Mardi 9 janvier 2024, SMART BOURSE reçoit Yann Cordier (Gérant de portefeuilles, Alphajet Fair Investors)
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00:10 Le dernier quart d'heure de Smart Bourg, chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:14 Le thème ce soir c'est celui de l'hydrogène et nous en parlons avec Yann Cordier qui est gérant chez Alphajet Fair Investors.
00:20 Bonsoir Yann. - Bonsoir Grégoire.
00:21 - Merci beaucoup d'être là. Vous êtes spécialiste de la gestion thématique et ESG depuis près de 15 ans maintenant je crois Yann.
00:28 Avec ce fonds donc Hydrogène 360, Alphajet, Hydrogène 360 qui est une stratégie toute récente chez Alphajet qui a été lancée en octobre 2023.
00:38 Je voulais qu'on prenne quelques minutes quand même pour faire le point justement sur l'hydrogène en tant que vecteur d'énergie,
00:47 en tant que possible carburant également. L'hydrogène ce n'est pas une ressource nouvelle évidemment dans le monde.
00:54 Qu'est ce qu'on peut dire de la ressource hydrogène et de la manière dont on est capable de l'utiliser aujourd'hui par rapport à hier et peut-être demain également Yann ?
01:03 - Très bien. En fait l'hydrogène comme vous l'avez très justement dit est produit industriellement depuis le 19e siècle donc ça n'a rien d'une nouveauté.
01:11 Mais il a des propriétés qui se révèlent particulièrement intéressantes aujourd'hui.
01:15 Tout d'abord sa densité énergétique qui est de l'ordre de trois fois plus importante que celle du pétrole.
01:20 Très concrètement un kilo d'hydrogène produit autant d'énergie que trois kilos de pétrole.
01:25 C'est déjà un premier point dans une industrie décarbonée. C'est quand même un très bon point.
01:29 Une autre chose intéressante c'est que c'est à l'heure actuelle, la combustion de l'hydrogène ne rejette pas de gaz à effet de serre
01:37 puisqu'elle produit, la combustion de l'hydrogène produit de la vapeur d'eau.
01:40 Et un autre point qui me semble particulièrement intéressant c'est qu'aujourd'hui l'hydrogène en fait c'est le meilleur moyen de stocker de l'électricité
01:48 notamment en venant d'énergie intermittente et ensuite de la restituer en quelque sorte à la demande.
01:55 Donc aujourd'hui c'est un vecteur d'énergie et peut-être comme vous l'avez dit un carburant de plus en plus intéressant
02:00 pour respecter les accords de Paris où pour être dans les clous il va falloir une multiplicité de technologies qui vont se combiner
02:08 dont l'hydrogène prendra une part à mon avis très importante.
02:11 Au regard de toutes les caractéristiques que vous décrivez vous dites que c'est impossible
02:14 quand dans le mix énergétique de main il n'y a pas une place importante significative en tout cas pour l'hydrogène.
02:20 Absolument c'est vraiment pour moi l'énergie du futur.
02:23 Alors il est vrai qu'il y a eu un petit peu d'hésitation, on l'a vu encore l'année dernière sur le thème de l'hydrogène et depuis quelques années.
02:31 L'hydrogène a encore ses détracteurs et on oppose un petit peu toujours les mêmes arguments.
02:35 Sa production est polluante, alors ça c'est vrai pour l'hydrogène gris ou l'hydrogène brun
02:43 c'est vrai que c'est aujourd'hui 95% de la production mondiale donc c'est un vrai argument.
02:48 Il y a aussi le fait de la sécurité puisque aujourd'hui on rétorque souvent que l'hydrogène est volatil, corrosif, inflammable c'est vrai
02:57 mais on n'est plus en 1937 au temps du Hindenburg où là on avait finalement l'explosion de l'hydrogène.
03:04 La catastrophe du Hindenburg ce n'est pas tellement dû à l'hydrogène que à la peinture de la nacelle qui a provoqué la propagation de l'incendie.
03:11 Donc le grand ballon dirigeable.
03:13 Voilà exactement le zèplat.
03:15 C'est vrai que ces arguments de sécurité s'entendent mais aujourd'hui il y a quand même quelque chose de très important qui se produit
03:20 c'est qu'on construit de plus en plus des réservoirs de stockage de plus en plus étanches en utilisant de l'acier, de l'aluminium, différentes résines
03:30 et en plus on est capable aujourd'hui à température ambiante de stocker de l'hydrogène sous forme solide.
03:36 Donc ça c'est quand même une vraie nouveauté.
03:39 La safety n'est plus un sujet.
03:41 Normalement ça ne devrait plus l'être.
03:43 Il faut évidemment former le personnel mais aujourd'hui la sécurité pour l'hydrogène est à peu près comparable à celle des hydrocarbures.
03:50 Donc ça ne devrait plus être un sujet.
03:52 Ce qu'on peut dire aussi c'est que...
03:55 Alors on reproche à l'hydrogène d'être c'est vrai peu présent à l'état natif.
04:00 C'est à dire qu'on le trouve dans l'eau évidemment combiné avec l'oxygène ou dans les hydrocarbures combiné avec le carbone.
