• il y a 10 mois
L'essayiste et enseignant à Sciences Po David Djaïz va publier "La Révolution obligée". Un ouvrage ancré dans l'actualité, où il donne des pistes pour répondre à la colère des agriculteurs, et dans le même temps, poursuivre la nécessaire transition écologique. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-29-janvier-2024-5813737

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00:00 Avec Léa Salamé, nous recevons ce matin un essayiste ancien, conseiller à l'Élysée,
00:05 chargé du CNR, le Conseil National de la Refondation, auteur avec Xavier Desjardins
00:11 de « La Révolution Obligée » chez Alari Éditions, livre qui sera en librairie le
00:16 1er février.
00:17 Questions, réactions, amis auditeurs 01 45 24 7000 et applications France Inter.
00:25 David Jaïz, bonjour.
00:27 Bonjour.
00:28 Bienvenue à ce micro, on vous avait reçu pour vos deux précédents livres, remarqué,
00:33 « Slow Democracy » en 2019 et « Le Nouveau Modèle Français » en 2021.
00:39 En fin de semaine donc, paraît ce nouvel essai « La Révolution Obligée », coécrit
00:45 avec le géographe Xavier Desjardins.
00:48 Cet essai dense, précis, prospectif mais aussi d'une actualité brûlante a pour sous-titre
00:53 « Réussir la transformation écologique sans dépendre de la Chine et des États-Unis ».
00:59 Il se veut un mode d'emploi pour réussir la transformation écologique qui, selon
01:04 vous, n'a pas commencé, sans provoquer la colère des peuples, des classes moyennes
01:10 et des agriculteurs.
01:11 Éviter cette colère, c'est LA grande question aujourd'hui, selon vous ?
01:16 Bien sûr, et c'est ce qu'on voit avec le mouvement des agriculteurs.
01:19 A chaque fois qu'on va prendre des mesures de transition écologique qui ne sont pas
01:22 concertées, qui ne sont pas négociées, on va déclencher des mouvements sociaux.
01:26 On l'a vu avec les Gilets jaunes, on le voit en Irlande en ce moment dans les campagnes
01:30 avec le chauffage à la tourbe, on le voit en Allemagne avec les chaudières au gaz
01:34 et au fuel, on le voit partout dans nos campagnes en Europe.
01:38 Et ce n'est probablement que l'apéritif.
01:40 C'est-à-dire que si nous continuons comme ça, nous allons provoquer un embrasement
01:44 social et nous aurons échoué dans le défi du siècle qui est de réussir la transition écologique.
01:49 On va venir au fond de votre livre, solutions que vous donnez pour réussir cette transition
01:54 écologique et ce qui est très intéressant dans le livre, c'est que vous faites les
01:56 comparatifs, vous êtes allé étudier les modèles chinois et les modèles américains
01:59 et vous montrez bien ce qu'on devrait faire et vous allez nous donner des exemples précis.
02:03 Mais aujourd'hui, l'actualité, ce sont donc les agriculteurs qui arrivent à Paris,
02:07 qui ont prévu d'entamer un siège de la capitale après une semaine de tensions et
02:11 de blocages.
02:12 Êtes-vous surpris par l'ampleur de ce mouvement ? Est-ce que sans démagogie, vous comprenez
02:17 leur colère ?
02:18 Par l'ampleur, oui.
02:19 J'étais vendredi avec des maraîchers à Perpignan qui eux-mêmes étaient complètement
02:23 étonnés qu'il y ait une telle convergence de toutes les professions agricoles, les viticulteurs,
02:27 les maraîchers, les éleveurs, les horticulteurs.
02:29 C'est vraiment du jamais vu depuis très longtemps.
02:31 Ensuite, pas surpris par le mouvement lui-même, vous savez, un agriculteur, c'est un entrepreneur.
02:36 Il a des charges, il fait face à une inflation énergétique, il fait face à des charges
02:42 sur les intrants qui augmentent et il a des recettes.
02:45 Et ces recettes, elles n'augmentent pas parce que les prix sont en permanence écrasés,
02:49 qu'on veut payer la nourriture au prix le plus bas possible.
02:51 Et puis, on déverse sur lui un tombereau de normes.
