• l’année dernière
Nathalie Iannetta reçoit Astrid Guyart, ancienne escrimeuse, Secrétaire générale du Comité national olympique sportif français (CNOSF), ingénieure en aérospatial à Ariane Espace, vice-championne olympique d'escrime.

Escrimeuse de ses 5 à 38 ans, Astrid Guyart a raccroché le fleuret en 2021 en annonçant sa retraite de sportive de haut niveau. Le corps qui fatigue, la préparation physique et mentale, le travail avec des professionnels de la réathlétisation ainsi que le rapport au maître d'arme sont les fondements du parcours d'Astrid Guyart, toujours revenue après des blessures ou des défaites. Malgré la nécessité de faire le deuil d'une longue carrière, sa nouvelle vie n'en est pas moins animée. Ingénieure en aérospatial chez Airbus et Secrétaire générale du Comité national olympique sportif français, elle milite pour démocratiser certains sports encore considérés comme inaccessibles notamment l'escrime qui doit se rendre plus populaire avec plus de moyens matériels et plus de formations pour les entraineurs sans toujours s'appuyer sur le monde associatif. Plus largement, elle défend le sport comme une réelle discipline qui permet de partir à sa propre rencontre, de prendre confiance en soi que la France doit considérer sérieusement.
Astrid Guyart se confie également sur les décisions qu'elle a prises pour ne pas sacrifier son désir d'être mère à sa carrière de haut niveau.

En cette année olympique, Nathalie Iannetta rejoint LCP, pour présenter une nouvelle collection de "Grands Entretiens" sur le sport, "Paroles de sportifs".

2024 année olympique, grande fête du sport dans l'écrin parisien : des femmes et des hommes incarneront le dépassement de soi, ils vont se surpasser sur les pistes, les rings, dans les bassins... et dans les fauteuils des « Grands Entretiens » de Nathalie Iannetta, ces grands sportifs qui ont connu le sommet des podiums, ou ceux qui en rêvent encore, viennent expliquer leur discipline et ses particularités, racontent leur parcours, leur détermination, leurs sacrifices pour des joies intenses. Les champions et les championnes se livrent sur la place du sport dans leur vie, les choix ou sacrifices que le haut niveau peut les amener à faire quant à leur vie personnelle, le travail d'équipe et l'importance de leur entourage. A travers ces témoignages et ces trajectoires hétéroclites, se dessinent le sens du sport et ses valeurs, qui mettent en lumière son caractère universel : "Paroles de sportifs".

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Transcription
00:00 [Musique]
00:21 Une tête, des jambes, une main de fer, Astrid Guyard.
00:25 Vous êtes secrétaire générale du comité national olympique sportif français.
00:30 Vous êtes ingénieure en aérospatial à Ariane-Espace.
00:35 Vous êtes vice-championne olympique d'escrime.
00:38 Qu'est-ce qui compte le plus, Astrid, pour vous définir dans ce CV ?
00:43 D'être bien avec moi-même, d'être alignée entre ce que je voulais faire.
00:47 Mais comment on aligne tout ça ?
00:49 Je n'ai jamais renoncé. Il paraît que choisir, c'est renoncer.
00:54 Est-ce que choisir, ce n'est pas préférer plutôt que renoncer ?
00:57 J'avais plusieurs passions, plusieurs préférences,
01:01 mais disons que je ne les ai pas mises au même moment.
01:03 C'est ce cadencement, cette intelligence dans le fait de se dire
01:06 ne pas tout faire en même temps, on risque de tout planter.
01:09 Je pense qu'il m'a permis de ne pas avoir à préférer l'un ou l'autre,
01:14 mais plutôt l'un après l'autre, ou d'avoir cette espèce d'équilibre,
01:19 typiquement entre les études d'abord, l'école d'ingénieur, la prépa,
01:24 bien sûr l'équipe de France Olympique,
01:27 ensuite mon métier d'ingénieur à Ariane Group,
01:29 avec le temps partiel, avec cette intelligence de se dire
01:32 il y aura des moments où je serai à temps plein, d'autres à temps partiel,
01:35 et parfois des moments où je serai totalement dédiée à mes entraînements,
01:38 à mes compétitions, et surtout au temps de préparation,
01:42 qualifications olympiques et Jeux olympiques,
01:45 parce qu'on le sait bien, pour atteindre le très haut niveau,
01:48 ça demande une expertise, et qui dit expertise,
01:51 dit des heures et des heures au compteur, à s'entraîner, à répéter parfois,
01:56 pour qu'après le geste se fasse avec fluidité, en automatisme.
02:00 Alors on va parler de ce geste, on va parler de ce sport si particulier,
02:05 mais d'abord, vous avez arrêté vous, ça y est, c'est fini,
02:10 le haut niveau c'est derrière vous, ça va ?
02:14 Oui ça va, ça ne vous manque pas ?
02:16 Les scrims ne me manquent pas du tout,
02:19 j'avais commencé à 5 ans et je me suis arrêtée à 38 ans.
02:22 Vous avez bien profité.
02:24 J'ai bien profité de mon sport, et puis je dois admettre que
02:27 sur la fin de carrière, il y avait quand même le corps qui fatiguait,
02:30 des blessures aux genoux, aux coudes, des opérations,
02:34 il faut revenir, on récupère moins bien.
02:37 Le doute ?
02:38 Le doute, bien sûr, parce que quand on vieillit, ça veut dire aussi,
02:41 ça c'est la loi de la jungle, le sport de haut niveau,
02:43 quand on vieillit, ça veut dire qu'il y a des jeunes aussi qui arrivent.