04:07 La négation de le produire et d'avoir des processus de production qui ne sont pas complètement décarbonés aujourd'hui.
04:12 C'est ça. Alors pour le vapeau reformage pour tout ce qui est carboné, donc c'est 95% aujourd'hui à l'échelon mondial.
04:19 Et l'électrolyse à partir d'énergies renouvelables.
04:24 Il y a aussi quand même un événement très important qui est intervenu ces 10-15 dernières années.
04:30 C'est la découverte d'hydrogène à l'état natif.
04:32 Alors on savait qu'il en existait mais finalement on s'aperçoit que ça peut être une véritable solution à l'avenir.
04:39 Parce que l'hydrogène à l'état natif on en a découvert un petit peu partout.
04:43 On en a découvert d'abord au Mali, puis en Mauritanie, au Maroc, en Amérique du Nord, en Australie.
04:50 Alors Australie occidentale et méridionale qui sont très très à la pointe sur le sujet.
04:53 En Russie et même en France.
04:55 Vous avez dû entendre parler forcément de la méga découverte à Fauchviller en Lorraine.
05:00 Et c'est extrêmement important parce que d'un côté c'est la production locale pour des besoins locaux.
05:07 Et très bien disséminée sur la terre et même sous les océans.
05:10 Et donc il n'y a pas de risque géopolitique contrairement aux hydrocarbures.
05:13 Et d'un autre côté on s'aperçoit, les scientifiques commencent à se rendre compte, que ces champs se régénèrent au bout de quelques mois.
05:21 Ce qui fait qu'on doit complètement inverser la logique et ne plus penser finalement en termes de stock fini comme dans le cas du pétrole.
05:28 Mais en termes de flux. Et ça vraiment ça ne change plus.
05:31 Sur l'hydrogène qu'on produit encore aujourd'hui, vous dites 95% il y a de l'hydrogène gris ou brun.
05:38 Ça évolue vite ? La part d'hydrogène vert ou rose, j'ai appris qu'on appelait l'hydrogène rose produit à partir d'énergies nucléaires comme en France par exemple.
05:49 C'est ça, hydrogène rose ou jaune, ça dépend de la terminologie.
05:52 C'est hydrogène propre, il prend des parts de marché vite ?
05:58 Oui, il y a eu tellement de projets au niveau international, européen et au niveau de chaque état.
06:06 Il y a tellement d'argent qui est mis sur la table que le poids des énergies renouvelables dans la production d'hydrogène décarboné est en train de croître de manière exponentielle.
06:15 Hydrogène rose aussi, à partir de nucléaire, puisque l'année dernière l'Allemagne a consenti à s'aligner un petit peu avec la position française.
06:23 Et consente sous certaines conditions à considérer le nucléaire comme un moyen de produire de l'hydrogène décarboné.
06:31 Donc voilà, tout est en train de se mettre en place pour que la part d'hydrogène polluant se casse la figure en fait, très clairement.
06:38 À quoi sert l'hydrogène concrètement ? Dans quel type d'équipement on va retrouver de l'hydrogène ?
06:48 Soit sous forme de piles, soit en tant que carburant propre ?
06:53 Oui, il faut faire très bien de mentionner ça Grégoire, puisque effectivement, je vais citer par exemple la société brestoise EHM
07:02 qui a mis au point pour les bus des moteurs à combustion interne utilisant 100% l'hydrogène avec un haut rendement.
07:10 Donc là on ne parle plus de moteur électrique avec pile à combustible fonctionnant à l'hydrogène.
07:15 C'est encore l'étape au-dessus. Il y a énormément d'innovation.
07:18 Alors maintenant quand on parle de débouchés, il faut distinguer le court terme du moyen en terme.
07:25 On ne parle vraiment pas de la même chose. Alors à court terme, c'est surtout l'industrie qui doit faire face à une décarbonation accélérée de ses process.
07:34 Et là on peut penser à la sidérurgie, à l'industrie cimentière, à la chimie, etc.
07:39 Donc là il y a un impératif de se décarboner. Il y a aussi les mobilités lourdes.
07:43 Alors dans les mobilités lourdes, il y a le fret routier, les camions, il y a les transports en commun.
07:49 Donc je parlais des bus tout à l'heure, mais on peut parler aussi des trains.
07:52 Sur les lignes qui ne sont pas électrifiées, l'hydrogène peut constituer une très bonne alternative.
07:56 Et puis le fret maritime aussi, où il y a des impératifs très forts pour décarboner très vite.
08:04 C'est un secteur très émetteur de CO2.
08:07 Donc ça c'est plus pour le court terme.
08:09 A moyen-long terme, on a tout ce qui est transport aérien,
08:14 avec maintenant l'obligation d'utiliser des carburants décarbonés en quelque sorte,
08:20 en utilisant partiellement de l'hydrogène vert, produit de manière non-carbonée évidemment.
08:26 Alors il y a la grande question de la mobilité légère, la voiture individuelle.
08:31 Alors là, les grands détracteurs de l'hydrogène, ça c'est un petit peu Laurentienne,
08:36 c'est de leur dire "vous voyez, non, la voiture est hydrogène".