02:54 Alors, évidemment, les normes sont souvent nécessaires pour faire évoluer certaines
02:58 pratiques, mais on ne peut pas faire porter sur les seuls producteurs agricoles qui sont
03:03 le maillon le plus vulnérable de la chaîne agricole et alimentaire, le poids de toute
03:07 la transformation.
03:08 Il faut le faire porter par qui ? Par les distributeurs ? Par les consommateurs ? Par
03:12 nous ?
03:13 Bien sûr, il y a des vendeurs de semences qui sont des immenses entreprises, il y a
03:15 des vendeurs de phytosanitaires, il y a des industriels, il y a des distributeurs et bien
03:18 sûr, il y a des consommateurs.
03:20 Aujourd'hui, si on veut transformer l'agriculture, il faut qu'on fasse évoluer toute la chaîne
03:25 de valeur.
03:26 Donc les agriculteurs, ce qu'ils nous disent, c'est un cri.
03:28 C'est un cri qu'il faut entendre et c'est un mouvement qui est vivant et qui est vital.
03:31 Vous entendez les cris des agriculteurs, mais est-ce que vous entendez aussi la petite musique
03:35 ? Est-ce que vous la cautionnez, cette petite musique qui oppose les agriculteurs et les
03:38 archéologistes ? Est-ce qu'on est à un point de rupture à votre sens ou est-ce que
03:43 c'est un peu trop facile de faire porter le chapeau aux écologistes ?
03:47 D'abord, je constate que les écologistes, ils ne gouvernent pas dans beaucoup de pays
03:50 ni dans beaucoup d'endroits en Europe.
03:52 Donc c'est un peu facile de les accuser de mots alors qu'ils ne sont pas au pouvoir.
03:57 Ensuite, moi je crois que ce face-à-face entre agriculteurs et écologistes est complètement
04:01 arbitraire et idiot.
04:02 Parce qu'en réalité, ce qui manque aujourd'hui à l'agriculture, c'est un grand projet
04:06 aussi puissant que celui de la modernisation qui a transformé l'agriculture dans les
04:11 années 1960, qui a eu des bons côtés puisqu'on a assuré la souveraineté alimentaire, on
04:16 a été performant à l'export, on a eu de la qualité, on a amélioré la qualité.
04:20 Et puis il y a eu des mauvais côtés aussi puisqu'on a en partie pollué, détruit
04:24 l'environnement.
04:25 Aujourd'hui, l'avenir de l'agriculture, c'est une agriculture à haute valeur environnementale,
04:30 sociale et productive.
04:31 C'est-à-dire qu'il faut réconcilier les trois dimensions.
04:33 Il faut que les agriculteurs puissent vivre.
04:35 Ils n'entendent pas ça, les agriculteurs.
04:37 Les trois mots que vous venez de prononcer.
04:42 Haute valeur.
04:43 Je ne suis pas d'accord avec vous.
04:44 Vendredi à Perpignan, je reprends cet exemple, il n'y avait pas un seul agriculteur avec
04:48 qui j'ai discuté qui n'était pas hyper conscient de l'urgence de la crise écologique
04:51 pour une simple et bonne raison, c'est qu'il la subissent les premiers.
04:54 Les rendements s'effondrent dans les cultures céréalières à cause de la sécheresse.
04:58 On manque d'eau partout.
05:00 Dans les Pyrénées-Orientales, la situation va être absolument dramatique et on n'est
05:03 qu'au mois de février.
05:04 Fin janvier.
05:05 Donc vous voyez bien que les agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement
05:09 climatique.
05:10 Mais il faut arriver à articuler un projet global.
05:12 On ne peut pas simplement dire qu'on fait tomber des normes sur les gens pour curer
05:16 les fossés, pour entretenir les haies, sans expliquer vers quel projet on va pour l'agriculture
05:21 et sans surtout redonner du sens au métier d'agriculteur qui est tout simplement en
05:26 train de disparaître.
05:27 Je vous ferai remarquer qu'il y avait 2,5 millions d'agriculteurs exploitants en 1955,
05:31 1,5 millions en 1982, aujourd'hui c'est 380 000 et on a 50% des agriculteurs qui
05:38 partiront à la retraite dans 10 ans sans forcément être sûr de pouvoir transmettre
05:42 leur exploitation.
05:43 Donc il y a un vrai malaise existentiel.