02:45 Alors ce n'est pas que dans le haut niveau,
02:47 mais en général, le cycle de la vie.
02:49 Nous, le temps est plus court, on est à la retraite beaucoup plus tôt
02:51 que dans la vie professionnelle.
02:53 Donc bien sûr, on est en permanence en pleine remise en question,
02:56 et puis quelque part, moi j'avais toujours le côté feu vert, feu rouge.
03:00 Je me suis toujours levée le matin, je partais à l'entraînement,
03:03 c'était complètement naturel, c'était même une évidence.
03:05 Ne pas y aller me coûtait.
03:07 Et puis à un moment donné, je sentais qu'il fallait que
03:10 j'aille chercher parfois cette motivation, alors heureusement,
03:12 il y avait les jeux, il y avait en plus le CIO qui avait remis
03:15 mon épreuve par équipe alors qu'il l'avait enlevé au moment des jeux de rime.
03:19 Vous êtes montée dans le train in extremis de cette aventure olympique à Tokyo.
03:23 Oui, absolument, parce que je me suis blessée sur cette dernière Olympiade,
03:26 et c'est vrai que c'est dur, il faut aller chercher des ressources,
03:29 il faut s'entourer différemment, parce que quand on est en fin de carrière,
03:32 ce n'est pas comme une petite jeune qui arrive en équipe de France
03:36 où l'entraîneur peut appuyer sur n'importe quel bouton,
03:38 ça fait progresser l'athlète.
03:40 Quand on arrive dans un niveau d'expertise,
03:42 c'est les petits détails qui vont faire la différence.
03:44 Donc ça veut dire qu'il faut tout individualiser,
03:46 il faut aller chercher ce qui n'existe pas pour un collectif,
03:49 parce qu'il faut faire du sur-mesure.
03:51 Et donc je suis allée m'entourer de nouvelles spécialités,
03:54 d'une danseuse, d'une chorégraphe, d'une chercheuse en neurosciences.
03:57 Bien sûr, j'ai travaillé avec des professionnels de la réathlétisation
04:00 pour prendre en compte ce corps qui était malgré tout vieillissant,
04:03 il était performant mais vieillissant,
04:05 et si je m'entraînais comme une petite jeune, j'allais tout casser.
04:08 Et donc c'est comme ça qu'on arrive finalement à aller chercher,
04:11 même sur une fin de carrière, de la performance.
04:15 C'est un sport qu'on ne connaît pas très bien, les scrims,
04:18 qu'on découvre et pour lequel on vibre en gros tous les quatre ans en France,
04:22 parce que c'est un sport olympique et la France a une grande école des scrims.
04:26 Regardez cette photo, on ne se rend pas compte
04:29 de ce dont vous venez de parler,
04:31 c'est-à-dire du côté athlétique, performant, voire artistique,
04:37 qu'exigent les scrims.
04:40 D'abord, je voudrais que vous nous parliez de votre arme.
04:43 Vous, c'est le fleuret. C'est quoi la différence ?
04:46 Et pourquoi cette arme-là plus que les deux autres ?
04:49 Alors, pourquoi cette arme-là ? Je pense que c'est une histoire de hasard.
04:52 D'ailleurs, pourquoi ce sport-là plus qu'un autre ?
04:54 - C'est un hasard. - Vous n'avez pas d'explication ?
04:56 L'explication, elle est purement logistique.
04:58 Il y en avait un à côté de chez vous, de club.
05:00 Exactement. Mon club près de chez moi, c'était un club des scrims.
05:03 Mon grand frère, Brice, champion olympique,
05:06 lui avait choisi ce sport parce qu'il avait entendu du bruit,
05:09 il avait été voir et ça ne lui avait plus.
05:11 Et pour ma mère, tout simplement mettre les deux enfants au même sport...
05:14 - C'est pratique. - Donc voilà.
05:16 Ce n'est pas un conte de fées, c'est une histoire pratico-pratique
05:19 d'une maman qui met les deux enfants au même sport.
05:21 D'accord, mais il se trouve que l'un et l'autre,
05:23 vous y avez découvert quelque chose d'unique.
05:25 On s'est épanouis parce que c'est à la fois un sport
05:28 qui a une dimension physique et énergétique très forte.
05:31 - Comment ça se manifeste ? - On est tout le temps en flexion.
05:33 Regardez, avant, arrière. On est comme sur des ressorts
05:36 pour aller chercher une mobilité avant, au moment d'attaquer.
05:38 Également, une mobilité arrière, c'est quand même un des rares sports
05:41 où on performe vers l'arrière, ce que l'être n'est pas fait pour.
05:44 Et donc, on est tout le temps en rebond avec cette flexion
05:47 et on va attaquer, donc d'un coup, on va choisir,
05:49 prendre la décision d'attaquer. - Il y a une impulsivité.
05:51 - Une explosivité. - Une puissance.
05:53 - Puissance, explosivité, précision.
05:56 Donc tout ça fait que le corps est en action
05:59 et le cerveau, il pétille, parce qu'en même temps,
06:02 on est en train de jouer avec l'autre. C'est un sport d'opposition,
06:04 c'est un sport de dialogue, on va dire, même si on a envie
06:07 de donner sa décision à l'autre. Et ça, ça fait qu'on est tout le temps
06:10 avec ses sens en alerte pour trouver le bon moment
06:12 pour justement déclencher son action.
06:14 Et donc, c'est la tête et les jambes.
