Jeudi 19 septembre 2024, SMART BOURSE reçoit Irina Topa-Serry (Économiste senior émergents, AXA IM)
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00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourse chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir, c'est celui des émergents et qu'est-ce que la baisse de taux de la
00:17réserve fédérale américaine délivrée hier soir de 50 points de base change pour
00:21la sphère émergente.
00:22On en parle avec l'économiste spécialiste des émergents chez AXA-IM qui est avec nous
00:27par téléphone, Irina Topasseri.
00:28Bonsoir Irina, merci beaucoup de prendre quelques minutes pour nous dire un petit peu
00:33ce que vous en pensez du point de vue de vos émergents, comme vous dites Irina, de voir
00:38la fête démarrer avec ambition ce cycle de baisse de taux.
00:43Qu'est-ce que ça change pour cette sphère émergente ?
00:44Certes, effectivement la fête démarre un peu avec ambition, même au-delà de nos attentes
00:50de départ, mais reste à savoir si ces dotplots venaient à se concrétiser, on en est loin
00:57de tout ça.
00:58D'ailleurs les dotplots en général ne sont pas tout à fait un bon guide sur la
01:03politique monétaire à suivre, donc on va prendre notre temps pour pondérer.
01:06Le fait est que les marchés anticipaient très bien ce mouvement, donc la question,
01:10je pense, quand tu me poses la question par rapport aux conditions financières pour les
01:16pays émergents, il faut savoir combien les marchés ont déjà intégré.
01:20Maintenant de point de vue, on va dire macro, restons un peu dans la sphère macro, généralement
01:27un assouplissement de la Réserve fédérale peut être d'ailleurs inquiétant, au contrario
01:33d'un resserrement, c'est assez étonnant ce que je vais dire là, parce que l'assouplissement
01:37peut venir du fait d'une inquiétude sur la croissance.
01:40Et à ce moment-là, en tant que pays émergent, qui sont au centre du commerce mondial et
01:45du pouls de la croissance mondiale, ça peut être un point d'alerte.
01:49Ce n'est pas, aujourd'hui, comme tu le dis, c'est que la Réserve fédérale baisse
01:54les taux vite, mais en même temps, elle n'est pas tellement inquiète, on ne voit
01:57pas des prévisions de croissance chuter drastiquement, il n'y a pas, en tout cas, un atterrissage
02:04dur à prévoir aujourd'hui aux Etats-Unis, en tout cas, on n'a aucun signal aujourd'hui
02:09qui nous guiderait là-dessus.
02:10Donc c'est presque trop beau pour être vrai, donc en gros, on avait des taux réels trop
02:16élevés, donc la Réserve fédérale enlève des charges un peu de cette pression sur l'économie,
02:23puisque l'inflation arrive, atterrit gentiment sur sa cible, donc c'est plutôt presque
02:27le meilleur des deux mondes, et s'il y a un endroit, peut-être, où je pense que ça
02:32peut, effectivement, avoir un impact bienvenu, somme toute, ce n'est pas sur les grands
02:37pays émergents, mais plutôt sur les pays frontiers, parce que ceux-là, donc c'est
02:42tout ce qu'on appelle pays vulnérables, on va dire quelque chose comme ça, ce sont
02:45des pays qui, de par leur structure un peu de manque de marchés locaux, réels et profonds,
02:54ils sont souvent obligés de se financer sur les marchés externes, et effectivement ces
02:58derniers temps, ils ont profondément souffert de la remontée du coût de l'entrée en
03:02dollars.
03:03Vous avez vu les euro-bonds, les fameux titres de dette en devise dure, dollars ou euros,
03:09mais en général c'est dollars, moi j'avais regardé en 2020-2023 les émissions des
03:15euro-bonds étaient en baisse de 70 % par rapport aux deux années qui précèdent
03:19cette période, donc par rapport au pré-Covid.
03:21Donc la dette émergente est mise en euros, c'est ça Irina ?
