand.

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