06:16 Il y a à la fois la dépense énergétique, moi j'ai beaucoup d'énergie,
06:19 donc j'avais besoin quand même de quelque chose de très cardio.
06:21 - Regardez ça. Là, c'est face à votre adversaire,
06:24 c'est cette fameuse finale face à la Russie.
06:28 On voit votre adversaire, il faut faire preuve en plus
06:31 d'une souplesse hors norme.
06:33 - Alors pour le coup, la Russe, c'est beaucoup plus souple que moi
06:35 sur cette photo. - Vous le faites pas ça vous ?
06:37 - Non, je ne le fais pas. - Vous le faisiez.
06:39 - Ce qui est génial avec mon sport, c'est que quelles que soient
06:42 ses habiletés physiques, ses aptitudes physiques,
06:44 on peut créer l'escrime qui va autour de ça.
06:46 Il n'y a pas un modèle, il n'y a pas un moule.
06:48 - C'est vrai ? - Absolument.
06:50 On peut être grand, on peut être petit, on peut être très fin,
06:52 on peut être très élastique, on peut être très explosif,
06:54 très puissant, peu importe. Tu vas inventer l'escrime
06:56 qui te correspond. Et je crois que c'est aussi ça
06:59 la magie de l'escrime française, c'est pour ça qu'on a une très belle
07:01 école d'escrime, c'est qu'on part de ce qu'est la personne,
07:04 son caractère aussi. Et j'en reviens à votre première question
07:06 sur la différence des armes. Nous on a cette cuirasse électrique
07:09 qui est uniquement sur le tronc. Vous voyez que la tête,
07:12 les bras et les jambes, c'est en blanc. C'est non valable.
07:15 Si on touche ça, on ne touchera pas. - Ça compte pas.
07:18 - Donc il faut extrêmement, beaucoup de précision,
07:20 beaucoup de concentration pour loger le petit bout de sa pointe
07:23 sur cette cuirasse électrique qui est clairement en train de bouger,
07:26 est clairement hostile parce que l'adversaire n'a pas l'intention
07:28 de se faire toucher, à la différence d'une autre arme comme l'épée,
07:30 où là on est tout en blanc et on peut toucher absolument n'importe où
07:34 et c'est le premier qui touche qui a le point.
07:36 - Alors le troisième c'est le sabre. - Alors qu'au fleuret, il faut avoir
07:38 la priorité, il faut avoir la notion d'attaquant.
07:40 Donc l'épée, l'arme des chevaliers, je te touche, t'es mort,
07:43 et le sabre, l'arme des cavaliers. Donc là on va trancher,
07:46 parce qu'on sent bien qu'à cheval c'est beaucoup plus difficile de piquer,
07:49 c'est beaucoup plus simple de trancher, mais on tranche que le haut du corps
07:52 parce qu'en bas, il y a quoi ? Il y a la tête de son cheval.
07:54 Et donc dans ce cas-là, ça marche beaucoup moins bien.
07:56 - Et donc vous, vous avez commencé avec le fleuret et vous l'avez gardé.
07:59 - Je l'ai gardé parce que c'est une arme qui, déjà c'était l'arme
08:02 qui était pratiquée dans mon club du Vésiné, là où j'ai commencé,
08:05 et puis c'était à nouveau une arme que je trouve très complète.
08:08 Il y a à la fois la notion tactique, il y a la dépense énergétique
08:12 d'un sport de convention avec la notion d'attaquant.
08:15 À un moment donné, la prise de risque compte aussi,
08:19 la pression qu'on peut mettre à son adversaire,
08:22 et moi, ça me plaisait, ce côté très, très complet de mon sport.
08:26 Et voilà, et donc j'en ai jamais changé.
08:29 Et quand je me suis amusée parfois à faire de l'épée,
08:31 j'ai vu que ça ne correspondait pas à mon caractère très offensif.
08:34 Moi, j'aime la prise de risque, j'aime prendre des initiatives,
08:38 et le fleuret comme le sabre permet à ce genre de caractère de se révéler.
08:42 - Et puis il y a un truc chez les escrimeurs, c'est qu'on ne vous voit pas,
08:45 mais qu'est-ce que vous êtes bavard !
08:48 On vous entend crier et surtout les victoires
08:52 donnent un spectacle toujours le même, d'explosion de joie,
08:57 comme si cette concentration qui est nécessaire pendant le combat,
09:02 à un moment donné, on lâche tout.
09:04 On a tous souvenir de ces escrimeurs et ces escrimeuses
09:08 qui remportent un combat et un duel.
09:11 Est-ce que vous aussi, ce moment-là, cette cocotte,
09:14 au moment où vous gagnez enfin ce duel,
09:17 ça disait quelque chose de vous ?
09:19 - C'est quelque chose qu'on ne retrouve pas.
09:21 - Nulle part ailleurs ? - Ça, ça manque.
09:23 - Ouais. - Ce moment où on est tellement intense,
09:26 cette intensité, dans la présence qu'on a sur la piste,
09:30 face à son adversaire, on expulse.
09:33 Et ce n'est pas forcément que la victoire, parfois c'est que la touche.
09:35 La touche, pour symboliser à l'adversaire, ça sort tout seul.
09:39 Ça, ça veut dire qu'on est pleinement ici, maintenant, avec son adversaire,
09:42 dans ce qu'on sait faire, dans ce qu'on sait le mieux faire.
09:45 Ça, je ne le retrouve pas. Et ça, ça me manque.
09:48 - On va faire un petit deuil ? - Cette décharge...
09:50 - Il faut faire un petit deuil de ça ? - Bien sûr qu'il faut faire un petit deuil.