03:25En dollars, en fait, on appelle ça des euro-bonds, mais en fait c'est en dollars, c'est en
03:30devise dure, c'est une terminologie comme ça, et ces pays-là n'ont pas pu emprunter,
03:35tout simplement c'était trop cher, et même que leur différentiel de taux est allé
03:40dans leur faveur, donc ils ont monté les taux encore plus, leurs taux sont allés encore
03:43plus loin que ceux des Etats-Unis, et bien ils ne pouvaient pas émettre, donc soit c'est
03:48trop cher pour eux d'ailleurs, parce que les Etats ne peuvent pas émettre non plus
03:50à n'importe quel prix, il faut qu'ils remboursent quand même, il faut qu'ils prennent en compte
03:53ça, et donc ils ont essayé de se débrouiller comme ils ont pu, certains ils n'ont plus
03:58pu investir localement, donc là la croissance s'est effondrée, c'est une manière, quand
04:03tu n'as plus d'argent, tu ne fais plus rien, donc ça c'était très dommageable,
04:08il y en a certains qui ont pu utiliser des réserves de change, mais ça il faut en avoir,
04:11et pas tout le monde a, plus on est vulnérable, moins on en a, et puis de toute façon plus
04:16on utilise nos réserves de change, plus cela nous met en vulnérabilité pour une prochaine
04:19fois, voilà, et puis certains ont utilisé quelques investisseurs locaux pour placer
04:25de la dette locale, mais donc cela pourrait trouver à la limite une bouffée d'air,
04:30et les bienvenus j'ai envie de dire, après plusieurs années très très difficiles depuis 2020.
04:36Pour des pays clés, comme la Chine, qu'est-ce que ça change Irina, sachant qu'on a vu quand
04:42même, c'était là aussi un des marqueurs de l'été, on a vu cette appréciation de
04:46la devise chinoise se matérialiser contre le dollar notamment.
04:49Oui effectivement, mais je ne suis pas sûre que, bon la Chine déjà, on va dire, elle
04:54a commencé à baisser les taux avant la réserve fédérale, si on parle des micro-mouvements
04:57qu'elle a fait au mois de juillet, et elle est attendue de faire bien plus, la PIB aussi,
05:01parce qu'effectivement la Chine est dans un ralentissement inquiétant, donc effectivement,
05:07est-ce que la baisse de la Fed pourrait leur donner un peu plus d'engouement ? Certes,
05:13en fait je pense que c'est ça la réponse à ta question, pour tout le monde c'est plus
05:17facile en fait, puisque voilà, on a un peu moins ces difficultés, mais je tiens à dire
05:22quand même que c'est assez frappant quand on regarde la politique monétaire des banques
05:28centrales des pays émergents et éminemment drivée par les facteurs domestiques, et
05:32en fait c'est juste la calibration qui est généralement en fonction de la réserve
05:38fédérale, et j'ai envie de dire que c'est asymétrique à la remontée des taux qu'à
05:43la baisse des taux, en fait on est plus tendu quand la Fed monte les taux, parce que là
05:47on a un gros problème de flux de capitaux, de sortie de flux de capitaux potentiels,
05:50alors qu'à la baisse, on devrait être moins tendu.
05:53D'ailleurs on voit, c'est intéressant, parce que c'est ce que je disais en introduction,
05:57hier on a quand même des décisions de banques centrales émergentes qui ont été rendues
06:00en même temps que celles que la Fed, et je vois que le Brésil monte les taux de 25
06:06points de base pour la première fois depuis une paire d'années maintenant je crois Irina.
06:10Oui, ben justement, un bon point, le Brésil est vraiment l'exemple éminent de politique
06:16monétaire menée en toute indépendance, d'abord elle démarre la remontée des taux avant
06:21tout le monde, c'est une des premières banques centrales du monde, en tout cas dans les grandes,
06:26à remonter les taux. Elle monte de 1175 points de base, elle arrive vers les 13 et quelques,
06:32je ne me rappelle plus exactement le point, et puis après elle baisse de 325 points de base,
06:36là aussi elle démarre bien avant la Fed. Donc là encore, vous voyez, le cycle est
06:40complètement décalé, donc elle peut faire ce qu'elle a envie de faire selon les curseurs domestiques.
06:48Et donc, là, trois heures après la Réserve fédérale, c'est quand même, moi j'étais très
06:52tendue, elle fait quand même ce que le marché attendait, donc elle remonte les taux d'intérêt
06:59de 25 points de base, parce que voilà, le cadrage de politique monétaire du Brésil,
07:04aujourd'hui, appelle à en faire plus, alors que le Brésil a des taux réels extrêmement élevés.