05:44 David Jays, Gabriel Attal a sorti la lance à incendie, simplification administrative
05:50 pour les agriculteurs, respect de la loi EGALY, mais il est surtout revenu sur la hausse de
05:54 la taxe sur le GNR, le gazole non routier qui avait été annoncé par le gouvernement
05:59 en début d'année en expliquant que c'était une fiscalité brune et donc mauvaise pour
06:05 l'environnement.
06:06 Donc pas de hausse sur le GNR.
06:08 Vous le disiez vous-même, vous faisiez le rafraîchement avec les Gilets jaunes et l'abandon
06:14 de la taxe carbone.
06:15 Mais à un moment, est-ce qu'il ne va pas falloir y aller ? Parce que les rapports du
06:19 GIEC s'entassent les uns sur les autres, se répètent, disent tous la même chose.
06:25 Alors quoi ? On reporte à l'infini les décisions
06:28 douloureuses.
06:29 Quel va être le chemin ?
06:31 Mais bien sûr qu'il faut y aller, mais la question c'est comment ? Et aujourd'hui
06:34 on le fait n'importe comment.
06:36 C'est-à-dire que c'est toujours la même histoire qui se rejoue.
06:39 On fixe un objectif chiffré, le plus loin possible dans le temps.
06:43 Par exemple, zéro artificialisation nette pour la construction de logements.
06:47 Ou diviser par deux les produits phytosanitaires.
06:49 On n'a rien négocié, on n'a fait aucune étude d'impact, on n'a pas réfléchi
06:53 au nouveau modèle.
06:54 Ça commence à s'appliquer, ça devient mordant dans la réalité.
06:57 Les gens se révoltent, et les gouvernements démocratiques qui évidemment n'ont pas
07:00 envie d'endosser l'impopularité, ils reculent, soit en suspendant, soit en abandonnant.
07:05 Et qu'est-ce qu'ils font ? Ils font des chèques qui coûtent des dizaines de milliards
07:08 d'euros aux finances publiques.
07:09 Donc on perd sur tous les tableaux.
07:11 On a une inflation des dépenses, on ne tient pas les objectifs écologiques et on mécontente
07:15 les populations.
07:16 Il faut radicalement changer de méthode.
07:18 Je pense, pour ma part, que ce qui compte c'est de faire d'abord les carottes et
07:23 ensuite les bâtons.
07:24 Le problème de l'Europe aujourd'hui c'est qu'on pose un gros bâton sur la table,
07:27 on dit "vous allez voir ce que vous allez voir".
07:29 Il faut vous transformer par voie de décret, par la norme.
07:31 Les gens se révoltent et ensuite on range le bâton dans le tiroir et on sort des petites
07:36 carottes.
07:37 Mais donc la formule du Green Deal, puisqu'au cœur des protestations, au cœur de la colère,
07:41 il y a ce Green Deal dont vous parlez énormément dans votre livre, je précise, ce grand plan
07:45 de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d'ici 2030.
07:48 Ça c'est l'objectif.
07:49 Ce Green Deal, il est trop ambitieux à vos yeux ? C'est trop le bâton et pas assez
07:55 la carotte ce Green Deal ? C'est quoi son défaut, son problème ? Il faut y revenir,
07:59 il faut l'abandonner, il faut le détricoter ?
08:01 Alors là il faut faire attention parce qu'on va avoir un mouvement démagogique, ça va
08:05 être haro sur le bodé, tout le monde va tirer sur le Green Deal.
08:08 Le pacte vert c'est très facile, c'est très pratique, c'est la technocratie bruxelloise.
08:12 Avec mon co-auteur Xavier Desjardins, nous disons une chose très simple, c'est que
08:18 ce Green Deal, son ambition est la bonne puisque tout simplement son ambition c'est de sortir
08:22 des énergies fossiles, c'est de retrouver les limites planétaires.
08:26 Et au fond, les Chinois et les Américains, ils sont en train de faire un Green Deal aussi
08:30 en ce moment, puisque les Chinois ont annoncé qu'ils seraient à la neutralité carbone
08:34 en 2060.
08:35 Le problème du Green Deal c'est un problème de méthode.
08:37 Premièrement, un objectif chiffré, zéro émissions de carbone, ça ne fait pas un projet
08:42 de société.
08:43 Ce n'est pas avec ça qu'on construit une société désirable et qu'on agrège une
08:46 coalition de gens pour réussir la transition écologique.