09:52 Bien sûr que c'est long. Bien sûr que des fois, encore,
09:54 quand je m'entends dire "j'étais escrimeuse",
09:57 il y a un petit pincement.
09:59 Mais il y a tellement d'autres choses à découvrir dans la vie.
10:01 - On va en parler de cette vie multiple, en plus, qui est la vôtre.
10:04 Il y a une relation sur laquelle j'aimerais bien vous entendre.
10:07 Il y a l'escrimeur et il y a son maître d'armes.
10:10 Ce n'est pas un coach, ce n'est pas un entraîneur.
10:12 On dit "un maître d'armes".
10:15 Racontez-nous ce qu'est un maître d'armes.
10:17 - Un maître d'armes, c'est l'enseignant,
10:20 c'est celui qui nous apprend, bien sûr, à manier les armes,
10:24 à en avoir une certaine forme de maîtrise.
10:26 Mais c'est aussi celui qui transmet les valeurs.
10:29 Les valeurs d'honneur, le code moral, on va dire, d'un sport de combat.
10:33 Et l'escrime est un sport de combat.
10:35 Bien sûr, un sport de combat qui se pratique à distance,
10:37 à distance des deux armes.
10:39 Je crois que le code éthique, le code moral des sports de combat
10:42 se retrouve aussi en escrime.
10:43 C'est à la fois un enseignant de l'arme, mais c'est aussi un éducateur.
10:47 Et ça, je pense que c'est quelque chose de très, très fort.
10:50 Parce qu'on grandit aussi grâce à un sport.
10:52 - Il y en a un qui vous a marqué ?
10:54 - Bien sûr, celui qui m'a mis le fleuret dans la main,
10:58 celui qui m'a amené à mes premières victoires.
11:00 Je me souviens encore à la Fête des Jeunes.
11:02 La Fête des Jeunes, c'est une espèce de championnat de France mini.
11:05 On est des bébés.
11:06 Mais il y a du monde, on sent que c'est important.
11:09 Et puis, voilà, on a sa première médaille qui compte.
11:12 On est championne de France et là, on se projette.
11:14 - C'est à ce moment-là que vous avez compris que vous alliez être...
11:17 Vous aviez une carrière dans ce sport ou vous l'aviez pressentie avant ?
11:20 - On ne le comprend jamais totalement, on le souhaite.
11:22 Là, ça s'allume.
11:23 Et puis, on a des référents.
11:25 Moi, j'avais Lionel Plumenaille, Franck Boisdain,
11:27 les Jeux olympiques d'Atlanta.
11:28 Ils deviendront mes coachs aussi, 15 ans plus tard.
11:30 Donc ça aussi, c'est tout un symbole d'une transmission.
11:34 Mais je ne me suis jamais...
11:36 Moi, ce n'est pas l'histoire des soeurs Williams à me dire,
11:38 très petite, je vais être championne.
11:39 Au début, moi, j'ai mes copines.
11:41 Je vais au club d'escrime parce que je me marre,
11:42 parce que je peux en eux plaisir, parce que j'ai mes copines.
11:45 J'ai mes doigts de la main, qui le sont toujours aujourd'hui.
11:48 Les amis que je me suis fait à ce club d'escrime,
11:51 c'est toujours mes meilleurs amis aujourd'hui, toujours à mes côtés.
11:54 - Parce que ça crée, c'est des valeurs de loyauté,
11:56 de solidarité infaillibles.
11:58 - C'est... On apprend à grandir ensemble.
12:01 Moi, je me souviens, je suis une enfant plutôt dynamique,
12:05 mais je n'ai pas confiance en moi.
12:07 Et le sport m'a appris...
12:09 - Heureusement, Nénang, parce que quelle carrière !
12:10 Sinon, vous auriez fait...
12:12 - Non, mais...
12:13 Et c'est vrai que j'ai appris à me connaître...
12:15 L'escrime, pour moi, ça a été un prétexte de partir à ma rencontre.
12:19 Je ne me suis pas dit, je vais être championne.
12:20 C'est venu au fur et à mesure.
12:22 J'ai vu que j'avais du talent, j'ai vu que je gagnais.
12:24 J'ai pris de plaisir à la gagne.
12:27 Ça, oui, je ne peux pas le nier, mais ça s'est construit.
12:29 - Mais ça a révélé quelque chose chez vous ?
12:31 - Bien sûr.
12:32 - En fait, je suis une gagneuse, une compétitrice.
12:33 - Oui, je peux gagner, je peux me révéler, je peux exister,
12:36 je peux prendre ma place.
12:38 Ça, c'est sûr.
12:39 Et puis, je peux être fière de moi.
12:41 La première fois que j'ai eu mon survette équipe de France.
12:43 - Alors ?
12:44 - Mais c'est magnifique.
12:46 Mais c'est magnifique, de la même façon que...
12:48 Et c'est marrant, parce qu'au moment où j'ai cette médaille olympique dans la main,
12:51 je m'aperçois du chemin parcouru.
12:53 Et je mets du temps à me l'approprier, cette médaille.
12:56 Parce qu'on en rêve.
12:58 Et on y passe des nuits, en chair.
12:59 - Parce que je ne veux pas remuer le couteau dans la vlaimme,
13:01 mais il y avait eu une marche de trop en 2012.
13:04 - De moins ?
13:05 - C'est quatrième, c'est celle qu'on ne l'a pas, ce podium.
13:08 Ce truc-là...
13:10 - C'est une cicatrice.
13:11 - Il n'est pas passé.
13:12 - C'est une cicatrice.