07:09Mais voilà, l'inflation a baissé pas mal, mais elle rôle un peu les 4% qui sont un peu autour
07:15de 4%, la limite, on va dire, haute de la bande de confort de la Banque centrale. Et surtout,
07:22ce qu'on voit depuis quelques temps là, depuis quelques mois même, c'est que les anticipations
07:27d'inflation sont terriblement désancrées et structurellement, en fait, il n'y a rien. Même
07:32à horizon 2027, les anticipations d'inflation ne tablent pas sur un retour vers la cible.
07:38Et ça, c'est une raison très importante.
07:40Ce n'est pas la dernière hausse de taux du Brésil qu'on voit aujourd'hui, Irina ?
07:44Ce n'est pas la première. Alors, on appelle ça un mini-cycle d'ajustement.
07:48D'accord.
07:49On verra combien, 100, 150 points de base, quelque chose dans le genre. En fait,
07:52pourquoi ça arrive tout ça est la clé de la réponse. Et je pense que pour beaucoup
07:56de pays émergents, c'est là où ça va s'articuler, c'est où se trouve votre output gap,
08:00donc l'écart de production. Tous les pays à output gap positif commencent à être tendus
08:05parce qu'en fait, ils ont quand même une pression sur l'inflation venant de la demande domestique,
08:10et le Brésil en est un. Et pourquoi il en est un ? C'est bien d'avoir une belle croissance.
08:15D'ailleurs, le Brésil va nous faire une très, très belle croissance. On a révisé
08:18maintes fois la croissance brésilienne vers la haute, donc ça marche très bien.
08:21C'est parce que son gouvernement n'arrête pas de faire de l'expansion fiscale. Et ça,
08:26c'est pas bien. Et c'est pas bien surtout pour le Brésil qui est un pays qui a une dette
08:30assez colossale et qui est attendu à commencer à faire des vraies réformes structurelles.
08:34Les comptes publics dérivent. Le déficit juste sur 12 mois, il est à 10 %, faisons simple.
08:39Donc, il faut quand même dégager des surplus primaires. Déjà, ils sont engagés à faire du
08:450 %. Ils n'y arriveront pas à mon avis. Mais de toute façon, on voit que les gens ne les croient
08:50pas. En fait, les anticipations d'inflation ne sont pas un reflet de ça. C'est qu'on ne croit pas.
08:54Il n'y a pas de confiance dans la politique fiscale. Et du coup, qu'est-ce qu'elle doit
08:58faire la Banque centrale ? Elle doit en faire plus. Bien sûr. Attention aux stratégies de fuite en
09:02avant. C'est valable pour le Brésil, mais c'est valable partout aujourd'hui, je crois.
09:07D'ailleurs, tu sais, ça, c'est quelque chose qui me fait penser. Parce que comme je disais,
09:11si je me reprends ce que j'ai dit, le Brésil monte avant tout le monde. Puis après, nous,
09:14on monte. Le Brésil baisse avant tout le monde. Maintenant, tout le monde baisse. Le Brésil
09:19monte. Je me demande si on n'est pas dans un... On ne va pas revoir ça d'ici un an chez nous,
09:24parce que vous voyez, ils ont quand même un an d'avance. Est-ce que d'ici un an,
09:28nos finances publiques vont nous laisser sereins ? Est-ce que la politique monétaire se sente
09:33à l'aise dans un cycle d'assouplissement ? Eh bien, il se trouve qu'on se rassemble.
09:37Un résultat d'élection plutôt qu'un autre peut aussi favoriser peut-être le retour de certaines
09:43pressions inflationnistes. Suivons le Brésil, alors, effectivement, pour essayer d'avoir un
09:48coup d'avance peut-être sur ce qui peut attendre d'autres banques centrales demain. Merci beaucoup,
09:52Irina. Irina Topacherry, qui est avec nous par téléphone, économiste senior émergeant chez
09:57AXA-IM, qui était l'invité de ce quart d'heure thématique de Smart Bourse ce soir sur Vismart,
10:01émission que vous retrouvez bien sûr sur vismart.fr ou encore en podcast sur l'ensemble
10:06de vos plateformes préférées.
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