08:49 Donc il faut qu'on soit capable de dire, pas seulement on va faire zéro émission
08:52 nette ou zéro artificialisation, mais quel projet on veut pour l'agriculture de demain,
08:56 pour avoir des agriculteurs fiers de leur travail et qui produisent pour l'industrie,
09:01 pour la société en général.
09:02 Deuxièmement, ce Green Deal a été conçu en silo, c'est-à-dire qu'il y a la politique
09:07 environnementale avec plein de règlements sur les carburants, sur l'aviation, sur
09:10 les sols, sur les haies, sur tout et n'importe quoi.
09:13 - L'élimination des voitures diesel d'ici 2035, hausse des parts de bio à 25%, réduction
09:21 de moitié de l'usage des pesticides en 2030, c'est que des règles en fait.
09:24 - Oui mais ça tombe sur les agriculteurs, donc c'est évidemment des charges supplémentaires.
09:28 Mais dans le même temps, on continue à négocier des accords de libre-échange avec le Mercosur
09:32 ou avec la Nouvelle-Zélande et on a des centaines de milliers de tonnes de viande, de porc,
09:37 de bœuf ou de tomates pleines de pesticides qui arrivent sur nos marchés.
09:40 Ça n'a aucun sens, il faut remettre en cohérence la politique environnementale, la politique
09:45 commerciale, la politique budgétaire.
09:47 - Donc il ne faut pas signer le Mercosur, c'est en train d'être négocié là.
09:50 - Il ne faut pas signer le Mercosur, non, non, non.
09:51 - Avec l'Amérique latine.
09:52 - La position française est la bonne, il faut arrêter cette folie.
09:54 Sur les règles budgétaires, les ministres des Finances européens à la fin de l'année
09:59 ont raté une bonne occasion de réussir la transition écologique.
10:02 On s'est mis d'accord sur un cadre qui en gros reconduit à peu près les mêmes règles
10:06 3% de déficit, 60% de dette d'avant la crise du Covid, en ayant juste complexifié un peu
10:11 les choses.
10:12 Mais avec ce système, on ne réussira pas à financer la transition.
10:15 Donc c'est très bien d'avoir un Green Deal avec plein de normes, mais si on ne met pas
10:19 en cohérence avec le commercial, le budgétaire, le monétaire, on n'y arrivera pas.
10:23 Et puis la dernière chose, vous l'avez dit dans votre question, un catalogue de normes
10:28 et de taxes ne fait pas un projet de société.
10:31 - Alors ça on va y venir.
10:32 Une dernière question tout de même sur les élections européennes de juin prochain.
10:35 Vous écrivez qu'elles seront décisives pour la transformation écologique de l'Europe
10:40 et que, je vous cite toujours, le plus grand risque est qu'elles portent au pouvoir une
10:45 majorité conservatrice, libéraux, PPE, parti nationaliste, qui fera du détricotage du
10:51 Green Deal une priorité de la législature 2024-2029.
10:55 Le Green Deal européen est menacé aujourd'hui, qu'importe les défauts que vous avez pointés ?
11:01 - Bah évidemment, d'abord il est en état de mort clinique depuis l'été 2023 puisqu'il
11:05 n'y a plus aucune législation qui passe.
11:06 La méthode, on le voit, n'est pas la bonne.
11:09 Mais moi je n'arrive pas à me satisfaire de sa mort lente.
11:13 Il faut absolument un nouveau Green Deal, un nouveau pacte vert avec un vrai projet
11:18 pour l'industrie et un vrai projet pour les classes moyennes.
11:21 Et c'est la raison pour laquelle, par exemple, dans ce livre, nous proposons la création
11:24 d'un pass climat qui serait une sorte de compte de transition qu'on donnerait à chaque
11:29 citoyen européen et qui lui permettrait de voir l'ensemble des dépenses écologiques
11:32 auxquelles il doit faire face.
11:33 - Ça veut dire ?
11:34 Je veux donner un exemple précis.
11:35 Ce serait comme le pass culture où on aurait un montant pour changer nos fenêtres, pour
11:39 changer nos voitures, etc.
11:41 Chaque citoyen européen aurait ça ?
11:43 - Le pass culture, tout le monde s'en moquait, c'est un grand succès.
11:45 Là, on aurait à la fois les fenêtres, la rénovation du logement, l'achat de la voiture
11:49 électrique, le changement de la chaudière au profit d'une pompe à chaleur.