13:14 Et c'est pour ça que l'histoire se termine bien.
13:16 D'ailleurs, c'est quasiment la même équipe.
13:19 En 2012, Anita Blas, Isao Horatibus, Pauline Ranvier
13:22 viennent nous compléter, effectivement, au moment des Jeux de Tokyo.
13:25 Mais ça, c'est aussi une histoire.
13:27 Je trouve que c'est la belle histoire du fleuret d'âme.
13:29 Je tiens à le dire.
13:30 Moi, je viens d'une arme où on n'avait même pas le droit
13:32 de faire les Jeux mondiaux universitaires, les universiades,
13:35 parce que, soi-disant, on n'était pas assez bonnes.
13:38 Je viens d'une arme où on était méprisés.
13:42 Où on ne pouvait pas...
13:44 Où on était entraîneurs national du fleuret d'âme
13:46 parce qu'on n'avait pas réussi à voir les hommes.
13:48 Je viens d'une arme où, oui,
13:50 on nous avait même mis un entraîneur d'épée,
13:53 alors qu'on faisait du fleuret.
13:55 - Est-ce que vous pensez qu'il y a une espèce de petite revanche
13:57 à travers tout ça, pour vous, les filles ?
13:59 - Oui, en tout cas, je suis fière, aujourd'hui,
14:01 que le fleuret d'âme soit potentiellement l'arme
14:03 qui peut ramener deux fois l'Eurolympique
14:05 aux Jeux olympiques de Paris cet été.
14:07 - Elles sont là, vos copines.
14:09 C'était donc ce fameux podium de Tokyo.
14:13 Les scrims, vous l'avez dit, c'était un club à côté de chez vous,
14:17 mais ça a une image pas très populaire.
14:20 Dans certains quartiers, les enfants y pensent même pas.
14:24 À aller faire de l'escrime.
14:26 Est-ce qu'aujourd'hui, à la place qui est la vôtre,
14:29 je l'ai dit, vous êtes secrétaire générale
14:31 du Comité national olympique et sportif français, le CNOSF,
14:35 c'est aussi le rôle de personnalités comme vous
14:39 de, d'une certaine manière, casser les barrières
14:42 et de dire à des enfants qui, spontanément, vont aller faire du foot
14:46 ou de la boxe, par exemple, de casser les stéréotypes,
14:49 "Vous pouvez faire du golf, vous pouvez faire de l'escrime,
14:51 "vous pouvez faire du tennis."
14:53 Est-ce que ça aussi, ces espèces de petites bourgeoisies du sport,
14:58 vous les comprenez ?
15:00 - C'est vrai que le matériel peut être un frein à la pratique,
15:03 mais ce matériel, aujourd'hui, il est prêté encore.
15:05 - C'est important de le dire,
15:07 parce que pour des parents, c'est très effrayant.
15:09 - Absolument. On n'a pas besoin d'arriver avec l'enfant
15:11 qui a déjà son masque, son fleuret et sa tenue blanche.
15:13 - Et puis, c'est un petit côté aristocratique.
15:15 Vous le disiez, c'est les combats, c'est les duels,
15:17 comme avant, entre guillemets.
15:19 Or, ça peut être un sport populaire ?
15:21 - Bien sûr. Anita Blas, qui est ma coéquipière,
15:24 vice-championne olympique à mes côtés,
15:26 vient du club d'Aubervilliers.
15:28 Il y a énormément de clubs dans certains quartiers
15:31 prioritaires des politiques de la ville.
15:33 Par contre, c'est toujours pareil.
15:35 Il faut des créneaux, il faut des salles,
15:37 il faut des gymnases et il faut des éducateurs.
15:39 Et donc, ça passe par les brevets d'État,
15:41 ça passe par une sensibilisation.
15:43 Donc, ça, c'est extrêmement important.
15:45 Et puis, après, on ne fera rien sans infrastructure.
15:47 - Mais pour ça, il faut avoir envie
15:49 de s'inscrire dans cette logique-là
15:51 et d'avoir le sentiment d'être un peu reconnu.
15:54 Vous me voyez venir,
15:56 la reconnaissance des éducateurs,
15:58 la reconnaissance des bénévoles
16:00 dans un pays comme le nôtre,
16:02 elle n'est pas ouf, Astrid Guire.
16:04 On ne va pas se raconter d'histoire.
16:06 Il y a un problème de considération.
16:09 C'est le terme pour tous ces gens
16:12 qui font tenir le sport français.
16:14 Est-ce que vous vous sentez aujourd'hui,
16:16 encore une fois, au poste qui est le vôtre,
16:18 avec toutes les commissions d'athlètes
16:20 et aussi la gouvernance du sport français,
16:23 cette responsabilité-là, envers eux ?
16:25 - Absolument.
16:27 Le sport français tient parce que 3,5 millions de bénévoles
16:30 le font vivre au quotidien,
16:32 dans les clubs, dans l'organisation de compétition,
16:34 parce que c'est eux qui emmènent la jeunesse en déplacement.
16:37 - Oui. - Donc, on leur doit...
16:39 - Qui lavent les maillots, qui font les gâteaux
16:41 lorsqu'il y a les kermesses. - Exactement.
16:43 Et donc, on leur doit cette reconnaissance.
16:45 On doit leur permettre de se former
16:47 eux aussi.
16:49 Je sais qu'il y a des dispositifs qui existent
16:51 pour valoriser ces heures et activer des droits à la formation,
16:53 mais qui sont sous-utilisés,
16:55 parce que parfois trop complexes administrativement.