08:39 Ils sont restés bloqués là-dessus.
08:41 Et leur cadre d'investissement se réduit un petit peu à ça, pour disqualifier l'hydrogène.
08:47 Non, à l'heure actuelle, pour être très clair, boursièrement, si je joue l'hydrogène,
08:51 ce n'est pas pour ça.
08:53 C'est pour l'industrie et la mobilité lourde.
08:55 Pour les mobilités légères, en 2030, peut-être que les choses auront beaucoup changé.
09:00 Il y aura plus de stations de recharge, on aura fait des progrès en termes de rendement et d'autonomie,
09:04 ça commence déjà à être le cas.
09:06 Vous voyez, tous les "big guys" asiatiques, les Toyota, les Honda, Hyundai aussi,
09:11 très fortement, qui ont encore parlé aujourd'hui, Stellantis également,
09:15 et même les constructeurs allemands, qui voient dans l'hydrogène un moyen peut-être
09:20 de sauver la filière automobile thermique.
09:23 - Fin du moteur thermique, mais tellement à mal les filières de l'industrie automobile
09:28 que l'hydrogène peut être vu comme une porte de sortie, ou en tout cas, une soupape.
09:33 - Exactement.
09:34 - Je passe sur les moyens et les finances publiques dédiés au développement de l'hydrogène.
09:42 On sait qu'on a des grands plans de ce point de vue-là, notamment en Europe, France, Allemagne,
09:46 ils ont mis quand même des paquets de milliards sur l'hydrogène.
09:48 - Chine et États-Unis également.
09:51 - Pour vous donner une idée, la moitié aujourd'hui, à l'heure où on se parle,
09:55 la moitié de la capacité de production d'hydrogène par électrolyse, c'est en Chine.
09:59 Donc la Chine était en retard, elle est en train de brûler les étapes,
10:02 et le plan Biden aux États-Unis est en train également de faire des États-Unis.
10:05 - On retrouve sur l'hydrogène, j'allais dire, à peu près le même rapport de force
10:08 qu'on peut retrouver sur d'autres technologies ou sur d'autres sujets de transition.
10:13 - C'est tout à fait ça.
10:14 - En une minute, comment vous vous exposez stratégiquement en tant qu'investisseur gestionnaire d'actifs
10:19 à ce thème de l'hydrogène ?
10:21 Qu'est-ce qui vous intéresse et quels sont les grandes verticales que vous traitez ?
10:26 - Alors tout d'abord l'hydrogène natif, même si boursièrement il n'y a pas beaucoup de vecteurs
10:31 pour le jouer aujourd'hui.
10:32 Alors il y a quand même la Française de l'énergie, qui est une société vraiment pionnière et très bien gérée.
10:37 Donc tout ce qui est hydrogène blanc effectivement intéresse de plus en plus d'acteurs.
10:42 La production d'hydrogène vert via les énergies renouvelables,
10:45 alors on aime bien des boîtes comme NextEra par exemple aux États-Unis ou Iberdrola.
10:50 NextEra va bénéficier beaucoup du plan Biden, des crédits d'impôts absolument massifs.
10:55 On aime bien aussi tout ce qui est stockage, alors qu'il s'agisse des grands réservoirs de stockage
11:00 et là à Cocorico on a deux grands acteurs français qui sont à la pointe là-dessus,
11:04 qui construisent des gigafactories.
11:06 On a Forvia ou Plasticomium.
11:09 - Et pour ces boîtes-là, ce n'est pas des petites parts de leur activité ?
11:14 - Non, non, non, pour Plasticomium par exemple, on parle de 3 milliards de chiffres d'affaires en 2030 dans l'hydrogène,
11:20 ce qui est quand même assez considérable.
11:23 On a aussi les acteurs des gaz industriels qui produisent, qui liquéfient le gaz, l'hydrogène et qui le transportent.
11:29 C'est un maillon clé de toute la chaîne.
11:31 Là évidemment on pense à l'air liquide ou à l'Inde.
11:34 Moi il y a une boîte que j'aime bien, c'est Iwatani au Japon,
11:37 qui est une sorte d'air liquide japonais mais qui bénéficie en plus d'une impulsion gigantesque donnée par l'État japonais depuis peu,
11:43 après des années un petit peu en dormance.
11:48 Et puis évidemment tout ce qui est motorisation, aux nouvelles, puis la combustible et le fret maritime.
11:54 J'aime bien par exemple la société finlandaise Vartila qui est spécialisée dans la fabrication de moteurs pour la navigation.
12:00 Merci beaucoup Yann, merci pour ce tour d'horizon.
12:03 Alors on a fait un 360° rapide sur la question de l'hydrogène dans ce dernier quart d'heure avec vous.
12:09 Merci beaucoup d'être venu en parler.
12:10 Vous êtes gérant chez Alphajet Fair Investors, Vianne Cordier qui pilote la stratégie Alphajet Hydrogen 360
12:17 qui était l'invité de ce quart d'heure thématique de SmartBank ce soir.
12:21 Merci Grégoire.
12:22 Merci Yann.
12:23 Merci à vous.
12:24 [Musique]