11:53 Aujourd'hui, si vous voulez, vous connaissez la galère que c'est pour rénover son logement
11:57 aujourd'hui ? Moi j'en ai fait l'expérience pas plus tard que la semaine dernière puisque
12:00 j'ai demandé des informations pour pouvoir faire une rénovation dans une maison.
12:04 Donc il y a évidemment une aide nationale qui s'appelle MaPrimeRénov', il faut faire
12:08 une visite sur site avec mon accompagnateur Rénov', ensuite il faut faire un audit énergétique
12:13 et puis il y a des aides des régions.
12:14 Et alors là, je vous le donne en mille, je vais quand même vous le lire parce que c'est
12:17 à mourir de rire.
12:18 - C'est quoi ? C'est votre devis de votre maison pour rénover votre maison ?
12:20 - C'est l'ensemble des aides auxquelles on a le droit pour rénover.
12:23 Donc il y a une aide de la région qui s'appelle, je ne mens pas, je lis ce que j'ai sous les
12:26 yeux, le chèque rénovation globale BBC.
12:29 Alors BBC ça veut dire bâtiment bas carbone, moi je croyais que c'était barbecue au départ.
12:32 Etiquette de départ G, F, E ou D, saut de 2 à 6 classes DPE avec atteinte de l'étiquette
12:38 A ou B, étude des 7 postes de travaux avec au minimum un lot isolation en biosourcées
12:43 et traitement des interfaces associées.
12:45 Et pour vérifier qu'on est éligible, contrôle de fin de chantier, test d'infiltrométrie
12:50 avec obligation de respecter une certaine valeur de parois déperditives et vérification
12:55 de l'isolation performante de l'enveloppe.
12:57 Qu'est-ce que c'est que ce délire ?
12:58 - Nous on ne comprend rien, même vous qui avez fait l'ENA vous ne comprenez rien.
13:00 - Je ne comprends rien.
13:01 - Donc bilan des courses, et j'ai plein de copains qui sont dans la même situation,
13:05 pas de rénovation thermique dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois.
13:07 Donc il faut, avec Xavier Desjardins, nous proposons la création d'un compte transition
13:13 qui serait financé en partie, on y reviendra peut-être par de l'argent européen, et sur
13:17 ce compte transition on peut à la fois voir ce qu'on va faire pour son véhicule, on va
13:22 faire la rénovation du logement, on va changer ses fenêtres, bref on peut suivre en même
13:26 temps.
13:27 - On aurait chacun un montant payé par l'Europe, payé par l'Etat, payé par qui ?
13:30 - Payé par les collectivités locales.
13:31 - Qui serait en partie financé par l'Europe.
13:33 Alors nous on propose trois solutions de financement.
13:35 De l'endettement commun, on a été capable d'aller chercher 750 milliards d'euros de
13:39 dettes au moment du Covid, je pense qu'on peut trouver l'équivalent pour réussir la
13:42 transition écologique.
13:43 Deuxièmement, les marchés des droits pollués qui vont rapporter des dizaines de milliards
13:47 d'euros, ça peut aussi contribuer au financement.
13:49 Et troisièmement, nous exhumons la proposition de Jean-Pyzani-Ferry et Selma Mahfouz dans
13:55 leur rapport, une taxation exceptionnelle des plus hauts patrimoines de plus de 10 millions
13:59 d'euros qui irait directement à l'achat d'équipements écologiques par les classes
14:03 populaires et les classes moyennes.
14:04 Donc la pompe à chaleur, la voiture, c'est un geste de solidarité et ça remet en quelque
14:08 sorte un lien fort entre le citoyen et l'Europe, ce qui nous manque profondément aujourd'hui.
14:14 - David Jay, on l'a dit avec Léa, l'aspect le plus passionnant de votre livre, c'est
14:18 que vous nous invitez à regarder des modèles comme les modèles américains et chinois
14:23 de transition écologique.
14:24 Vous dites qu'ils ont compris ce qu'il fallait faire et qu'ils l'ont compris mieux que nous.
14:28 Alors commençons par la Chine, qu'on juge pourtant comme ultra-pollueuse.
14:32 Qu'y a-t-il d'inspirant dans la méthode de Xi Jinping sur la transition écologique ?