16:57 - Et méconnus. Les gens ne le savent pas.
16:59 - Absolument. Donc, il y a une forme de simplification
17:01 à permettre, justement,
17:03 pour que les bénévoles accèdent à leurs droits,
17:05 tout simplement, et en plus, à leur faire connaître.
17:07 Et ça, c'est vrai que c'est des travaux
17:09 qui sont en cours, il faut le dire,
17:11 avec le ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques.
17:13 Donc, c'est en cours pour pouvoir valoriser
17:15 cette filière qui est indispensable.
17:17 Le sport fédéré mourra
17:19 si on ne valorise pas
17:21 les bénévoles qui le font au quotidien.
17:23 - En tout cas, le système à la France, elle se mourra.
17:25 - Bien sûr, mais du coup, on passera à quoi ?
17:27 Du sport marchand ? Et le sport marchand, à un moment donné,
17:29 quand on n'a pas les moyens, c'est aussi une difficulté.
17:31 La vie associative, elle a de ça de beau,
17:33 que c'est le brassage social. C'est l'émancipation
17:35 pour tous à travers le sport, et ça, il faut absolument
17:37 ne pas le casser. Moi, je n'oppose pas les deux.
17:39 Mais je dis qu'il ne faut pas un seul modèle,
17:41 parce que le sport, il doit être accessible au plus grand nombre,
17:43 quels que soient ses revenus, quel que soit son milieu social.
17:45 Et ça, c'est les clubs,
17:47 c'est les structures associatives fédérées
17:49 qui le permettent. - Une question, quand même,
17:51 sur la place du sport en France,
17:53 parce que c'est un peu lié, en fait, à ce que nous venons de dire.
17:55 Est-ce que vous avez eu le sentiment
17:57 d'être reconnu à votre juste valeur,
17:59 compte tenu de votre parcours
18:01 en tant qu'athlète de haut niveau ?
18:03 - C'est vrai que la culture sportive
18:05 en France, on oppose toujours les deux,
18:07 la tête et les jambes, quoi.
18:09 - Alors que vous, vous êtes les deux, on l'a dit.
18:11 - Mais pas que moi. - Il n'y a pas que vous.
18:13 - Un athlète de haut niveau est extrêmement intelligent.
18:15 Il a une intelligence de jeu,
18:17 il a une intelligence de son sport, il a une maturité.
18:19 Il a une intelligence situationnelle.
18:21 - Et pourquoi on n'y arrive pas ?
18:23 Pourquoi, par rapport à nos pays,
18:25 à nos voisins, il ne s'agit pas d'aller aux Etats-Unis,
18:27 il ne serait-ce que nos voisins,
18:29 les Allemands, les Italiens, les Espagnols,
18:31 évidemment les Britanniques,
18:33 pourquoi on est si loin ?
18:35 - Ça prend un peu de temps, ça passe certainement par l'école,
18:37 je pense, la pratique du sport à l'école,
18:39 le reconnaître comme une vraie matière,
18:41 une matière pédagogique, d'autant que,
18:43 grâce au sport, on ne développe pas
18:45 que des habiletés physiques.
18:47 Je parlais tout à l'heure de concentration,
18:49 d'habilité,
18:51 d'aptitude cognitive,
18:53 mais ça, le sport permet de les développer.
18:55 - La logique, la tactique. - Exactement.
18:57 Il n'y a pas que les maths. - La tactique.
18:59 - Évidemment. - En sport, c'est très important.
19:01 - Et donc c'est nier tout un pan de développement cognitif
19:03 que permet le sport, en plus des compétences motrices.
19:05 Je veux dire, ce n'est pas pour rien
19:07 que les grandes universités américaines
19:09 reconnaissent les athlètes
19:11 qui font des compétitions à haut niveau
19:13 comme des parcours d'excellence.
19:15 - Absolument. - On doit reconnaître ça.
19:17 - C'est une discrimination positive.
19:19 On obtient des bourses au même titre qu'on est très bons
19:21 en maths ou en langue.
19:23 - Absolument. - Avec le sport.
19:25 - Il y a tellement de compétences transférables
19:27 entre ce qu'on vit en tant que sportif de haut niveau
19:29 et ce qu'on va mettre ensuite à profit
19:31 au cours d'une carrière professionnelle.
19:33 Moi, je le vois bien.
19:35 Et ayant vécu en parallèle
19:37 ces deux mondes entre Ariane Group et l'équipe de France Olympique,
19:39 c'est incroyable.
19:41 La concentration. - Même l'intuition.
19:43 - Qu'est-ce que le sport vous apporte quand vous êtes
19:45 dans vos équipes, avec,
19:47 à diriger vos équipes Ariane 5 ?
19:49 - La capacité à être dans l'instant, à être pleinement concentrée.
19:51 Évidemment, la gestion du stress.
19:53 Ça, c'est une évidence.
19:55 Je veux dire, on a été suffisamment stressés.
19:57 Quand on monte sur la piste des Jeux Olympiques,
19:59 je pense que là, la dose de stress...
20:01 - On est au max. - Voilà, on sait faire.
20:03 Mais quand on monte sur Ariane 5 ou Ariane 6, c'est stressant.
20:05 - C'est max aussi ? - C'est max aussi.
20:07 En plus, on est un peu moins moteur.
20:09 Une fois que la séquence finale est lancée...
20:11 Alors qu'au moins, quand j'avais mon fleuret,
20:13 j'étais pleinement actrice.
20:15 Pour moi, il y a une notion qui est essentielle,
20:17 c'est la notion d'intuition.