14:38 Vous n'allez pas nous dire quand même que la Chine est un paradis écolo ?
14:42 - Alors je précise d'abord qu'il n'y a rien d'inspirant dans la méthode de Xi Jinping,
14:45 parce que si nous on a écrit ce livre, c'est justement pour que l'Europe, fière de ses
14:48 valeurs, de sa démocratie, de son état providence…
14:51 - Mais vous dites qu'ils ont fait des choses quand même !
14:53 - Mais en revanche, il faut arrêter avec ce snobisme des Européens sur la Chine, le pays
14:57 le plus pollué du monde, etc.
14:59 Certes, on autorise encore la construction de deux centrales à charbon par semaine,
15:03 mais ce pays est en train de se transformer de manière radicale.
15:07 Quelques exemples.
15:08 En 2008, il y avait 1000 km de voies de chemin de fer à grande vitesse.
15:12 Il y en a aujourd'hui 40 000 km.
15:14 On est en 2023.
15:16 Deuxième exemple, l'électricité décarbonée.
15:18 La Chine produit un tiers de l'électricité décarbonée du monde.
15:21 La Chine détient deux tiers des capacités de production des panneaux photovoltaïques.
15:26 A la fin 2023, l'entreprise automobile qui a vendu le plus de voitures électriques
15:30 dans le monde, en Chine et dans le reste du monde, ce n'est pas Tesla dont on parle
15:33 matin, midi et soir, c'est le chinois B-Way-D.
15:35 Donc il y a une révolution technologique, industrielle, extrêmement puissante qui est
15:41 à l'œuvre en Chine et qui se fait grâce à un dirigisme et une planification avec
15:45 des aspects effrayants sur le plan politique.
15:47 Ils ont par exemple mis en place, dans certaines provinces, un système de contrôle environnemental
15:52 des entreprises qui permet tout simplement de fliquer les individus et les entreprises
15:57 un peu comme le crédit social.
15:59 Donc l'écologie, en fait, la force du modèle chinois, c'est que l'écologie est enrôlée
16:04 au service d'un projet de société et je vais même aller plus loin, d'un projet national.
16:08 Il y a un concept qui est la civilisation écologique qui a été inscrite dans la constitution
16:12 chinoise qui est présentée comme une étape de développement à la fois de l'histoire
16:16 de la nation chinoise et de l'histoire du parti communiste.
16:19 Quel concept on a produit en Europe ?
16:21 Je le disais tout à l'heure, zéro émission nette, ça n'est pas un projet de société.
16:25 Donc vous dites, eux, ils créent un imaginaire collectif, ils en font une valeur, un rêve,
16:33 un objectif, la civilisation écologique et ils arrivent à emmener les citoyens avec
16:37 eux, ce que l'Europe n'arrive pas à faire.
16:39 Bien sûr et même les Américains, qui n'ont pas forcément un grand concept, depuis l'élection
16:43 de Joe Biden, Joe Biden a une formule que je trouve très forte, il dit « quand je parle
16:47 de climat, je pense emploi ».
16:48 C'est-à-dire qu'en gros, la transition climatique, c'est aussi la reconstitution
16:54 d'une base industrielle, c'est l'installation de gigafactories de batteries électriques
16:58 dans le nord des États-Unis, il y a des villes qui sont en train de renaître en ce
17:01 moment, Detroit, Cleveland, Columbus, Tulsa dans l'Oklahoma, le paysage urbain est en
17:08 train de se transformer grâce à la transition écologique.
17:11 Il crée des emplois mais ça ne convainc pas une partie de l'électorat qui pourrait porter
17:13 Trump au pouvoir, il a mis des milliards sur la table pour faire cette transition écologique,
17:18 pour faire ce grand plan dont on parle, le fameux IRA, il a créé, vous dites, il est
17:22 en train de ressusciter des villes et de faire marcher l'économie, l'économie américaine
17:25 va très bien et pourtant…
17:26 Oui, l'économie américaine par ailleurs est dans une forme olympique alors que les
17:30 États-Unis ont commencé leur transition environnementale.
17:32 Et pourtant Trump pourrait revenir au pouvoir.
17:34 Oui, mais vous savez bien qu'une élection présidentielle, ce n'est pas juste de l'économie
17:36 et de l'écologie, il y a aussi des guerres culturelles très fortes aux États-Unis en
17:39 ce moment, les questions de wokisme etc. déchirent les élites américaines et malheureusement,
17:46 effectivement, il y a un risque que Trump soit réélu, ce qui serait une absolue catastrophe.