20:19 L'intuition, c'est une forme d'intelligence.
20:21 C'est une intelligence qui peut se baser sur la somme
20:23 des expériences qu'on a déjà vécues.
20:25 Quand on s'entraîne pour les Jeux Olympiques,
20:27 on répète, on s'entraîne des heures et des heures.
20:29 Cinq à six fois par semaine.
20:31 C'est plus de 30 heures, 35 heures d'entraînement par semaine.
20:35 Et puis, on va se confronter à des tonnes de situations tactiques
20:37 qui vont faire que quand ça va se présenter
20:39 lors de la compétition,
20:41 face à son adversaire,
20:43 on saura. On n'a pas besoin de conscientiser.
20:45 On n'a pas besoin de tout rationaliser.
20:47 On a rationalisé, maîtrisé
20:49 avant, quand on est à l'entraînement.
20:51 Le jour J, sur la piste, c'est là.
20:53 - Et là, on s'est fait confiance.
20:55 - Il n'y a pas besoin de savoir où c'est.
20:57 C'est stocké quelque part. Et on a juste à laisser aller
20:59 ce qu'on sait déjà. Ça, c'est ce qu'on appelle
21:01 l'intuition. Mais l'intuition, c'est une
21:03 forme de connaissance, c'est une intelligence
21:05 qu'on peut utiliser aussi dans sa vie professionnelle.
21:07 - C'est l'intelligence de la situation
21:09 versus l'intelligence analytique.
21:11 - Liée à l'expérience, exactement.
21:13 Et ce n'est pas lié à une logique, ce n'est pas rationnel,
21:15 ce n'est pas cartésien comme on l'aime et qui est rassurant.
21:17 C'est ce qu'on appelle les experts,
21:19 tout simplement, dans le monde de l'entreprise.
21:21 - Exactement. Je l'ai dit,
21:23 vous êtes donc ingénieur, vous êtes
21:25 une sportive de haut niveau, vous dirigez
21:27 une partie du
21:29 comité national olympique français.
21:31 Et puis, vous vous êtes dit,
21:33 à un moment,
21:35 il me manque un truc
21:37 et je vais faire un enfant.
21:39 Et vous l'avez dit, cet enfant, vous l'avez fait
21:41 tard. Mais
21:43 vous aviez congelé
21:45 vos ovocytes.
21:47 Ça, ce combat-là
21:49 dont on parle assez peu, en fait,
21:51 c'est aussi le vôtre.
21:53 Astrid.
21:55 - Oui, toujours sur
21:57 cette notion de choix.
21:59 - Pas tout faire en même temps. - Avoir le choix.
22:01 Absolument.
22:03 Alors, il se trouve que moi, je viens d'une génération d'athlète
22:05 où, quand j'ai commencé
22:07 à être en équipe de France
22:09 dans les années 2000, ça ne se faisait pas.
22:11 - Ouais.
22:13 - D'être maman en carrière. Sauf
22:15 quelques exceptions, et je suis obligée de citer
22:17 Laura Flessel, numéro une
22:19 incontestée de l'épée d'âme en son temps,
22:21 et qui avait réussi
22:23 à avoir un système professionnel.
22:25 C'était la seule athlète professionnelle de l'escrime dans les années 2000.
22:27 Pour le reste,
22:29 ça ne se faisait pas, et si on
22:31 commençait à penser maternité,
22:33 très rapidement, le raccourci était fait de dire
22:35 "Bon, elle est passée à autre chose.
22:37 Elle n'est plus dedans, elle n'est plus motivée."
22:39 - Et dans un système ultra-concurrentiel,
22:41 on cède sa place, et donc on la perd. - Potentiellement.
22:43 Et donc, c'est vrai qu'il y a un âge,
22:45 on va se le dire, où on récupère moins bien.
22:47 On récupère moins bien dans l'entraînement,
22:49 et donc on récupère moins bien d'une grossesse aussi.
22:51 Moi, je viens d'une génération où ça ne se faisait pas
22:53 dans mes jeunes années, et il y a eu un moment
22:55 où c'était un petit peu trop tard, à 35 ans,
22:57 de se dire "Je vais réussir à faire
22:59 un bébé, à revenir,
23:01 à m'entraîner, à me qualifier,
23:03 parce que j'étais plus numéro 1 incontesté."
23:05 Le système ne pouvait pas me garantir
23:07 qu'on allait mettre en place les moyens
23:09 et que j'allais réussir à me qualifier.
23:11 Et donc la prise de risque,
23:13 elle était beaucoup trop importante.
23:15 Par contre, il y avait une autre prise de risque,
23:17 qui était encore moins concevable,
23:19 c'était de se dire que pour une médaille olympique,
23:21 j'allais mettre en péril un projet familial,
23:23 un projet de maternité,
23:25 que je ressentais au fond de moi,
23:27 aussi fortement que je ressentais
23:29 l'envie de revenir
23:31 avec une médaille au Jeux.
23:33 Et donc, à un moment donné, en plus,
23:35 il y a le report des Jeux en 2020,
23:37 un an de plus, en fin de carrière.
23:39 - Cette année, c'était incroyable pour vous.
23:41 C'était l'année de trop, presque, ça aurait pu.
23:43 - C'était l'année de trop, de toute façon.
23:45 Mais ça aurait été encore pire
23:47 si je n'avais pas congelé mes ophocytes.