17:50 Cependant, je suis prêt à prendre un pari devant vous à l'antenne ce matin, même
17:55 si Trump est réélu, ce que je ne souhaite absolument pas parce que ce serait catastrophique,
17:59 je suis sûr qu'il ne reviendra pas sur la politique climatique de Joe Biden, en tout
18:03 cas sur la décarbonation de l'industrie et sur les subventions qui sont données aux
18:08 industries propres.
18:10 Pour une raison très simple, c'est que ces subventions vont en priorité aux États
18:15 et aux communes désindustrialisées qui sont souvent des viviers d'électorats républicains.
18:19 Passons au Standard Inter où nous attend Nicolas, bonjour !
18:23 Bonjour !
18:24 Vous nous appelez de Brest et on vous écoute !
18:27 Oui, exactement, effectivement, je voulais demander à David Jay ce qu'il pensait d'un
18:31 système qui serait un genre de quota individuel des émissions, soit avec une limitation,
18:38 soit avec une capacité à acheter, évidemment en évitant la spéculation, mais des subventions
18:45 et des sommes de carbone, ce qui permettrait de limiter par exemple, j'en sais rien moi,
18:48 mais à 6 tonnes, 8 tonnes, 9 tonnes nos émissions annuelles et donc ça nous laisserait le choix,
18:54 on peut acheter de la glace si on a envie, on peut chauffer notre piscine si on a envie,
18:58 on peut acheter du gazouille si on a envie, mais pas tout ça en même temps la même
19:01 année.
19:02 Mais dans une enveloppe fermée.
19:03 Merci Nicolas pour cette question, David Jay vous répond.
19:06 Alors c'est évident qu'il faut décroître notre empreinte carbone, elle est aujourd'hui
19:10 beaucoup trop élevée, il faudrait arriver vers les 2 tonnes.
19:13 Je ne crois pas trop aux solutions de quota ou d'enveloppe fermée, pour une simple et
19:17 bonne raison, c'est que les efforts individuels ça compte, mais c'est pas suffisant.
19:21 Il faut aussi transformer nos systèmes techniques, il faut aussi de l'innovation, et c'est
19:26 un mélange en fait, c'est un cocktail de mesures, comme on a que 30 ans pour faire
19:29 cette révolution, parce que le cœur du livre c'est qu'on doit faire une révolution
19:32 industrielle énergétique.
19:33 Obligée dites-vous, c'est le titre du livre, cette révolution n'a pas le choix.
19:36 En moins de 30 ans.
19:37 Elle est obligée.
19:38 Mais oui, obligée pourquoi ? Parce que la différence avec la révolution du 19ème
19:41 siècle, c'est trois choses.
19:43 Premièrement, on doit changer entièrement de système énergétique.
19:45 Au 19ème siècle, on a juste introduit le charbon et on a consommé encore plus de
19:49 bois.
19:50 Deuxièmement, on a 30 ans pour le faire, pas 150 ans.
19:53 Et troisièmement, et c'est là que ça rejoint la question de votre auditeur, au 19ème
19:57 siècle, quand on est passé des malpostes au train, tout le monde a gagné en confort
20:01 matériel, donc on pouvait en quelque sorte récompenser.
20:03 Aujourd'hui, les voitures vont rester des voitures, et si on veut vraiment réussir
20:07 la transition, il vaut mieux que ça ne soit pas des tanks électriques.
20:09 Le concept de SUV électrique, pour moi, c'est une contradiction dans les termes.
20:13 Il faut des voitures plus légères, moins bourrées d'options, moins bourrées de
20:16 technologies.
20:17 Et donc forcément, on ne va pas gagner.
20:18 Donc vous voyez, cette révolution, elle est obligée pour toutes ces raisons.
20:20 Au standard, Serge, bonjour et bienvenue !
20:24 Oui, bonjour France Inter.
20:26 On vous écoute !
20:27 Alors moi, je vous ai appelé pour vous dire qu'on oppose beaucoup le monde de l'environnement
20:33 et le monde agricole.
20:34 Et ça me désole un peu parce que je suis le fruit d'un enseignement agricole, de
20:40 l'ISA.