23:49 Parce que là, j'avais un choix cornélien à faire,
23:51 un choix absurde, de dire, tu choisis
23:53 entre une médaille olympique hypothétique,
23:55 parce qu'une fois qu'on l'a, on peut dire
23:57 "l'histoire est belle, je connais la fin de l'histoire",
23:59 mais sur le coup, on n'est pas encore qualifié.
24:01 Et une médaille olympique, on sait à quoi ça tient.
24:03 Le jour J, il peut se passer énormément de choses,
24:05 tout le monde la mérite. - Un petit détail.
24:07 - C'est pas une question de mérite, la médaille olympique,
24:09 très clairement. C'est des détails, aussi, le jour J.
24:11 Et puis, un enfant, c'est une question
24:13 de médaille olympique, c'est un choix.
24:15 - C'est un choix atroce.
24:17 - Et en fait, ce qui s'est passé, c'est qu'en 2018,
24:19 je me blesse aux genoux, et je sais pas pourquoi,
24:21 c'est mon caractère, ça a toujours de me dire
24:23 quand il t'arrive quelque chose, fais-en une opportunité.
24:25 Et c'est vraiment quelque chose que je cherche,
24:29 l'opportunité derrière l'incontrainte,
24:31 et donc là, j'étais contrainte, obligée
24:33 d'être opérée du genou, et donc, quelque part,
24:35 avec du temps devant moi,
24:37 je me suis dit "est-ce que ce serait pas le moment ?"
24:39 Je me suis souvenue d'une parole d'une amie
24:41 qui m'avait dit "je suis en train de faire des choses
24:43 et je suis en train de faire des choses,
24:45 et je suis en train de faire des choses,
24:47 et je suis en train de faire des choses,
24:49 et je suis en train de faire des choses,
24:51 et je suis en train de faire des choses,
24:53 et je suis en train de faire des choses,
24:55 et je suis en train de faire des choses,
24:57 et je suis en train de faire des choses,
24:59 et je suis en train de faire des choses,
25:01 et je suis en train de faire des choses,
25:03 et je suis en train de faire des choses,
25:05 et je suis en train de faire des choses,
25:07 et je suis en train de faire des choses,
25:09 et je suis en train de faire des choses,
25:11 et je suis en train de faire des choses,
25:13 et je suis en train de faire des choses,
25:15 et je suis en train de faire des choses,
25:17 et je suis en train de faire des choses,
25:19 et je suis en train de faire des choses,
25:21 et je suis en train de faire des choses,
25:23 et je suis en train de faire des choses,
25:25 et je suis en train de faire des choses,
25:27 et je suis en train de faire des choses,
25:29 et je suis en train de faire des choses,
25:31 et je suis en train de faire des choses,
25:33 et je suis en train de faire des choses,
25:35 et je suis en train de faire des choses,
25:37 et je suis en train de faire des choses.
25:39 - J'ai envie que les athlètes sachent
25:41 qu'elles peuvent utiliser ce droit,
25:43 en plus aujourd'hui, grâce à la loi de bioéthique,
25:45 c'est possible en France,
25:47 c'est remboursé par la sécurité sociale,
25:49 il faut que ça reste un choix,
25:51 j'insiste là-dessus, parce qu'il ne faut pas que ce soit imposé,
25:53 il ne faut pas que d'un coup les entraîneurs se disent
25:55 "Ah, tu peux congérer tes homicides, donc tu décales".
25:57 - Parce qu'aujourd'hui, il y a des athlètes,
25:59 vous l'avez dit, elles sont numéro 1 dans leur sport,
26:01 on pense à Estelle Mosely, on pense à Clarisse Agbé-Nienou,
26:03 certaines joueuses de l'équipe de France de football,
26:05 de hand ou de basket,
26:07 elles font des enfants pendant leur carrière,
26:09 donc, contrairement à la génération d'avant,
26:11 c'est possible, mais on offre aussi
26:13 le choix à cette même génération jeune,
26:15 tu peux aussi
26:17 attendre,
26:19 mais tranquillise-toi l'esprit,
26:21 si jamais un jour tu veux, ce sera possible.
26:23 En fait, votre vie,
26:25 ça a toujours été
26:27 le champ des possibles,
26:29 ne jamais fermer les possibles.
26:31 - C'est exactement pour ça que j'ai dit
26:33 que j'ai choisi de ne pas choisir.
26:35 J'aime que mon champ des possibles
26:37 soit le plus large possible.
26:39 Et c'est à moi
26:41 de faire mes choix, de créer les conditions
26:43 pour rendre les choses possibles.
26:45 J'aime être comme ça.
26:47 C'est pour ça que... Et ça me fait plaisir,
26:49 parce que je trouve que la vie,
26:51 il y a tellement de possibilités dans une vie.
26:53 C'est incroyable. C'est vrai que j'ai
26:55 fermé l'épisode de Astrid Lillard
26:57 et Screamers Olympique,
26:59 il y a tellement de choses devant moi
27:01 à explorer. J'ai tellement de façons
27:03 de pouvoir me redécouvrir, me réinventer,
27:05 que c'est une chance incroyable.
27:07 Et moi, j'aime ça.
27:09 Par contre, ce que je n'aime pas, c'est qu'on choisisse pour nous.
27:11 Je n'aime pas qu'on décide
27:13 ce qui est bon pour un athlète.
27:15 L'athlète sait, on est intelligent.
27:17 Laissez-nous le choix.
27:19 Et on saura ce qui est bon pour nous,
27:21 ce qui est bon pour notre performance.
27:23 - Sport français, réjouissez-vous
27:25 d'avoir Astrid Lillard
27:27 avec vous. Merci.
27:29 - Merci Nathalie.
27:31 (Générique)

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