20:41 J'ai passé un bac agricole en 1996 ou 1997, sciences et technologies de l'agronomie
20:47 et de l'environnement.
20:48 Tout ça pour vous dire qu'en fait, dans les lycées, les internats, les étudiants
20:54 en lice agricole, sont côte à côte.
20:57 Donc moi, je suis sensible à l'environnement, à l'agronomie.
21:00 J'ai des collègues qui sont devenus agriculteurs.
21:03 Je me suis moi-même installé, j'ai fait un burn-out, donc je connais le malaise agricole.
21:06 Et l'environnement, le monde de l'environnement est lié au fait dans l'enseignement agricole.
21:12 Donc on a également des techniciens d'environnement dans les parcs, les parcs nationaux, les parcs
21:15 régionaux, qui viennent de l'enseignement agricole.
21:18 Donc nous, on se côtoie.
21:19 Je ne dis pas que c'est facile tous les jours, mais on y arrive.
21:22 Par contre, ce qu'on ne comprend pas, c'est qu'on parle d'interdire le glyphosate
21:27 aux agriculteurs français qui l'utilisent comme un désherbant sélectif, c'est-à-dire
21:30 qu'il n'en rentre jamais dans la chaîne alimentaire, la plante qu'on va consommer
21:34 n'est jamais en contact.
21:35 Par contre, de notre côté, on importe des milliers de tonnes de soja OGM du Brésil
21:40 qui est copieusement arrosée de cette même molécule, qui produit de la déforestation,
21:45 du bilan carbone, on n'en parle pas.
21:47 Donc voilà, il y a des incohérences énormes.
21:48 Et ça, vous l'admettez pas.
21:49 Mais là, il y a un désespoir et une colère.
21:51 Parce qu'en fait, on fait mourir le monde agricole français pour importer cette saloperie.
21:56 Excusez-moi, je parle français.
21:57 Oui, vous avez le droit de parler et d'utiliser les mots que vous souhaitez.
22:02 Merci Serge, David Jays vous répond.
22:05 Oui, je crois que Serge a tout dit.
22:06 Je pense que cette opposition factice entre agriculture et environnement n'a pas de
22:10 sens.
22:11 Les agriculteurs sont des défenseurs de l'environnement, en tout cas ils doivent l'être.
22:14 Et effectivement, il y a des pratiques qui doivent évoluer.
22:16 Mais moi, vous voyez, plutôt que de parler des 14 réglementations qui s'appliquent
22:20 au « et », je préférerais qu'on ait des vrais débats sur comment concrètement
22:24 on transforme ce modèle.
22:25 Par exemple, dans la culture céréalière, faire plus de rotation entre le blé et la
22:29 luzerne parce que la luzerne a d'excellentes propriétés pour fixer l'azote.
22:33 Vous voyez, c'est ça les débats qu'on devrait avoir.
22:35 La France, c'est un grand pays d'agronomie.
22:36 Quand vous allez dans des vieilles bibliothèques, la moitié des livres, c'est des traités
22:39 d'agronomie.
22:40 On a complètement perdu cette culture du sol, de la terre.
22:43 J'aimerais bien qu'on la retrouve et qu'on ait un vrai débat sur l'agriculture de
22:46 demain plutôt que ceci.
22:47 On pourrait retrouver de plus en plus de jeunes qui choisissent l'agriculture, qui ouvrent
22:52 des fermes.
22:53 On pourrait… parce que là, c'est le mouvement inverse qui se fait.
22:55 Il y a moins et moins d'agriculteurs.
22:56 On pourrait imaginer redynamiser cette filière.
22:59 J'en suis sûr.
23:00 Moi, j'ai plein d'amis, j'ai 34 ans, plein d'amis qui en ont marre de leur métier
23:04 absurde où ils font des tableaux Excel toute la journée et qui rêvent que d'une chose,
23:07 c'est de se lancer dans l'agriculture.
23:08 Mais aujourd'hui, c'est très compliqué.
23:09 On est dans un système qui est à bout de souffle.
23:11 Il faut le réinventer en profondeur.
23:13 David Jays, merci.
23:15 Ce livre avec Xavier Desjardins s'intitule « La Révolution obligée ». Il est publié
23:21 chez Alari Éditions et il sera en librairie le 1er février.
23:26 Merci encore d'avoir été à notre micro.

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